Intervention de Cathy Apourceau-Poly

Réunion du 13 juillet 2018 à 9h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Article 27

Photo de Cathy Apourceau-PolyCathy Apourceau-Poly :

« Nous ouvrirons les droits à l’assurance chômage aux salariés qui démissionnent. » Voilà la phrase exacte du candidat Emmanuel Macron, lors de la campagne présidentielle.

Je commencerai par pointer une limite du dispositif.

Pour les entreprises, cette disposition pourrait constituer une opportunité de pousser à la démission des salariés dont elles souhaitent se séparer, afin d’éviter des coûts de licenciement ou de rupture conventionnelle. Toutefois, il n’est malheureusement pas rare que ces pratiques se fassent déjà et, dans ce cadre, l’ouverture des droits au chômage des démissionnaires est plutôt une sécurité financière qu’autre chose, même si elle constitue un transfert de responsabilité financière de l’entreprise à l’État.

Ensuite, cette mesure d’ouverture pourrait constituer une solution au mal-être au travail. En effet, en l’état actuel, de trop nombreux salariés restent à leur poste au mépris de leur santé pour la simple et bonne raison qu’ils ne pourraient pas supporter financièrement le poids d’une démission sans indemnité de départ et sans allocation chômage. Dans un temps où la recherche d’emploi est particulièrement difficile et chronophage, on peut comprendre que ces salariés n’osent pas ou ne puissent pas franchir le pas.

Il est essentiel de revenir sur quelques données relatives au mal-être au travail. Comme le montrait une enquête de 2011, l’absentéisme et le micro-abstentéisme sont symptomatiques d’un mal-être profond au travail et de dysfonctionnements au sein d’une entreprise. Ainsi, plus de la moitié des salariés avouaient avoir déjà pris un repos forcé de courte durée pour évacuer le stress, ce qui représentait 3 500 euros par salarié et par an. Une seconde étude montrait qu’un quart des salariés était en situation d’hyperstress – cela pouvait concerner plus de 40 % d’entre eux dans certains secteurs – et que la moitié des travailleurs étaient touchés par un niveau élevé d’anxiété au travail. Le mal-être au travail coûterait chaque année aux entreprises 12 600 euros.

Enfin, on touche ici même au principe de ce que sont les droits au chômage. En refusant aux salariés démissionnaires l’accès aux allocations chômage, on les prive d’un droit pour lequel ils ont cotisé selon le principe du salaire différé.

Au final, la montagne a accouché d’une souris. En limitant les droits des démissionnaires aux seuls salariés ayant un projet arrêté, seuls 14 000 à 23 000 sur 1 million de salariés démissionnant chaque année pourraient bénéficier du dispositif, soit 2, 3 % des effectifs.

Ce calcul réalisé par les organisations syndicales et patronales lors de l’accord consacré à l’assurance chômage le 22 février dernier montre clairement l’insuffisance du dispositif tel qu’il est prévu.

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