Intervention de Michel Forissier

Réunion du 10 juillet 2018 à 14h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Discussion générale

Photo de Michel ForissierMichel Forissier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a adopté, le mercredi 27 juin dernier, le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, modifié par 215 amendements, dont 161 émanant de vos rapporteurs.

Je voudrais à cette occasion remercier chaleureusement mes trois collègues rapporteurs sur ce texte, Catherine Fournier, Frédérique Puissat et Philippe Mouiller, de leur implication et de la qualité de leur travail, ainsi que le président Alain Milon de sa disponibilité et les membres de la commission de leur participation.

À l’issue d’une soixantaine d’auditions et de plusieurs tables rondes, nous avons acquis la conviction qu’il fallait nettement améliorer le texte, qui reprend de nombreuses dispositions préparées par le Sénat dans le cadre de nos travaux relatifs à l’apprentissage. Il n’est pas question pour nous de bouleverser ses grands équilibres, mais de lui apporter plusieurs modifications substantielles, que je voudrais vous présenter.

Le premier objectif de la commission a été de renforcer le rôle des régions en matière d’apprentissage, sans revenir sur les nouvelles missions confiées aux branches professionnelles. C’est pourquoi les régions élaboreront une stratégie pluriannuelle des formations en alternance ; elles pourront également conclure des conventions d’objectifs et de moyens avec les centres de formation d’apprentis qu’elles soutiendront au titre de l’aménagement du territoire.

Elles disposeront en outre d’au moins vingt heures par an prises sur le temps scolaire pour réaliser des actions d’information sur les professions et les formations dans toutes les classes de quatrième et de troisième.

Concernant l’orientation, les enseignants pourront être formés aux professions, aux métiers et au monde économique dans le cadre de leur formation initiale et continue.

La commission a également valorisé la fonction de maître d’apprentissage et a modernisé le statut de l’apprenti, en supprimant le critère d’âge pour déterminer sa rémunération et en prévoyant l’intervention du médiateur consulaire en cas de rupture du contrat par l’employeur.

Lors de votre audition devant la commission, le 20 juin dernier, nous vous avons demandé, madame la ministre, d’apporter des garanties sur quatre sujets pendant l’examen du projet de loi en séance publique au Sénat : l’approfondissement de la réforme de l’orientation des jeunes ; le renforcement de la place des régions en matière d’apprentissage ; la revalorisation du montant de l’enveloppe financière qui leur sera accordée en matière d’aménagement du territoire ; enfin, la clarification des modalités de calcul du coût au contrat.

Nous attendons des précisions et des annonces de votre part pendant nos débats, afin de rassurer nos collègues, les régions et les CFA. Pour notre part, nous estimons avoir rempli notre mission, compte tenu, notamment, des contraintes liées à la recevabilité financière des amendements parlementaires.

Le deuxième objectif visé par la commission a été de préserver le rôle des partenaires sociaux et des régions en matière de formation professionnelle et de prévenir les effets délétères de la monétisation du CPF.

Nous avons en effet noté que les partenaires sociaux étaient hostiles à cette monétisation et que les paramètres envisagés par le Gouvernement pourraient entraîner une baisse des droits à la formation pour les salariés.

C’est pour ces raisons que la commission a créé une période de transition pour la conversion en euros et a prévu des règles d’actualisation régulière des droits acquis. Elle a également veillé à permettre une réelle coconstruction des parcours de formation en permettant à un accord d’entreprise de définir les formations pour lesquelles l’employeur s’engage à abonder le CPF de ses salariés.

La commission a également précisé la composition du conseil d’administration de France compétences, pour que cette agence ne devienne pas qu’un opérateur de l’État. Nous avons relevé avec mesure de quinze membres à vingt-cinq membres l’effectif de son conseil d’administration, afin de garantir le respect du quadripartisme. Nous avons par ailleurs prévu l’élection d’un président en plus du directeur général nommé par décret.

Nous avons également prévu que la région désignerait elle-même l’opérateur du conseil en évolution professionnelle compétent pour les actifs de la sphère privée.

Enfin, la commission a allongé les délais accordés aux partenaires sociaux dans les branches pour définir le périmètre d’intervention des futurs opérateurs de compétences, afin d’éviter qu’il ne soit imposé par l’État.

J’en viens au troisième objectif de la commission, qui est de renforcer la logique des droits et des devoirs du demandeur d’emploi. S’agissant de ses droits, il devra être informé dès son inscription à Pôle emploi des sanctions encourues en cas de manquement à ses obligations et des recours qui lui sont offerts s’il entend les contester.

