Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du 10 juillet 2018 à 14h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Muriel Pénicaud :

Parfois, le financement est extrêmement bas. Comment former un jeune cuisinier avec 2 500 euros par an ? Si le coût au contrat est de 6 000 euros ou 7 000 euros, il va y avoir un appel d’air dans les centres de formation d’apprentis.

Nous y reviendrons, il existera par ailleurs un complément de dotation à la main des régions.

Pour inciter les entreprises à recruter en apprentissage, plusieurs dispositions pragmatiques sont introduites : suppression de la procédure, très lourde, d’enregistrement du contrat, adaptation pragmatique de la réglementation touchant à la durée du travail et à la rupture du contrat d’apprentissage, versement d’une seule aide directement aux entreprises – il en existe quatre aujourd’hui, beaucoup d’entreprises en ignorent l’existence et les autres doivent de surcroît faire l’avance de trésorerie.

Enfin, nous devons nous assurer de la qualité des formations délivrées par deux leviers : d’une part, la certification des organismes de formation et des centres de formation d’apprentis ; d’autre part, la « coécriture » des titres et diplômes professionnels par les partenaires sociaux des branches professionnelles et par l’État.

Je sais que vous êtes sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs, à cet indispensable partenariat entre les professionnels et les pouvoirs publics dans la construction et la rénovation des titres et diplômes professionnels. Cette disposition, loin d’accroître les pouvoirs de l’État, lui en retire, au bénéfice des branches professionnelles.

En matière de formation professionnelle, nous introduisons pour la première fois dans le code du travail une définition souple de l’action de formation, favorisant l’innovation pédagogique et la formation à distance.

Nous simplifions aussi la réglementation du plan de formation, désormais intitulé « plan de développement des compétences ».

Vous avez en outre réintroduit la possibilité, par accord d’entreprise, d’internaliser la contribution CPF. Nous y sommes défavorables, d’une part parce que cette possibilité a été très peu utilisée par les entreprises, d’autre part parce qu’elle va fondamentalement à l’encontre de la logique de personnalisation des droits à CPF que nous poursuivons.

Aujourd’hui, très peu de salariés ont accès au CPF, car ils estiment qu’il ne s’agit pas d’un vrai droit individuel. En effet, il faut un accord entre l’entreprise et l’organisme, et personne ne peut transposer les droits horaires en droits réels.

Nous pensons en revanche que les logiques de coconstruction, par accord collectif permettant à l’employeur d’abonder le CPF de ses salariés, sont à encourager.

Enfin, nous mettons en place des opérateurs de compétences qui remplaceront les organismes paritaires de collecte et seront centrés sur le conseil et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC.

Nous prévoyons une simplification radicale pour les entreprises : un collecteur, l’URSSAF, au lieu de 57 collecteurs actuellement, 12 gestionnaires au lieu de 40, une cotisation au lieu de deux.

La transparence, la fin de l’évaporation d’une partie importante de la taxe d’apprentissage et la mutualisation systématique vont permettre de financer le développement de la formation professionnelle et de l’apprentissage, sans augmenter les prélèvements obligatoires.

Enfin, pour réguler le dispositif, au lieu de quatre organismes nationaux consultatifs et non décisionnels dans lesquels les acteurs sont éparpillés, nous créons un établissement que nous voulons pleinement opérationnel, France compétences, qui regroupera l’État, les régions et les partenaires sociaux, ainsi coresponsables de la régulation du système.

Pour que les demandeurs d’emploi renouent plus rapidement avec le travail, nous expérimenterons un dispositif de « journal de bord ». Il doit permettre de rendre les démarches de candidature plus efficaces et prévenir le découragement.

Ce dispositif s’accompagnera d’une redéfinition de l’offre raisonnable d’emploi, qui correspondra davantage à la réalité du terrain et sera moins rigide.

Nous mettrons en place une politique de contrôle plus juste et plus efficace, avec un barème de sanctions équitables et la simplification du prononcé des sanctions.

Vous avez, en commission, mesdames, messieurs les sénateurs, renforcé les droits à l’information des demandeurs d’emploi, s’agissant notamment de la radiation, tout en durcissant leurs devoirs dans le cadre du projet personnalisé d’accès à l’emploi, pour prendre en compte les difficultés de recrutement de certains secteurs.

En outre, le projet de loi précise le rôle de l’État dans la détermination des règles d’indemnisation du chômage, afin de faciliter l’adaptation du régime d’assurance chômage aux évolutions du marché du travail, tout en préservant le rôle central des partenaires sociaux. Vous avez d’ailleurs précisé la place du Parlement dans le pilotage de l’assurance chômage, en prévoyant la communication du document de cadrage de la négociation de la convention d’assurance chômage.

La création de nouveaux droits doit être au service de l’égalité réelle des chances. Dans ce cadre, nous veillerons à offrir un accès du plus grand nombre à l’apprentissage partout sur le territoire national. Je pense notamment aux jeunes handicapés, qui ne représentent aujourd’hui que 1 % des apprentis. Nous prévoyons ainsi la présence de « référents handicap » dans chaque CFA pour accompagner les jeunes.

Nous accorderons également une attention particulière aux zones rurales et aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, ainsi qu’aux outre-mer.

Mon collègue Jean-Michel Blanquer et moi-même voulons que tous les lycées professionnels puissent ouvrir des sections d’apprentissage, à commencer par ceux qui sont situés dans les quartiers prioritaires de la ville.

Une enveloppe de 250 millions d’euros dédiée à l’aménagement du territoire sera accordée aux régions, qui disposeront librement de ces crédits. Elle aura vocation à compléter, dans les zones rurales et les quartiers prioritaires de la ville, le coût au contrat, dont nous considérons que les éléments constitutifs ne relèvent non pas du niveau législatif, mais de la discussion entre partenaires sociaux.

Enfin, je tiens à rappeler que les régions sont et resteront le principal investisseur en matière d’apprentissage. Elles conservent intégralement la fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, dont les recettes, dynamiques, représentent environ 200 millions d’euros par an.

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