Intervention de Gilbert Bouchet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 juin 2018 à 9h35
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république d'ouzbékistan relatif aux services aériens de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du kazakhstan relatif aux services aériens et de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de côte d'ivoire relatif aux services aériens — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Gilbert BouchetGilbert Bouchet :

Monsieur le Président, mes chers collègues, Bernard Fournier, notre rapporteur, représente aujourd'hui le Président du Sénat à l'Assemblée parlementaire de la coopération économique de la Mer Noire, à Tirana, et vous prie de bien vouloir excuser son absence. Il m'a demandé de vous présenter son intervention, ce que je fais bien volontiers.

Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de trois accords aériens bilatéraux conclus, en 2016, respectivement avec l'Ouzbékistan, le Kazakhstan et la Côte d'Ivoire.

À titre liminaire, je vous indique que le transport aérien entre la France et l'Ouzbékistan, ainsi qu'entre la France et le Kazakhstan, n'est actuellement régi par aucun accord bilatéral et que l'accord aérien franco-ivoirien que nous examinons a vocation à remplacer un accord de 1962, devenu obsolète en raison de l'évolution du droit international et européen.

Voyons tout d'abord le contenu de ces accords : ils sont très similaires et conformes au droit international et au droit européen de l'aviation civile. Ils reprennent pour l'essentiel les dispositions contenues dans le modèle d'accord aérien proposé par l'Organisation de l'aviation civile internationale. L'OACI est une institution spécialisée des Nations unies, créée par la convention de Chicago de 1944 relative à l'aviation civile internationale et dont la mission principale est d'établir le cadre réglementaire mondial de la sécurité de l'aviation civile internationale ainsi que d'organiser les services aériens sur le plan économique. Ces trois accords consacrent tout d'abord la possibilité d'exploiter, respectivement avec chacun des pays concernés, les quatre premières « libertés de l'air » telles que définies par l'OACI : liberté de survol sans atterrir, liberté d'escale non commercial, ainsi que liberté d'embarquer ou de débarquer des passagers, du fret, du courrier en provenance ou à destination de l'État qui a désigné le transporteur aérien, dans le cadre de l'exploitation d'un service agréé sur une route et des points d'escale spécifiés. En revanche, ils excluent classiquement le droit de cabotage, c'est-à-dire le droit, pour un transporteur aérien d'une partie, de transporter des passagers ou du fret d'un point à un autre sur le territoire d'une autre partie.

S'agissant du droit européen, la négociation de ce type d'accord par les États membres est désormais encadrée par un règlement de 2004, qui fait suite aux arrêts de la Cour de justice des communautés européennes de 2002, dits « de Ciel Ouvert » et à la consécration des principes de libre-concurrence et de libre-établissement. En application de la procédure de notification instaurée par ce règlement, la Commission européenne a jugé les trois accords examinés conformes au droit européen. D'une manière générale, le respect du droit européen est assuré par l'inclusion de clauses types qui sont notamment relatives à la désignation - celle-ci permet à un État membre de désigner tout transporteur européen, dès lors qu'il est établi sur le territoire de cet État membre, pour effectuer des services aériens autorisés par l'accord bilatéral concerné -, à la liberté pour les compagnies désignées de recourir à un prestataire de leur choix pour les services d'assistance en escale ainsi qu'à la sécurité. Ces accords contiennent d'autres clauses également classiques comme le principe d'égalité de traitement entre compagnies, la liberté pour une compagnie d'établir des agences commerciales sur le territoire de l'autre Partie, de procéder à des transferts internationaux de recettes et la liberté de fixation par les transporteurs de leurs tarifs. Selon la pratique courante française, des exemptions de droits de nature fiscale et douanière sur différents biens et services sont également prévues.

S'agissant de la sécurité des vols, conformément aux dispositions les plus récentes du droit international et du droit européen, chaque partie peut demander des consultations au sujet des normes de sécurités adoptées par l'autre partie, une autorisation peut être suspendue ou révoquée en cas de non-respect des normes minimales et tout aéronef peut être soumis à une « inspection au sol » de la part de l'autre partie. En outre, les parties réaffirment leur obligation mutuelle de garantir la sûreté (la sûreté se rapporte à la protection des personnes, fret, installations et matériels contre des actes malveillants) de l'aviation civile contre les actes d'intervention illicite, conformément à leurs droits et obligations résultant du droit international et notamment des accords multilatéraux suivants : la convention de Tokyo de 1963 relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs, la convention de la Haye de 1970 pour la répression de la capture illicite d'aéronefs ainsi que la convention de Montréal de 1971 pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile et de son protocole complémentaire.

