Intervention de Édouard Philippe

Réunion du 5 juillet 2018 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Politique industrielle et projet novawood

Édouard Philippe :

Monsieur Husson, je vous rejoins volontiers lorsque vous dites qu’il est difficile d’envisager l’avenir d’un pays comme la France, sa force et sa puissance, sans une industrie compétitive. Je le crois profondément. La question qui nous est posée est celle non pas d’un attachement théorique à l’industrie, mais d’une véritable politique industrielle, plus exactement d’une politique permettant de renforcer la compétitivité de nos industries.

C’est la raison pour laquelle je me suis engagé résolument, avec le Gouvernement, à la suite d’un certain nombre d’initiatives qui avaient déjà été prises, et en essayant d’en impulser d’autres, dans une logique de structuration des filières industrielles par elles-mêmes – nous considérons en effet que la logique des filières industrielles est probablement la plus féconde pour développer la compétitivité de notre industrie –, de simplification des normes applicables, de soutien et de financement de l’innovation – je pense notamment au financement de l’innovation de rupture, au travers d’instruments comme les produits de cession de certaines participations de l’État au capital de grandes entreprises – et de réduction de la fiscalité applicable au monde de la production en général et à l’industrie en particulier, avec notamment une perspective de diminution de ce que l’on appelle la fiscalité de production.

Nous sommes donc résolument engagés en ce sens et, comme vous, monsieur le sénateur, nous pensons qu’il faut concilier cette politique industrielle avec l’impératif de transition écologique formulé par ce gouvernement et porté, notamment, par le ministre d’État, Nicolas Hulot.

Le cas que vous évoquez, celui de la vallée du sel et de l’appel d’offres qui a été lancé, s’inscrit dans un certain nombre de programmes envisagés par les gouvernements successifs, dont l’idée est de faire en sorte que nous puissions produire de l’électricité en utilisant la biomasse.

J’ai examiné ces appels d’offres et j’ai constaté qu’ils conduisent le contribuable et le consommateur à payer l’électricité à un prix au moins trois fois supérieur à celui du marché. Je comprends l’argumentation selon laquelle il peut être légitime, pour développer une filière industrielle et sauver des emplois, de faire surpayer le consommateur. Cela peut avoir un impact, et nous l’avons déjà fait.

Toutefois, dans le cas que vous mentionnez, l’appel d’offres conduirait à un engagement d’environ 850 millions d’euros d’argent public, pour une solution qui créerait une centaine d’emplois. C’est très important, mais, compte tenu de notre attachement à l’industrie française, nous pouvons nous poser la question de savoir si ces 850 millions d’euros d’argent public seraient véritablement employés comme ils doivent l’être, et effectivement employés pour servir la compétitivité de l’industrie française. En vérité, monsieur le sénateur, je n’en suis pas sûr.

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au préfet de reporter la date d’effet des obligations réglementaires qui s’imposent à l’entreprise, pour laisser à celle-ci le temps de s’adapter.

Il me semble indispensable de ne pas prendre par surprise l’entreprise et ses salariés, mais je crois que nous pouvons aussi nous fixer comme objectif que le soutien à l’industrie française, certes indispensable et légitime, doit prendre la forme la plus efficace.

Très souvent, j’ai rappelé que, lorsque nous engageons de l’argent public, quel que soit le domaine concerné, nous devons nous demander si nous le déployons de façon efficace, c’est-à-dire si nous préparons l’avenir et si nous nous atteignons les objectifs que nous nous sommes fixés. Faire surpayer l’électricité par le consommateur et verser des subventions considérables, qui n’ont d’ailleurs pas été financées et qui ne figurent dans aucune trajectoire de finances publiques, n’est pas, me semble-t-il, le meilleur moyen de soutenir l’industrie française.

C’est la raison pour laquelle je m’engage à travailler avec l’entreprise et les autorités publiques locales pour trouver des solutions efficaces, peut-être moins triviales que cet appel d’offres, pour soutenir cette entreprise et préserver le développement industriel français.

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