La séance est ouverte à dix heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la liberté de choisir son avenir professionnel (projet n° 583, texte de la commission n° 610 rectifié, rapport n° 609, tomes I et II, avis n° 591).
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen, au sein du chapitre IV du titre III, de l’article 61.
titre III
Dispositions relatives à l’emploi
Chapitre IV
Égalité de rémunération entre les femmes et les hommes et lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail
I. – Après le chapitre Ier du titre II du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE I ER BIS
« Mesure des écarts et actions de suppression
« Art. L. 3221 -11. – Les dispositions du présent chapitre sont applicables, outre aux employeurs et salariés mentionnés à l’article L. 3211-1, au personnel des établissements publics à caractère industriel et commercial et au personnel de droit privé des établissements publics administratifs.
« Art. L. 3221 -12. – Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, l’employeur publie chaque année une mesure des écarts de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, entre les femmes et les hommes et de leur évolution, selon des modalités et une méthodologie définies par décret.
« Art. L. 3221 -13. – Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque l’entreprise ne respecte pas le principe fixé à l’article L. 3221-2 au regard d’indicateurs définis par décret, à défaut d’avoir été déjà déployés dans le cadre de la négociation collective, permettant de mesurer des écarts de rémunération au sens de l’article L. 3221-3, la négociation sur l’égalité professionnelle prévue au 2° de l’article L. 2242-1 porte également sur la programmation, annuelle ou pluriannuelle, de mesures financières de rattrapage salarial. En l’absence d’accord prévoyant de telles mesures, celles-ci sont déterminées par décision unilatérale de l’employeur, après consultation du comité social et économique.
« Art. L. 3221 -14. – Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le principe fixé à l’article L. 3221-2 n’est pas respecté au regard d’indicateurs définis par décret, l’entreprise dispose d’un délai de trois ans pour se mettre en conformité. À l’expiration de ce délai, si ces indicateurs démontrent un écart de rémunération entre les femmes et les hommes supérieur à un taux minimal déterminé par arrêté du ministre chargé du travail, l’employeur peut se voir appliquer une pénalité financière.
« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l’année civile précédant l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret. En fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance, un délai supplémentaire d’un an peut lui être accordé pour se mettre en conformité.
« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. »
II. – Le 3° du II de l’article L. 2232-9 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il comprend également un bilan de l’action de la branche en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en matière de classifications, de promotion de la mixité des emplois et d’établissement des certificats de qualification professionnelle, des données chiffrées sur la répartition et la nature des postes entre les femmes et les hommes ainsi qu’un bilan des outils mis à disposition des entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. »
II bis. – L’article L. 2242-8 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La pénalité prévue au premier alinéa du présent article peut également être appliquée, dans des conditions déterminées par décret, en l’absence de publication des informations prévues à l’article L. 3221-12 ou en l’absence de mesures financières de rattrapage salarial définies dans les conditions prévues à l’article L. 3221-13. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action mentionné au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « ne respecte pas l’une des obligations mentionnées aux premier et deuxième alinéas » ;
b) À la seconde phrase, après le mot : « professionnelle », sont insérés les mots : « et salariale » et les mots : « au même premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux mêmes premier et deuxième alinéas ».
II ter. – Au 2° de l’article L. 23-113-1 du code du travail, après le mot : « professionnelle, », sont insérés les mots : « de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, ».
III. – Le chapitre V du titre II du livre II du code de commerce est ainsi modifié :
1° Les articles L. 225-37-1, L. 225-82-1 et L. 226-9-1 sont ainsi modifiés :
a) La première phrase est complétée par les mots : « sur la base des indicateurs relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2312-18 du code du travail et à l’article L. 3221-12 du même code, lorsque ceux-ci s’appliquent, ainsi que sur la base du plan pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes mentionné à l’article L. 1143-1 dudit code lorsqu’il est mis en œuvre » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
2° Après la première phrase du 6° de l’article L. 225-37-4, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette description est complétée par des informations sur la manière dont la société recherche une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du comité mis en place, le cas échéant, par la direction générale en vue de l’assister régulièrement dans l’exercice de ses missions générales et sur les résultats en matière de mixité dans les 10 % de postes à plus forte responsabilité. »
IV. – Le I entre en vigueur à une date fixée par décret. Cette date est au plus tard le 1er janvier 2019 pour les entreprises de plus de deux cent cinquante salariés et au plus tard le 1er janvier 2020 pour les entreprises de cinquante à deux cent cinquante salariés.
V. – Le II entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2019.
VI. – Après le 2° du II de l’article L. 2312-26 du code du travail, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Les informations sur la méthodologie et le contenu de l’indicateur prévu à l’article L. 3221-12 ; ».
VII. – Le Gouvernement remet au Parlement le 1er janvier 2022 un rapport évaluant l’effectivité de la garantie apportée au respect de l’égalité salariale, sur le fondement de l’indicateur prévu à l’article L. 3221-13 du code du travail.
L’amendement n° 401, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Remplacer les mots :
peut se voir
par les mots :
se voit
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
L’amendement n° 401 vise à renforcer le dispositif en matière de sanctions.
Nous ne souhaitons pas être excessivement cruels à l’égard de l’entreprise, mais nous considérons qu’elle doit être sanctionnée à l’issue des trois ans dont elle dispose pour se mettre en conformité avec la loi. Il faut que l’entreprise sache qu’elle sera sanctionnée à l’expiration de ce délai, et qu’il ne s’agit pas simplement d’une possibilité. L’expression « peut se voir » ne nous paraît pas suffisamment incitative ou dissuasive.
Comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, près de quarante ans se sont écoulés depuis la première loi proclamant le principe « à travail égal, salaire égal ». Nous avons tous identifié les limites des nombreux dispositifs incitatifs mis en œuvre depuis.
Nous proposons donc d’infliger une pénalité financière aux entreprises à l’issue du délai de trois ans dont elles disposent pour se mettre en conformité avec la loi.
Cet amendement tend à prévoir une mesure coercitive forte en rendant systématique la pénalité de 1 %. Nous en avons discuté en commission.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel a annulé en 2013 une pénalité strictement identique sur l’emploi des seniors au motif que son caractère punitif et automatique, quel que soit le niveau de non-conformité de l’entreprise, allait à l’encontre du principe de proportionnalité des peines.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 402, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après le mot :
affecté
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
à l’amélioration de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Le projet de loi prévoit que le produit des sanctions qui « pourraient » être infligées aux entreprises – elles ne le seront pas systématiquement, ce qui rend difficile l’évaluation du produit de cette amende – sera affecté au Fonds de solidarité vieillesse, le FSV.
Je dois dire que cette affectation nous laisse perplexes. Certes, le FSV a toujours besoin de recettes supplémentaires, mais il n’y a aucun lien entre les manquements en matière d’égalité professionnelle et d’égalité salariale entre les femmes et les hommes et le FSV.
Je rappelle que le Premier ministre, lorsqu’il a présenté la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure, a indiqué que le produit des amendes alimenterait systématiquement et exclusivement le budget des établissements participant aux soins et à la rééducation des accidentés de la route.
Je n’arrive donc pas à comprendre pourquoi le produit des amendes infligées en cas d’infractions au code de la route, en particulier en cas de non-respect de limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure, irait aux blessés, alors que le produit des amendes infligées aux entreprises en cas de non-respect de leurs obligations en matière d’égalité professionnelle irait au Fonds de solidarité vieillesse.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons que l’argent récolté serve à financer des mesures en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Les sanctions en cas d’inégalité professionnelle ne doivent pas être une nouvelle source de revenus pour tous les budgets de l’État qui ont besoin d’argent.
La commission s’est interrogée de la même façon sur l’affectation de ces pénalités au FSV. Peut-être Mme la ministre nous donnera-t-elle des informations plus précises sur ce point.
Cela dit, la commission a rejeté cet amendement, car il ne tend pas à prévoir une affectation financière déterminée. Dès lors, le produit de cette amende risque de ne pas être effectivement encaissé. Nous préférons donc qu’il soit perçu et affecté à un fonds, le FSV, qui, comme vous le dites, en a toujours besoin, même si son objet est un peu éloigné de la lutte contre les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes.
Je le répète, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.
L’idée que le produit de la nouvelle pénalité financière puisse être consacré à l’amélioration de l’égalité professionnelle est intéressante.
Cela étant dit, il n’existe pas actuellement de fonds spécifiquement dédié à l’égalité professionnelle qui pourrait remplacer le Fonds de solidarité vieillesse. Le choix du Fonds de solidarité vieillesse s’explique par le fait que les femmes sont particulièrement touchées par les inégalités en termes de retraites.
Il faut que l’on étudie les modalités pratiques de cette proposition et qu’une expertise technique soit effectuée. À ce stade, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, en attendant d’explorer cette idée, que, je le répète, je trouve intéressante.
Oui, monsieur le président.
Mme la ministre semble ouvrir une piste, mais je préfère maintenir cet amendement et le faire voter aujourd’hui par le Sénat, ce qui nous laissera le temps d’étudier les moyens techniques de le mettre en œuvre, plutôt que de voter l’article en l’état, qui prévoit d’affecter le produit de l’amende au FSV. Je sais en effet comment on avance sur un dossier entre l’examen d’un texte en séance et la réunion de la commission mixte paritaire ; en revanche, j’ignore comment on revient en arrière sur un texte une fois qu’il a été adopté.
Je voterai cet amendement, car, depuis un certain temps, on crée des fonds qui ne sont pas abondés. Cette fois-ci, c’est l’inverse : nous avons les ressources, mais non le réceptacle. Il me semble donc que c’est une bonne idée de maintenir cet amendement afin de nous laisser le temps de constituer un fonds susceptible de recevoir le produit des pénalités.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 716, présenté par M. Forissier, Mme C. Fournier, M. Mouiller et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - Le dernier alinéa de l’article L. 3221-6 du code du travail est supprimé.
La parole est à Mme le rapporteur.
Cet amendement vise à abroger une disposition prévoyant la remise d’un rapport par les organisations liées par une convention de branche sur les écarts de rémunération entre femmes et hommes. Ce rapport n’a pas lieu d’être en raison de la nouvelle obligation qui leur est imposée d’établir un bilan annuel de leurs actions en faveur de l’égalité professionnelle.
L ’ amendement est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 647 est présenté par Mme Schillinger, MM. Lévrier, Rambaud, Patriat, Amiel, Bargeton, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 717 est présenté par M. Forissier, Mme C. Fournier, M. Mouiller et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 22
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
… – L’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics est ainsi modifiée :
1° Au b du 4° de l’article 45 et au c du 14° des articles 96, 97, 98 et 99, la référence : « à l’article L. 2242-5 » est remplacée par la référence : « au 2° de l’article L. 2242-1 » ;
2° À l’avant-dernier alinéa du c du 4° de l’article 45, la référence : « de l’article L. 2242-5 » est remplacée par la référence : « du 2° de l’article L. 2242-1 » ;
3° Au 2° de l’article 92, la référence : « L. 2242-5 » est remplacée par la référence : « L. 2242-1 ».
… – L’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession est ainsi modifiée :
1° Au b du 4° de l’article 39, au b du 10° des articles 65, 66 et 67 et au b du 9° de l’article 68, la référence : « à l’article L. 2242-5 » est remplacée par la référence : « au 2° de l’article L. 2242-1 » ;
2° À l’avant-dernier alinéa du c du 4° de l’article 39, la référence : « de l’article L. 2242-5 » est remplacée par la référence : « du 2° de l’article L. 2242-1 » ;
3° Au a du 2° de l’article 61, la référence : « L. 2242-5 » est remplacée par la référence : « L. 2242-1 ».
La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 647
Il s’agit d’un amendement de coordination juridique.
Depuis la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, les entreprises qui n’auraient pas satisfait à leur obligation de négocier en matière d’égalité professionnelle doivent être exclues de la procédure de passation des marchés publics.
Cette interdiction de soumissionner a été reprise dans l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et dans l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession.
Cependant, ces ordonnances font encore référence à l’ancien article L. 2242-5 du code du travail. Or la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, puis l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective ont modifié les dispositions relatives à l’obligation de négocier en matière d’égalité professionnelle.
Il est donc nécessaire de mettre à jour les références à l’article du code du travail concerné dans ces deux ordonnances afin de redonner une base légale à cette disposition.
Les amendements sont adoptés.
L’amendement n° 503, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le 5° de l’article L. 2312-8 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À chaque fois que le comité est informé et consulté sur un projet, il se prononce quant à l’impact prévisible du projet en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Avant de défendre cet amendement, je tiens à dire que je m’étonne, en ce début de séance, que personne ici n’ait salué l’exploit de l’équipe de France de football, qui, depuis hier soir, et pour la deuxième fois de son histoire, est championne du monde.
Sourires sur l ’ ensemble des travées.
Cette victoire, on l’a vu, suscite un formidable élan populaire. Je pense qu’elle mérite d’être relevée par la représentation nationale !
J’en viens à l’amendement n° 503.
Le projet de loi prévoit un certain nombre de mesures visant à assurer l’égalité entre les femmes et les hommes. La plupart d’entre elles sont toutefois ponctuelles. Ainsi les entreprises sont-elles contraintes d’instaurer des indicateurs afin de mesurer les écarts de rémunération et, le cas échéant, de prendre des mesures afin de les corriger, au risque d’être sanctionnées financièrement.
Si toutes ces dispositions sont des efforts louables, elles ne sont que des mesures de rattrapage ne permettant pas d’assurer l’égalité entre les femmes et les hommes au quotidien. Les chefs d’entreprise doivent toujours avoir à l’esprit l’égalité entre les femmes et les hommes.
Dans ce but, nous proposons que les instances de représentation du personnel, le comité d’entreprise ou le comité social et économique, aient l’obligation de se prononcer, chaque fois qu’elles sont consultées sur un projet, sur ses effets sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
Cette disposition permettra à chacun des acteurs de l’entreprise d’être sensibilisé à l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle leur permettra également de prendre conscience de l’impact que des projets apparemment neutres peuvent avoir. On le sait, des dispositions, des critères ou des pratiques apparemment neutres peuvent entraîner un désavantage particulier pour certains groupes de personnes. C’est ce qui s’appelle la discrimination indirecte.
L’intervention des institutions représentatives du personnel sur chaque grand projet permettra de lutter en amont sur les discriminations indirectes, qu’elles soient volontaires ou non.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons l’introduction d’un nouvel alinéa à l’article L. 2312-8 du code du travail.
M. le président. Merci, chère collègue, d’avoir célébré l’événement que constitue la victoire de l’équipe de France de football. Pour ma part, je le fais aujourd’hui en portant une cravate bleu-blanc-rouge !
Sourires.
Puisque nous discutons de l’égalité entre les femmes et les hommes, permettez-moi de souligner que l’équipe de France féminine de football avait aussi obtenu de bons résultats.
