Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 9 janvier 2008 à 15h00
Service public de l'emploi — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Christine Lagarde, ministre :

La tendance est générale dans les pays les plus performants. Et cela se fonde sur un constat éprouvé : l'accompagnement d'un demandeur d'emploi est un tout qui associe l'accueil, la prise en charge financière, le diagnostic, les propositions de formation et le placement. Pourquoi se priver d'un outil qui a fait ses preuves ailleurs ?

Le troisième constat, c'est que la voie du « rapprochement sur le terrain » des deux réseaux au sein de guichets uniques et par les maisons de l'emploi, voie qui avait été retenue par la loi de programmation pour la cohésion sociale et qui a fourni un certain nombre de résultats, a probablement atteint ses limites.

Les réalisations concrètes en matière d'unicité de réseaux peinent à se construire et à se déployer. Pour ne prendre que cet exemple, les véritables guichets uniques, c'est-à-dire des sites entièrement communs, se comptent sur les doigts des deux mains : pas plus de dix sont réellement constitués en site unique où toutes les prestations sont disponibles.

Quant au système d'information commun, le GIE informatique qui en constitue le support n'a commencé à fonctionner que l'été dernier. Heureusement que nous l'avons : il permettra, dans le cadre de la fusion, de faire avancer les dossiers plus rapidement. Mais sa mise en place fut laborieuse, malgré toutes les bonnes volontés.

Cela ne permet pas de traiter l'ensemble des problèmes : l'enrichissement de l'offre de service vers les entreprises et les demandeurs d'emploi, la rationalisation des moyens mis en oeuvre, et surtout la dualité du marché du placement entre, d'une part, les chômeurs indemnisés et, d'autre part, les chômeurs non indemnisés. Ce que nous souhaitons, c'est parvenir au placement de tous ceux qui sont à la recherche d'un emploi, qu'ils soient indemnisés ou qu'ils ne le soient pas.

Au total, je crois que la direction retenue dans la loi de programmation pour la cohésion sociale était la bonne, que le rapprochement était une étape indispensable et que les premiers efforts entrepris ont permis de faire mûrir les esprits. C'est d'ailleurs parce que les acteurs se sont rapprochés que ce projet de fusion peut aujourd'hui être acceptable par la plupart d'entre eux.

Mais il faut maintenant passer à la vitesse supérieure. Quels sont les objectifs de ce nouveau chantier ?

Le premier objectif est d'améliorer le service rendu aux usagers. Certes, nous allons modifier une structure juridique, rapprocher des personnels et, en particulier, travailler à la création d'une culture nouvelle. Toutefois, ce qui est fondamental et ce qui permettra de fédérer les énergies, c'est, bien sûr, le service rendu aux usagers, les demandeurs d'emploi, d'un côté, les entreprises, de l'autre. Car c'est en favorisant la rencontre entre les offres des uns et les demandes des autres que nous parviendrons à lutter contre le chômage et à créer des emplois, et ce en mettant en place des guichets uniques en tout point du territoire.

Ces plateformes polyvalentes seront en charge de l'intégralité des prestations : l'accueil, le diagnostic, la recommandation de formation, l'accompagnement, le suivi, le placement et l'indemnisation. Et quand je parle des usagers, je pense aux demandeurs d'emploi, qui doivent véritablement être pris par la main quand c'est nécessaire, notamment lorsqu'il s'agit de publics qui sont depuis longtemps éloignés de l'emploi ou qui sont particulièrement en difficulté, comme les séniors, mais je pense aussi aux entreprises, car il faut non seulement aller chercher les demandeurs d'emploi, les accompagner, mais également se rendre sur le terrain, là où se trouvent les emplois.

Le deuxième objectif est de proposer une gamme de prestations complètes pour tous les demandeurs d'emploi, c'est-à-dire ceux qui sont indemnisés et ceux qui ne le sont pas. C'est un élément très important de notre réforme.

Le troisième objectif est de renforcer l'accompagnement des demandeurs d'emploi, notamment ceux qui sont le plus en difficulté, grâce à la mutualisation des moyens qui permettra de déployer plus d'agents sur le terrain.

