Monsieur le sénateur, c’est tout le contraire ! Puisque vous m’y invitez, je vais brosser un aperçu de la situation. Notre pays, avec la Grande-Bretagne – mais elle quitte l’Union européenne –, sera celui où le paquet de cigarettes est le plus cher.
Cette différenciation culturelle, si j’ose dire, et nous en sommes fiers, permet de lutter contre le tabagisme. Malgré tout, la France est l’un des pays où l’on fume le moins, même si certaines populations, à la fois régionalisées et situées dans une tranche d’âge donnée, fument plus que d’autres. Et nous connaissons tous, je ne vous fais pas l’article, les affres du tabac sur la santé publique et la dépense sociale.
Jusqu’à présent, tous les gouvernements ont augmenté le prix du tabac, prenant même des mesures coercitives comme le paquet neutre, l’augmentation du prix étant la mesure la plus efficace pour déshabituer les Français du tabac.
Nos concitoyens ont-ils substitué des paquets de contrebande ou de contrefaçon, en raison des augmentations du prix du tabac depuis de nombreuses années, aux paquets de cigarettes achetés chez les buralistes ? Vous évoquez 25 % de tabac vendu en dehors du réseau des buralistes, selon le chiffre – je ne le conteste pas – d’une étude réalisée par un cabinet de conseil à la demande de la Fédération des buralistes. S’il est difficile de définir ce qu’est une fraude, nul ne peut contester que, en l’espèce, elle est importante.
Jusqu’à présent, le ministère de l’action et des comptes publics et le ministère des solidarités et de la santé travaillaient évidemment sur la lutte contre la contrebande et la contrefaçon, mais ils ne l’avaient pas utilisée comme un outil en faveur de la santé publique. J’ai indiqué aux buralistes que, si nous assumions pleinement l’augmentation de fiscalité, en contrepartie, nous avions décidé de déployer beaucoup plus de moyens dans cette lutte.
Oui, les zones frontalières sont problématiques eu égard à la différence de fiscalité. Mais non, ce n’est pas le seul problème. Désormais, une grande partie de la contrebande a lieu en dehors des frontières telles que nous les connaissons physiquement ; elle se fait par internet, le dark web, les réseaux sociaux et les « microentreprises », avec notamment des envois de colis qui se multiplient. Parfois, les réseaux sont beaucoup plus importants, dont ceux de contrebandiers extrêmement structurés et en lien avec le crime organisé, voire avec d’autres réseaux.
Je ne vous exposerai pas les résultats que TRACFIN ou la direction générale des douanes, notamment son service de renseignement, me font l’honneur de me transmettre. Je dirai juste que, parfois, ces réseaux ne se contentent pas d’être criminels, ils peuvent même porter atteinte à la souveraineté de notre pays. Je n’en dirai pas plus.
Il faut lutter à la fois contre la petite et la grande contrebande. La douane a beaucoup travaillé de façon un peu isolée, je partage ce constat avec mon collègue ministre de l’intérieur, sur la grande contrebande de tabac. Elle réalise à cet égard de grandes opérations avec de grands réseaux, peut-être un peu moins nombreuses que celles qui concernent d’autres contrebandes néanmoins, par habitude et en raison de la difficulté à surveiller autant de frontières.
Nous avons décidé, tout d’abord, de renforcer la cellule Cyberdouane, c’est-à-dire des agents qui détectent sur internet, les réseaux sociaux ou le dark web un certain nombre de petites ou de grandes contrefaçons et contrebandes. Ainsi, des opérations ont été couronnées de succès : comme vous l’avez peut-être constaté encore récemment, Le Parisien s’est fait l’écho du démantèlement du deuxième réseau sur le dark web par les douanes et Cyberdouane, et ce grâce à des moyens renforcés.
Nous luttons, ensuite, contre les colis contenant des produits illicites, notamment du tabac, ce qui est parfois le cas, vous le savez, avec la multiplication des ventes par correspondance et de la logistique. Nous avons renforcé le nombre de douaniers dans les centres de tri, qu’il s’agisse du tri postal ou autres, et nous avons recours soit à des chiens spécialisés, soit à des scans particuliers, soit au flair du douanier ou des services du renseignement – tout aussi efficaces.
Bien sûr, les fraudes aux frontières sont les plus usuelles, les plus évidentes.
À la frontière pyrénéenne, on aurait pu penser que la différence de prix du tabac avec l’Espagne et, plus particulièrement, avec Andorre aurait causé une augmentation du trafic de contrebande et une baisse du chiffre d’affaires des buralistes. Ce n’est pas ce que nous constatons depuis le début de l’année, parce que nous avons beaucoup renforcé les contrôles à la frontière andorrane. Je me suis moi-même rendu en Andorre pendant trois jours, afin de rencontrer le Premier ministre andorran, qui s’est engagé à une diminution de la production de cigarettes dans son pays, lequel produit plus de cigarettes que ne le requiert la consommation de ses habitants, sans toucher, en échange, à la fiscalité pour d’autres raisons, j’y reviendrai, les Andorrans étant eux-mêmes affectés par la fiscalité espagnole.
Nous avons une meilleure coordination des services andorrans et français, et nous sommes très efficaces, vous avez pu le constater.