On peut donc considérer que les femmes et les hommes sont à égalité dans ce domaine, même si ce n’est peut-être pas le cas en termes de salaires. Les sponsors ne sont pas les mêmes… Nous en discuterons certainement à l’occasion d’un prochain projet de loi.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 503, car il est satisfait par les dispositions des articles L. 2312-17 et L. 2312-18 du code du travail, qui prévoient que le comité social et économique est consulté sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et de l’emploi, et qu’il dispose, pour ce faire, d’indicateurs relatifs à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment sur les écarts de rémunération.
Nous voterons l’amendement défendu par Mme Assassi, car il est cohérent avec ce que nous tentons de faire dans les politiques publiques en général.
Alors que nous parlons en permanence d’étude d’impact et de gender budgeting – les ministres actuels parlent couramment l’anglais des entreprises ! –, cet amendement vise à instaurer de telles pratiques en matière d’inégalités entre les femmes et les hommes, ce qui est différent de ce que vous évoquez, madame la rapporteur. Pour ma part, je ne pense pas que l’amendement soit satisfait, le champ des articles que vous avez cités n’étant pas aussi large que celui de l’amendement de Mme Assassi.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 61 est adopté.
L’amendement n° 484 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Avant le chapitre Ier du titre III du livre II de la troisième partie, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« Chapitre préliminaire
« Encadrement des écarts de rémunération au sein d’une même entreprise
« Art. L. 3230-1. – Le présent chapitre est applicable aux rémunérations des personnels, des mandataires sociaux et des autres dirigeants, régis ou non par le présent code, des entreprises, constituées sous forme de société, groupement, personne morale ou établissement public à caractère industriel et commercial, quel que soit leur statut juridique.
« Art. L. 3230-2. – Le montant annuel de la rémunération individuelle la plus élevée attribuée dans une entreprise mentionnée à l’article L. 3230-1, calculé en intégrant tous les éléments fixes, variables ou exceptionnels de toute nature dus ou susceptibles d’être dus à titre de rémunération ou d’indemnisation au cours de l’exercice comptable, ne peut être supérieur à vingt fois le salaire annuel minimal appliqué en France pour un emploi à temps plein dans la même entreprise ou dans une entreprise qu’elle contrôle au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce.
« Art. L. 3230-3. – Pour chaque exercice comptable, lorsque l’application d’une décision ou d’une convention a pour effet de porter le montant annuel de la rémunération annuelle la plus élevée à un niveau supérieur à vingt fois celui du salaire minimal annuel défini à l’article L. 3230-2, l’ensemble des décisions ou conventions relatives à la détermination de cette rémunération sont nulles de plein droit, sauf si le salaire minimal annuel pratiqué est relevé à un niveau assurant le respect des dispositions du même article L. 3230-2. » ;
2° L’article L. 2323-17 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 2323-17. – En vue de la consultation prévue à l’article L. 2323-15, l’employeur met à la disposition du comité d’entreprise, dans les conditions prévues à l’article L. 2323-9 :
« 1° Les informations sur l’évolution de l’emploi, des qualifications, de la formation et des salaires, sur les écarts de rémunérations des salariés et mandataires sociaux au sein de l’entreprise et des entreprises qui la contrôlent au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, sur les actions en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, sur le nombre et les conditions d’accueil des stagiaires, sur l’apprentissage et sur le recours aux contrats de travail à durée déterminée, aux contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou aux contrats conclus avec une entreprise de portage salarial ;
« 2° Les informations et les indicateurs chiffrés sur la situation comparée des femmes et des hommes au sein de l’entreprise, mentionnés au 1° bis de l’article L. 2323-8 du présent code, ainsi que l’accord ou, à défaut, le plan d’action mentionnés au troisième alinéa du 2° de l’article L. 2242-8 en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
« 3° Les informations sur le plan de formation du personnel de l’entreprise ;
« 4° Les informations sur la mise en œuvre des contrats et des périodes de professionnalisation et du compte personnel de formation ;
« 5° Les informations sur la durée du travail, portant sur :
« a) Les heures supplémentaires accomplies dans la limite et au-delà du contingent annuel applicable dans l’entreprise ;
« b) À défaut de détermination du contingent annuel d’heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement dans les conditions prévues à l’article L. 3121-11 ;
« c) Le bilan du travail à temps partiel réalisé dans l’entreprise ;
« d) Le nombre de demandes individuelles formulées par les salariés à temps partiel pour déroger à la durée hebdomadaire minimale prévue à l’article L. 3123-14-1 ;
« e) La durée, l’aménagement du temps de travail, la période de prise des congés payés prévue à l’article L. 3141-13, les conditions d’application des aménagements de la durée et des horaires prévus à l’article L. 3122-2 lorsqu’ils s’appliquent à des salariés à temps partiel, le recours aux conventions de forfait et les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés ;
« 6° Les éléments figurant dans le rapport et le programme annuels de prévention présentés par l’employeur au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, prévus à l’article L. 4612-16 ;
« 7° Les informations sur les mesures prises en vue de faciliter l’emploi des accidentés du travail, des invalides de guerre et assimilés, des invalides civils et des travailleurs handicapés, notamment celles relatives à l’application de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés ;
« 8° Les informations sur l’affectation de la contribution sur les salaires au titre de l’effort de construction ainsi que sur les conditions de logement des travailleurs étrangers que l’entreprise se propose de recruter ;
« 9° Les informations sur les modalités d’exercice du droit d’expression des salariés prévues à l’article L. 2281-11. »
II. – Les entreprises mentionnées à l’article L. 3230-1 du code du travail dans lesquelles l’écart des rémunérations est supérieur à celui prévu à l’article L. 3230-2 du même code disposent d’un délai de douze mois, à compter de la date de promulgation de la présente loi, pour se conformer aux dispositions du même article L. 3230-2.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Cet amendement vise à encadrer les rémunérations au sein d’une même entreprise afin que le salaire le plus élevé, celui du dirigeant, ne soit pas plus de vingt fois supérieur au salaire le plus bas. Cette proposition n’est pas nouvelle, Henry Ford ayant déjà proposé d’instaurer un tel mécanisme en 1920.
Dans chaque entreprise, le salaire annuel le moins élevé ne pourrait être plus de vingt fois inférieur à la rémunération annuelle globale la plus élevée, que celle-ci soit celle versée à un salarié ou à un dirigeant mandataire social non salarié. Cet encadrement aurait ainsi vocation à remplacer le plafond de rémunération de 450 000 euros mis en place dans les entreprises publiques.
Nous répétons ce que nous dénonçons régulièrement : il n’est pas acceptable, d’un point de vue éthique et moral, mais aussi pour la cohésion de la société, que certains PDG du CAC 40 touchent en moyenne, en une journée, le salaire annuel d’un salarié payé au SMIC. Leur rémunération moyenne représente 308 années de SMIC ! Là se trouve le « pognon de dingue », pour reprendre les mots du Président de la République !
Par ailleurs, cet amendement vise également à lutter contre les inégalités professionnelles. Les femmes occupent souvent des postes moins qualifiés et exercent des métiers moins bien payés. L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes atteint même 23, 7 %, selon l’INSEE. Il est donc indispensable d’encadrer les écarts de rémunération au sein des entreprises afin de favoriser l’égalité entre les sexes.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons, mes chers collègues, à soutenir notre amendement.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
La difficulté que vous évoquez, et dont il a déjà dû être question dans cet hémicycle, nous semble davantage relever du projet de loi PACTE, le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, qui nous sera prochainement soumis. Cet amendement ne nous paraît avoir qu’un rapport lointain avec la question des inégalités salariales dont souffrent les femmes et nécessiterait un peu plus de travail sur le fond.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 485 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 61
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – La réduction est supprimée lorsque l’employeur n’a pas conclu d’accord relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code ou qu’il n’a pas établi le plan d’action mentionné à l’article L. 2242-3 dudit code. Cette diminution de 100 % du montant de la réduction est cumulable avec la pénalité prévue à l’article L. 2242-7 du même code. »
La parole est à M. Fabien Gay.
Cet amendement a pour objet de créer une nouvelle sanction afin d’inciter les entreprises à respecter l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Cette sanction consisterait en la suppression d’une exonération de cotisations sociales patronales pour les entreprises ne respectant pas leurs obligations.
Depuis les années 2000, une vingtaine de lois traitant de l’égalité entre les femmes et les hommes ont été adoptées, dont une dizaine portaient spécifiquement sur l’égalité au travail. Le nombre d’obligations relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes augmente chaque année. Pourtant, ces inégalités persistent. Ainsi, une étude de l’APEC, l’Association pour l’emploi des cadres, a montré que, entre 2005 et 2015, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes n’a diminué que de 2, 5 points, passant de 21, 5 % à 19 %.
Si les inégalités persistent, c’est parce qu’il n’existe pas de sanction systématique et suffisamment sévère incitant les entreprises à respecter leurs obligations.
C’est pourquoi nous proposons d’assortir d’une sanction les obligations des entreprises en matière de négociation sur l’égalité professionnelle.
Actuellement, le code du travail impose une négociation sur l’égalité tous les quatre ans. Lorsque cette négociation n’aboutit pas à la conclusion d’un accord collectif, l’employeur a l’obligation d’établir unilatéralement un plan d’action annuel, destiné à assurer l’égalité professionnelle. Pourtant, 60 % des entreprises assujetties à cette obligation n’ont ni conclu un accord ni établi un plan d’action. Et seules 0, 2 % d’entre elles ont été sanctionnées !
Afin de faire respecter cette obligation, nous proposons que les entreprises ne disposant ni d’un accord ni d’un plan d’action soient privées des exonérations de cotisations sociales prévues à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.
Je vous rejoins, cher collègue, sur le fait qu’il est compliqué de parvenir à nos fins en la matière. Nous avons tenté dans plusieurs lois – en 1972, en 1983, en 2001, en 2010 – de mettre en place un certain nombre de dispositifs.
Le Gouvernement fait aujourd’hui le choix d’adopter une mesure ayant visiblement fait ses preuves en Suisse, même si ce pays n’a pas encore obtenu les résultats que nous connaissons, mais nous ne sommes pas là pour en discuter.
Cela dit, il nous a paru excessif de prévoir directement une sanction brutale, alors que le projet de loi offre plutôt une progressivité : une mesure annuelle, suivie d’un plan de rattrapage salarial, puis une pénalité plafonnée à 1 %. Une telle progressivité nous semble être plus appropriée.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. – Le second alinéa de l’article L. 1153-5 du code du travail est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « ainsi que des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des autorités et services compétents. La liste de ces services est définie par décret. »
I bis et I ter. –
Supprimés
II. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2019.
La porosité entre les discriminations salariales, les discriminations sexistes et le harcèlement sexiste dans l’entreprise est très grande. Bien souvent, le harcèlement sexiste est aussi accompagné de pressions et de chantage à l’égard des salariées. Il est également un facteur de discrimination salariale ou dans les carrières professionnelles. L’article 62 a donc toute sa place dans le projet de loi, mais je présenterai tout à l’heure une série d’amendements visant à l’améliorer.
En cet instant, j’invite le Gouvernement à préserver les compétences déjà existantes en matière d’accompagnement des femmes victimes de harcèlement ou de discriminations professionnelles. Je pense particulièrement à l’AVFT, l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, dont les subventions sont réduites et dont le fonctionnement est de ce fait fragilisé. Elle a ainsi dû fermer son accueil.
J’ai entendu à plusieurs reprises Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes dire que l’AVFT ne lui paraissait pas être une association devant être confortée dans sa capacité à répondre aux besoins des femmes victimes de harcèlement ou de discriminations salariales. Par ailleurs, j’ai vu l’appel d’offres qui a été lancé, je vois le choix qu’est en train de faire le Gouvernement.
Je rappelle donc que, sur ces sujets, on ne s’improvise pas du jour au lendemain référent, accompagnant ou expert juridique auprès des femmes et que les compétences qui existent, qui ont été construites après des années de travail, comme celles de l’AVFT, doivent être préservées et encouragées.
L’amendement n° 678 rectifié, présenté par Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - Le deuxième alinéa de l’article L. 1471-1 du code du travail est complété par les mots : « à l’exception de la contestation de tout licenciement à caractère discriminatoire, qui se prescrit par cinq ans ».
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Cet amendement me paraissant juridiquement important, j’attire l’attention de Mme la ministre sur son contenu.
En 2017, la loi Fenech-Tourret a fait passer les délais de prescription de l’action publique de trois à six ans pour les délits, mais les ordonnances de septembre 2017 ont réduit le délai de prescription pour contester un licenciement à douze mois à compter de la notification de la rupture du contrat de travail.
Il semble, madame la ministre, qu’il y ait un problème d’articulation entre les délais de prescription. Le code du travail prévoit en effet que le délai est de cinq ans en cas de contestation d’un acte discriminatoire et d’un an en cas de rupture du contrat de travail.
On va bien entendu me répondre que cet amendement est satisfait. Or l’analyse de la jurisprudence prouve que cette question peut susciter d’âpres débats et des divergences, des conseils de prud’hommes à la Cour de cassation, et donc de longues procédures, en particulier pour les victimes.
Notre amendement vise donc à préciser – pourquoi s’en priver ? – que les licenciements à caractère discriminatoire sont prescrits au bout de cinq ans. Une telle harmonisation nous paraît juste et de nature à protéger les victimes. Elle permettrait également de figer la doctrine.
Cet amendement nous semble en effet satisfait par le droit en vigueur. La commission pense qu’il n’y a pas de zone floue, mais je laisse à Mme la ministre le soin de nous répondre sur ce point.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Cet amendement est effectivement satisfait, car le délai de prescription en matière de rupture du contrat de travail a été porté à un an par les ordonnances de septembre 2017, sauf en cas de discrimination. Le délai de prescription spécifique aux actions en réparation d’un préjudice résultant d’une discrimination n’a pas été modifié par les ordonnances. Il est de cinq ans, conformément à l’article L. 1134-5 du code du travail.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer devant vous, les ordonnances font la différence entre une simple rupture du contrat de travail et une rupture du contrat de travail en cas de discrimination. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une atteinte non pas simplement au contrat de travail, mais aussi à l’intégrité de la personne. C’est la raison pour laquelle les délais de prescription n’ont pas été modifiés dans ce cas.
Non, je le retire, monsieur le président. Les précisions apportées par Mme la ministre permettront de connaître l’intention du législateur et celle du Gouvernement. Les avocats pourront s’en prévaloir.
L’amendement n° 678 rectifié est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 504, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir les I bis et I ter dans la rédaction suivante :
I bis. – Après l’article L. 1153-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1153-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1153 -5 -1 – Dans toute entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés est désigné un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. »
I ter. – Le titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 2314-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes est désigné par le comité social et économique parmi ses membres, sous la forme d’une résolution adoptée selon les modalités définies à l’article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 2315-18, après le mot : « économique », sont insérés les mots : « et le référent prévu au dernier alinéa de l’article L. 2314-1 ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Cet amendement vise à rétablir l’article 62 du projet de loi.