En cas de projet de radiation, le demandeur d’emploi devra être en mesure de présenter ses observations préalables. La radiation ne pourra dépasser un mois en cas de premier manquement, et Pôle emploi devra fixer sa durée en tenant compte des circonstances et de la gravité du manquement, du comportement du demandeur d’emploi, ainsi que de ses ressources, en particulier s’il bénéficie d’une allocation de solidarité, et de ses charges.

S’agissant des devoirs du demandeur d’emploi, la commission a indiqué que le projet personnalisé d’accès à l’emploi, le PPAE, devra tenir compte de la difficulté de recrutement pour certains métiers. Elle a prévu une refonte systématique du PPAE à l’issue d’un an d’inscription à Pôle emploi, afin d’éviter le risque d’enfermement dans le chômage de longue durée.

Le demandeur d’emploi aura la possibilité, pendant les deux premières années de chômage, de refuser légitimement une offre raisonnable d’emploi, si le salaire proposé est manifestement inférieur à celui qui est proposé habituellement dans la région pour la profession concernée.

Au-delà de cette période, il ne pourra pas refuser une offre d’emploi qui lui procurerait un salaire supérieur à son revenu de remplacement. La convention d’assurance chômage pourra toutefois adapter cette période pour tenir compte des spécificités de certains demandeurs d’emploi.

Le revenu de remplacement sera supprimé pendant une période comprise entre un mois et six mois en cas de manquement répété. En cas de fraude, le plafond de la pénalité administrative sera relevé de 3 000 euros à 10 000 euros.

La commission a en outre veillé à garantir la soutenabilité financière pour l’assurance chômage. Elle a en effet prévu que seuls les salariés ayant cotisé au moins sept ans au régime d’assurance chômage pourront bénéficier de la nouvelle allocation ouverte aux démissionnaires et elle a indiqué que la future allocation des travailleurs indépendants devra être exclusivement financée par l’impôt.

La commission a aussi supprimé la possibilité pour le Gouvernement d’imposer un bonus-malus pour moduler la contribution des employeurs à l’assurance chômage, considérant que ce dispositif était complexe et peu efficace pour lutter contre le recours excessif aux contrats courts.

Enfin, nous avons souhaité renforcer la place du Parlement dans le pilotage de l’assurance chômage. Le Gouvernement devra en effet lui communiquer le projet de document de cadrage de la négociation de la convention d’assurance chômage au plus tard quatre mois avant sa fin de validité.

Le quatrième objectif que s’est assigné la commission était de rendre plus fluides les parcours professionnels des travailleurs handicapés, afin d’encourager leur passage du milieu protégé vers le milieu adapté ou le milieu ordinaire.

Concernant l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, la commission a soutenu la révision de son mode de calcul, afin d’inciter les employeurs à davantage recourir à l’emploi direct, plutôt qu’à des formes de mise en œuvre très partielle.

S’agissant des entreprises adaptées, la commission a accueilli favorablement les modifications apportées à leur statut et à leurs modalités de recrutement. Elle a néanmoins inséré plusieurs dispositifs de protection additionnels, afin de garantir la pérennité de leur modèle.

La commission a par ailleurs supprimé l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance sur la réforme du financement de l’insertion et du maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés.

Nous regrettons toutefois que la concertation avec les acteurs compétents en matière d’emploi des travailleurs handicapés ait commencé si tardivement, car le Parlement n’est pas en mesure d’avoir une approche globale de la réforme proposée par le Gouvernement.

Enfin, la commission a souhaité recentrer le projet de loi sur ses objectifs initiaux. C’est pourquoi elle a rejeté l’article qui renforce la responsabilité sociale des plateformes électroniques à l’égard de leurs collaborateurs, ainsi que tous les articles relatifs à la réforme du régime de la disponibilité des fonctionnaires et à l’élargissement des recrutements par voie directe.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission est convaincue que la compétitivité de notre économie dépendra en partie de notre capacité collective à améliorer la formation initiale et continue de nos concitoyens.

Nous espérons que le débat qui commence au Sénat permettra au Gouvernement de préciser ses intentions – c’est souhaitable, notamment au regard des derniers développements de ce jour… –, et d’apporter des réponses à nos interrogations sur son objectif ambitieux pour l’intérêt de nos concitoyens et l’avenir de notre jeunesse, à savoir permettre à chacun de construire son avenir professionnel.

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