Je voudrais saluer l'ensemble de mes collègues sénateurs pour leur participation et leurs apports à nos travaux, ainsi que le rapporteur de l'Assemblée nationale avec qui nous avons pu largement échanger.
Je voudrais à mon tour dire quelques mots sur le titre II du texte dont j'ai eu la charge et sur les principaux apports du Sénat pour souligner, avant tout, les nombreux points d'accord entre nos deux assemblées. Sur les 28 articles déjà conformes, 25 le sont sur les titres II et suivants.
Ainsi, en matière de restauration collective, le Sénat a préservé l'ambition de l'article 11 en maintenant l'objectif de 20 % de produits biologiques ainsi que l'exclusion des produits sous certification de conformité, qui n'apportaient pas un gage suffisant de qualité. Nous avons toutefois souhaité mieux adapter l'article aux réalités du terrain, en intégrant tous les produits sous signes de qualité ou mentions valorisantes et les produits labellisés « régions ultrapériphériques », en prenant en compte l'offre locale et en favorisant sa structuration ou en exonérant la restauration purement privée de l'obligation d'information. Sous réserve d'un ajustement sur le périmètre des gestionnaires concernés auquel nous sommes tout à fait disposés, nous pourrions parvenir à un accord sans difficulté.
Toujours sur le volet alimentation, nous avons conforté ou ajouté plusieurs dispositions pour mieux informer le consommateur, mieux le protéger et promouvoir les productions françaises, qu'il s'agisse de la protection des dénominations commerciales associées aux produits d'origine animale, étendue à la promotion (article 11 sexies) ; du vin, avec une obligation d'information sur l'origine dans tous les établissements qui en mettent à la vente (article 11 nonies E) et le maintien d'une déclaration de récolte obligatoire (article 11 nonies F) ; du miel, avec l'indication des pays d'origine dans l'ordre d'importance en cas de mélange (article 11 decies) ; ou encore de l'encadrement renforcé de l'usage du terme « équitable » (article 11 nonies). Nous avons en revanche jugé que l'affichage environnemental des denrées alimentaires (article 11 septies A) ne pouvait être retenu, à la fois parce que le sujet relève du droit européen et parce qu'un tel affichage pourrait s'avérer contre-productif au regard des expérimentations en cours ou à venir et portées par le Gouvernement, ainsi que pour certaines productions, notamment bio.
Dans le même objectif de défense de notre modèle agricole, le Sénat a ajouté, en séance, un article très symbolique mais aussi très attendu pour affirmer un principe d'interdiction de mise à la vente de toute denrée alimentaire ou produit agricole qui ne respecterait pas les normes européennes ou françaises en matière de traitement, de mode de production ou d'exigence d'identification et de traçabilité (article 11 undecies A). Cette obligation est en outre déclinée au sein des objectifs de la politique agricole et alimentaire (article 11 undecies). Nous avons entendu l'intérêt du ministre pour disposer sur ce point d'un appui dans ses négociations avec nos partenaires commerciaux, mais aussi sa réticence à viser la loi française pour éviter tout contentieux ; là aussi, nous serions disposés à ne mentionner que la réglementation européenne pour conserver cet apport qui nous semble essentiel.
Sur le volet sécurité sanitaire, nous avons repris les rédactions proposées par l'Assemblée nationale en amendant à la marge l'une d'entre elles pour prévoir une contre-expertise en cas de détection d'agents pathogènes dans l'environnement de production, et ce afin de mieux nous conformer à la réglementation européenne. Nous avons également adopté un dispositif de sanctions en cas d'échec de la procédure de retrait et de rappel des produits. Ce sont là des avancées qui, je pense, nous rassembleront sans difficulté.
En matière de bien-être animal, le Sénat a voulu préserver le bon équilibre auquel était parvenue l'Assemblée nationale et a adopté conformes la quasi-totalité des articles de cette partie, à l'exception de la disposition sur l'interdiction des bâtiments d'élevage de poules pondeuses (article 13 bis A), de laquelle nous avions voulu exclure les réaménagements de peur que même un réaménagement favorable au bien-être animal ne soit plus possible. Depuis, nous avons pu avoir connaissance du courrier adressé par le ministre à la filière qui lève toute inquiétude en la matière et nous n'aurions donc plus aucune objection à revenir à la rédaction de l'Assemblée.
