Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du 12 juillet 2018 à 21h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Article 33

Muriel Pénicaud :

J’ai expliqué le contexte d’agenda social souhaité par les partenaires sociaux. Je reviendrai maintenant sur le motif d’intérêt général, puisque vous m’avez interpellée sur ce sujet.

Pour nous, il y a un motif d’intérêt général important qui justifie de demander au législateur d’anticiper le réexamen de la convention d’assurance chômage par les partenaires sociaux – je dis bien « par les partenaires sociaux ».

Nous sommes aujourd’hui dans un contexte de croissance qui a du mal à se transformer en croissance riche en emplois. Dans ce contexte, relativement récent, nous sommes confrontés à trois enjeux extrêmement importants.

Le premier enjeu, qui est croissant, c’est la lutte contre la précarité excessive. Comme vous le savez, 80 % à 85 % des embauches se font aujourd’hui en CDD, mais un tiers sont des CDD de moins d’une journée et un très grand nombre sont des CDD de moins d’un mois. Nous sommes entrés dans une logique de précarisation tout à fait excessive, qui ne se justifie pas et qui a besoin d’être régulée. C’est un motif d’intérêt général extrêmement important. Comment peut-on en effet se projeter dans sa vie professionnelle en étant dans une précarité continue et permanente, avec des contrats de très courte durée ? Voilà le lien avec la liberté de choisir son avenir professionnel !

Le deuxième enjeu, ce sont les incitations de retour à l’emploi. Un système d’assurance chômage qui s’est inscrit pendant des années dans un contexte avec peu d’offres d’emploi a forcément besoin d’être revu, notamment en ce qui concerne les incitations de retour à l’emploi, quand la croissance est là et qu’il faut saisir les opportunités.

Enfin, troisième enjeu très important, s’agit-il de solidarité ou d’un régime assurantiel ? L’assurance chômage est un régime assurantiel, mais dans lequel l’État intervient beaucoup et de différentes façons. Tout d’abord, il intervient tous les jours via l’opérateur Pôle emploi – financé en partie par le régime d’assurance chômage – auprès de millions de demandeurs d’emploi. Ensuite, l’État intervient en garantissant la dette de l’UNEDIC, qui s’élève actuellement à près de 34 milliards d’euros, soit environ une année de cotisations. §Enfin, et c’est l’élément le plus récent, l’État intervient pour pouvoir augmenter significativement le pouvoir d’achat des salariés en prenant en charge, par la solidarité à travers la CSG et l’impôt, des cotisations d’assurance chômage des salariés. Les deux premiers motifs ne sont pas nouveaux et justifient que l’État a toujours été un partenaire de l’assurance chômage.

J’en reviens au motif d’intérêt général. Comment peut-on croire qu’il n’y a pas motif d’intérêt général alors que la croissance est là, qu’une partie importante des emplois ne peut pas être pourvue et que beaucoup de nos concitoyens sont aujourd’hui dans une précarité excessive et croissante, certains d’entre eux étant condamnés à cette précarité pour une très longue durée ?

Voilà tous les motifs d’intérêt général qui supposent une articulation entre la solidarité et le régime assurantiel. Nous souhaitons juste une chose : autoriser les partenaires sociaux à renégocier des éléments de la convention d’assurance chômage. C’est aussi par respect du dialogue social que nous considérons que le fait d’élargir le champ leur permettra de choisir les bons leviers et d’en négocier entre eux.

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