Intervention de Noémie Zapata

Mission d'information Développement de l'herboristerie — Réunion du 10 juillet 2018 à 18h00
Audition de mmes dominique crémer herboriste diplômée en belgique noémie zapata chargée d'études en anthropologie de la santé et auteure d'une enquête sur les herboristeries à madrid et caroline gagnon présidente de la guilde des herboristes du québec à distance

Noémie Zapata, chargée d'études en anthropologie de la santé :

Je précise d'emblée que je ne suis pas espagnole mais que, faute de pouvoir exprimer ma vocation d'herboriste en France, j'avais formé le projet d'exercer ce métier en Espagne. En tous cas, j'y ai mené une enquête ethnographique dans le cadre de mon parcours universitaire en anthropologie il y a onze ans, et je l'ai récemment réactualisée en me rendant en Catalogne. Si l'herboristerie existe bien en Espagne, elle n'y revêt pas les formes que lui confèrent les représentations traditionnelles. Les herboristes tiennent en général un magasin d'alimentation biologique et diététique, où ils proposent des plantes médicinales sèches sous toutes leurs formes. En vingt ans, le métier s'est beaucoup diversifié, comme je l'ai constaté chez Trinidad, qui tient la plus ancienne herboristerie de Barcelone, où il n'existe plus que quelques herboristeries traditionnelles du même type. Ce n'est certes pas par plaisir que les herboristes se consacrent désormais à l'alimentation biologique ; c'est que la vente de plantes médicinales sèches ne paie plus : elle représente moins de 1 % de leur chiffre d'affaires.

Les herboristes sont souvent des petits commerçants, qui, pour l'essentiel, emploient moins de cinq salariés. Moins de la moitié d'entre eux sont installés depuis une dizaine d'années. Il s'agit donc d'une activité commerciale relativement précarisée et peu viable, car menacée par l'émergence de franchises, d'où la fermeture constatée de certains commerces. Cette activité commerciale ne relève pas de la législation de la santé et du paramédical. L'absence de formation et de qualification obligatoires pose problème et préoccupe grandement les herboristes.

La communauté herboriste regroupe des profils différents. Certains ont reçu un enseignement spécifique et ont une vraie conscience éthique sur la transmission des savoirs. D'autres sont des entrepreneurs de la santé et du bien-être, qui, malgré leurs compétences, n'ont pas forcément le recul nécessaire.

La loi du médicament de 1990 est la législation la plus récente sur le commerce des plantes médicinales. Elle autorise la vente des plantes médicinales sèches ou fraîches, en vrac, sous certaines conditions. Elle interdit de vendre des plantes médicinales présentant un fort risque de toxicité, de pratiquer la vente ambulante, de préparer des formes galéniques, des gélules, de faire des allégations thérapeutiques.

En Espagne, il a fallu attendre 2004 pour que le gouvernement édite la fameuse liste de plantes toxiques interdites à la vente libre. Pendant quatorze ans, ce fut le flou total, favorisant le maintien des pratiques passées. Dans cette liste figurent : les psychotropes et stupéfiants ; les espèces végétales reconnues comme étant la matière première de médicaments, à l'image de la digitale ; les laxatifs drastiques, comme la cascara sagrada ou le nerprun ; les plantes venimeuses ; les plantes présentant un problème de sécurité ; les plantes ayant une classification douteuse, dont la badiane et le séneçon.

La préoccupation centrale de la communauté des herboristes est liée au manque de formation. Si le secteur s'est organisé dès 1977 à Madrid, les nombreuses associations d'herboristes et de diététiciens, car elles vont souvent ensemble, ont du mal à se fédérer compte tenu de l'organisation administrative du pays en dix-sept communautés autonomes.

Dans le paysage des thérapies naturelles, l'Espagne n'est pas un exemple à suivre. Elle ne reconnaît pas l'ostéopathie. Pour la médecine, la pharmacie, les métiers de la diététique et de la nutrition, la formation universitaire est semblable à la France. Il reste possible pour les médecins de se spécialiser dans la phytothérapie, même si le nombre de formations est restreint.

Depuis une dizaine d'années, le scepticisme, voire la peur, à l'égard de l'homéopathie ou de l'acupuncture, a gagné la communauté médicale, poussant de nombreuses universités à arrêter les formations dans ces domaines. L'Ined, l'Institut national d'enseignement à distance, propose des diplômes de niveau bac+5 en phytothérapie, plutôt généralistes. La Catalogne est la plus avancée et propose un master en phytothérapie à distance, sur deux années. Cette formation est accessible à toutes les personnes justifiant d'un diplôme de niveau bac+4 ou bac+5. Depuis 2015, il existe un métier d'artisan herboriste, accessible après examen. Cette petite avancée juridique, assurant une reconnaissance des compétences en matière de préparation de plantes médicinales, a été accueillie avec enthousiasme.

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