Le superviseur que je suis peut dire aux Français qu'ils ont un système bancaire très solide, l'un des plus solides d'Europe et même du monde - nous l'avons vu lors de la crise de 2008. S'y ajoute un système de garantie des dépôts, qui a été renforcé, vous y avez fait allusion. Je veux être clair sur cette question : la sécurité des Français sur le plan financier me paraît totalement assurée.
Sur la crise financière, le superviseur que je suis est aussi payé pour ne dormir que d'un oeil et rester extrêmement vigilant sur les risques de crise. Il a été procédé à un renforcement très important des règles de sécurité sur les banques, sur les assurances et, dans une moindre mesure, sur les gestionnaires d'actifs ou les fonds, pour lesquels il faut continuer à renforcer les choses. Nous ne pouvons pas dire aujourd'hui que tout risque de crise financière est écarté ; le jour où nous le dirons, nous serons en situation psychologique dangereuse. Je vous renvoie à ma lettre au Président de la République, que j'ai d'ailleurs remise au président du Sénat la semaine dernière - elle lui est aussi adressée de par la tradition républicaine -, dans laquelle j'évoque les risques d'instabilité financière.
Si l'on rapporte la dette mondiale, c'est-à-dire l'addition de la dette publique, celle des États, et la dette privée, celle des ménages et des entreprises, au PIB mondial, on obtient en quelque sorte le taux d'endettement de l'économie mondiale, un thermomètre auquel il faut être attentif : malheureusement, ce taux n'a cessé de croître, de 190 % en 2001 bien avant la crise, à 210 % en 2007 au moment de la crise, et à 240 % dix ans après.
La crise n'a pas arrêté un mouvement de croissance de la dette mondiale plus rapide que l'économie. En revanche, elle en a changé la répartition, et on peut donc pointer, avec une grande prudence, là où se trouvent les risques aujourd'hui. Globalement, la dette a un peu reculé dans les pays avancés ; elle a nettement augmenté dans les pays émergents, notamment la dette privée, celle des grandes entreprises. On cite souvent la Chine : l'économie y a beaucoup crû, mais la dette des entreprises a augmenté encore plus vite. Heureusement, les autorités chinoises prennent depuis un an des mesures assez fortes pour maîtriser l'endettement privé des entreprises.
Par définition, je ne puis vous dire où se produirait une prochaine crise financière. Je peux juste vous faire part de deux convictions : premièrement, c'est que le système financier mondial est aujourd'hui plus sûr qu'il y a dix ans, compte tenu des mesures prises ; deuxièmement, c'est que nous ne pouvons jamais dire que tous les foyers de risques sont écartés. C'est le début de la sagesse !