Intervention de Fabien Gay

Réunion du 16 juillet 2018 à 10h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Article 63

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Il s’agit d’une mesure de repli.

Le dispositif que nous proposons à travers cet amendement vise à créer une « zone tampon » durant laquelle un fonctionnaire ayant quitté la fonction publique ne peut pas mener des opérations de lobbying auprès de son administration de rattachement.

On le sait, les agents publics, et surtout les hauts fonctionnaires, font l’objet d’une cour assidue, quand ce ne sont pas les institutions mêmes qui les poussent dans les bras du privé. Ainsi, la mission de suivi personnalisé des parcours professionnels, à Bercy, va jusqu’à recenser les offres d’emploi du privé pour les mettre à disposition des cadres du ministère.

En parallèle, la capacité d’action de la commission de déontologie et de contrôle demeure assez floue. Pour ne prendre qu’un exemple, cette commission a quand même réussi à valider la nomination, le 2 mars 2009, d’un fonctionnaire à la tête de la Caisse nationale des caisses d’épargne et de la Banque fédérale des banques populaires, moins d’une semaine après que celui-ci eut organisé la fusion de ces deux organismes.

Ces pratiques d’un autre temps remettent totalement en cause le principe même de la fonction publique, fondée sur le mérite républicain.

Je me permets une légère digression pour rappeler que le recrutement au concours des fonctionnaires a été une mesure de progrès social visant à replacer le mérite au premier plan, au détriment du népotisme qui existait jusque-là. Mais cet objectif est aujourd’hui mis en échec dans le cadre de la haute fonction publique. Ainsi, les « camarades de classe à l’école » deviennent « copains de promo à l’ENA », pour reprendre les termes des sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon. Ce constat d’une reproduction sociale tient à deux éléments : l’incapacité de l’école républicaine à gommer les inégalités de capitaux et le recrutement d’entrée à l’ENA, qui se fait à plus de 80 % parmi les étudiants de Sciences-Po et Polytechnique.

Ces « copains de promo » intègrent ensuite les cabinets, partent dans le privé et se rappellent les uns les autres à leur bon souvenir.

Le mécanisme que nous proposons, s’il ne permet pas de lutter totalement contre ce phénomène, vise à créer une période tampon de dix ans durant laquelle un ancien fonctionnaire ne peut faire du lobbying auprès de son administration de rattachement, c’est-à-dire concrètement auprès de ses anciens collègues.

L’enjeu est bien de préserver autant que possible la sphère publique des intérêts particuliers et privés, pour qu’elle conserve son caractère impartial.

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