Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 10 juillet 2018 à 14h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Article 1er

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er est symptomatique d’une logique qui part de la conception d’un individu seul responsable de son employabilité.

À l’encontre de l’accord national interprofessionnel conclu entre les partenaires sociaux et signé le 22 février dernier, le CPF voit son unité de compte changer : les euros se substituent aux heures.

Or ce projet de loi ne crée aucune garantie quant au volume de formation, et la monétisation entraîne d’abord une diminution mécanique des droits des salariés.

Avec un montant de conversion annoncé de 14 euros pour une heure, alors que le coût moyen d’une heure de formation est aujourd’hui de 37, 80 euros, un salarié bénéficiera demain de 13 heures de formation par an contre 24 actuellement. Pour maintenir ne serait-ce que les droits existants, le CPF devrait être alimenté à hauteur de 912 euros par an.

Selon le secteur d’activité, la certification visée, la formation choisie et le dispositif mobilisé, le coût est très variable. Le prix d’une heure de formation est plus élevé dans le secteur de l’industrie, qui requiert des plateaux techniques, que dans le secteur tertiaire. En fixant un montant unique pour tous, non modulé en fonction des branches professionnelles, la monétisation pénalisera donc certains travailleurs et créera un reste à charge beaucoup plus important. Faute de pouvoir financer ce dernier, le salarié serait contraint de renoncer à son parcours de formation.

De plus, associée à la logique d’accès à la formation en trois clics sur le smartphone, sans intermédiation, la monétisation du CPF présente un risque évident d’inflation des coûts de formation.

Elle fait également courir le risque réel, à moyen ou à long terme, de fongibilité. Les fonds inscrits sur le CPF des personnes, et donc exclusivement dédiés aujourd’hui à la formation professionnelle, pourraient, demain, être orientés vers d’autres objets.

La non-revalorisation annuelle des montants de l’alimentation et du plafond du CPF, selon le taux d’inflation notamment, interroge et inquiète. La revalorisation est aujourd’hui automatiquement opérée avec le CPF en heures.

Enfin – et ce n’est pas anecdotique –, une personne nouvellement retraitée perd, aujourd’hui, au maximum 400 heures de CPF, comme le prévoit l’accord national interprofessionnel du 22 février 2018. Demain, elle pourrait être conduite à renoncer à 5 000 euros. Cette situation n’a pas le même impact psychologique : elle pourrait créer de la frustration, voire des contentieux et des abus.

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