Intervention de Véronique Guillotin

Réunion du 10 juillet 2018 à 14h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Véronique GuillotinVéronique Guillotin :

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le présent projet de loi, dont nous entamons l’examen, constitue le second volet d’un vaste chantier social entrepris par le Gouvernement, qui reprend un certain nombre de promesses du Président de la République.

Il revoit en profondeur les règles de l’assurance chômage, de la formation professionnelle, de l’apprentissage, mais aussi du travail détaché, de l’insertion des personnes en situation de handicap ou encore celles qui régissent l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’entreprise.

À la lecture du texte, des mots clefs ont émergé : liberté, égalité, transparence, autonomie, simplification. Des mots que le RDSE ne peut renier tant ils sont l’essence même des valeurs que nous prônons.

Je m’efforcerai donc de balayer, à la lumière de ces valeurs, les très nombreux articles de ce projet de loi.

S’agissant d’abord des volets formation professionnelle et apprentissage, un effort de lisibilité est engagé, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Jusqu’à présent en charge de l’organisation et du financement de l’apprentissage, les régions se voient retirer ces compétences au profit des branches, mais elles joueront un important et indispensable rôle d’orientation.

De fortes inquiétudes ont émergé, auxquelles la commission des affaires sociales a su, en grande partie, répondre. Régions de France s’est même réjouie d’avoir pu compter sur le Sénat pour rééquilibrer le texte, notamment grâce à l’élaboration d’une stratégie pluriannuelle des formations en alternance.

En cas de soutien à des CFA, les régions pourront également conclure des conventions d’objectifs et de moyens, jouant pleinement leur rôle d’aménagement du territoire. Nous serons particulièrement attentifs aux moyens attribués, afin que les petits CFA dans les territoires ruraux ne soient pas davantage fragilisés.

Si nous restons bien sûr vigilants quant au respect des collectivités dans tous les domaines, l’apparition d’une véritable politique nationale volontariste, sur ce sujet majeur, doit être saluée.

L’apprentissage constitue en effet un rempart contre le chômage des jeunes, qui stagne à des taux particulièrement alarmants dans notre pays.

Près de 1 million de jeunes seraient hors de tout circuit, sans qu’aucune politique ni aucun plan pour l’emploi soit parvenu à enrayer la situation depuis plus de trente ans. Les difficultés d’accès au marché de l’emploi touchent particulièrement les jeunes sans diplôme. Alors que les mentalités progressent lentement vis-à-vis de l’apprentissage, nous ne pouvons que nous réjouir d’une plus grande implication de l’État en la matière, des objectifs ambitieux qu’il s’est fixés et du décloisonnement nécessaire entre milieu professionnel et éducation nationale.

Nous saluons la création, à l’article 16, de la nouvelle institution nationale publique de la formation professionnelle et de l’apprentissage : France compétences. Associé à d’autres mesures de simplification que je ne détaillerai pas, ce nouvel organisme deviendra l’interlocuteur unique pour la répartition des fonds, la régulation et, surtout, l’animation de la politique de formation et d’alternance. Cette animation, couplée au respect de l’initiative locale et de l’expérimentation, est indispensable.

Le projet de loi chamboule une gouvernance complexe et peu lisible. C’est dans cet esprit que la commission des affaires sociales a fait le choix de préciser la composition du conseil d’administration de France compétences, afin de s’assurer qu’il ne soit pas seulement un opérateur de l’État et que le copilotage soit une réalité.

S’agissant du compte personnel de formation, dont on peut convenir aisément du caractère perfectible, un « pari » est fait par le Gouvernement, selon vos propres mots, madame la ministre.

Le CPF sera désormais crédité à hauteur de 500 euros par an – 800 euros pour les personnes sans qualification, pour lesquelles le besoin de formation est le plus fort. La liberté laissée aux accords de branche et d’entreprise permettra un abondement plus important.

Mais, malgré l’effort de transparence et le champ laissé aux négociations, des voix se sont élevées pour contester la conversion, jugée insuffisante, entre les vingt-quatre heures attribuées jusqu’à présent et le crédit disponible en euros. Comme beaucoup, notre groupe craint un reste à charge dissuasif qui pourrait être source de nouvelles inégalités pour les salariés. Mais je fais le pari, moi aussi, que cette réforme sera l’occasion de remettre à plat l’offre de formations professionnelles, aujourd’hui peu satisfaisante.

Trop souvent, des formations au coût élevé et au contenu insuffisant sont proposées à nos concitoyens.

J’aimerais également évoquer un sujet cher à notre groupe : l’égalité entre les femmes et les hommes.

En 2014, ma collègue Françoise Laborde, lors de la discussion de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, disait ceci : « En matière d’égalité professionnelle, pas moins de six lois ont été votées depuis 1972. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Les inégalités restent toujours profondément ancrées, si bien que l’on en oublierait presque que des textes ont été, un jour, adoptés. »

Dans le présent projet de loi, les menaces et les sanctions sont alourdies pour les entreprises, qui se voient aussi davantage impliquées dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

Bien sûr, nous nous en réjouissons et gageons que cette énième disposition législative sera la bonne.

À titre personnel, je regrette la suppression de l’article 29, qui permettait au Gouvernement de créer un système de bonus-malus lié au nombre de fins de contrat dans les entreprises. Cette mesure, mise en place à titre provisoire et uniquement en cas d’échec des négociations de branche, semblait constituer une réponse équilibrée au recours croissant aux contrats courts.

Je terminerai par le volet « assurance chômage », qui cristallise les débats depuis l’annonce par le Président de la République du dépôt d’un amendement de dernière minute.

J’entends bien évidemment le besoin de dialogue avec les partenaires sociaux. Mais sur ce sujet d’importance majeure, comment assurer un travail législatif de qualité, alors que tout semble aujourd’hui remis en question ?

Nous nous efforçons d’examiner avec sérieux et méthode ce texte en procédure accélérée. En retour, le Parlement est en droit d’attendre du Gouvernement plus de méthode et moins d’improvisation.

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