Intervention de Jacques Muller

Réunion du 22 juillet 2008 à 16h00
Démocratie sociale et temps de travail — Vote sur l'ensemble

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Nous voici donc arrivés à l’issue de nos débats sur ce projet de loi.

Qui pouvait s’opposer à la nécessaire amélioration de la « démocratie sociale » dans notre pays ? Personne, bien sûr !

Et, pour cela, les pays du nord de l’Europe nous indiquaient une nouvelle fois le chemin à suivre. Pour que le dialogue social fonctionne correctement, il faut en effet des syndicats capables de faire valoir efficacement les droits des salariés, de contribuer à l’élaboration de compromis solides et équilibrés avec le patronat, mais aussi de les faire respecter ; autrement dit, des syndicats puissants dont la légitimité est incontestable.

Sur ce point, le présent texte apporte un début de réponse au problème posé en France, même s’il reste des lacunes dans le titre Ier, notamment en ce qui concerne les modalités concrètes de désignation des syndicats dits « représentatifs ».

En revanche, je dénonce avec la plus grande fermeté, ainsi que mes collègues Verts, la manœuvre qui consiste à lier mécaniquement la recherche légitime d’une nouvelle « démocratie sociale » à ce qui constitue une attaque en règle et de portée historique contre la législation en matière de « temps de travail », pour reprendre l’intitulé du titre II.

Mais, monsieur le ministre, personne n’est dupe ! Les Français n’auront aucune peine à croire votre ami politique, M. Devedjian, député UMP, lorsqu’il annonce un « démantèlement définitif des 35 heures ».

Pis encore, cette loi constitue une régression qui va nous ramener avant 1936 et qui va toucher de plein fouet le monde du travail.

Pour le coup, cette très mauvaise attaque portée aux salariés constitue bien une politique de « rupture » ! Il s’agit même d’une rupture historique puisque, pour la première fois, le législateur s’en prend directement à l’un des principes fondateurs du droit du travail avec l’inversion radicale des normes juridiques : un accord d’entreprise pourra être plus pénalisant pour le salarié qu’un accord de branche.

Ainsi, à l’exact opposé des pratiques des pays nordiques adeptes du capitalisme rhénan, qui caractérise des États tout aussi pacifiés sur le plan social que performants sur le plan économique, ce texte ouvre de nouvelles voies à la déréglementation du droit du travail dans notre pays et au dumping social généralisé entre les entreprises installées en France. Voilà une belle rupture, en vérité !

Ce sont des décennies de progrès sociaux, arrachés de haute lutte par les salariés, qui sont aujourd’hui remis en cause au nom d’une idéologie ultralibérale qui ne dit pas son nom. En effet, ce projet de loi porte en germe la dégradation inexorable des conditions de travail, de vie – familiale et sociale – et de santé des salariés.

Dans le monde nouveau qui commence à émerger, marqué par la fin définitive de l’ère du « pétrole pas cher », avec pour conséquence une croissance économique structurellement et durablement ralentie, nous sommes collectivement invités à favoriser l’émergence de nouveaux compromis sociaux, forcément complexes.

Or, monsieur le ministre, avec ce projet de loi, vous nous proposez de valider un compromis social productiviste et inégalitaire, qui date véritablement du siècle dernier. En favorisant les heures supplémentaires, il donne en effet la priorité à ceux qui travaillent déjà, et non aux chômeurs.

Par ailleurs, les gains de productivité du travail réalisés chaque année reviennent implicitement au patronat, puisque la hausse du pouvoir d’achat ne devient possible pour les salariés que s’ils font des heures supplémentaires, ce que le texte va faciliter, pour ne pas dire imposer !

Enfin, la stimulation de la croissance – durablement ralentie – en emploi n’est envisagée qu’à travers la multiplication des emplois précaires.

À ce compromis social anachronique, productiviste et inégalitaire, j’oppose, avec mes collègues Verts, la recherche de compromis sociaux nouveaux, écologistes et solidaires, axés sur la réduction partagée du temps de travail et sur une répartition de la richesse plus équitable.

Telles sont les raisons pour lesquelles, en conscience, je ne peux que voter contre ce texte, qui est sans doute, monsieur le ministre, le pire sur le plan social que votre Gouvernement nous ait présenté !

Mais, en pleine période estivale, tout semble permis, même le pire…

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