Le harcèlement et les agressions sexuelles au travail touchent plus d’un tiers des femmes au travail. Certes, la création des référents chargés, dans les entreprises, d’orienter et d’accompagner les victimes ne permettra pas de résoudre tous les problèmes. Toutefois, cette mesure constituait une avancée notable dans la libération de la parole.
Soyons cohérents. Une salariée harcelée par un collègue de même niveau ou par son n+1 aura certainement plus de facilités à s’adresser à une personne spécialement chargée de l’aider plutôt qu’à son employeur. C’est assez logique. Les mécanismes de l’oppression sont connus et intériorisés : peur de ne pas être crue, peur des répercussions sur la carrière, peur que l’affaire soit considérée comme mineure, manque de confiance dans la direction.
De fait, ces référents, à l’instar des assistants sociaux, qui sont de plus en plus intégrés dans les entreprises, doivent servir de relais indépendants à même d’écouter et d’aider les victimes. Il ne s’agit aucunement de revenir sur les obligations des employeurs en matière de sécurité physique et psychique des salariés ou sur les pouvoirs disciplinaires des employeurs.
Il faut par ailleurs savoir raison garder, les référents ne fonctionneront pas en autarcie complète. Ils travailleront de concert avec les employeurs. L’enjeu est ici de définir un relais connu de tous.
Je le dis avec gravité, il ne faut ni surestimer ni sous-estimer cette mesure. Non, le harcèlement au travail ne s’arrêtera pas parce que les entreprises de 250 salariés et plus recruteront des référents. On ne peut se cacher ni derrière les responsabilités du chef d’entreprise et du service des ressources humaines ni derrière un accord de branche, sachant que plus d’un tiers des salariées ont déjà subi un harcèlement sexuel sur leur lieu de travail, espace de vie central au quotidien. J’ajoute que la destruction à petit feu de l’inspection et de la médecine du travail, réforme après réforme, réduit encore les possibilités d’action de ces structures pour lutter efficacement contre les risques psychosociaux.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons le rétablissement de l’article 62, même si la mesure qu’il prévoit n’est qu’une mesure parmi d’autres pour lutter contre le harcèlement et les agressions sexuelles sur le lieu de travail.
L’amendement n° 592, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :
I bis. – Après l’article L. 1153-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1153-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1153 -5 -1. – Dans toute entreprise employant au moins cinquante salariés est ou sont désignés un ou plusieurs référents chargés d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
« Le référent dispose a minima, sauf dispositions supplétives prévues par accord, des prérogatives suivantes :
« 1° Droit d’alerte ;
« 2° Droit d’assister une éventuelle victime de violences sexuelles ou sexistes au travail dès lors qu’elle est tenue de rencontrer un membre de la direction ou des ressources humaines ;
« 3° Droit d’être informé des étapes et du contenu de la procédure d’enquête diligentée par l’employeur ;
« 4° Droit d’accompagner l’inspecteur du travail en cas d’enquête ou de visite dans l’entreprise ;
« 5° Droit de saisine de l’inspection du travail ou de la médecine du travail ;
« 6° Droit de saisine ou d’inscription d’une question à l’ordre du jour du comité social et économique de l’entreprise. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que celui que vient de défendre Mme Assassi.
La lutte contre le harcèlement sexuel ou sexiste dans l’entreprise, comme celle pour l’égalité salariale, est beaucoup moins consensuelle dans la réalité que l’on pourrait l’imaginer ou le croire. Les stratégies de résistance sont encore développées dans un certain nombre d’entreprises. Il suffit d’ailleurs de consulter le bilan des entreprises du SBF 120 pour voir qu’il existe de grandes disparités dans la manière dont elles assument leurs responsabilités et luttent contre le harcèlement sexuel et sexiste et pour l’égalité salariale. On connaît tous le cas de référents désigné par l’entreprise pour l’affichage, ou privés de moyens…
Cet amendement vise donc à préciser les fonctions et les prérogatives du référent en charge de la lutte contre le harcèlement : droit d’assister une éventuelle victime, droit d’alerte, droit d’être informé des étapes et du contenu de la procédure d’enquête, droit d’accompagner l’inspection du travail, droit de saisine de l’inspection du travail, droit de saisine et inscription d’une question à l’ordre du jour du comité social et économique de l’entreprise.
L’amendement n° 405 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :
I bis. – Après l’article L. 1153-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1153-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1153 -5 -1. – Dans toute entreprise employant au moins cinquante salariés est désigné un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
« Le référent mentionné au premier alinéa dispose de la formation, des ressources et des heures de délégation nécessaires à l’accomplissement de ses missions. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Cet amendement vise à reprendre les dispositions prévues par l’Assemblée nationale et supprimées par la commission des affaires sociales du Sénat. On pourrait presque en conclure, madame la ministre, que je fais le travail du Gouvernement !
Le seuil de deux cent cinquante salariés me paraît somme toute insuffisant pour protéger efficacement les salariés.
L’amendement n° 591, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :
I bis. – Après l’article L. 1153-5 du code du travail, il est inséré un article L. 1153-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1153 -5 -1. – Dans toute entreprise employant au moins cinquante salariés est ou sont désignés un ou plusieurs référents chargés d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Cet amendement tend à adapter la désignation des référents en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Il est actuellement prévu de ne désigner qu’un référent unique. La réussite de la disposition proposée dans le présent projet de loi dépend donc de sa capacité d’adaptation à la taille de l’entreprise. Tel est l’objet de l’amendement, qui concerne les entreprises de plus de cinquante salariés.
L’amendement n° 406, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le I ter dans la rédaction suivante :
I ter. – Le titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 2314-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes est désigné par le comité social et économique parmi ses membres, sous la forme d’une résolution adoptée selon les modalités définies à l’article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 2315-18, après le mot : « économique », sont insérés les mots : « et le référent prévu au dernier alinéa de l’article L. 2314-1 ».
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Cet amendement vise également à reprendre les dispositions prévues par l’Assemblée nationale et supprimées par la commission des affaires sociales du Sénat. Il a été défendu en partie par Mme Assassi voilà quelques instants.
Il est ici proposé de créer, au sein de la délégation du personnel au comité social et économique, le CSE, un référent, désigné par ses membres. Il nous paraît important qu’il y ait deux référents dans l’entreprise, l’un, désigné par l’employeur, l’autre, par le CSE.
Cette notion de référent a, il est vrai, été introduite par l’Assemblée nationale, sur la proposition de son rapporteur. Peut-être même a-t-elle été soufflée par le Gouvernement, mais je laisserai à Mme la ministre le soin de s’exprimer sur ce point.
L’une de nos collègues, soutenue, d’ailleurs, par plusieurs autres, a fait le choix de proposer en commission un amendement de suppression de ce dispositif, expliquant notamment que les référents dans les entreprises étaient déjà suffisamment nombreux, comme j’ai pu moi-même le constater en allant sur internet. On compte ainsi un référent handicap, un référent lanceur d’alerte, un référent santé et sécurité au travail, un référent énergie, un référent numérique. Je pourrais continuer de dérouler cette liste à loisir, étant bien entendu que le champ d’action de chacun d’entre eux a une portée différente.
Il faut considérer comme une chance le fait de voir, bientôt, un comité social et économique être mis en place dans toutes les entreprises. Ce CSE a un certain nombre de prérogatives : analyser les risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs ; contribuer à faciliter l’accès des femmes à tous les emplois et à résoudre les problèmes éventuels ; susciter toute initiative qu’il estime utile et proposer des actions de prévention du harcèlement moral, sexuel et des agissements sexistes, le refus de l’employeur devant être motivé.
En la matière, soit on maintient ce comité social et économique, en lui conservant l’ensemble des prérogatives qui lui ont été attribuées, soit on décide de le « saucissonner » en autant de référents, au risque, à mon sens, de le vider de sa substance.
Madame Assassi, puisque vous avez évoqué le sujet, pensez-vous que les salariés des entreprises employant plus ou moins cent cinquante personnes savent qui est leur référent et à quel niveau il agit ? Ce n’est en tout cas pas l’expérience que j’ai moi-même de l’entreprise. En règle générale, un salarié connaît un ou deux délégués du personnel, dont les compétences seront désormais reconnues dans le cadre du CSE. Il les connaît soit parce qu’ils occupent un poste géographiquement proche du sien, soit parce qu’il a des affinités particulières avec eux. Mais il ne leur attribue pas forcément une délégation précise.
C’est donc plutôt aux délégués qu’ils connaissent que les salariés s’adressent d’abord, quitte, effectivement, à ce que les délégués les renvoient après aux personnes ayant des compétences plus spécifiques au sein du CSE. Le fait de saucissonner les compétences et d’attribuer telle ou telle tâche à chacune des composantes du CSE revient à vider ce dernier de sa substance, telle que le législateur l’a voulue.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
J’émets un avis favorable sur l’amendement n° 504. Nous avons mené, depuis plusieurs mois, une concertation avec les partenaires sociaux en matière d’égalité professionnelle des femmes et des hommes, s’agissant, d’une part, de l’égalité salariale et de carrière et, d’autre part, de la prévention du harcèlement sexiste et sexuel au travail.
Nous avons tous été surpris, mais nous en avons pris acte, de l’ampleur du phénomène du harcèlement sexuel et sexiste au travail, dans le secteur public comme dans le secteur privé, dans les petites entreprises comme dans les grandes. C’est un phénomène de société, dont nous ne pensions pas qu’il était aussi développé non seulement dans le monde, mais aussi en France.
Les partenaires sociaux ont prôné deux concertations séparées. Les femmes subissent déjà une discrimination de salaire à l’embauche, puis, au long de la carrière, sans compter le poids de la maternité qu’on leur fait porter. Si, en plus, elles ont la peur au ventre quand elles vont au travail, comment voulez-vous qu’elles se projettent dans l’avenir professionnel ?
On ne peut pas, d’un côté, vouloir l’égalité professionnelle des salaires et des carrières, et, de l’autre, ne pas prendre en compte un tel phénomène.
Force est de constater également que les victimes de harcèlement sexuel ou d’agissements sexistes sont souvent insuffisamment accompagnées. Souvent, elles n’osent pas témoigner, victimes du syndrome habituel de la victime qui se croit coupable ou, en tout cas, humiliée et qui a honte.
Il convient donc de prévoir une personne de confiance, car ce n’est pas à une institution qu’elles vont se confier. Voilà pourquoi les partenaires sociaux ont souligné la nécessité, que l’Assemblée nationale a reprise, avec l’accord du Gouvernement, de pouvoir multiplier les points de contact. Il faut un référent du côté des ressources humaines ; c’est l’objet de cet amendement. Il en faut un autre du côté du CSE. Il en faut un troisième du côté de la médecine du travail.
Ces trois référents, ces trois points de contact, seront formés, notamment à l’accueil des personnes. Actuellement, dans nombre de situations, face à une personne qui ose parler, c’est un peu le vide sidéral, parce qu’on ne sait ni quoi faire ni comment. D’où l’importance de ces référents, qui ne seront pas des emplois à temps plein. Pour le dire autrement, avoir un point de contact dans les RH, au sein du CSE et à la médecine du travail, ce n’est pas du luxe ! Si au moins l’une de ces pistes fonctionne, permet d’instaurer une relation de confiance, grâce à une formation efficace, et d’adopter les bonnes attitudes, nous aurons fait grandement œuvre de progrès.
C’est la raison pour laquelle je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à voter en faveur de l’amendement n° 504.
En ce qui concerne l’amendement n° 592, j’y suis également favorable sur le principe, pour les raisons que je viens d’expliquer. En revanche, il n’est pas nécessaire de préciser les prérogatives dont le référent dispose en matière d’alerte, de saisine de l’inspection ou encore d’assistance aux victimes, puisque celles-ci sont déjà celles d’un délégué du CSE. Je suis donc favorable à cet amendement, sous réserve de ne retenir que le texte voté par l’Assemblée nationale, c’est-à-dire sa première partie.
Du coup, je suggère le retrait de l’amendement n° 405 rectifié, au profit de l’amendement n° 504. Il n’est pas non plus nécessaire de préciser que l’entreprise a des responsabilités, car c’est déjà inscrit dans la loi. L’entreprise a évidemment l’obligation de préserver l’ensemble de ses salariés et est responsable des actes de harcèlement contre lesquels elle n’aurait pas mis suffisamment de moyens en œuvre. De plus, préciser qu’il faut prévoir des ressources et des heures de délégation est induit par l’idée même de référent et me paraît donc superfétatoire.
J’émets aussi un avis favorable sur l’amendement n° 591. Néanmoins, les entreprises de cinquante salariés sont rarement dotées d’un service de ressources humaines. Après en avoir débattu, nous avons convenu, avec les partenaires sociaux, de fixer le seuil à deux cent cinquante salariés. Je souhaiterais que l’amendement puisse être rectifié en ce sens.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote sur l’amendement n° 504.
J’entends bien, madame la rapporteur, votre argument selon lequel de nombreux référents existent déjà. Cela étant, notre collègue qui a contribué à supprimer le référent dont il est ici question aurait dû aller jusqu’au bout de sa logique. Pourquoi uniquement celui-là ? Il aurait fallu qu’elle supprime tous les autres !
Pourquoi choisir de laisser tomber le référent en matière d’égalité professionnelle femmes-hommes et de lutte contre les violences sexuelles, et pas un autre ? C’est toujours la même histoire : dès lors qu’on en arrive au sujet de l’égalité femmes-hommes et de la lutte contre le sexisme, on nous dit que beaucoup a déjà été fait.
Au demeurant, je vais me rallier à l’amendement n° 504, d’autant que, s’il est adopté, comme cela semble devoir être le cas, il fera tomber tous les autres. Madame la ministre, certes, il n’y a pas souvent de service de ressources humaines dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Mais il y en a dans les entreprises de deux cents salariés, pourtant au-dessous du seuil fixé. L’écart est grand entre cinquante et deux cent quarante-neuf salariés…
Je mets aux voix l’amendement n° 504.
En conséquence, les amendements n° 592, 405 rectifié, 591 et 406 n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 398 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’avant-dernier alinéa de l’article L. 8112-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout signalement de harcèlement sexuel au travail, de violences sexuelles ou sexistes, ou d’agissement sexiste transmis aux agents de contrôle de l’inspection du travail doit faire l’objet d’une enquête par ces mêmes agents. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Cet amendement vise à prévoir que tout signalement de harcèlement sexuel au travail transmis aux agents de l’inspection du travail doit faire l’objet d’une enquête par ces mêmes agents.
Nous avons trop d’exemples, trop de dossiers sur nos bureaux qui mentionnent que de tels signalements n’ont pas été suivis d’effet. Cela est dû non pas à de la mauvaise volonté ou du désintérêt de la part de l’inspection du travail, mais à un problème de moyens, et donc de priorités. Comme je le disais à l’instant à propos du référent, ces priorités sont souvent défavorables aux femmes.
