Intervention de Jean-Pierre Decool

Mission d'information sur la pénurie des médicaments et des vaccins — Réunion du 5 juillet 2018 à 10h15
Audition de la professeure dominique le guludec présidente de la haute autorité de santé has de Mme Catherine Rumeau-pichon adjointe à la directrice de l'évaluation médicale économique et de santé publique de la has du professeur norbert ifrah président de l'institut national du cancer inca et de M. Thierry Breton directeur général de l'inca

Photo de Jean-Pierre DecoolJean-Pierre Decool, rapporteur :

Les mesures de substitution prises en cas de pénurie présentent-elles toutes les garanties de sécurité et d'efficacité pour les patients ? Quelles mesures pourrait-on préconiser pour améliorer la gestion des tensions ? Par ailleurs, les difficultés relatives au Lévothyrox® sont-elles liées à un enjeu de pénurie de médicaments ?

Pr Norbert Ifrah. - N'étant pas compétent, je ne répondrai pas à cette dernière question.

Concernant les médicaments anticancéreux, nous essayons de faire au moins mal. Nous avons souvent des substituts de très grande qualité, quand des traitements analogues existent mais avaient été écartés parce que leur administration était plus longue, ou exigent un réapprentissage - celui-ci pouvant toutefois entraîner un sur-risque. Il arrive qu'il n'existe pas de substitut, comme pour l'Erwinase®, qui est utilisé lorsque le patient est allergique ou intolérant à la L-asparaginase « de base ». Pendant plusieurs mois, nous avons dû hiérarchiser les besoins et nous entraider. Il s'agit d'un médicament rare produit dans un seul endroit, qui a été en rupture du fait d'un problème de fabrication.

Les rares comportements étranges que nous avons relevés sont l'exception et non la règle. Ils sont fermement condamnés par les institutions, mais aussi par les industriels du médicament qui se soucient de leur image.

L'ANSM, la HAS et l'INCa travaillent ensemble à des mesures d'adaptation pour faire face à ces situations, y compris la constitution de stocks qui seraient éventuellement « renouvelables » afin qu'ils ne se périment pas, car il peut s'agir de médicaments dont le prix unitaire n'est pas faible.

Quelles sont vos préconisations pour lutter contre ces ruptures - il peut s'agir de mesures coercitives, voire de réquisition ?

Pr Norbert Ifrah. - Nous avons listé les mesures suivantes : la consolidation d'une liste de médicaments anticancéreux d'intérêt thérapeutique majeur faisant l'objet d'un risque de pénurie ; la cartographie des sites de fabrication de matières premières et de produits finis ; le repérage des sources de tension et de pénurie ; la sécurisation de l'approvisionnement en principes actifs et en produits finis à travers différentes mesures de clarification des besoins et de renforcement de l'attractivité de notre pays pour la production et l'approvisionnement ; la constitution de stocks renouvelables, éventuellement sanctuarisés chez les industriels ; enfin, la mise en place d'une structure légère de pilotage afin d'anticiper les pénuries.

J'attire votre attention sur la relative quadrature du cercle que représentent les achats unifiés par les hôpitaux ou les établissements de soin d'un médicament. S'ils permettent d'en réduire le prix, ils ont également pour effet de faire disparaître l'intérêt de la concurrence pour ce produit. Le moindre problème technique dans la production peut alors causer de grandes difficultés. C'est le cas de certains vaccins, de médicaments anticancéreux, mais aussi des médicaments dérivés du sang et des immunoglobulines qui sont en situation de très grande pénurie en France.

Pr Dominique Le Guludec. - La reformulation du Lévothyrox® ayant été demandée par l'ANSM afin d'améliorer la biodisponibilité du médicament, elle n'est pas a priori liée à une crainte de rupture ou de pénurie.

En matière de substitution, de nombreux dispositifs ont été mis en place et les industriels ont fait des efforts de coordination. Par exemple, malgré les tensions qui existent sur leur approvisionnement, il n'y a pas eu jusqu'à ce jour de pénurie d'immunoglobulines car nous sollicitons différents fournisseurs. C'est pourquoi il est important qu'il n'y ait pas de monopole.

Lorsque j'étais médecin nucléaire dans les hôpitaux, nous avons vécu une période de tension sur l'approvisionnement de technétium, qui permet de faire de nombreux examens. Nous avons traversé cette période grâce à l'élaboration de recommandations de stratégies de priorisations et d'alternatives entre institutionnels et sociétés savantes, et à une entente rapide entre industriels pour grouper leur production et la répartir de façon homogène. Cela montre à quel point il ne faut pas être dépendant d'un seul industriel.

Les mesures de substitution portant sur les vaccins nous ont conduits à trouver des substituts ou des stratégies alternatives qui nous ont permis d'éviter des catastrophes.

Pour l'avenir, je ne peux qu'insister sur l'importance de l'anticipation, en particulier de l'augmentation de la demande, sur l'intérêt d'une entente européenne et éventuellement, de la réévaluation de produits anciens.

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