Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du 13 juillet 2018 à 9h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Article 29, amendements 337 479

Muriel Pénicaud :

Quel est le but de l’article 29 sur ce sujet ? Il est de lutter contre la précarité excessive, qui prive un nombre très important de nos concitoyens de la possibilité de s’inscrire dans un projet à long terme. Comment être autonome quand on enchaîne indéfiniment des CDD, qui plus est, dans la grande majorité des cas, mais pas toujours, en les subissant ?

Si l’on veut être autonome dans la vie, avoir des projets personnels, un logement, il est extrêmement difficile de rester dans la précarité. L’enjeu est donc social, mais il est aussi assurantiel et de responsabilité collective.

Par ailleurs, si on prend l’ensemble des CDD et des CDD-intérim, la différence entre les cotisations que perçoit l’assurance chômage et les indemnités qu’elle verse constitue un déficit de 8 milliards d’euros chaque année, lequel représente une part majeure du déficit général de l’assurance chômage, qui est de 3 milliards d’euros par an. L’enjeu est donc important pour l’assurance chômage.

La flexibilité est-elle indispensable et nécessaire d’un point de vue économique ? Parfois, oui. Je rappelle qu’il n’est absolument pas illégal d’embaucher en CDD ou en intérim, contrairement à ce qui a été affirmé il y a quelques instants. Cela étant dit, on voit bien que, dans un même secteur d’activité, des entreprises ont recours de manière excessive aux contrats précaires – CDD, contrats d’intérim –, d’autres non.

Ayant passé vingt ans dans le secteur industriel, je peux vous dire qu’il arrive qu’une usine fonctionne avec 50 % d’intérimaires – ce sont des cas extrêmes, mais ils arrivent. Dans ce cas, comment fait-on pour s’assurer de la qualité des produits, de la sécurité au travail ? Il y a évidemment beaucoup d’accidents dans ces usines. Est-ce de la bonne gestion ? Non ! On voit bien que, dans ces cas, la flexibilité n’est pas nécessaire, car elle n’est pas liée à un à-coup du marché ou à une urgence. Le fait est que la flexibilité est devenue un mode de gestion des ressources humaines dans certaines entreprises.

Cela a été dit, la proportion des embauches en contrats courts – en CDD et en intérim – représente 87 % des embauches. Alors que nous sommes en période de croissance, que les entreprises cherchent partout des personnels, elles embauchent en CDD ou en intérim dans 87 % des cas. Plus inquiétant, la proportion des CDD de moins d’un mois a considérablement augmenté. Ces contrats représentaient 57 % des CDD il y a 20 ans, contre 83 % aujourd’hui. Il s’agit d’une forme de précarité extrême, aggravée par le fait que, dans 70 % des cas, le contrat est renouvelé chez le même employeur. En clair, cela signifie que l’employeur a fait des contrats courts un mode de gestion des ressources humaines. §Le salarié alterne ainsi contrats en CDD ou en intérim et périodes de chômage.

Cette pratique est effectivement dommageable à l’assurance chômage. Cela signifie que certaines entreprises qui proposent davantage des emplois durables paient pour les autres et qu’un certain nombre de salariés sont durablement, voire indéfiniment, précarisés.

Je suis néanmoins défavorable aux amendements n° 337 et 479, car le problème n’est pas le contrat court en lui-même. De nombreux CDD ou contrats d’intérim sont des tremplins vers un emploi pérenne. En outre, ils correspondent parfois à un choix du salarié. Le problème est que ces contrats, c’est la remise permanente à l’assurance chômage, et en plus des mêmes personnes et en les maintenant dans la précarité. Il ne faut donc pas taxer les contrats de travail, ni même les fins de contrat, le problème étant que les salariés retournent indéfiniment au chômage. Le bonus-malus a donc pour but de changer les comportements sur cette question.

Je suggère donc aux auteurs des amendements n° 479 et 337 de bien vouloir les retirer au profit de l’amendement n° 629, qui vise à rétablir le bonus-malus, lequel me paraît être d’intérêt général.

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