Intervention de Laurent Lafon

Réunion du 10 juillet 2018 à 14h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Discussion générale

Photo de Laurent LafonLaurent Lafon :

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est non sans une certaine déception que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a accueilli les dispositions de ce projet de loi relatives à l’orientation et à l’apprentissage, sur lesquelles nous avons été saisis pour avis.

Nous attendions la simplification du paysage institutionnel de l’orientation, qui se caractérise actuellement par un grand nombre d’acteurs, dépendant de réseaux et de ministères différents. La complexité et le manque de lisibilité qui en découlent sont préjudiciables aux jeunes comme à l’efficacité de l’action publique. Les régions sont, de fait, dans l’incapacité de jouer le rôle de coordination qui leur a été reconnu en 2014 dans le cadre du service public régional de l’orientation.

Notre commission, relayée en cela par la Cour des comptes en décembre dernier, demandait que soit clairement transférée aux régions la compétence en matière d’information sur les voies de formation et les métiers, y compris à destination des publics scolaires ; celles-ci se verraient confier, en conséquence, les centres d’information et d’orientation et le réseau information jeunesse.

Alors même que cette préconisation avait été relayée par la Cour des comptes, nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas fait le choix de la suivre.

Je n’ignore pas les réticences qui existent de part et d’autre. Ce texte constitue néanmoins, nous semble-t-il, une occasion manquée. Le transfert des DRONISEP, les délégations régionales de l’office national d’information sur les enseignements et les professions, ainsi que d’une partie de leurs personnels fait figure de lot de consolation pour des régions amputées d’une partie de leurs compétences.

Cette exigence est non pas comptable ou destinée à faire plaisir aux régions, mais de justice. Si l’éparpillement des moyens et la déperdition des énergies subsistent, ceux qui en pâtiront seront d’abord les élèves les moins favorisés, ceux dont les familles ne maîtrisent pas les codes ni les hiérarchies implicites.

Les règles de l’irrecevabilité financière nous empêchent de procéder par nous-mêmes à cette simplification. Toutefois, les amendements que notre commission a adoptés, et que la commission des affaires sociales a intégrés dans le texte, ont permis d’aménager le cadre institutionnel de l’orientation scolaire dans le sens d’une plus grande cohérence. Cela passe, notamment, par l’affectation en établissement des psychologues de l’éducation nationale, afin que ces derniers soient plus disponibles pour les élèves comme pour les équipes éducatives.

L’approfondissement des liens entre l’éducation nationale et le monde économique et professionnel a été l’autre axe d’amélioration du texte. Ces liens sont essentiels pour assurer la pertinence et la qualité de la formation professionnelle.

Notre commission a ainsi inséré des dispositions relatives à la formation continue des enseignants, en y intégrant la connaissance des filières de formation et des métiers, et en permettant aux régions d’y intervenir. Elle a prévu que la présidence du conseil d’administration des lycées professionnels et des lycées polyvalents sera exercée par un représentant du monde économique et professionnel, non plus à titre expérimental, comme cela est le cas aujourd’hui.

S’agissant de l’apprentissage, enfin, notre commission a fait part de son inquiétude sur la place et le rôle des régions dans la nouvelle organisation, ainsi que sur les risques que cette dernière fait peser sur l’équilibre entre les différentes formations et les territoires.

De même, nous regrettons que l’apprentissage ne soit pensé que par le prisme du CFA. Ce projet de loi alimente une segmentation entre l’apprentissage et les autres modes de formation, qui n’est profitable pour personne. C’est particulièrement vrai lorsqu’elle se traduit par une forme de concurrence qui est préjudiciable au développement de l’apprentissage et dont les jeunes sont les premières victimes. Cette perspective concurrentielle, somme toute assez malthusienne, manque cruellement d’ambition.

Elle est fondée sur une méconnaissance de la réalité de l’apprentissage aujourd’hui, dont les lycées professionnels et les établissements d’enseignement supérieur sont des acteurs majeurs. Notre commission veillera à ce que la dynamique de l’apprentissage dans ces secteurs soit non pas brimée, mais sauvegardée et encouragée.

L’avenir de l’apprentissage tient non pas à ce qu’il soit traité à part, mais, au contraire, à sa pleine intégration dans les cursus de l’enseignement secondaire et supérieur.

L’apprentissage doit devenir un mode normal de formation dans l’ensemble des formations menant à un emploi, à tous les stades de la formation. L’accroissement des clivages entre l’apprentissage et les autres modes de formation est d’autant plus regrettable que d’autres réformes, comme celle du lycée professionnel, vont dans le sens d’une plus grande intégration de l’apprentissage dans les parcours de formation.

Voilà, mes chers collègues, l’esprit dans lequel la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a étudié ce texte. Les améliorations qu’elle y a apportées et celles qu’elle proposera sont d’abord au service des jeunes de ce pays, pour lesquels l’apprentissage constitue, nous en avons tous la conviction, une voie d’excellence vers l’emploi.

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