Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 3 juillet 2018 à 21h30
Lutte contre la fraude — Article 11

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Rappelons quelques éléments sur ce sujet. Avec cette liste, qui rassemble les États et territoires non coopératifs, nous sommes dans le champ de la fraude fiscale de haut vol, celle qui traverse les frontières, qui ignore les océans et qui adore les algorithmes.

L’article 11 présente quelques défauts, dont le moindre n’est pas de conditionner l’existence d’une liste noire à une forme d’accord européen, puisque la liste produite par le conseil des ministres des finances aurait plus de sens que celle que le travail de l’administration française a permis d’établir.

Cette difficulté n’est pas secondaire et elle se double du postulat, pour le moins discutable, selon lequel les États et territoires situés en Europe ou contrôlés et gérés par des États membres de l’Union européenne bénéficient d’une sorte de présomption d’innocence quant au respect des recommandations internationales en matière de transparence fiscale.

C’est oublier que l’Europe ne comprend pas que des États et territoires parfaitement coopératifs et libérés de la pression du moins-disant fiscal. L’Europe, c’est, bien sûr, le couple franco-allemand, si souvent célébré, c’est l’Italie, la Pologne, la Slovénie ou la Catalogne, mais c’est aussi Jersey, Guernesey, l’île de Man, l’archipel des Açores, les Canaries, sans parler de Saint-Martin, d’Aruba, de Curaçao, de la Polynésie française, ou encore du Luxembourg, des tax rulings irlandais et de la discrétion des banques autrichiennes.

La Suisse elle-même est libérée, par ces accords, de toute inquiétude, alors que son territoire comprend des cantons qui ont fait de l’optimisation fiscale leur principal atout touristique.

Selon la Banque mondiale, le PIB des îles anglo-normandes s’élève à 11, 5 milliards de dollars, les plaçant en 129e position à l’échelle planétaire, devant des pays comme le sultanat de Brunei, les Bahamas, mais aussi le Mozambique, la République du Congo ou encore le Tchad, l’Arménie et Madagascar, excusez du peu !

Le PIB de l’île de Man atteint 6, 8 milliards de dollars ; il est plus élevé que celui de pays comme la Mauritanie, le Togo ou le Monténégro, et ne voyez aucun mépris dans mes propos pour ces États, mes chers collègues. Aruba est plus riche que le Libéria, le Burundi, la République centrafricaine ou la République du Cap-Vert.

Derrière la façade de l’Union se trouve donc une arrière-cour étrangement peuplée, qui mérite, pour le moins, que nous nous y intéressions.

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