Intervention de Aurélien Taché

Commission mixte paritaire — Réunion du 16 juillet 2018 à 19h30
Commission mixte paritaire sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel

Aurélien Taché, rapporteur pour l'Assemblée nationale :

Un mois après son adoption par l'Assemblée nationale, le Sénat a approuvé ce matin le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Sur les 124 articles que compte le projet de loi au terme de la première lecture, 96 articles restent en discussion, le Sénat ayant adopté seulement 28 articles conformes. Parmi ces 96 articles en discussion, 17 ont été supprimés par le Sénat et 20 ont été introduits lors de ses discussions.

S'agissant du titre Ier, je ne partage pas votre analyse selon laquelle l'équilibre issu des travaux de l'Assemblée nationale en première lecture aurait été préservé au Sénat, s'agissant du rôle des régions, ou plutôt devrais-je dire des entreprises, à qui nous aurions souhaité que vous fassiez davantage confiance.

Ainsi, en matière d'apprentissage, la réaffirmation de la compétence régionale s'inscrit dans une opposition claire à la nouvelle gouvernance voulue par notre majorité, comme en témoigne notamment l'adoption d'une stratégie régionale pluriannuelle opposable aux branches professionnelles et aux opérateurs de compétences, qui devraient rendre des comptes à la région via un rapport.

Même chose pour le conseil en évolution professionnelle, la désignation des nouveaux opérateurs par France compétences ayant été supprimée au bénéfice des régions. Il s'agit pourtant d'une mission clef de cette nouvelle institution, qui doit permettre de remédier aux faiblesses actuelles d'un CEP insuffisamment déployé.

Les divergences sont aussi réelles sur le titre III, puisque l'ensemble du volet relatif à la fonction publique a été supprimé par le Sénat.

Les six articles concernant la disponibilité et l'accès à certains postes à responsabilité dans les trois fonctions publiques ont ainsi été purement et simplement supprimés du projet de loi. Ces suppressions contrastent nettement avec la volonté exprimée par notre assemblée en première lecture, qui était de favoriser, conformément aux annonces faites par le Gouvernement en février dernier, la mobilité et la diversité des parcours dans la sphère publique.

Ces différents points, je le crois, auraient à eux seul rendu difficile un accord de nos deux chambres sur le texte.

Les échanges menés avec les rapporteurs du Sénat, que je remercie pour leur accueil, aussi chaleureux que constructif, ont cependant conduit à identifier un autre désaccord, plus fondamental, concernant le titre II relatif à l'assurance chômage.

Dès l'examen en commission, le Sénat a procédé à une suppression sèche de l'article 33 relatif à la mise en oeuvre par voie réglementaire des règles en matière de bonus-malus et de cumul entre revenus d'activité et allocation chômage, qui sont pourtant déterminantes pour lutter contre la précarité dans l'emploi.

Ce désaccord s'est ensuite cristallisé au stade de la séance publique, avec le rejet de l'amendement gouvernemental visant à traduire l'engagement pris par le Président de la République lors du dernier Congrès.

Le Gouvernement a en effet proposé une rédaction globale de l'article 33, demandant aux partenaires sociaux de renégocier dans un délai de quatre mois la convention d'assurance chômage, en proposant notamment une nouvelle articulation entre assurance et solidarité. Cette logique d'ensemble se substitue donc à la seule fixation par décret de certains paramètres relevant en principe de la compétence des partenaires sociaux, telle que le prévoyait initialement le texte.

La majorité à l'Assemblée nationale soutiendra au contraire cette démarche du Président de la République et du Gouvernement, qui a le mérite de donner aux partenaires sociaux le pouvoir de renégocier tout de suite l'architecture d'ensemble de l'assurance chômage.

Toute disposition qui viendrait contraindre de quelconque manière que ce soit le périmètre ou la finalité de cette négociation serait contraire à cet amendement, qui vise au contraire à redonner, selon l'expression consacrée, le maximum de grain à moudre à la démocratie sociale ; cela suffira - j'en ai peur - à constater l'ampleur de ce qui nous sépare.

Au-delà de ces trois séries de désaccords majeurs, plusieurs rédactions adoptées par le Sénat reviennent enfin sur les travaux de notre assemblée et éloignent ainsi encore davantage la possibilité d'un accord.

Je pense ainsi à la suppression de plusieurs missions de France Compétences, à la création de nouvelles obligations pour la formation des enseignants allant au-delà du domaine de la loi, à la suppression de l'âge minimal pour travailler dans un débit de boissons, ou encore à la modification des règles de calcul de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés et de la liste de ces bénéficiaires dans le secteur public.

L'ensemble de ces éléments - et je le regrette - devrait nous amener à constater dès maintenant la divergence entre nos deux chambres et malheureusement à acter l'échec de notre commission mixte paritaire.

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