Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du 13 juillet 2018 à 14h30
Liberté de choisir son avenir professionnel — Article 61

Muriel Pénicaud :

Certes, il y a toujours des contrevenants à la loi, mais nous battons sans doute là des records et il faut bien reconnaître que nous avons assez peu progressé dans ce domaine.

S’attaquer à ce sujet s’apparente donc à un défi énorme. Nous pourrions baisser les bras et nous demander si une loi supplémentaire changerait quoi que ce soit. Or, nous sommes, je crois, à un moment où nous pouvons collectivement changer les choses.

À cet égard, si nous menons de nombreuses concertations avec les partenaires sociaux sur différentes problématiques, la concertation sur ce sujet a été particulièrement intense, constructive et forte : de nombreuses idées ont été avancées, qui, à mon avis, peuvent nous permettre de réussir de façon concrète.

L’époque s’y prête aussi : la prise de conscience est de plus en plus forte, puisqu’il s’agit à la fois d’un enjeu d’équité sociale et d’un enjeu de performance économique. Les mentalités évoluent. Je ne vois pas qui, aujourd’hui, peut dire à ses enfants – fille ou garçon – qu’il est normal qu’existe un écart de 9 % de rémunération pour le même travail.

Il faut saisir ce moment pour franchir cette étape essentielle. C’est pourquoi, à la suite des concertations, le Gouvernement s’est décidé pour une obligation de résultat et non une obligation de moyens.

Que dit la loi actuelle ? S’il n’y a pas d’égalité, l’entreprise doit avoir un plan d’action ou un accord. Or ce plan d’action n’a aucun effet.

Nous prévoyons une obligation de résultat et accordons aux entreprises trois ans pour y arriver. Pourquoi ? Si l’écart est trop grand, les entreprises qui tentent de mettre en place l’égalité salariale n’y arrivent souvent pas en un an. Par conséquent, elles renoncent, reportent à l’année suivante, puis à celle d’après, et cela ne progresse jamais. Je parle d’expérience : en planifiant cette démarche sur deux ou trois ans, on y arrive.

Une obligation de résultat sur le principe « à travail égal, salaire égal » suppose un instrument de mesure objectivable – puisque ce principe va devenir opposable –, fondé sur des critères communs. Cela suppose aussi d’imposer l’obligation de dédier une enveloppe au rattrapage salarial et un contrôle avec sanctions si ce dispositif n’est pas respecté au bout de trois ans.

Au cours de la concertation, nous avons longuement discuté des critères de cet instrument de mesure. Celui-ci sera transparent, puisqu’un indicateur synthétique sera diffusé par chaque entreprise et devra être rendu public.

Dans un premier temps, nous nous étions principalement concentrés sur la notion « à travail égal, salaire égal ». C’est pourquoi, dans les premiers travaux, ce sont surtout des critères de ce type qui ont été introduits et c’est ce que prévoyait le projet de loi.

J’ai confié une mission à Mme Sylvie Leyre, DRH France de Schneider Electric, qui travaille avec les partenaires sociaux sur ce sujet. Nous sommes parvenus à un certain consensus sur le fait qu’il ne fallait pas se limiter aux indicateurs « à travail égal, salaire égal », car l’entreprise peut atteindre cet objectif et ne prévoir aucune mobilité professionnelle pour les femmes – on n’aurait alors pas résolu le problème – : il convient aussi d’avoir une palette d’indicateurs permettant de mesurer plus largement l’intégralité de la politique de rémunération et de la progression de carrière.

Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à réécrire à la marge les articles sur l’égalité salariale, afin de tenir compte de ces évolutions. Aujourd’hui, ces indicateurs sont en phase de test dans des entreprises jusqu’à la fin du mois de septembre prochain : avant de se lancer, il faut être sûr que cela fonctionne et fait sens. Ensuite, avec les partenaires sociaux, nous tirerons le bilan de cet outil.

En adoptant cet amendement, vous ne limitez pas cet objectif à une égalité salariale à travail égal, vous l’élargissez à l’égalité des chances de carrière. C’est une bonne chose pour le progrès des femmes, mais aussi pour les hommes et pour les entreprises.

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