Là aussi, la commission émet un avis défavorable. Cet amendement, relatif à l’enquête obligatoire de l’inspection du travail en cas de signalement d’un fait de harcèlement sexuel, est satisfait par le droit, notamment par l’article L. 8112-2 du code du travail, aux termes duquel les délits de harcèlement sexuel entrent pleinement dans les matières qu’ont à constater les agents de l’inspection du travail.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Chaque inspecteur du travail est assujetti à une obligation de diligence : s’il dispose d’éléments suffisants pour caractériser une situation de harcèlement sexuel au travail, de violences sexuelles ou d’agissements sexistes, il doit agir. Cette obligation lui est d’ores et déjà rappelée par l’article R. 8124-27 du code du travail. Pour autant, au regard du cadre d’exercice des missions d’inspecteur du travail, tel que défini par la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail, l’agent de contrôle doit conserver un pouvoir d’appréciation, dans ses modalités d’intervention, des suites juridiques qu’il y apporte.
L’objet de l’amendement n° 398 rectifié est donc à la fois satisfait et encadré.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 62 est adopté.
L’amendement n° 589, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 62
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1153-2 du code du travail est complété deux alinéas ainsi rédigés :
« Un acte de licenciement d’une victime de harcèlement sexuel est présumé nul, sauf si ladite victime refuse la réintégration au sein de l’entreprise.
« Dans le cadre d’une procédure contentieuse engagée suite au licenciement d’une victime de harcèlement sexuel au travail, le juge ne doit pas examiner les autres éventuels motifs dudit licenciement. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Il convient de faire un bref historique sur l’évolution de notre droit en la matière, en fonction de la jurisprudence et des dernières ordonnances.
La Cour de cassation admet, depuis plusieurs années, que le licenciement d’une salariée pour dénonciation de faits de harcèlement sexuel est nul de plein droit, sauf à ce que l’employeur puisse démontrer la fausseté de ces allégations, et ce quand bien même d’autres motifs de licenciement auraient été mentionnés dans la lettre de licenciement. Ces motifs complémentaires n’ont pas à être examinés, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, dès lors que le licenciement a été prononcé à l’encontre d’une victime de faits de harcèlement.
La législation récente, par le biais des ordonnances, est revenue sur cette jurisprudence, juste et constante, de la chambre sociale de la Cour de cassation, alors même que les licenciements intervenus pour avoir dénoncé des faits de harcèlement sont assez rares, les employeurs utilisant, en général, d’autres motifs pour licencier ces salariés. Aussi, l’intérêt patronal de ces dispositions est, quoi qu’il en soit, minime.
Cet amendement vise donc à revenir sur ce qui avait été décidé au travers des ordonnances et à rétablir, dans le code du travail, la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui permet d’interdire aux juges, en cas de harcèlement sexuel au travail, d’examiner les autres motifs de licenciement. C’est un amendement important, et je n’ose imaginer, madame la ministre, que les ordonnances avaient pour finalité de mettre fin à la jurisprudence de la Cour de cassation.
Ne croyez pas que nous vous en voulions personnellement, ma chère collègue, mais, ici encore, prévaut la logique de satisfaction par le droit. Aux termes actuels de l’article L. 1153-2 du code du travail, le licenciement d’un salarié ayant refusé de subir un harcèlement sexuel ou ayant souhaité alerter la direction de l’entreprise sur des actes dont il a été témoin sera annulé par le conseil de prud’hommes.
Le premier alinéa de l’amendement, outre qu’il tend à introduire l’innovation d’une présomption subséquente à un jugement, se trouve donc satisfait par le droit en vigueur. Le second, en tant qu’il porte une atteinte manifeste à la séparation des pouvoirs, présente un risque élevé d’inconstitutionnalité.
La commission vous demande donc de retirer cet amendement. À défaut, elle y sera défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 587, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 62
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze ».
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Cet amendement vise à augmenter de six à douze mois de salaires l’indemnisation plancher prévue par l’article L. 1235-3-1 du code du travail pour tout salarié licencié en raison d’un motif discriminatoire, lié au sexe, à la grossesse, à la situation familiale, ou à la suite d’un harcèlement sexuel ou moral.
Il s’agit de tirer la conséquence de la recommandation n° 17 formulée par la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans le cadre de son rapport d’information intitulé Projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes : contribution au débat. Pareille recommandation avait également été formulée par le Défenseur des droits.
Dans la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a été votée une disposition prévoyant que l’indemnisation du préjudice liée à la rupture du contrat de travail d’une salariée ayant dénoncé des faits de harcèlement sexuel ne pouvait être inférieure aux salaires des douze derniers mois. Jusqu’à l’entrée en vigueur de cette loi, la jurisprudence de la Cour de cassation fixait ce plancher à six mois. Ce n’était pas satisfaisant. Or le plancher désormais prévu par les ordonnances est défavorable aux victimes de harcèlement ou de discrimination.
Avis défavorable. Ce débat a déjà eu lieu dans l’hémicycle, lors de la ratification des dernières ordonnances Travail. Notre assemblée s’était alors prononcée pour une harmonisation du plancher à six mois pour toutes les indemnisations pour licenciement abusif.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 593 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 62
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les violences sexuelles ou sexistes sont ajoutées en tant que domaine spécifique aux domaines déjà existants de la négociation collective.
Les accords conclus sur cette base contiennent un plan de prévention des violences sexistes et sexuelles, intégrant la lutte contre le harcèlement sexuel et l’agissement sexiste, au sein duquel doit figurer une procédure adaptée aux victimes desdites violences au sein de l’entreprise.
Ce plan de prévention est présenté chaque année au comité social et économique de l’entreprise pour les entreprises de plus de onze salariés.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Cet amendement vise à renforcer la prise en charge de la lutte contre les violences sexistes ou sexuelles dans le cadre de la négociation collective. Il est inspiré par des préconisations portées par des spécialistes de l’égalité professionnelle, particulièrement sur les violences sexistes ou sexuelles au travail.
Il est donc proposé d’ajouter les violences sexistes et sexuelles en tant que domaine spécifique aux domaines déjà existants de la négociation collective. Je pressens que l’on va me rétorquer qu’il est inutile de prévoir un domaine supplémentaire compte tenu des nombreux domaines déjà existants ou que mon amendement est satisfait par je ne sais quelle disposition. J’insisterai tout de même sur le fait qu’il faut faire évoluer tout le monde, en particulier en matière de négociation collective, et j’entends par là les représentants aussi bien des employeurs que des syndicats de salariés. Inclure cette dimension permettrait en outre de donner une concrétisation supplémentaire à la grande cause nationale voulue par le Président de la République.
Je ne suis pas là pour défendre la grande cause nationale portée par le Président de la République, Mme la ministre s’en chargera ! En tout état de cause, nous y sommes tous attentifs. L’article L. 2241-1 du code du travail intègre déjà les conditions de travail, et englobe donc la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
La prévention des violences sexuelles et sexistes et la lutte contre ce phénomène ne sont pas des objets de négociation, c’est une obligation absolue de l’employeur. Ce dernier est donc directement responsable des aspects liés à l’organisation des rapports de travail, qui peuvent induire un contexte particulier.
Bien sûr, il faut renforcer l’information des salariés, la prévention et la prise en charge, d’où les référents de tous ordres. En revanche, il peut être utile, au niveau de chaque branche, de prévoir des outils susceptibles d’aider, notamment, les petites et moyennes entreprises. C’est pour cela que le projet de loi prévoit que les branches négocient sur la mise à disposition d’outils aux entreprises pour prévenir et agir – je fais la nuance entre les deux – en matière de harcèlement sexuel et d’agissements sexistes.
L’intention des auteurs de l’amendement, je la partage, le texte même, non. C’est donc un avis défavorable que j’émets.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Le 2° de l’article L. 2241-1 du code du travail est complété par les mots : « ainsi que sur la mise à disposition d’outils aux entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ».
L’amendement n° 594, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Au début, insérer les mots :
Au premier alinéa de l’article L. 2241-1 du code du travail, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux » et
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Cet amendement vise à diminuer la périodicité à laquelle sont négociés les thèmes relatifs aux salaires, aux mesures tendant à favoriser l’égalité professionnelle, aux conditions de travail, à la situation des personnes handicapées et au régime de formation professionnelle.
Les ordonnances de septembre 2017 ont effectivement redéfini la périodicité de la négociation des thèmes des accords de branche à quatre ans maximum, mais elles ont laissé la possibilité de réduire cette périodicité dans le cadre de la négociation collective. L’amendement nous semble par conséquent satisfait : avis défavorable.
L’important, et les ordonnances ont été rédigées dans cet esprit, est que la négociation soit efficace et utile, d’où la possibilité offerte aux partenaires sociaux de la mener tous les deux, trois ou quatre ans.
Élaborer un plan d’ampleur sur quatre ans, avec des étapes bien définies chaque année, c’est aussi bien qu’un plan à un horizon de deux ans. Ce n’est pas la périodicité qui compte, c’est la qualité du plan, étant entendu qu’une borne maximale, à savoir quatre ans, a été fixée, pour inciter les partenaires sociaux à négocier. Il leur reviendra de choisir les thèmes sur lesquels portera la négociation et de fixer la périodicité de cette dernière.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 62 bis est adopté.
Le 3° de l’article L. 2242-17 du code du travail est ainsi rédigé :
« 3° Les mesures permettant de lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d’emploi et d’accès à la formation professionnelle, en favorisant notamment les conditions d’accès aux critères définis aux II et III de l’article L. 6315-1 ; ». –
Adopté.
L’amendement n° 407, présenté par Mmes Rossignol, Grelet-Certenais et Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann et Lubin, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Avant le dernier alinéa de l’article L. 2222-3-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La convention ou l’accord collectif prend en compte la prévention et la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes, et notamment le harcèlement sexuel et l’agissement sexiste, ainsi que les droits familiaux dévolus aux salariés. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 2222-3-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’accord conclu au niveau de la branche et définissant la méthode applicable à la négociation au niveau de l’entreprise prend en compte la prévention et la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes, et notamment le harcèlement sexuel et l’agissement sexiste, ainsi que les droits familiaux dévolus aux salariés. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Cet amendement vise à sanctuariser, au sein de la négociation collective, la préservation des droits familiaux et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Il est nécessaire d’associer davantage les branches professionnelles à un travail d’envergure en ces domaines.
L’amendement n° 407 est quasi similaire à l’amendement n° 593 rectifié, à une nuance près. L’argumentaire de la commission sera donc identique : le code du travail porte déjà sur les conditions de travail, qui visent par capillarité les violences sexistes et sexuelles. Avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 197 rectifié quater, présenté par MM. Iacovelli et Antiste, Mme Blondin, MM. M. Bourquin, Durain et Duran, Mmes Espagnac, M. Filleul, Lepage, Meunier, Monier et Préville et M. Tissot, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3142-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3142 -3. - Il est interdit d’employer le salarié dans les quatorze jours qui suivent la naissance survenue au foyer du salarié ou l’arrivée d’un enfant placé en vue de son adoption. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
Cet amendement vise à rendre obligatoire le congé pour naissance ou adoption, sujet sur lequel la France accuse un retard par rapport à ses voisins. Une réforme du congé de paternité constituerait un levier essentiel pour réduire les inégalités professionnelles.
Aujourd’hui, les pères bénéficient d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de onze jours consécutifs, qui s’ajoute au congé de naissance de trois jours. Ce congé est optionnel. Rappelons que le taux de recours au congé de paternité n’est que de 68 %. Pourtant, les comparaisons européennes montrent que, dans les pays où la législation promeut des congés parentaux plus longs et parfois obligatoires, les inégalités se réduisent et une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle est constatée. C’est notamment observable au Portugal, où les pères ont droit à un mois de congé de paternité, dont deux semaines obligatoires.
Le Gouvernement a récemment rejeté l’idée de rendre obligatoire le congé de paternité. Pourtant, sur les seize semaines de congé de maternité, huit sont obligatoires, dont six après la naissance, afin de s’assurer que l’employeur ne fait pas pression sur sa salariée pour qu’elle ne prenne pas le congé auquel elle a droit. Pourquoi en serait-il autrement pour les hommes ? Le taux de non-recours de 32 % au congé de paternité s’explique notamment par la pression professionnelle subie. Il est donc indispensable de garantir ce droit en le rendant obligatoire. Cet amendement est une première étape en ce sens.
L’amendement n° 363, présenté par Mme Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3142-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3142 -3. – Il est interdit d’employer le salarié dans les trois jours qui suivent la naissance survenue au foyer du salarié ou l’arrivée d’un enfant placé en vue de son adoption. »
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Cet amendement a un objet similaire au précédent. Je reprends les arguments déjà avancés, en y ajoutant des considérations liées à l’intérêt de l’enfant. La sociologue Olga Baudelot parlait, dans les années 1990, d’un « état de grâce » au moment de la naissance ou de l’arrivée d’un nouveau-né dans un couple. Plus on accoutume le corps du nourrisson à recevoir des soins nourriciers et de bientraitance, moins les risques de mauvais traitement sont importants.
À l’évidence, la naissance ou l’arrivée d’un enfant est un moment important pour les pères comme pour les mères. Cela étant, ces deux amendements sont probablement inconstitutionnels, puisque leur objet va à l’encontre de la liberté d’embauche. La commission y est donc défavorable.
Vous l’avez mentionné, monsieur le sénateur, près de sept pères sur dix prennent le congé de paternité : c’est à la fois beaucoup et peu. Effectivement, cela a des conséquences sur l’égalité professionnelle, peut-être sur la santé de l’enfant, sur celle de la mère assurément, et je suis bien placée pour le savoir : c’est bien pour la mère de ne pas se retrouver seule en ces moments.
Néanmoins, la réforme que vous proposez me paraît aujourd’hui prématurée. Vous savez que le Gouvernement a engagé une réflexion pour faire évoluer le dispositif du congé de paternité. Il a commandité un rapport à l’IGAS, en cours de finalisation. Il y aura une réflexion plus générale non seulement sur le congé de paternité, mais aussi sur le congé de maternité, car certaines femmes n’y ont pas accès pour des raisons pratiques. Cette réflexion s’élargira au congé parental dans l’optique de la directive européenne attendue sur ce sujet.
Il paraît nécessaire d’attendre les conclusions de ces travaux avant d’engager une réforme plus globale. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements, non sur l’intention, mais sur le moment choisi pour légiférer à ce propos.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 196 rectifié quater, présenté par M. Iacovelli, Mme Grelet-Certenais, M. Antiste, Mme Blondin, MM. M. Bourquin, Durain et Duran, Mmes Espagnac, M. Filleul, Lepage, Meunier, Monier et Préville et MM. Tissot et Tourenne, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° de l’article L. 3142-4 du code du travail, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « dix-sept ».
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
Cet amendement vise à rééquilibrer entre les deux parents l’impact d’une naissance sur la carrière et à réduire les inégalités professionnelles, en donnant la possibilité au père de s’impliquer un peu plus dans les premiers jours qui suivent la naissance de l’enfant.
En matière d’égalité professionnelle et de partage des tâches, nous sommes loin du compte. Il est donc indispensable de revoir la durée des congés, notamment du congé de paternité. Aujourd’hui, les pères bénéficient d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de onze jours consécutifs, qui s’ajoute au congé de naissance de trois jours accordé et rémunéré par l’employeur.
