Intervention de Alain Milon

Réunion du 12 juillet 2018 à 14h45
Orientation des finances publiques et règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2017 — Débat puis adoption d'un projet de loi

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, bien qu’il soit défini comme une étape dans la préparation du projet de loi de finances à venir, le débat d’orientation des finances publiques permet, en principe, l’examen par le Parlement des perspectives des finances publiques pour l’ensemble des administrations publiques.

En théorie, il permet ainsi le suivi, année après année, des trajectoires tracées par la loi de programmation des finances publiques.

En théorie également, il offre une vision complète de la contribution des administrations de sécurité sociale, qui intéresse particulièrement notre commission, aux résultats de nos comptes nationaux.

Or que nous apprennent concrètement les dix lignes de bilan et la page de perspectives du rapport du Gouvernement qui y sont consacrées, dans un ensemble plutôt lapidaire ?

Au titre du bilan, nous pouvons lire que le solde des administrations de sécurité sociale est redevenu positif pour la première fois depuis 2008, ce que l’INSEE nous a appris le 30 mai dernier, et que le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, s’est réduit, à 5 milliards d’euros, ce que nous savons depuis la mi-mars.

L’unique page que le rapport consacre aux perspectives nous annonce, quant à elle, une refonte des exonérations ciblées, la suppression de certaines taxes à faible rendement ou encore la poursuite de la rationalisation des niches sociales, et rappelle les principaux items du plan ONDAM 2018-2022. Nous n’en saurons pas plus sur l’impact attendu de ces différentes mesures sur la trajectoire des comptes sociaux…

Pour qui s’intéresserait, par exemple, à l’évolution des dépenses d’assurance chômage – près de 40 milliards d’euros –, au résultat des hôpitaux – moins 1, 5 milliard d’euros – ou encore au détail des 226 milliards d’euros de la dette sociale, la déception menace.

Sur la façon dont le Gouvernement entend procéder pour cantonner la progression des dépenses sociales, qui s’élèvent tout de même à 600 milliards d’euros, à un taux inférieur à celle de ses principales composantes, que sont les dépenses de maladie – 200 milliards d’euros – et de retraite – 300 milliards d’euros –, nous n’en saurons pas davantage.

Quant à la supposée rénovation des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, dix lignes – dix lignes, monsieur le ministre ! – indiquent que le Gouvernement remettra un rapport au Parlement, rapport dont le délai de remise était fixé au premier trimestre par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022. Nous resterons, là aussi, avec nos interrogations.

Je rappelle que l’intégration, dans la trajectoire des administrations de sécurité sociale, les ASSO, de la révision des règles de compensation à la sécurité sociale des allégements de cotisations, qui est la traduction de ce que le Gouvernement entend par « rénovation des relations entre l’État et la sécurité sociale », avait justifié, pour notre commission, le rejet de cette trajectoire dans la loi de programmation des finances publiques.

Dans le cadre du raisonnement « toutes administrations publiques », pourtant défendu par le Gouvernement, il n’a pas semblé rationnel à votre commission des affaires sociales de transférer à l’État des excédents de la sécurité sociale, tant que subsiste une dette à court terme portée en trésorerie par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’Acoss, et exposée à l’augmentation, désormais engagée, des taux d’intérêt à court terme.

La résorption la plus rapide possible de cette dette, qui s’élève à plus de 20 milliards d’euros, est pour notre commission une priorité absolue. Il s’agit, en outre, d’une dette par branche : les excédents de la branche accidents du travail-maladies professionnelles n’ont pas vocation, monsieur le ministre, à couvrir les déficits de l’assurance maladie.

Je rappelle ainsi que, à la différence du budget de l’État, les régimes d’assurance sociale sont financés par des recettes affectées, ce qui répond à leur logique propre. On peut, par exemple, expliquer aux Français qu’il faut augmenter leurs cotisations de retraite, parce que le régime est en déséquilibre ; c’est d’ailleurs ce qui a été fait ces dernières années. Nos compatriotes comprendraient moins que cet effort doive être consenti au profit de la réduction du déficit du budget de l’État. C’est toute la différence, qui reste pertinente, entre un impôt et une cotisation.

Or il nous apparaît que ces deux notions subissent un brouillage croissant au sein même des différents projets du Gouvernement. Pour la réforme annoncée des retraites, le slogan « un euro cotisé ouvre les mêmes droits » est une parfaite illustration de la spécificité de la notion de cotisation sociale et d’une évolution vers un schéma de financement purement contributif.

À l’inverse, le financement de l’assurance chômage s’éloigne d’un modèle assurantiel pour des raisons qui n’ont pas été explicitées au-delà de l’objectif d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés. Peine perdue : les Français n’auront retenu que l’augmentation de la CSG !

Nos compatriotes peuvent consentir à la CSG comme impôt de la sécurité sociale, en particulier comme impôt de l’assurance maladie. Il ne me semble pas que ce soit la bonne recette pour l’assurance chômage qui reste une assurance contre la perte de revenus. Je souhaite que les prochains débats sur les textes financiers fournissent l’occasion de clarifier ces points.

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