Les points qui feront le plus débat entre nous portent sur les produits phytopharmaceutiques. Le Sénat a d'abord estimé que l'effet de l'interdiction des remises, rabais et ristournes (article 14) était insuffisamment documenté dans l'étude d'impact, alors qu'il s'agit d'une mesure structurelle pour la profession agricole. Malgré nos demandes répétées, le Gouvernement n'a jamais étayé son analyse.
Nous proposons néanmoins de rétablir en partie cette interdiction dans le texte, en restreignant son périmètre pour mieux répondre aux attentes exprimées par les députés et le Gouvernement. Ainsi, les remises, rabais et ristournes seraient interdits sur les seules mesures promotionnelles fondées sur le montant d'achat ou le volume des produits. Il n'y aurait ainsi plus de possibilité de réduction incitant à l'achat en volume.
En revanche, ces pratiques commerciales seraient maintenues si des services sont rendus par l'acheteur, en faveur d'une plus grande sécurité des agriculteurs et d'une meilleure utilisation, notamment en termes de stockage ou de formation. C'est un mécanisme incitatif et non uniquement punitif qui est proposé ici. Il respecte la volonté gouvernementale d'un effet prix en faveur des produits de biocontrôle tout en accompagnant les acteurs en faveur d'un meilleur usage des produits.
Sur les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) à base de plantes comestibles (article 14 ter), après échange avec l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), nous avons considéré qu'il fallait maintenir l'esprit de simplification de la mesure introduite à l'Assemblée tout en conservant une évaluation minimale des substances. Nous avons proposé une idée simple : une procédure simplifiée et, chose unique dans le code rural et de la pêche maritime, une évaluation elle-même simplifiée, notamment pour les produits à base de plantes comestibles. Les associations concernées travaillent en ce moment avec l'ANSES sur le sujet. L'idée n'est pas que l'évaluation soit bloquante. Au contraire, elle permettra de préconiser des doses d'utilisation et de préciser les conditions optimales d'épandage.
Concernant l'expérimentation de l'usage des drones pour l'épandage de précision de produits phytopharmaceutiques (article 14 sexies), nous avons repris la rédaction que vous aviez adoptée au sortir de la commission, considérant que la justification de la mesure était avant tout d'assurer la sécurité des utilisateurs et non de viser une catégorie de produits plutôt qu'une autre. Les deux rédactions sont donc très similaires mais il s'agit d'éviter de créer une rupture d'égalité entre les agriculteurs, qu'ils aient fait le choix ou non de l'agriculture biologique.
Enfin, notre assemblée a maintenu la séparation entre le conseil et la vente de produits phytopharmaceutiques (article 15). Nous partageons la même ambition : l'émergence d'un conseil indépendant, séparé et stratégique, à un coût acceptable pour nos agriculteurs. Mais le risque d'une mesure trop rigide est de ne plus avoir de conseil du tout. Cela serait contre-productif pour notre agriculture.
C'est pourquoi nous proposons, là encore, un compromis qui permettrait, d'une part, de lister précisément tous les types de conseils existants aujourd'hui. D'autre part, nous proposons d'appliquer une stricte séparation des structures entre les activités de vente et les activités de conseil stratégique, sans préciser que ce conseil sera pluriannuel si cela n'est pas nécessaire et afin de mieux s'adapter à la diversité des filières.
En conclusion, nous pourrions parvenir à un accord parce que nombre d'articles sont déjà conformes ou très près de l'être et parce que nous proposons à cette commission mixte paritaire d'adopter un certain nombre de rédactions de compromis. Il est essentiel de ne pas décevoir une profession qui s'est beaucoup investie sur ce texte au cours de longs mois. Je crois que nous ferions là oeuvre utile à la fois pour notre agriculture, car la loi trouverait à s'appliquer plus rapidement et de façon plus équilibrée, pour le Parlement lui-même, qui en sortirait grandi, ainsi que pour le Gouvernement, qui pourrait se prévaloir d'avoir réussi à rassembler sur son texte.