L’application de l’article 40 de notre Constitution ne nous permet pas d’allonger le congé de paternité. Seul le congé de naissance peut l’être, car son financement est à la charge du seul employeur.
C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d’allonger le congé de naissance de trois à dix-sept jours. Pourquoi dix-sept ? Parce que cela permettrait de doubler la durée cumulée actuelle du congé de naissance, trois jours, et du congé de paternité, onze jours, en la passant de quatorze à vingt-huit jours.
Rappelons que, pour rejeter le droit individuel à un congé parental d’au moins quatre mois, contenu dans le projet de directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants, actuellement en discussion au Parlement européen, le Gouvernement a avancé des arguments de coût budgétaire et a indiqué qu’il préférerait allonger le congé de paternité.
J’espère que le Gouvernement fera preuve de cohérence et émettra un avis favorable sur cet amendement.
L’amendement n° 364, présenté par Mme Meunier, M. Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° de l’article L. 3142-4 du code du travail, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « six ».
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Cet amendement, qui va dans le même sens, est en quelque sorte un amendement de repli, qui vise à faire passer la durée du congé de naissance de trois à six jours.
L’amendement n° 496 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 62 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 3° de l’article L. 3142-4 du code du travail, le mot : « trois » est remplacé par le mot « cinq ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Ultime tentative de repli, cet amendement vise à allonger le congé de naissance de trois à cinq jours, lequel resterait cumulable avec le congé de paternité de onze jours calendaires. Il permettrait aux pères ou à la conjointe de la mère de disposer de davantage de temps pour s’occuper de leurs enfants.
À titre de comparaison avec nos voisins européens – l’exemple du Portugal a été cité tout à l’heure –, je précise que le congé de maternité est de soixante jours en Suède et de cinquante-quatre jours en Finlande. Il reste donc des progrès à faire !
Dans le prolongement des propos de Mme la ministre, si un rapport de l’IGAS est prévu sur le sujet, il faut attendre sa parution et peut-être s’en inspirer dans un futur texte de loi.
Ces trois amendements sont assez éloignés du projet de loi, ils n’ont donné lieu à aucune étude d’impact, aucune audition. Faut-il prolonger ce congé, actuellement de trois jours, à six jours, à dix-sept jours ? Doit-il être à la charge de l’entreprise ? Nous devons discuter de tout cela plus posément, avoir un avis du Conseil d’État, des auditions et une étude d’impact pour pouvoir trancher. Le travail parlementaire doit être respecté.
En conséquence, l’avis est défavorable sur ces trois amendements.
Pour les mêmes raisons, l’avis est défavorable.
Sur l’ensemble des congés liés à la parentalité, nous devons disposer d’études et d’indicateurs, notamment le rapport que j’ai évoqué.
Je suis néanmoins presque certaine que nous aurons l’occasion de reparler de ce sujet au Parlement.
Je salue le nombre de cordes que Mme la rapporteur a à son arc pour émettre des avis défavorables sur nos amendements…
Je veux revenir aussi sur l’argument de l’inconstitutionnalité. On entend souvent des parlementaires ou des ministres l’avancer systématiquement à l’occasion de l’examen des textes de loi. En période de compétition, nous sommes tous sélectionneurs de l’équipe de France, je le sais bien, et en période de législation, il semblerait que nous soyons tous juges constitutionnels.
De grâce, laissons le Conseil constitutionnel faire son travail et ne nous interdisons pas, de temps en temps, d’adopter des articles ou des amendements qui nous permettent de le saisir. Je le rappelle, le droit constitutionnel est un droit essentiellement jurisprudentiel, qui se construit à travers les décisions du Conseil. Ne privons pas le Conseil constitutionnel d’occasions de donner son avis et de faire évoluer le droit constitutionnel.
Le rapport de l’IGAS sera le bienvenu, mais je propose que nous éclairions l’inspection en lui indiquant quel est le souhait du Parlement. Une décision du pouvoir législatif en faveur de l’allongement du congé de paternité permet aussi de nourrir la réflexion des hauts fonctionnaires.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. René-Paul Savary. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec Mme la ministre
Sourires.
Cette discussion doit s’intégrer à une réflexion plus large sur la politique familiale, qui a tout de même été mise à mal ces dernières années et qu’il convient de redéfinir. Je ne sais pas exactement quel est le rapport avec les décisions qui ont été prises ces dernières années, mais le taux de natalité baisse en France, et c’est grave. En tant que rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je constate que le rapport démographique est essentiel. Si l’on ne mène pas une politique familiale déterminée visant à favoriser la natalité, nous aurons des problèmes à l’avenir pour équilibrer nos régimes de retraite.
Nous attendons de ce gouvernement une redéfinition globale de la politique familiale ; c’est un élément essentiel pour l’équilibre des générations au sein de notre société.
Je me rallie aux arguments de Mme la rapporteur et de Mme la ministre.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Chapitre V
Mesures relatives au parcours professionnel dans la fonction publique
(Supprimé)
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 253, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après le premier alinéa de l’article 51 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu’un fonctionnaire bénéficie d’une disponibilité au cours de laquelle il exerce une activité professionnelle, il conserve, pendant une durée maximale de cinq ans, ses droits à l’avancement dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État. Cette période est assimilée à des services effectifs dans le corps.
« Lorsqu’un engagement de servir pendant une durée minimale a été requis d’un fonctionnaire, la période mentionnée au deuxième alinéa n’est pas comprise au nombre des années dues au titre de cet engagement.
» Dans les conditions fixées par les statuts particuliers de chaque corps, les activités professionnelles exercées durant la période de disponibilité peuvent être prises en compte pour une promotion à l’un des grades mentionnés aux troisième et quatrième alinéas de l’article 58 dont l’accès est subordonné à l’occupation préalable de certains emplois ou à l’exercice préalable de certaines fonctions. Les activités professionnelles prises en compte doivent être comparables à ces emplois et ces fonctions au regard de leur nature ou du niveau des responsabilités exercées. »
II. – Le deuxième alinéa du I est applicable aux mises en disponibilité et aux renouvellements de disponibilité prenant effet à compter de la date de publication de la présente loi.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Ces trois amendements, qui instaurent un dispositif favorable aux mobilités, visent à appliquer les mêmes dispositions à la fonction publique d’État, à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière, en modifiant les deux lois de 1984 pour les deux premiers et la loi de 1986 pour le troisième.
Actuellement, lorsqu’un fonctionnaire occupe un emploi dans le cadre d’un détachement, sa carrière est protégée et son avancement continue pendant qu’il occupe cet emploi. À l’inverse, s’il souhaite vivre une expérience dans le secteur privé, il doit se mettre en disponibilité et son avancement de carrière est alors figé à la date de sa mise en disponibilité.
Nous proposons donc, pour les trois versants de la fonction publique, de protéger pendant cinq ans la carrière du fonctionnaire en cas de mise en disponibilité, s’il souhaite avoir une expérience dans le privé. À l’issue de cette période de cinq ans, et à condition de réintégrer le secteur public, le fonctionnaire concerné reprendra son déroulement de carrière comme s’il était resté dans la fonction publique.
Ce dispositif vise donc à faciliter les retours du privé vers le public. Souvent, nous déplorons le départ des meilleurs agents publics vers le secteur privé et, lorsque nous souhaitons les faire revenir, ils doivent accepter de voir leur carrière retardée de cinq ans.
Je précise enfin que, pour valoriser dans la carrière du fonctionnaire cette expérience vécue dans le privé, celle-ci sera également prise en considération pour permettre l’accès aux postes dits « fonctionnels ».
L’amendement n° 505, présenté par Mmes Cohen et Apourceau-Poly, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le 9° de l’article 18-5 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° S’abstenir d’exercer toute action pour le compte ou auprès d’une personne morale de droit public. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Selon nous, la suppression des articles 63 à 65 quater était nécessaire, à plusieurs titres.
Premièrement, on ne peut que s’interroger sur la pertinence de l’introduction dans ce texte de tels dispositifs de pantouflage. Il y a fort à parier que, si ces mesures avaient été proposées par un groupe parlementaire, elles auraient été rejetées en tant que cavaliers législatifs. Ces suppressions sont donc signe de cohérence.
Deuxièmement, et c’est le plus important, cette volonté gouvernementale de promouvoir le pantouflage témoigne de deux volontés convergentes.
La première tend à détruire les frontières entre le secteur public et le secteur privé, avec l’idée sous-jacente de soumettre les emplois publics aux méthodes de management du secteur privé. Pour mémoire, chaque fois qu’on a privatisé une entreprise publique, on a plus retenu les drames humains qui s’en sont suivis que les gains de performance réalisés.
La seconde vise à entretenir une sorte de caste, un groupe réduit d’individus naviguant dans ce que j’appelle le « pouvoir caché ». Car, soyons sérieux, lorsque l’on parle de pantouflage, on ne parle pas d’un aide-soignant devenu restaurateur.
Sourires.
Comme l’a montré notre collègue Pierre-Yves Collombat, si le pantouflage est minoritaire dans la fonction publique, il se concentre dans certains secteurs. Permettez-moi de citer un exemple – j’espère que personne ne se sentira visé… Ainsi, sur les 333 inspecteurs et inspecteurs généraux des finances publiques, plus de la moitié viennent du privé, dont un tiers du secteur bancaire. Le sociologue François Denord a calculé que, au final, 75 % des inspecteurs des finances « pantoufleront » dans leur carrière.
L’argument avancé par le Gouvernement de la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas satisfaisant. S’il est vrai que les femmes demandent plus souvent une mise en disponibilité que les hommes, ce sont ces derniers qui sollicitent le plus des mises en disponibilité de convenance, celles qui entrent dans le champ d’application des articles concernés. Clairement, ce cynisme et cette instrumentalisation n’honorent pas le Gouvernement.
La suppression des articles était un premier pas, mais le problème du pantouflage demeure. Dans ce cadre, nous vous proposons de franchir le gué en interdisant à un agent public devenu lobbyiste de mener son activité auprès de ses anciens collègues, et ce dans un souci de lutte contre les conflits d’intérêts et la collusion que peuvent engendrer des années de travail en commun.
L’amendement n° 506, présenté par Mmes Cohen et Apourceau-Poly, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article 25 decies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 25… ainsi rédigé :
« Art. 25 …. – Il est interdit à tout ancien fonctionnaire ou agent public d’exercer une activité de conseil qui a trait directement ou indirectement aux missions de service public attachées à ses anciennes fonctions pendant un délai de dix ans. »
La parole est à M. Fabien Gay.
Il s’agit d’une mesure de repli.
Le dispositif que nous proposons à travers cet amendement vise à créer une « zone tampon » durant laquelle un fonctionnaire ayant quitté la fonction publique ne peut pas mener des opérations de lobbying auprès de son administration de rattachement.
On le sait, les agents publics, et surtout les hauts fonctionnaires, font l’objet d’une cour assidue, quand ce ne sont pas les institutions mêmes qui les poussent dans les bras du privé. Ainsi, la mission de suivi personnalisé des parcours professionnels, à Bercy, va jusqu’à recenser les offres d’emploi du privé pour les mettre à disposition des cadres du ministère.
En parallèle, la capacité d’action de la commission de déontologie et de contrôle demeure assez floue. Pour ne prendre qu’un exemple, cette commission a quand même réussi à valider la nomination, le 2 mars 2009, d’un fonctionnaire à la tête de la Caisse nationale des caisses d’épargne et de la Banque fédérale des banques populaires, moins d’une semaine après que celui-ci eut organisé la fusion de ces deux organismes.
Ces pratiques d’un autre temps remettent totalement en cause le principe même de la fonction publique, fondée sur le mérite républicain.
Je me permets une légère digression pour rappeler que le recrutement au concours des fonctionnaires a été une mesure de progrès social visant à replacer le mérite au premier plan, au détriment du népotisme qui existait jusque-là. Mais cet objectif est aujourd’hui mis en échec dans le cadre de la haute fonction publique. Ainsi, les « camarades de classe à l’école » deviennent « copains de promo à l’ENA », pour reprendre les termes des sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon. Ce constat d’une reproduction sociale tient à deux éléments : l’incapacité de l’école républicaine à gommer les inégalités de capitaux et le recrutement d’entrée à l’ENA, qui se fait à plus de 80 % parmi les étudiants de Sciences-Po et Polytechnique.
Ces « copains de promo » intègrent ensuite les cabinets, partent dans le privé et se rappellent les uns les autres à leur bon souvenir.
Le mécanisme que nous proposons, s’il ne permet pas de lutter totalement contre ce phénomène, vise à créer une période tampon de dix ans durant laquelle un ancien fonctionnaire ne peut faire du lobbying auprès de son administration de rattachement, c’est-à-dire concrètement auprès de ses anciens collègues.
L’enjeu est bien de préserver autant que possible la sphère publique des intérêts particuliers et privés, pour qu’elle conserve son caractère impartial.
Je donnerai l’avis de la commission sur les amendements n° 253, 254 et 255, défendus simultanément par M. le secrétaire d’État. Ils ont le même objectif, mais l’un concerne la fonction publique d’État, l’autre la fonction publique territoriale et le dernier la fonction publique hospitalière.
Vous avez fait le choix dans ce texte de faciliter la « perméabilité » entre le secteur public et le secteur privé. C’est intéressant, car notre société fonctionne en silos, qu’il s’agisse de la fonction publique et du secteur privé, mais aussi parfois au sein du secteur privé, ce qui crée des difficultés de compréhension. Faciliter les passages d’un secteur à l’autre peut être intéressant.
Cela étant, le choix que vous avez fait vise, dans les grandes lignes, à rapprocher la disponibilité sous réserve du détachement – il existe en effet deux types de disponibilité, la disponibilité de droit et la disponibilité sous réserve, qui concerne notamment les créateurs d’entreprises.
Vous voulez permettre aux fonctionnaires qui décideraient de prendre cette disponibilité de prétendre à leur avancement en cas de réintégration.
La commission a estimé que cette disposition ne serait pas réellement incitative. Surtout, pourquoi la collectivité devrait-elle supporter le coût de cet avancement, d’autant qu’elle devra déjà recruter, le cas échéant un nouveau fonctionnaire, pour remplacer pendant cinq ans l’agent en disponibilité ? Ce serait une double peine à la charge de la collectivité, sans compter que l’administration se trouvera en sureffectif lorsque le fonctionnaire sera réintégré.
À l’heure des logiques de contractualisation, le rôle du Sénat, c’est bien de limiter les dépenses de toutes les collectivités, quelles qu’elles soient. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur les trois amendements du Gouvernement n° 253, 254 et 255.
Les amendements n° 505 et 506 sont quasi identiques et visent les représentants d’intérêts. Il existe déjà une commission de déontologie de la fonction publique, dont le dernier rapport date de 2016. Elle a déjà été saisie près de 4 000 fois, ce qui lui a permis de prendre position sur un certain nombre de cas.
Il me semble donc que nous disposons déjà des outils pour répondre aux craintes que vous avez exprimées, mes chers collègues.
