Depuis le début de ce débat, certains ont tendance à sous-entendre que nous serions réfractaires à tout changement, acceptant de laisser filer le chômage de masse. Pourtant, notre assemblée se prépare à voter l’article 29 bis…
En pleine période de chômage de masse, le Gouvernement autoriserait une entreprise à remplacer plusieurs salariés absents par le biais d’un seul et même contrat à durée déterminée…
Cela pourrait prêter à sourire si le sujet n’était pas si grave. La commission des affaires sociales du Sénat a quelque peu atténué la portée de la mesure en adoptant un amendement de repli visant à transformer ce dispositif en expérimentation.
Reprenons toutefois ensemble les arguments qui ont été développés par le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, et qui nous laissent pour le moins perplexes.
Tout d’abord, il s’agirait de couvrir les cas où une seule personne devrait pourvoir à temps plein deux postes vacants à temps partiel. Les entreprises se retrouveraient alors dans l’impossibilité de recruter. En réalité, ce n’est pas le cas, puisque ladite personne peut tout à fait signer à son tour deux CDD à temps partiel pour occuper les deux postes en question. L’obligation d’un temps minimal de travail de 24 heures hebdomadaires peut par ailleurs être contournée sur seule déclaration du salarié en cause.
Il s’agirait ensuite de permettre le remplacement de deux personnes employées successivement, en couvrant par un seul contrat les deux périodes concernées. Mais, une nouvelle fois, la situation actuelle est tout à fait vivable, puisque la succession de CDD est aujourd’hui monnaie courante.
Au final, la seule justification à cet article est une nouvelle fois la volonté de précariser la situation des salariés en CDD et de limiter les coûts pour les entreprises. En effet, la rédaction de l’article, même après sa transformation par la commission des affaires sociales, est tellement large que toute entreprise pourrait remplacer dans tous les cas plusieurs salariés.
Le rapporteur de l’Assemblée nationale a argué que cette disposition permettrait de faire des économies en matière d’allocations chômage.
Sans parler du cynisme de ses propos, son calcul ne me semble pas pertinent : s’il est vrai que deux CDD impliquent deux primes de précarité, il est tout aussi vrai que cette mesure risque de freiner les recrutements.
Alors que le taux de chômage est de nouveau en hausse au premier trimestre 2018, pour s’établir à presque 9 %, cet article ne me semble absolument pas opportun.