Vous le voyez, au travers de ces objectifs, notre réforme va créer non pas un nouveau monstre administratif à deux têtes, mais plutôt un attelage de course, rapide et performant, au service de l'emploi.

La fusion n'est pas une construction bureaucratique dont la portée serait purement institutionnelle. Elle a des implications concrètes sur le terrain, pour les demandeurs d'emploi comme pour les entreprises.

Ne pas attendre plusieurs jours, ne pas avoir à faire des kilomètres pour se rendre à l'ANPE, puis à l'ASSEDIC, c'est du concret pour les demandeurs d'emploi.

Pouvoir désormais proposer toutes les prestations à l'ensemble des demandeurs d'emploi et non plus seulement aux demandeurs d'emploi indemnisés pour certaines prestations, c'est aussi du concret.

Redéployer davantage d'agents au contact direct des usagers, après les périodes de formation nécessaires à cet effet, c'est encore du concret.

La mise en oeuvre de cette opération sera essentielle. Elle ne sera pas simple, elle sera graduelle, mais l'étape législative que nous commençons aujourd'hui au Sénat est déterminante.

La fusion elle-même n'est qu'une première étape de la réforme du service public de l'emploi. Elle en est le socle, mais elle n'épuise pas, et de loin, la réforme que nous voulons conduire.

J'entends porter une attention particulière au contenu de l'offre de service du nouvel opérateur, qui sera définie par la convention que passeront avec lui les deux commanditaires que sont l'État, d'une part, et le régime d'assurance chômage, d'autre part.

Il s'agira de définir les publics prioritaires du nouveau service public de l'emploi, en ce qui concerne tant les entreprises que les salariés, les prestations offertes en matière de formation et d'orientation et les conditions de collaboration avec les réseaux spécialisés, publics ou privés, qui devront trouver toute leur place dans ce nouveau dispositif.

Je souhaite mener ces différents chantiers selon le même mode que le chantier de la fusion lui-même, en associant systématiquement en amont toutes les parties prenantes, tous les partenaires sociaux, toutes les collectivités territoriales et tous les usagers. Pour ce faire, nous allons mettre en place au sein du Comité supérieur de l'emploi un groupe de travail qui accompagnera ces différentes études.

En conclusion, je vous présenterai les modalités pratiques de l'opération, telles qu'elles sont prévues dans le projet de loi.

Elles correspondent, pour l'essentiel, à cinq grands principes, qui se sont peu à peu dégagés de l'intense concertation que nous menons depuis le mois de juillet dernier avec les partenaires sociaux, dont le point culminant a été la réunion du Comité supérieur de l'emploi le 19 novembre dernier, et qui a permis de faire évoluer les esprits de chacun sur ce dossier pour le rendre, je l'espère, acceptable.

Premier principe que nous avons retenu et que nous réaffirmons : le respect du paritarisme.

Le régime paritaire d'assurance chômage demeure sous la responsabilité de l'UNEDIC. Je veillerai notamment à ce que le transfert aux URSSAF du recouvrement des contributions d'assurance chômage n'entame ni l'autonomie financière de l'UNEDIC ni la qualité et la mise à jour de l'information qu'elle détient et dont elle demeurera propriétaire.

Deuxième principe : une gouvernance efficace, autour des deux financeurs et commanditaires.

Les partenaires sociaux seront majoritaires au sein du conseil, mais c'est l'État qui aura la responsabilité de la nomination du directeur général, afin que le nouvel opérateur reste un outil de la politique de l'emploi, laquelle relève du domaine de l'État. Cet équilibre obtenu par la concertation est à la fois politique et juridique.

À l'extérieur de l'opérateur, un conseil national de l'emploi, que je présiderai, assurera la cohérence des politiques de l'emploi. C'est également la vocation de la convention tripartite entre l'État, l'UNEDIC et la nouvelle institution, qui fixera les priorités et les moyens alloués.