La commission est donc défavorable aux amendements n° 505 et 506.
Il est défavorable, pour les mêmes raisons que celles qu’a invoquées Mme la rapporteur.
L’amendement n° 505 nous paraît extrêmement contraignant, puisqu’il interdirait en réalité l’exercice de la profession de représentant d’intérêts.
Quant à l’amendement n° 506, il pose un problème de cohérence, puisque la « période tampon » de dix ans que vous proposez d’instaurer va bien au-delà du délai de prescription de trois ans prévu pour le délit de prise illégale d’intérêts.
Avec votre permission, monsieur le président, je souhaiterais également livrer deux éléments de réponse à M. Savoldelli et à Mme la rapporteur sur les amendements du Gouvernement.
Ces derniers ne visent pas à faciliter la perméabilité entre le secteur privé et le secteur public ; celle-ci existe déjà. Les agents titulaires qui souhaitent avoir une expérience dans le privé demandent une période de disponibilité pour convenances personnelles.
Il s’agit, en revanche, de favoriser le retour dans la fonction publique des agents qui sont partis vers le privé, pour bénéficier de leur expérience. Puisque Bercy a été cité, je considère qu’il est utile à des services comme ceux du ministère de l’action et des comptes publics de pouvoir s’appuyer sur l’expérience d’agents publics ayant, par exemple, une expérience dans le domaine bancaire ou de la fiscalité et, le cas échéant, une meilleure connaissance d’un certain nombre de dispositifs.
Nous voyons généralement le pantouflage comme l’occasion saisie par celles et ceux qui, formés dans le public, vont gagner beaucoup d’argent dans le privé. En l’occurrence, on veut plutôt favoriser la fin du pantouflage et le retour dans le secteur public.
Il s’agit de dispositions visant à permettre un reclassement dans de meilleures conditions – c’est peut-être le seul point sur lequel je rejoins Mme la rapporteur.
Je précise que nous avons visé toutes les disponibilités sous réserve des nécessités absolues de service. Cela ne concerne pas seulement les créateurs d’entreprises, mais aussi l’exercice d’une profession libérale, salariée ou toute autre forme d’activité professionnelle.
Enfin, M. Savoldelli a évoqué la question de l’égalité femmes-hommes. Effectivement, les femmes demandent plus de disponibilités que les hommes. Cela tient à la fois à des demandes de disponibilité pour convenance personnelle, notamment liées à la naissance d’un enfant après un congé parental – que l’on s’en réjouisse ou pas, la société est ainsi faite aujourd’hui que les demandes sont plus souvent portées par des femmes que par des hommes dans ce cas-là – ou à des disponibilités demandées pour suivre un conjoint muté – là encore, c’est malheureusement le plus souvent la femme qui suit l’homme.
En revanche, nous avons identifié une cause d’inégalité salariale femmes-hommes dans la fonction publique liée aux disponibilités prises après un congé parental pour élever un enfant. Lorsqu’un agent public, très souvent une femme, demande un congé parental, son avancement de carrière est protégé la première année, mais réduit de 50 % la deuxième et troisième année.
Dans le cadre du renouvellement de l’accord sur l’égalité salariale femmes-hommes dans la fonction publique – nous espérons qu’il pourra être renouvelé à la rentrée, autour du mois d’octobre –, nous avons élargi les champs de l’accord à la question de la maternité et de la parentalité pour faire en sorte, comme nous le proposons dans le cas des disponibilités pour expérience professionnelle dans le privé, de garantir l’avancement de carrière au moins pendant le congé parental, et peut-être aussi pendant les deux premières années de disponibilité pour convenance personnelle, pour arriver à une durée de cinq ans, comme nous le proposons à travers ces amendements.
Je suis un peu gêné par les amendements n° 505 et 506. En effet, le Sénat a constitué une commission d’enquête, à la demande du groupe CRCE, sur les mutations de la haute fonction publique. Cette commission d’enquête doit prendre fin en septembre et devrait émettre des recommandations. Je trouve bizarre de demander la création d’une commission d’enquête et d’en tirer les conclusions à mi-chemin, alors que les membres de ladite commission devraient avancer des propositions qui, je l’espère, seront les plus consensuelles possible.
On se livre à des procès d’intention, on reprend des ouvrages à succès – relatif – de librairie, populistes et parfois populaires, et on en tire des conclusions un peu rapidement.
Évidemment, je ne voterai pas ces deux amendements et il me semblerait plus sérieux de les retirer, dans l’attente des conclusions d’une vraie étude sénatoriale.
Je ne vous ai pas insulté, j’ai simplement dit que vous ne compreniez rien à notre proposition !
J’observe qu’il y a toujours une inégalité entre le public et le privé, mais aussi au sein du secteur public. Un fonctionnaire territorial qui part dans le privé risque fort de ne pas retrouver son job. En revanche, un fonctionnaire d’État, enseignant ou magistrat, s’il devient par exemple parlementaire, réintégrera immédiatement son poste dans l’administration publique après avoir été battu aux élections.
Ses collègues médecins ou avocats ont pendant ce temps perdu complètement leur clientèle et se retrouvent par terre, sans rien.
Le Gouvernement devrait se pencher sur ces injustices et prendre des mesures, car les élus qui viennent du secteur privé sont totalement lésés par rapport à leurs collègues issus du secteur public, parfois outrageusement avantagés.
Ces trois amendements en discussion commune sont très disparates.
L’amendement n° 253 du Gouvernement vise à rétablir l’article 63 et à faciliter les allers-retours et les promotions. Cette disposition peut effectivement poser un certain nombre de problèmes et nous devons en la matière attendre les conclusions de la commission d’enquête. Pourquoi créer une commission sur le pantouflage – il faut appeler les choses par leur nom, M. le secrétaire d’État a d’ailleurs lui-même employé ce terme – si c’est pour voter cette disposition ? Je partage donc la position de la commission sur l’amendement n° 253.
Les amendements n° 505 et 506 sont de nature un peu différente, puisqu’ils visent à prévenir des conflits d’intérêts. Je pense que je les voterai.
Les amendements n° 253, 254 et 255 du Gouvernement visent à rétablir les articles 63, 64 et 65, supprimés en commission, qui prévoient d’introduire, dans le statut de la fonction publique d’État, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière la prise en compte de l’exercice d’une activité professionnelle sous le régime de la disponibilité dans l’avancement des fonctionnaires, dans la limite de cinq ans.
Monsieur le secrétaire d’État, vos explications ne nous ont pas convaincus et nous persistons à penser qu’il s’agit d’une incitation clairement assumée au pantouflage qui brouille, une fois de plus, les lignes entre le public et le privé et qui favorise de nouveau l’immixtion des intérêts privés dans la sphère publique.
Sans préjuger des conclusions de la commission d’enquête du Sénat sur les mutations de la haute fonction publique et leurs conséquences sur le fonctionnement des institutions de la République, il nous semble que ces amendements abordent un sujet lourd de sens pour la fonction publique et nécessitent, à l’évidence, que leurs conséquences soient sérieusement soupesées pour les trois versants de la fonction publique.
De plus, comme cela a été dit, ils n’ont fait l’objet d’aucune concertation, ni avec les représentants des employeurs publics ni avec les organisations syndicales ou associations professionnelles, alors même que des négociations viennent d’être ouvertes en vue d’un projet de loi relatif à la fonction publique en 2019.
Ces amendements nous semblent prématurés et nous suivrons cette fois l’avis de Mme la rapporteur.
Le débat sur les amendements n° 253, 254 et 255 me semble présenter un petit défaut d’optique.
Très franchement, si ces amendements étaient faits pour favoriser les sorties et les retours de la haute fonction publique, ils seraient inutiles, car ces mobilités se pratiquent depuis des dizaines d’années. La simple reprise dans la rémunération d’un avantage d’ancienneté de cinq ans n’est pas un enjeu critique dans la décision d’un haut fonctionnaire de revenir dans l’administration.
Quand vous prenez des responsabilités et que vous progressez dans la hiérarchie, la proportion du régime indemnitaire dans votre rémunération change radicalement. Si vous avez, par exemple, quitté l’Inspection des finances et que vous revenez comme inspecteur général, ce que vous avez éventuellement perdu en avancement indiciaire sera assez aisément récupéré en indemnités.
En réalité, ces amendements ciblent essentiellement les agents de la catégorie B ou du bas de la catégorie A, ceux pour lesquels la reprise d’ancienneté présente un réel intérêt.
L’argumentation de la commission, outre qu’elle n’est pas valable pour les personnels de l’État, ne me semble pas complètement prendre la dimension du sujet. En effet, que la collectivité reprenne l’agent de retour de disponibilité – elle n’est pas obligée de le faire – ou qu’elle embauche quelqu’un d’autre, elle aura à assumer un coût salarial globalement équivalent. En revanche, permettre à des agents d’encadrement moyen de l’administration d’avoir une expérience dans le privé et de revenir ensuite dans le public me paraît d’un intérêt public certain.
Je précise à Mme Meunier que les dispositions sur le retour de disponibilité pour exercice dans le privé ont été examinées par le Conseil commun de la fonction publique, au moins de mars, avec un avis favorable du collège des employeurs et un avis plus partagé du collège des organisations syndicales, certaines organisations parfois qualifiées de réformistes s’étant toutefois prononcées en faveur de ces dispositions.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je voudrais faire une petite remarque de forme, qui rejoint le fond, bien évidemment.
Chers collègues, dans cette enceinte, il n’est pas question de dévoiler les travaux d’une commission d’enquête. Je suis bien placée, comme présidente de groupe, pour affirmer que je respecte les travaux de toutes les commissions d’enquête. Quel que soit leur contenu, j’appelle toujours les membres de mon groupe à voter en faveur de la publication des rapports desdites commissions.
Toutefois, ce n’est pas parce qu’une commission d’enquête est en cours que l’on doit s’abstenir de déposer des amendements sur les textes qui nous sont soumis.
Je remarque que ces amendements font débat, et je m’en réjouis pour la démocratie et pour le respect que l’on doit à la Haute Assemblée.
Sachez en tout cas, mon cher collègue, que je respecte pleinement le travail mené au sein de cette commission d’enquête.
L’intervention d’Alain Richard me fait réagir. Croyez-vous vraiment, mon cher collègue, que c’est la navette des fonctionnaires territoriaux de catégorie B ou A- qui crée le problème de conflits d’intérêts que nous connaissons ?
Tout le monde connaît ici le niveau de rémunération d’un fonctionnaire territorial de catégorie B ! Nous avons tous été élus locaux, que ce soit dans une commune, un département ou une région. Franchement, nous ne sommes pas sur le même sujet !
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, les circonstances ne jouent pas nécessairement en votre faveur… Je veux bien vous faire confiance, mais je ne peux pas oublier que le Gouvernement va vendre des pans entiers du capital public ! Engie, Aéroports de Paris, La Française des jeux, la gare du Nord…
Nos propos ont été très respectueux sur votre amendement, mais il existe clairement une volonté de perméabilité. Votre cap est évident ! Je ne le partage pas, mais vous devriez, en ce qui vous concerne, l’assumer. Oui, il va y avoir une très grande perméabilité entre le public et le privé et nous avons vu, depuis plusieurs mois, le même processus s’enclencher : ce qui est public est filialisé, ce qui est filialisé est privatisé !
Or pour filialiser ou privatiser, vous avez besoin d’une navette entre le privé et le public, qui s’apparente à ce que j’appelle un « pouvoir caché ». Telle est la réalité ! Assumez-la !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Supprimé)
L’amendement n° 254, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Après le premier alinéa de l’article 72 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu’un fonctionnaire bénéficie d’une disponibilité au cours de laquelle il exerce une activité professionnelle, il conserve, pendant une durée maximale de cinq ans, ses droits à l’avancement dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État. Cette période est assimilée à des services effectifs dans le corps.
« Lorsqu’un engagement de servir pendant une durée minimale a été requis d’un fonctionnaire, la période mentionnée au deuxième alinéa n’est pas comprise au nombre des années dues au titre de cet engagement.
« Dans les conditions fixées par les statuts particuliers de chaque cadre d’emplois, les activités professionnelles exercées durant la période de disponibilité peuvent être prises en compte pour une promotion à un grade mentionné au sixième alinéa de l’article 79 dont l’accès est subordonné à l’occupation préalable de certains emplois ou à l’exercice préalable de certaines fonctions. Les activités professionnelles prises en compte doivent être comparables à ces emplois et ces fonctions au regard de leur nature ou du niveau des responsabilités exercées. »
II. – Le deuxième alinéa du I est applicable aux mises en disponibilité et aux renouvellements de disponibilité prenant effet à compter de la date de publication de la présente loi.
Cet amendement a été défendu.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 254.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Supprimé)
L’amendement n° 255, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après le premier alinéa de l’article 62 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa, lorsqu’un fonctionnaire bénéficie d’une disponibilité au cours de laquelle il exerce une activité professionnelle, il conserve, pendant une durée maximale de cinq ans, ses droits à l’avancement dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État. Cette période est assimilée à des services effectifs dans le corps.
« Lorsqu’un engagement de servir pendant une durée minimale a été requis d’un fonctionnaire, la période mentionnée au deuxième alinéa n’est pas comprise au nombre des années dues au titre de cet engagement.
« Dans les conditions fixées par les statuts particuliers de chaque corps, les activités professionnelles exercées durant la période de disponibilité peuvent être prises en compte pour une promotion à un grade mentionné au sixième alinéa de l’article 69 dont l’accès est subordonné à l’occupation préalable de certains emplois ou à l’exercice préalable de certaines fonctions. Les activités professionnelles prises en compte doivent être comparables à ces emplois et ces fonctions au regard de leur nature ou du niveau des responsabilités exercées. »
II. – Le deuxième alinéa du I est applicable aux mises en disponibilité et aux renouvellements de disponibilité prenant effet à compter de la date de publication de la présente loi.
Cet amendement a été défendu.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 255.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Supprimé)
L’amendement n° 256, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le 6° de l’article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les emplois de direction des administrations de l’État et de ses établissements publics. Les emplois concernés et les conditions d’application du présent alinéa, notamment les modalités de sélection et d’emploi, sont fixés par décret en Conseil d’État. L’accès de non-fonctionnaires à ces emplois n’entraîne pas leur titularisation dans un corps de l’administration ou du service. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Monsieur le président, si vous me le permettez, je vais défendre les amendements n° 256, 252 et 257 rectifié, puisque, comme tout à l’heure, ils déclinent une même mesure pour les trois versants de la fonction publique.
L’objectif de ces amendements est de diversifier les modes de recrutement des cadres au niveau des emplois fonctionnels, ce qui concerne environ 400 emplois dans la fonction publique hospitalière, 6 800 dans la fonction publique territoriale et 2 700 dans la fonction publique de l’État.
Pour l’État, il s’agit essentiellement de postes de chef de bureau et de sous-directeur, puisque les postes considérés comme hiérarchiquement supérieurs sont généralement pourvus à la discrétion du Gouvernement par des procédures particulières, le cas échéant en Conseil des ministres, par exemple après examen de candidatures par des commissions d’audit ou de sélection.
