Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du 12 juillet 2018 à 10h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Article 15

Muriel Pénicaud :

Avis défavorable. Je voudrais profiter de cette occasion pour redire la philosophie du projet de loi quant au rôle des acteurs en matière d’apprentissage.

Nous avons besoin de l’ensemble des acteurs pour réussir. Cela fait plus de vingt-cinq ans que la compétence en matière d’apprentissage a été décentralisée, et autant de temps que des freins existent dans le code du travail. Cela fait bien plus longtemps encore que nous avons en France un préjugé culturel selon lequel la tête et les mains ne peuvent aller ensemble et l’apprentissage est une filière moins noble que celle des études classiques, même si, paradoxalement, l’apprentissage s’est surtout développé dans l’enseignement supérieur : sur 420 000 apprentis, 150 000 sont dans l’enseignement supérieur. Malgré cela, l’image de l’apprentissage n’a pas changé.

Il existe donc de nombreux freins, qui ne sont pas le fait d’un unique acteur. Désormais, l’enjeu est d’impliquer tous les acteurs.

Dans les pays nordiques, en Suisse ou en Allemagne – lorsque j’ai emmené les partenaires sociaux et les représentants des régions en Suisse, j’ai trouvé que le modèle de l’apprentissage y était encore plus avancé sur certains points que celui de l’Allemagne –, les branches et les entreprises sont à bord. Comment peut-on espérer réussir à développer massivement l’apprentissage sans cela ? Or, aujourd’hui, comme elles l’ont dit lors de toutes les concertations, les entreprises françaises ont le sentiment d’en être réduites à occuper un strapontin.

Nous devons tout faire pour que davantage de jeunes entrent en apprentissage et que davantage d’entreprises les accueillent. C’est dans cet esprit que nous proposons, au travers du projet de loi, de modifier les compétences des uns et des autres. Cependant, il est faux d’affirmer qu’il s’agit d’un transfert de compétences des régions aux branches, car les régions n’avaient pas la compétence en matière de diplômes professionnels et les branches n’auront pas le pouvoir, qu’avaient jusqu’à présent les régions, d’approuver la création de CFA ou de s’y opposer. En fait, il s’agit de renforcer le rôle de branches et, surtout, celui des entreprises, pour qu’elles puissent, si elles veulent signer un contrat d’apprentissage avec un jeune, être certaines de disposer du financement nécessaire. Tout le dispositif du projet de loi est centré sur le jeune, l’entreprise, le centre de formation d’apprentis.

Par voie de conséquence, cela conduit à déplacer un certain nombre de responsabilités jusqu’alors dévolues aux régions, mais aussi aux partenaires sociaux ou à l’État, dont certaines compétences seront transférées aux branches.

L’enjeu est d’aider beaucoup plus de jeunes à réussir grâce à cette voie d’excellence qu’est l’apprentissage. Elle représente un véritable ascenseur social et permet l’insertion professionnelle de sept jeunes sur dix à l’issue de leur formation.

Dans cette perspective, c’est sur les points de freinage du système que les compétences vont bouger. Nous supprimons par exemple l’autorisation administrative et prévoyons un financement reposant sur la péréquation nationale, dont l’intervention est nécessaire pour développer l’apprentissage dans les branches les plus dynamiques et les régions les plus disposées à s’engager. Il faut le savoir, aujourd’hui une région sur deux n’utilise pas la totalité du budget de l’apprentissage pour l’apprentissage : c’est leur droit absolu au titre des compétences décentralisées, qu’il ne m’appartient nullement de remettre en cause, mais la jeunesse est notre priorité nationale. C’est grâce à cette péréquation que le nombre d’apprentis va pouvoir fortement augmenter. J’y reviendrai au cours du débat, mais des engagements importants ont d’ores et déjà été pris par certaines branches ou entreprises, qui ont compris que ce texte permettra beaucoup plus d’initiatives.

Un débat parlementaire a vocation à aller au fond des choses, sans en rester au leitmotiv, repris par les médias, suivant lequel il s’agirait de transférer des compétences des régions aux branches. L’idée est de renforcer le rôle des branches, tout en étendant certaines des compétences des régions et en en réduisant d’autres. Il ne s’agit en aucun cas de compensation : en termes d’orientation, par exemple, on sait bien que les régions, compte tenu de leurs compétences en matière de développement économique, sont les mieux placées pour aider l’éducation nationale. S’agissant du financement, tous les crédits de l’apprentissage doivent aller à celui-ci. Pour cela, on a besoin de la péréquation interprofessionnelle.

Nous réussirons l’apprentissage si tous les acteurs sont sur le pont : les régions, les partenaires sociaux, les branches, l’éducation nationale. Tel est l’esprit du présent projet de loi.

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