Voyons maintenant la situation de ces marchés aériens. S'agissant de l'accord entre la France et l'Ouzbékistan - pays de 32 millions d'habitants et 2ème économie d'Asie centrale -, le marché aérien est actuellement exploité par la seule compagnie Uzbekistan Airways. Le trafic direct était d'environ 23 000 passagers en 2017. Pour la saison aéronautique d'été 2018, il y aura deux fréquences hebdomadaires. Aucune compagnie aérienne française n'a pour l'instant manifesté son intérêt pour l'exploitation de cette liaison.

Cet accord devrait renforcer les conditions favorables au soutien et au développement du secteur touristique qui est une priorité nationale du Gouvernement ouzbek avec 2 millions de visiteurs par an et un chiffre d'affaires annuel de 170 millions de dollars. La position centrale de la France en Europe occidentale et le contingent actuel de touristes français, qui est le plus élevé des pays européens - plus de 8 000 en 2015 - devraient permettre à la France de devenir le principal point d'embarquement touristique européen à destination de l'Ouzbékistan.

S'agissant de l'accord entre la France et le Kazakhstan - pays de 17 millions d'habitants, première économie d'Asie centrale et notre premier partenaire commercial en Asie central avec près de 4 Mds d'euros d'échanges commerciaux en 2017 - : cet accord était très attendu par le Kazakhstan et les droits négociés ont été rendus effectifs immédiatement après les négociations, compte tenu du projet d'Air Astana d'ouvrir une ligne aérienne directe entre Astana et Paris très rapidement, ce qui a été fait en mars 2015, plaçant les deux capitales à moins de 7 heures de vol, contre 11 à 15 heures auparavant. En 2017, le trafic direct sur cette liaison était de 30 000 passagers. Cette ligne compte trois liaisons hebdomadaires en été et deux en hiver. Aucune compagnie aérienne française n'a pour l'instant manifesté son intérêt pour l'exploitation de cette liaison.

Le Kazakhstan poursuit une politique de développement de ses compagnies aériennes. En 2015, Air Astana a ainsi annoncé l'acquisition de onze Airbus A320 et un nouveau terminal est en construction pour doubler la capacité de l'aéroport international d'Astana et la porter à 7,5 millions de passagers par an. En février 2016, un accord de partage de code a été signé entre Air Astana et Air France-KLM.

Enfin s'agissant de l'accord entre la France et la Côte d'Ivoire - pays de 23 millions d'habitants avec lequel nous avons des liens de longue date et qui est aussi notre 1er partenaire commercial au sein de la zone Franc CFA ainsi que le 3e en Afrique subsaharienne, 700 entreprises françaises y sont du reste implantées - : depuis 2010, le trafic direct entre la France et la Côte d'Ivoire a plus que triplé pour s'établir en 2017 à environ 380 000 passagers. Cette liaison est exclusivement opérée par des compagnies françaises, Air France et Corsair. Aigle Azur, également désigné en 2012, n'exploite pour l'instant aucun service. Pour la saison aéronautique d'été 2018, Air France exploitera quatorze fréquences hebdomadaires entre Paris CDG et Abidjan tandis que Corsair exploitera cinq fréquences hebdomadaires entre Orly et Abidjan. En octobre 2017, la compagnie Air Côte d'Ivoire a conclu un mémorandum de « partage de codes » avec Air France/KLM. Cet accord devrait également conforter la politique des transports volontariste de la Côte d'Ivoire qui souhaite notamment développer le secteur du tourisme.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Ces trois accords viennent en effet renforcer la sécurité juridique des transporteurs désignés par les parties, en leur offrant un cadre stable conforme aux normes internationales et européennes. Les nouveaux droits de trafic octroyés par ces accords devraient favoriser l'attractivité de la France, ainsi que le développement des relations bilatérales, notamment économiques.

À ce jour, seul l'Ouzbékistan a complétement achevé ses procédures internes permettant l'entrée en vigueur de l'accord bilatéral.

L'examen en séance publique est prévu le jeudi 28 juin 2018, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

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