L’objectif du Gouvernement est de diversifier les recrutements, en permettant aux employeurs publics de faire appel à des contractuels sur ces emplois fonctionnels.
Nous avons fait le choix de présenter ces amendements dans le cadre de l’examen du texte défendu devant vous par Muriel Pénicaud, parce que nous avons la conviction que la haute fonction publique doit être exemplaire. Vous le savez, le Gouvernement a engagé un train de réformes dans la fonction publique et il a décidé d’y faciliter le recours aux contrats. Il nous semble logique que ce mouvement concerne tout le monde, afin que la haute fonction publique puisse donner le la, voire prenne un peu d’avance.
Ces amendements, qui visent à rétablir les articles 65 bis, 65 ter et 65 quater, prévoient que les conditions de qualification et de rémunération des emplois fonctionnels ainsi pourvus seront précisées par décret, afin de les encadrer.
À l’instar de M. le secrétaire d’État et si vous me le permettez, monsieur le président, je vais donner un avis global sur ces trois amendements.
Nous savons bien que la question du recrutement de contractuels est un sujet sensible dans les trois fonctions publiques. C’est pourquoi il est dommage de l’avoir introduite par voie d’amendements durant les débats à l’Assemblée nationale. Comme cette mesure ne figurait pas dans le projet de loi initial, nous n’avons pu mener que peu d’auditions.
Aborder cette question ainsi est d’autant plus dommage que s’ouvre en ce moment même une concertation sur le statut de la fonction publique territoriale. Ces amendements arrivent tôt dans ce processus.
Pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable sur ces amendements, qui visent à rétablir les articles 65 bis, 65 ter et 65 quater.
Les articles 65 bis, 65 ter et 65 quater visent à élargir l’accès aux emplois de direction des administrations de l’État et des collectivités territoriales, ainsi que des hôpitaux. Ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec le projet de loi au regard de l’article 45 de la Constitution.
Si les modalités de recours à des agents contractuels, au demeurant déjà possible dans le cadre légal actuel, peuvent être améliorées, l’absence totale d’encadrement, qui découle de la rédaction qui nous est proposée, fait courir pour la gestion des administrations publiques des risques sans précédent.
Force est de constater que le recrutement par contrat de hauts fonctionnaires, aujourd’hui possible, mais dérogatoire, deviendrait inexorablement le mode de recrutement de droit commun, voire quasi exclusif, en se substituant au concours.
Or le concours reste l’instrument qui permet de mettre en œuvre le principe d’égal accès aux emplois publics proclamé par l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le principe de l’égale admissibilité aux emplois publics est unanimement reconnu comme la pierre angulaire du droit de la fonction publique.
De plus, cette évolution, faussement présentée dans les médias comme concernant uniquement la haute fonction publique, a en réalité un impact sur l’ensemble de la fonction publique et de son encadrement supérieur.
Une sorte de démantèlement insidieux du statut est donc à l’œuvre et l’équilibre qui existe au sein de la fonction publique territoriale entre les emplois de fonctionnaire et de contractuel est profondément remis en cause.
C’est pourquoi nous voterons contre ces amendements.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Supprimé)
L’amendement n° 252, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 47 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ainsi rédigé :
« Art. 47. – Par dérogation à l’article 41, les emplois visés à l’article 53 peuvent être pourvus par la voie du recrutement direct.
« Les conditions d’application du premier alinéa du présent article, notamment les modalités de sélection et d’emploi, sont fixées par décret en Conseil d’État.
« L’accès à ces emplois par la voie du recrutement direct n’entraîne pas titularisation dans la fonction publique territoriale. »
Cet amendement a été défendu.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 252.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Supprimé)
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 257 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 3 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est ainsi rédigé :
« Art. 3. – Des personnes n’ayant pas la qualité de fonctionnaire peuvent être nommées :
« 1° Par dérogation à l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et à l’article L. 6143-7-2 du code de la santé publique, sur les emplois de directeur des établissements mentionnés à l’article 2 de la présente loi, par le directeur général de l’agence régionale de santé pour les établissements mentionnés aux 1°, 3° et 5° du même article 2, à l’exception des centres hospitaliers universitaires, ou par le représentant de l’État dans le département pour les établissements mentionnés aux 4° et 6° dudit article 2.
« 2° Par dérogation à l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, sur les emplois des personnels de direction mentionnés au deuxième alinéa de l’article 4 de la présente loi autres que ceux mentionnés au 1° du présent article, par le directeur général du Centre national de gestion ou le directeur de l’établissement. Un décret en Conseil d’État détermine l’autorité compétente.
« Ces personnes suivent, à l’École des hautes études en santé publique ou dans tout autre organisme adapté, une formation les préparant à leurs nouvelles fonctions.
« L’accès de non-fonctionnaires à ces emplois n’entraîne pas leur titularisation dans l’un des corps ou emplois de fonctionnaires soumis au présent titre.
« Les nominations aux emplois mentionnés au même 1° sont révocables, qu’elles concernent des fonctionnaires ou des non-fonctionnaires.
« Les conditions d’application du présent article, notamment les modalités de sélection et d’emploi, sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Cet amendement a été défendu.
L’amendement n° 437 rectifié, présenté par MM. J.M. Boyer, Babary, Bonhomme et Brisson, Mme Bruguière, M. Daubresse, Mmes de Cidrac, Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi et Deseyne, MM. Duplomb et B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Gilles et Gremillet, Mme Gruny, M. Laménie, Mme Lamure, M. D. Laurent, Mme Lopez et MM. Meurant, Panunzi, Poniatowski, Pierre, Pointereau, Savin, Sido et Vaspart, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 3 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est ainsi rédigé :
« Art. 3. – Des personnes n’ayant pas la qualité de fonctionnaire peuvent être nommées :
« 1° Par dérogation à l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et à l’article L. 6143-7-2 du code de la santé publique, sur les emplois de directeur des établissements mentionnés à l’article 2 de la présente loi, par le directeur général de l’agence régionale de santé pour les établissements mentionnés aux 1°, 3° et 5° du même article 2, à l’exception des centres hospitaliers universitaires, ou par le représentant de l’État dans le département pour les établissements mentionnés aux 4° et 6° dudit article 2.
« 2° Par dérogation à l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, sur les emplois des personnels de direction mentionnés à l’article 4 de la présente loi autres que ceux mentionnés au 1° du présent article, par le directeur général du Centre national de gestion ou le directeur de l’établissement. Un décret en Conseil d’État détermine l’autorité compétente.
« Ces personnes suivent, à l’École des hautes études en santé publique ou dans tout autre organisme adapté, une formation les préparant à leurs nouvelles fonctions.
« L’accès de non-fonctionnaires à ces emplois n’entraîne pas leur titularisation dans l’un des corps ou emplois de fonctionnaires soumis au présent titre.
« Les nominations aux emplois mentionnés au même 1° sont révocables, qu’elles concernent des fonctionnaires ou des non-fonctionnaires.
« Les conditions d’application du présent article, notamment les modalités de sélection et d’emploi, sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Vivette Lopez.
J’ai entendu l’avis de Mme la rapporteur sur l’amendement n° 257 rectifié, mais je vais tout de même présenter cet amendement, qui a pour objet de pallier les difficultés rencontrées en matière de recrutement dans des établissements publics dont le personnel relève de la fonction publique hospitalière.
Cette disposition permet un recrutement de contractuels n’ayant pas la qualité de fonctionnaire, en l’absence de candidat fonctionnaire titulaire. Sont ici explicitement visés des emplois de directeurs et de personnels de direction.
Je pense à certains EHPAD publics autonomes, qui rencontrent des difficultés d’emploi. Pour y remédier, des intérims de direction sont actuellement mis en place, ce qui est préjudiciable au bon fonctionnement des structures, notamment quand les intérims perdurent des années.
Cet amendement est très proche de celui qu’a présenté le Gouvernement. L’avis de la commission est donc également défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 661, présenté par M. Yung, Mme Schillinger, MM. Lévrier, Rambaud, Patriat, Amiel, Bargeton, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 65 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa du 2° de l’article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est complétée par les mots : «, ainsi qu’aux personnels contractuels recrutés sur place par les services de l’État français à l’étranger sur des contrats de travail soumis au droit local ».
La parole est à M. Richard Yung.
Cet amendement est relatif aux agents contractuels de droit local, c’est-à-dire environ 4 000 personnes en poste dans les administrations françaises à l’étranger – consulats, ambassades et autres services. Il vise à leur permettre d’accéder à la fonction publique par le biais des concours internes.
Depuis le 1er janvier 2017, ces agents n’ont plus la possibilité de se présenter aux concours internes d’accès aux corps de fonctionnaires de catégorie C, dont la majorité d’entre eux relèvent.
Cette situation résulte d’une décision prise par le précédent gouvernement, selon laquelle l’accès aux catégories A, B et C par le biais des concours internes est désormais réservé aux agents publics. Or les agents locaux, par nature, ne sont pas des agents publics.
Cela est d’autant plus paradoxal que les concours internes sont ouverts aux personnes qui ont accompli des services au sein des administrations, organismes et établissements des autres États membres de l’Union européenne ou États parties à l’Espace économique européen. Autrement dit, si vous êtes Français, vous ne pouvez pas vous présenter, mais si vous êtes italien et avez travaillé dans une ambassade italienne, vous pouvez vous présenter. C’est tout de même une situation étonnante !
Il semble que le Gouvernement envisage d’autoriser les recrutés locaux à se présenter aux concours de la fonction publique par la troisième voie. Une telle décision irait dans le bon sens, mais le nombre de places offertes selon cette procédure est très inférieur à ce qui se pratique pour les concours internes. De plus, la troisième voie est ouverte à des personnes disposant d’une expérience professionnelle dont la durée est plus longue que celle qui est exigée pour se présenter à un concours interne.
Pour toutes ces raisons, nous proposons d’ouvrir les concours internes aux recrutés locaux, en sus de l’ouverture des troisièmes concours. Nous souhaitons ainsi permettre aux corps de fonctionnaires du ministère de l’Europe et des affaires étrangères de bénéficier des compétences des agents de droit local et de leur expérience.
La commission est favorable à cet amendement, qui ouvre une perspective intéressante. La situation des services de l’État à l’étranger est tout à fait particulière, ne serait-ce que parce qu’il n’est pas toujours simple pour eux de recruter.
Surtout, contrairement aux amendements que nous avons précédemment examinés, cette mesure ne remet pas en cause le principe du concours.
Jusqu’au 1er janvier 2017, les agents recrutés en droit local étaient admis à participer aux concours internes de la fonction publique, ce qui contrevenait aux règles de droit. C’est pour corriger cet écart entre la gestion et la légalité que la décision mentionnée par M. Yung a été prise. Il est vrai qu’elle a eu les conséquences évoquées à l’instant.
Cet amendement pose deux difficultés.
Tout d’abord, au regard du droit européen, en particulier en ce qui concerne l’expérience acquise dans des pays de l’Union européenne, il n’existe guère de solution, sauf à fusionner, de manière définitive et radicale, les troisièmes voies et les concours internes.
Ensuite, l’accès aux concours internes pourrait être déséquilibré. Actuellement, tous les concours internes sont réservés à des agents de droit public, à l’exception du cas des ressortissants communautaires que vous avez évoqués. Les agents de droit local ne sont pas des agents de droit public et ouvrir un concours interne à ces agents viendrait bousculer l’équilibre des concours internes.
Nous avons travaillé à une solution alternative, que vous avez évoquée : ouvrir le droit de se présenter aux concours dits de la troisième voie à l’ensemble des agents recrutés en droit local, qu’ils soient de catégorie A, B ou C. Je puis vous affirmer que, d’ici à la fin de l’année 2018, l’intégralité des métiers et des corps seront couverts par cette possibilité d’accès à la titularisation par la troisième voie.
En cela, votre amendement me semble satisfait. Il l’est d’autant plus que nous avons veillé, dans ce cadre, à réduire la période exigée en termes d’ancienneté pour la rapprocher de celle en vigueur pour les concours internes. Cette mesure répond à une objection que vous avez formulée.
Il me semble que la généralisation de la troisième voie pour les agents recrutés en droit local et l’harmonisation des durées d’accès avec les concours internes répondent à votre objectif. C’est pourquoi je vous propose de retirer cet amendement.
Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Monsieur le secrétaire d’État, je suis sensible aux efforts que vous avez faits pour répondre à ce problème. Néanmoins, je ferai deux observations.
Tout d’abord, je constate que ce qu’il était possible de faire avant le 1er janvier 2017 ne l’est plus après, ce qui est tout de même surprenant… En outre, cette décision va plutôt dans le mauvais sens, puisqu’elle empêche un certain nombre de personnes expérimentées et méritantes de se présenter à ces concours, alors que nous avons besoin de ce type de profil.
Ensuite, le recrutement par la troisième voie va dans le bon sens, mais nous savons tous que le nombre de postes ouverts à ce titre se compte sur les doigts d’une main – et encore… Au ministère des affaires étrangères, il est même proche de zéro pour la catégorie A et les concours ne sont organisés que tous les deux ans ! Cela ne peut donc pas constituer une solution d’avenir.
Voilà pourquoi je maintiens cet amendement.
Le sénateur Yung connaît particulièrement bien les problèmes qui se posent dans les ambassades. En outre, cet amendement est tout à fait raisonnable et ce sont les dispositions qui existent aujourd’hui qui ne le sont pas. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants – République et Territoires suivra l’avis de la commission et votera cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 65 quater.
Chapitre VI
Dispositions d’application
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin :
1° D’harmoniser l’état du droit, d’assurer la cohérence des textes, d’abroger les dispositions devenues sans objet et de remédier aux éventuelles erreurs :
a) En prévoyant les mesures de coordination et de mise en cohérence rendues nécessaires par les dispositions de la présente loi ;
b) En corrigeant des erreurs matérielles ou des incohérences contenues dans le code du travail ou d’autres codes à la suite des évolutions législatives consécutives à la présente loi ;
2° D’adapter les dispositions de la présente loi aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon ;
3° D’adapter aux collectivités mentionnées au 2° les dispositions relatives à la mobilité à l’étranger des titulaires de contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune des ordonnances prévues au présent article.
L’amendement n° 378, présenté par Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Tourenne, Mme Taillé-Polian, M. Daudigny, Mme Férat, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier, Rossignol, Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais.
Les articles 65 bis à 65 quater, insérés après l’adoption d’amendements du Gouvernement à l’Assemblée nationale, prévoient l’ouverture de la totalité des emplois fonctionnels des collectivités locales à des contractuels.
Au-delà des motifs indiqués dans l’objet de cet amendement, il est notable que ces mesures, si elles étaient votées, entraîneraient une transformation majeure de l’organisation des collectivités, sans que l’impact en soit mesuré à ce jour.
Une conséquence serait très certainement la disparition progressive du statut de la fonction publique territoriale.
