Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 10 juillet 2018 à 14h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Question préalable

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

D’ailleurs, permettez-moi, madame la ministre, de vous poser une question : comment comptez-vous promouvoir l’apprentissage, alors que, dans le même temps, vous allez fermer les centres d’information et d’orientation, les CIO, en finir avec l’ONISEP, l’Office national d’information sur les enseignements et les professions, bref, tout ce qui fait actuellement notre service public de l’orientation ? Bien évidemment, votre projet de loi n’acte pas aussi clairement cette disparition des CIO, mais le résultat est bien là, avec, on le sait, le risque d’une privatisation de l’orientation.

Enfin, je voudrais dire quelques mots sur l’assurance chômage, qui est le troisième pan important de votre réforme, et qui justifie également pleinement le dépôt de notre motion.

La belle promesse du président Macron de permettre l’indemnisation des démissionnaires a, en vérité, une portée plus que limitée, puisqu’il faudra justifier d’une expérience professionnelle de sept ans – délai allongé par la commission des affaires sociales – et avoir un projet de reconversion professionnelle réel et sérieux. Avec ces nouvelles conditions d’accès, ce sont à peine 30 000 personnes qui pourront bénéficier de ce dispositif.

Cette belle promesse n’était donc que de la poudre aux yeux, mais je suppose que, sans ces critères, cela coûterait un « pognon de dingue », pour reprendre l’expression du président Macron.

Dans le même temps, cette mesure, qui se veut généreuse, est à mettre en parallèle avec les sanctions prévues contre les chômeuses et chômeurs. Un gouvernement avait-il déjà osé aller aussi loin dans la suspicion à l’égard des personnes privées d’emploi, et ce, je le rappelle, dans un contexte de crise économique profonde et, paradoxalement, de suppressions de postes à Pôle emploi ?

A-t-on eu ou a-t-on la même démarche de contrôle et de sanction face aux grandes entreprises qui ont touché le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou le CIR, le crédit d’impôt recherche, et qui devaient en contrepartie créer des emplois ?

Et que dire de la démarche inclusive que vous souhaitez favoriser, notamment pour le travail des personnes handicapées ? Je crois que, là aussi, on est véritablement loin du compte.

Au lieu de renforcer l’obligation d’employer des personnes handicapées à hauteur de 6 % des effectifs, vous l’assouplissez en permettant notamment une clause de revoyure tous les cinq ans ou en limitant le nombre d’entreprises concernées par cette obligation. De telles mesures ne sont pas dignes d’un projet de loi qui affiche l’ambition – permettez-moi de vous citer, madame la ministre – de permettre aux actifs de « regarder l’avenir avec plus de confiance ».

Enfin, parlons de l’égalité professionnelle, sujet qui me tient particulièrement à cœur, et auquel, madame la ministre, je vous sais attachée. Néanmoins, notre différence est là aussi très sérieuse, puisque vous partez du principe que, à travail égal, salaire égal, quand je dis, avec d’autres : travail à valeur égale, salaire égal. Croyez-moi, cette différence n’est pas minime.

Quant aux violences sexuelles et sexistes au travail, le patronat ayant émis son veto, les propositions syndicales ont été balayées d’un revers de main. Bien sûr, l’obligation pour l’employeur d’afficher les voies de recours civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel, obligation prévue à l’article 62, est intéressante, mais j’ai envie de dire que c’est tout de même le strict minimum. Notre désaccord porte bien sur le fond : nous appelons à une tout autre réforme.

C’est le sens, notamment, de notre proposition d’une sécurité de l’emploi et de la formation, que des organisations syndicales nomment différemment, même si l’objectif est le même : chaque salarié doit pouvoir alterner, de sa sortie de formation initiale jusqu’à sa retraite, emplois stables correctement rémunérés et formations permettant d’accéder à de nouveaux emplois, ave la garantie d’une continuité de revenus, des droits élevés, donc des nouveaux pouvoirs d’intervention et de décision dans les entreprises. Ces propositions sont à mille lieues de ce que vous prônez ici, madame la ministre.

En conclusion, je dirai que ces arguments, multiples et majeurs, mettent à mal la logique de votre projet de loi, madame la ministre, et appellent, mes chers collègues, au vote de la motion tendant à opposer la question préalable.

À tout le moins, compte tenu des différents rappels au règlement, provenant de pratiquement toutes les travées de notre assemblée, auxquels nous avons assisté, j’estime qu’une abstention massive, à défaut d’un vote positif, serait de nature à mettre les paroles en accord avec les actes.

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