Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du 13 juillet 2018 à 14h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Article 50, amendements 684 4 7 50

Muriel Pénicaud :

Cet amendement me donne l’occasion d’expliquer la stratégie plus globale concernant la lutte contre les fraudes au détachement pour répondre à la question qui m’a été posée.

Lors de l’examen des amendements précédents, on a parlé d’un problème mineur pour aborder ensuite un problème majeur. Après l’article 52, je vous proposerai un amendement visant à vous demander une habilitation à transposer rapidement dans notre droit interne la nouvelle directive européenne relative au détachement de travailleurs, qui vient d’être adoptée définitivement.

Il y a deux sujets différents. Le sujet principal concerne le détachement de travailleurs qui, tant qu’il n’est pas de nature à créer une concurrence déloyale ni du dumping social, n’est pas un problème, mais en devient un s’il a des conséquences économiques ou sociales négatives. Le détachement augmente beaucoup, avec 560 000 travailleurs détachés en France l’année dernière, soit une augmentation de 46 %, ce qui constitue une forte augmentation. Les flux augmentent aussi dans d’autres pays. C’est la raison qui explique l’importance de cette directive sur les travailleurs détachés.

Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, il y a quatorze mois, le texte révisé de la directive de 1996 – la première révision – qui était sur la table devait être signé trois semaines plus tard, mais nous avons considéré qu’il n’était pas assez protecteur sur le plan social ni au regard des engagements en matière de concurrence pour les PME et les TPE.

La France d’abord, suivie ensuite par l’Allemagne et bien d’autres pays – une très large majorité des pays d’ailleurs –a adopté cette directive après renégociation, et le processus européen vient de s’achever il y a quelques jours. Cette directive, qui est maintenant transposable dans notre droit interne, est importante en ce qu’elle permettra un salaire égal à travail égal, en prenant en compte tous les éléments de rémunération, ce qui n’était pas le cas avant – on pouvait déduire certains éléments de rémunération –, ainsi qu’un contrôle renforcé et coordonné du travail détaché pour lutter contre la fraude – le détachement de certains travailleurs ne pose aucun problème, mais il existe des cas de fraudes et de fraudes organisées, à l’image des entreprises « boîtes aux lettres », par exemple, un sujet bien connu. On va donc pouvoir transposer dans notre droit interne toute une série de mesures. Voilà le sujet principal du travail détaché : il s’agit de réguler mieux pour éviter le dumping social et assurer la protection des salariés ainsi que l’égalité de traitement, afin de ne pas nuire à la concurrence.

Le sujet que l’on traite ici est mineur si j’ose dire, il concerne les frontaliers ordinaires, ceux qui viennent travailler dans notre pays un ou deux jours ou plus régulièrement, mais dans le cadre d’une prestation de services ; je veux parler des salariés qui rendent un service ou assurent une livraison dans le pays frontalier ou des cadres qui, au sein d’une entreprise, voyagent toutes les semaines ; je pense aux cadres d’Airbus, dont l’équipe est binationale. Dans ce cas, la DIRECCTE pourra procéder à des évaluations, simplifier la procédure pour accorder des dérogations. Mais c’est là effectivement une petite partie du sujet, qu’il faut néanmoins traiter, l’essentiel ayant trait à la question de la directive sur les travailleurs détachés, que nous examinerons ultérieurement.

Pour en revenir à l’amendement n° 684 – excusez-moi d’avoir extrapolé, mais il était important d’apporter ces précisions –, nous proposons de supprimer les alinéas 4 à 7 de l’article 50.

Le Gouvernement avait prévu la possibilité de conclure des accords bilatéraux avec des pays frontaliers. Or il s’avère que cette solution n’apparaît pas aujourd’hui la plus adaptée aux situations visées. L’alternative efficace, c’est la possibilité d’évaluer au cas par cas la situation particulière des entreprises, en vue de bien distinguer le « minifrontalier ordinaire », si je puis dire, exceptionnel ou quotidien, mais qui n’exerce pas vraiment un travail détaché, du travailleur détaché.

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