Intervention de Max Brisson

Réunion du 10 juillet 2018 à 14h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Max BrissonMax Brisson :

Je ne méconnais pas que, d’une région à l’autre, les politiques publiques de l’apprentissage présentent des visages différents. Je ne sous-estime pas davantage l’impérieuse nécessité de mettre au plus vite en adéquation les besoins de main-d’œuvre des entreprises et la formation de celles et ceux qui sont éloignés de l’emploi.

Est-ce une raison pour enclencher la première marche arrière de la décentralisation depuis Gaston Defferre ? Je ne le pense pas. Je le dis donc avec force : votre gouvernement sera le premier depuis 1982 à reprendre aux régions une compétence transférée. N’auriez-vous pas mieux fait de vous appuyer sur elles pour mettre davantage de cohérence dans leurs politiques de l’emploi, de la formation, de l’enseignement professionnel et de l’apprentissage ? Depuis 1982, ces politiques constituent pourtant un pan majeur et connecté des compétences régionales exercées en direction des jeunes et des demandeurs d’emploi.

Certes, les modifications initiées par nos rapporteurs en commission réduisent les effets négatifs de votre texte, et je veux saluer cet excellent travail. Je crains néanmoins que la matrice première du texte ne l’emporte.

En bouleversant le pilotage de l’apprentissage et son financement, vous provoquerez la fermeture d’un grand nombre de centres de formation, les plus petits et ceux des territoires les plus fragiles.

En dépossédant les régions de l’obligatoire conventionnement, en réduisant leurs outils d’élaboration d’une carte cohérente des formations, en limitant leurs leviers financiers, vous générerez des concurrences qui seront gagnées par les plus gros et les plus puissants.

C’est bien la seule logique de marché qui prévaudra §et cela sans aucune certitude que votre objectif soit atteint.

Madame la ministre, vous avez voulu privilégier les branches professionnelles, du moins les plus riches et les plus puissantes. Vous les invitez à reprendre la quasi-totalité des missions des régions. Or toutes sont loin d’être présentes sur tous les territoires et certaines n’ont aucune culture de l’apprentissage ni la structuration suffisante pour remplir leurs nouvelles missions. Et sont-elles d’ailleurs les mieux à même d’appréhender l’accélération des mutations technologiques qui nécessitent de la proximité et non le culte de la centralité ?

J’aurais souhaité arrêter là la liste de mes griefs, mais je ne peux passer sous silence le caractère, à mon sens, le plus aberrant de ce projet de loi. En effet, si le développement de l’apprentissage est appelé à devenir une voie à part entière de la formation initiale, comment expliquer alors que le ministère de l’éducation nationale soit spectateur et non acteur des réformes que vous engagez ? Je ne comprends pas la logique qui prévaut.

Déjà, nous avons travaillé à une loi sur l’orientation et la réussite des étudiants avant que ne soit lancée la rénovation du baccalauréat et alors que, tout le monde en convient, l’articulation entre le lycée et la licence est une priorité.

Désormais, nous examinons un projet de loi consacré pour partie à l’apprentissage sans rien savoir des objectifs précis du ministre en matière de rénovation de la voie professionnelle. Pas de travail commun, chacun réfléchit de son côté. Est-ce à la hauteur de l’enjeu ?

Nous en convenons pourtant tous, la rénovation de la voie professionnelle, voire, plus largement, de notre système de formation initiale, ne pourra être menée sans s’emparer pleinement des voies de l’apprentissage et de l’alternance.

Il fallait décloisonner, avoir une approche globale et transversale, faire de l’apprentissage une voie majeure de formation à tous les niveaux – CAP, bac pro, BTS, licence – et diffusable par tous les acteurs §– CFA publics et privés, lycées professionnels et technologiques, établissements d’enseignement supérieur.

Madame la ministre, vous aurez compris mes vives réticences et celles de nombre de mes collègues du groupe Les Républicains.

Votre projet de loi s’inscrit encore et toujours dans une veine centralisatrice. En n’établissant aucun lien avec la rénovation de la voie professionnelle au ministère de l’éducation nationale, il passe à côté de l’essentiel.

En s’interdisant de voir large, le Gouvernement ne s’est pas donné les moyens d’une grande réforme de l’apprentissage. Madame la ministre, la révolution copernicienne n’aura pas lieu.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion