Intervention de Jean-Baptiste Moreau

Commission mixte paritaire — Réunion du 10 juillet 2018 à 9h30
Commission mixte paritaire sur le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine durable et accessible à tous

Jean-Baptiste Moreau, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale :

Je tiens d'abord à saluer la qualité de nos échanges lors des réunions que nous avons tenues avec les rapporteurs du Sénat Madame Anne-Catherine Loisier et Monsieur Michel Raison, en présence de Monsieur Daniel Gremillet.

L'esprit constructif est remarquable et les apports de la navette parlementaire sont nombreux mais le fait est que le Sénat a considérablement modifié le projet de loi en commission. Il est parfois revenu sur ses positions en séance publique - comme sur les néonicotinoïdes - ce dont je me félicite, mais pas toujours, en particulier sur des dispositions adoptées à l'initiative de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de notre assemblée.

J'ai identifié plusieurs lignes rouges, certaines concernent le titre Ier mais les principaux points de blocage concernent le titre II.

À l'article 1er, nous souhaitons la suppression de la validation des indicateurs par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Il s'agit certes du texte adopté en séance publique à l'Assemblée nationale mais nous souhaitons revenir au texte adopté préalablement en commission. La validation des indicateurs par une autorité publique contribuerait à déresponsabiliser les interprofessions, ce qui ne nous semble pas souhaitable compte tenu de l'esprit des États généraux de l'alimentation (EGA).

À l'article 4, nous sommes favorables à la réintroduction du name and shame (« nommer et dénoncer ») des entreprises qui font échec à la médiation, sans avoir besoin de leur accord pour y procéder, et au rétablissement de la saisine du juge en référé par le médiateur des relations commerciales agricoles tel qu'adoptée en commission à l'Assemblée nationale.

À l'article 6, il conviendrait de supprimer la clause d'indexation des prix agricoles et alimentaires uniquement à la hausse car cela conduirait à convenir de prix très bas, en prévision d'une future hausse, ce qui serait défavorable aux producteurs.

À l'article 8, il est important de rétablir la demande d'habilitation à légiférer par ordonnance sur les relations entre les sociétés coopératives agricoles et les associés coopérateurs. Il s'agit d'un engagement du Président de la République afin de renouer la confiance entre la profession agricole et les coopératives dont le modèle a pu être dévoyé par certaines coopératives.

À l'article 9 nous sommes également favorables au rétablissement de l'habilitation. Le Sénat a inscrit directement dans la loi les dispositions sur le relèvement du seuil de revente à perte et l'encadrement des promotions. Le Gouvernement n'y est pas prêt et la rédaction proposée par le Sénat n'est pas tout à fait conforme à ses intentions. La concertation va se poursuivre cet été et, à la rentrée, nous y verrons plus clair, même si je ne suis pas en désaccord avec la philosophie du texte du Sénat.

Au titre II, les principaux points de désaccord portent sur deux articles initiaux du projet de loi et sur des dispositions adoptées à l'initiative de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire et qui ont été supprimées au Sénat.

Le Sénat a en effet supprimé l'interdiction des bouteilles en plastique dans la restauration collective ; l'instauration, à compter du 1er janvier 2030, d'une obligation de certification environnementale des produits sous signes officiels de la qualité et de l'origine ; la présence de représentants d'associations de défense de l'environnement dans la gouvernance de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) ; les nouvelles obligations en termes de responsabilité sociale et environnementale des grandes entreprises en matière de bien-être animal ou de lutte contre la précarité alimentaire et l'interdiction du réaménagement de tout bâtiment d'élevage de poules pondeuses en cage, en maintenant seulement l'interdiction de la construction de ces bâtiments. Il y a également le point clé de l'expérimentation de l'épandage aérien par drones de produits autorisés en agriculture biologique et en certification « haute valeur environnementale » dans certaines conditions de production et qui a été étendue, par le Sénat, à l'ensemble des produits, ce qui n'est pas souhaitable.

Les deux points clés portent sur les articles 14 et 15. Nous souhaitons le rétablissement intégral de l'article 14 tel qu'adopté à l'Assemblée nationale : il est symboliquement important de réintroduire l'interdiction des remises commerciales sur les produits phytopharmaceutiques. Nous souhaitons également le rétablissement de l'article 15 tel que prévu par le Gouvernement, prévoyant des ordonnances sur la séparation de la vente et du conseil sur les produits phytopharmaceutiques.

En outre, certaines dispositions n'ont pas été supprimées mais elles ont été fortement édulcorées : l'ouverture de l'article 11 aux certifications de conformité, sur laquelle le Sénat est, il est vrai, revenu ensuite en séance publique, la hausse du seuil pour l'application d'un plan de diversification de protéines et la suppression de l'expérimentation sur les contenants plastiques dans les cantines des collectivités publiques.

Vous avez ici une liste non exhaustive des marqueurs forts du projet de loi, auxquels nous tenons et qui résultent déjà d'un équilibre au sein de notre assemblée. Je ne saurais y renoncer car pour que cette CMP soit conclusive, il faut avoir la garantie que l'Assemblée nationale adoptera, en séance publique, le texte qui en résultera.

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