Troisième principe : la mise en tension de l'opérateur, avec la définition d'objectifs de résultat, le recours à l'évaluation et le principe d'un appel systématique à des opérateurs spécialisés.

Un comité de suivi de la convention tripartite conclue entre l'État, l'UNEDIC et le nouvel opérateur vérifiera le respect et la mise en oeuvre de ces principes. Au sein de l'institution, j'ai également souhaité la création d'un comité d'audit permanent. Chaque fois que de nouvelles priorités seront fixées et que de nouveaux moyens seront déployés pour mettre en place de nouveaux programmes, nous examinerons l'efficacité de ces derniers pour savoir s'il faut continuer de les financer.

Quatrième principe : la dimension territoriale des politiques d'emploi, qui est un facteur clé pour leur succès.

On le sait, c'est sur le terrain, au plus près des demandeurs d'emploi et des entreprises créatrices d'emploi, que nous trouverons les solutions. Les politiques de l'emploi seront adaptées aux situations locales grâce aux budgets d'intervention déconcentrés et aux coopérations que le nouvel opérateur entretiendra avec tous les réseaux secondaires spécialisés, qu'il s'agisse de l'APEC, l'Association pour l'emploi des cadres, des missions locales, ou encore de Cap Emploi.

Pour ce qui concerne plus particulièrement les maisons de l'emploi, dont le rôle de coordination est essentiel dans les bassins d'emploi où elles sont implantées, j'ai confié une mission au député Jean-Paul Anciaux pour formuler des recommandations sur le futur cahier des charges des maisons de l'emploi, qui permette une bonne articulation avec le réseau territorial du nouvel opérateur. Il s'agit donc non pas d'absorber les maisons de l'emploi, mais de mettre en place une bonne coordination avec cette nouvelle institution pour que chacun respecte ses devoirs et ses engagements.

Cinquième principe : le pragmatisme dans la mise en oeuvre.

Le projet de loi prévoit notamment la mise en place immédiate d'une instance provisoire, qui permettra de préparer la naissance officielle de la nouvelle institution d'ici à la fin de l'année 2008. C'est elle qui sera notamment chargée de conduire une réflexion sur l'organisation territoriale du réseau. Je souhaite que cela se fasse dans la concertation.

Naturellement, comme je m'y étais engagée devant le Comité supérieur de l'emploi et en m'adressant directement, au travers de leurs directeurs, aux agents concernés, j'ai tenu à inscrire dans le texte des garanties fortes pour les agents des deux institutions. Il s'agit d'un projet ambitieux en raison des objectifs que nous nous sommes fixés et des difficultés qui se présenteront du fait du mécanisme même de la fusion.

C'est ainsi que le statut actuel des personnels des ASSEDIC, qui résulte d'une convention collective, sera conservé jusqu'à ce qu'ait pu être négociée une nouvelle convention collective au sein de la nouvelle institution. Je le réaffirme, il n'y aura pas, contrairement à ce que prévoit le code du travail en pareil cas, de dénonciation de la convention actuelle. La convention collective continuera de s'appliquer jusqu'à ce qu'un autre texte, qui fera l'objet d'une négociation, s'y substitue.

Les personnels de l'ANPE conserveront également leur statut actuel, qui est un statut de droit public durant cette période de négociation de la nouvelle convention collective.

Une fois la convention collective négociée et signée, ils auront le choix, pendant un an, de rejoindre le statut commun ou de conserver, à titre dérogatoire, le statut public qu'ils ont aujourd'hui. Nous le savons, le passage d'un statut public à un statut privé est un changement important, mais la convention collective comportera des garanties qui tiendront compte de la nature particulière des missions de service public exercées par ces agents, comme le prévoit d'ailleurs une convention de l'Organisation internationale du travail.

Au-delà des dispositions législatives, j'ai par ailleurs indiqué clairement que la fusion des réseaux n'avait pas pour objet de réduire les effectifs ; il s?agissait simplement de mieux les utiliser pour répondre au seul objectif que nous poursuivons, à savoir la lutte contre le chômage.

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