Pour bien comprendre, il faut rappeler la fonction essentielle des directeurs généraux des services. Considérer que tous les postes dirigeants peuvent être occupés par un contractuel, y compris dans les collectivités de petite dimension, c’est considérer que le rôle des directeurs généraux est dénué de lien avec les responsabilités régaliennes que les collectivités mettent en œuvre au quotidien ; c’est aussi considérer que la gestion des collectivités ne fait pas appel, jour après jour, aux prérogatives de puissance publique au travers de ses fonctionnaires.
Ce serait le premier pas vers une sorte de désacralisation du rôle même des collectivités dans le modèle français. Banaliser à ce point le contrat public, c’est faire de même pour le contrat privé, et donc in fine banaliser le statut de la fonction publique.
Il serait au contraire urgent de travailler sur les missions des fonctionnaires et de conforter leurs spécificités et leur capacité à gérer la complexité, fruits d’un apprentissage que l’université ne permet pas. Leur expertise est appréciée, recherchée par les associations d’élus.
La présence généralisée de dirigeants contractuels exposera la collectivité à des conflits d’intérêts potentiels plus nombreux et à des conséquences pénales importantes. Elle soumettra ces postes à une pression politique accrue, là où le statut a jusqu’à présent joué un rôle de garde-fou.
Il n’est nul besoin de recrutements politisés pour bien mettre en œuvre les projets politiques ; loyauté et neutralité ne peuvent s’opposer. Ces principes sont le ciment du lien de confiance entre les élus et les cadres dirigeants. Ce lien qui existe entre un exécutif et sa direction générale est complexe et ténu, il fonde une grande partie de la légitimité du dirigeant.
Il est bon de rappeler qu’avant 1946 – dans l’ancien monde… – il n’y avait que peu de règles et pas de réel statut. Chacun pouvait être recruté dans un service public. Les historiens peuvent nous éclairer, sans remonter aux fermiers généraux, sur les dérives de la privatisation de la chose publique, à l’échelon tant national que local. Avant la mise en place du statut, le clientélisme politique existait largement.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de cet article.
La commission est défavorable à cet amendement. Il est vrai que nous ne prônons pas la prolifération des ordonnances dans un champ si substantiel.
Cependant, nous ne devons pas oublier que les ordonnances n’échappent pas complètement au Parlement, puisqu’il est amené à les ratifier.
Ensuite, il faut reconnaître que l’ordre du jour est déjà bien rempli. Nous aurions de grandes difficultés, si nous devions examiner l’ensemble des dispositions qui sont envisagées à l’article 66.
L’avis est également défavorable. L’article 66 habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances, notamment pour adapter les dispositions du présent projet de loi aux territoires ultramarins – c’est un aspect essentiel dont nous avons déjà parlé.
L’outre-mer connaît des taux de chômage élevés, notamment pour les jeunes, ses habitants rencontrent des difficultés de mobilité importantes et les infrastructures de formation et les branches professionnelles sont, dans un certain nombre de cas, assez déficientes. Cette situation est connue, j’en ai longuement parlé avec les sénateurs et députés d’outre-mer.
C’est pour cela que nous avons proposé la création d’un groupe de travail composé de sénateurs et de députés ultramarins pour préparer en amont les ordonnances. Il se réunira dès le mois de septembre et travaillera avec les exécutifs locaux pour voir comment adapter les dispositions de la future loi, notamment en matière d’apprentissage et de formation professionnelle.
Nous voulons trouver des modalités d’application qui permettent de vraiment changer le paysage pour les jeunes ultramarins qui, aujourd’hui, ont un niveau moyen de qualification plus bas et font face à un chômage plus élevé.
Tel est l’objet principal de l’habilitation prévue à cet article. Nous devons absolument adapter, en concertation avec les représentants ultramarins, les dispositions qui vont être adoptées. Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
La diversité du recrutement dans les collectivités territoriales, certains venant du public et d’autres du privé, est une richesse. On le voit bien avec les postes en cabinet, où de nombreuses personnes viennent du privé et ont un rôle essentiel dans la collectivité, sans pour autant occuper un poste dirigeant. Ils apportent une vision différente des choses, qui est utile pour faire fonctionner la collectivité. Le public a donc besoin du privé !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 377, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Daudigny, Mmes Féret et Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
aux
insérer les mots :
caractéristiques et contraintes particulières des
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Madame la ministre, vous avez déjà évoqué la question de l’outre-mer, mais je souhaite tout de même présenter cet amendement, qui est très important à mes yeux.
En effet, le projet de loi qui nous est soumis ne prend pas en compte la spécificité de nos territoires d’outre-mer.
Le transfert de la gestion des centres de formation des apprentis, CFA, aux branches professionnelles est dangereux pour l’avenir de nos jeunes dans la mesure où, faute d’être suffisamment structurées, ces dernières sont incapables d’assumer seules cette compétence. La taille réduite des territoires et le volume limité des publics pouvant y être accueillis ne permettront pas aux CFA de remplir les objectifs fixés au niveau national.
La valorisation du compte personnel du salarié en euros n’est pas adaptée aux coûts unitaires moyens complets des formations financées. Le différentiel de coût horaire est de l’ordre de 30 % par rapport aux coûts pratiqués dans l’Hexagone.
Enfin, dans certains territoires, le financement de la formation fait peser des risques sur le statut juridique et la pérennité de certains établissements : je pense à Guadeloupe Formation, créé par le conseil régional et récemment transformé en EPIC.
Ce constat, partagé par le président de l’Association des régions de France et par le Gouvernement qui a proposé, lors de l’audition de Mme la ministre par la commission, puis par la délégation aux outre-mer à l’Assemblée nationale, d’identifier les adaptations nécessaires, nous a amenés à proposer des amendements collant à la réalité et aux besoins de nos territoires ultramarins.
À cette heure, nous attendons toujours le projet d’ordonnance promis par Mme la ministre lors de nos différents échanges et destiné à procéder aux adaptations nécessaires.
Si nous contestons la méthode qui consiste, une fois de plus, à donner un blanc-seing au Gouvernement pour légiférer à notre place, nous souhaitons que le plus grand nombre d’acteurs soient consultés et associés à l’élaboration de la future ordonnance et des décrets d’application.
C’est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement, que l’élaboration de l’ordonnance prévue par le présent article prenne en compte les caractéristiques et contraintes particulières des collectivités concernées, termes reconnus constitutionnellement et sur lesquels se fondent l’ensemble des adaptations législatives pour les outre-mer.
Il s’agira de faire en sorte que l’ordonnance prenne concrètement en compte le bas niveau de formation initiale sur ces territoires, le fort taux de chômage et la faible employabilité d’un grand nombre de personnes.
M. le président. Mes chers collègues, vous me pardonnerez d’avoir permis à Mme Jasmin de dépasser son temps de parole. Faiblesse ultramarine…
Sourires.
Il est vrai que la mise en œuvre des dispositions de ce texte doit prendre en compte les spécificités des outre-mer. Mme la ministre l’a déjà évoqué à plusieurs reprises. Le projet de loi contient des mesures qui satisfont cet objectif. C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement.
La présentation faite par Mme Jasmin montre bien pourquoi nous avons besoin de mettre en place une concertation et de prendre une ordonnance destinée à adapter les dispositions de ce texte aux outre-mer. C’est pourquoi je demande aussi le retrait de cet amendement, qui me semble satisfait par la procédure que nous avons mise en place.
L ’ article 66 est adopté.
I. – À titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2021 et par dérogation aux articles L. 1252-1 et suivants du code du travail, un entrepreneur de travail à temps partagé peut proposer un contrat de travail à temps partagé aux fins d’employabilité aux personnes rencontrant des difficultés particulières d’insertion professionnelle, qui sont inscrites à Pôle emploi depuis au moins six mois, bénéficiaires de minima sociaux, handicapées, ou âgées de plus de cinquante ans ou de niveaux de formation V, V bis ou VI.
II. – Le contrat de travail à temps partagé aux fins d’employabilité est un contrat à durée indéterminée.
Lorsqu’il est recouru au travail à temps partagé aux fins d’employabilité dans les conditions prévues au I, le dernier salaire horaire de base est garanti au salarié pendant les périodes dites d’intermissions.
III. – Le salarié bénéficie durant son temps de travail d’actions de formation prises en charge par l’entrepreneur de travail à temps partagé et sanctionnées par une certification professionnelle enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles mentionné à l’article L. 6113-1 du code du travail ou par l’acquisition d’un bloc de compétences au sens du même article L. 6113-1.
Sans préjudice des dispositions de l’article L. 6323-14 du même code, l’employeur abonde le compte personnel de formation à hauteur de 500 € supplémentaires par salarié à temps complet et par année de présence. L’abondement est calculé, lorsque le salarié n’a pas effectué une durée de travail à temps complet sur l’ensemble de l’année, à due proportion du temps de travail effectué. L’employeur s’assure de l’effectivité de la formation.
IV. – L’entrepreneur de travail à temps partagé aux fins d’employabilité communique à l’autorité administrative, tous les six mois, les contrats signés, les caractéristiques des personnes recrutées, les missions effectuées et les formations suivies ainsi que leur durée, le taux de sortie dans l’emploi et tout document permettant d’évaluer l’impact du dispositif en matière d’insertion professionnelle des personnes mentionnées au I.
V. – Le présent article est applicable aux contrats conclus jusqu’au 31 décembre 2021.
VI. – Au plus tard le 30 juin 2021, le Gouvernement présente au Parlement un rapport, établi après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs et après avis de la Commission nationale de la négociation collective, sur les conditions d’application de ce dispositif et sur son éventuelle pérennisation.
L’amendement n° 736, présenté par M. Forissier, Mme C. Fournier, M. Mouiller et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
et suivants
par les mots :
à L. 1252-13
La parole est à Mme le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 67 est adopté.
L’amendement n° 649, présenté par Mme Schillinger, MM. Lévrier, Rambaud, Patriat, Amiel, Bargeton, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 67
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la section 4 du chapitre 1er du titre V du livre II de la première partie du code du travail, est insérée une section … ainsi rédigée :
« Section …
« Contrat de travail à durée indéterminée intérimaire
« Art. L. 1251 -58 -1 – Une entreprise de travail temporaire peut conclure avec le salarié un contrat à durée indéterminée pour l’exécution de missions successives. Chaque mission donne lieu à :
« 1° La conclusion d’un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit « entreprise utilisatrice » ;
« 2° L’établissement, par l’entreprise de travail temporaire, d’une lettre de mission.
« Art. L. 1251 -58 -2 – Le contrat de travail mentionné à l’article L. 1251-58-1 du présent code est régi par les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée indéterminée, sous réserve des dispositions de la présente section.
« Il peut prévoir des périodes sans exécution de mission. Ces périodes sont assimilées à du temps de travail effectif pour la détermination des droits à congés payés et pour l’ancienneté.
« Il est établi par écrit et comporte notamment les mentions suivantes :
« 1° L’identité des parties ;
« 2° Le cas échéant, les conditions relatives à la durée du travail, notamment le travail de nuit ;
« 3° Les horaires auxquels le salarié doit être joignable pendant les périodes sans exécution de mission ;
« 4° Le périmètre de mobilité dans lequel s’effectuent les missions, qui tient compte de la spécificité des emplois et de la nature des tâches à accomplir, dans le respect de la vie personnelle et familiale du salarié ;
« 5° La description des emplois correspondant aux qualifications du salarié ;
« 6° Le cas échéant, la durée de la période d’essai ;
« 7° Le montant de la rémunération mensuelle minimale garantie ;
« 8° L’obligation de remise au salarié d’une lettre de mission pour chacune des missions qu’il effectue.
« Art. L. 1251 -58 -3 – Le contrat mentionné à l’article L. 1251-58-1 du présent code liant l’entreprise de travail temporaire au salarié prévoit le versement d’une rémunération mensuelle minimale garantie au moins égale au produit du montant du salaire minimum de croissance fixé en application des articles L. 3231-2 à L. 3231-12, par le nombre d’heures correspondant à la durée légale hebdomadaire pour le mois considéré, compte tenu, le cas échéant, des rémunérations des missions versées au cours de cette période.
« Art. L. 1251 -58 -4 – Les missions effectuées par le salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée avec l’entreprise de travail temporaire sont régies par les articles L. 1251-5 à L. 1251-63 du code du travail, sous réserve des adaptations prévues à la présente section et à l’exception des articles L. 1251-14, L. 1251-15, L. 1251-19, L. 1251-26 à L. 1251-28, L. 1251-32, L. 1251-33 et L. 1251-36 du même code.
« Art. L. 1251 -58 -5 – Pour l’application des articles L. 1251-5, L. 1251-9, L. 1251-11, L. 1251-13, L. 1251-16, L. 1251-17, L. 1251-29, L. 1251-30, L. 1251-31, L. 1251-34, L. 1251-35, L. 1251-41 et L. 1251-60 du code du travail au contrat à durée indéterminée conclu par une entreprise de travail temporaire avec un salarié, les mots : « contrat de mission » sont remplacés par les mots : « lettre de mission ».
« Art. L. 1251 -58 -6 – Par dérogation à l’article L. 1251-12-1 du code du travail, la durée totale de la mission du salarié lié par un contrat à durée indéterminée avec l’entreprise de travail temporaire ne peut excéder trente-six mois.
« Art. L. 1251 -58 -7 – Pour l’application du 1° de l’article L. 6322-63 du code du travail, la durée minimale de présence dans l’entreprise s’apprécie en totalisant les périodes durant lesquelles le salarié exécute ou non une mission lorsque ce dernier est lié à l’entreprise de travail temporaire par un contrat à durée indéterminée.
« Art. L. 1251 -58 -8 – Pour l’application de l’article L. 2314-20 du code du travail, la durée passée dans l’entreprise est calculée en totalisant les périodes durant lesquelles le salarié exécute ou non une mission lorsque ce dernier est lié à l’entreprise de travail temporaire par un contrat à durée indéterminée. »
La parole est à M. Martin Lévrier.
Le CDI intérimaire, introduit à titre expérimental et intégré à la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, connaît, depuis sa mise en place, un fort développement. En 2017, plus de 13 000 CDI intérimaires ont été signés, ce qui correspond à 1 000 nouveaux contrats chaque mois. Près de 30 000 contrats de cette nature ont été conclus depuis la création de ce statut.
Au-delà du succès du dispositif auprès des acteurs du secteur, son expérimentation a montré que le CDI intérimaire était un contrat gagnant-gagnant : gagnant pour le salarié, qui bénéficie d’un cadre contractuel fixe qui réduit sa situation de précarité et permet d’assurer son employabilité grâce aux formations qui lui sont dispensées ; gagnant pour l’entreprise de travail temporaire, puisque le dispositif lui permet de continuer à offrir à ses clients la flexibilité attendue, tout en répondant à leurs besoins actuels et futurs en termes de compétences.
Depuis sa mise en place, ce dispositif a incontestablement permis une intégration durable dans l’emploi de travailleurs temporaires et s’est révélé un outil efficace contre la précarisation des salariés. Il gagnerait donc à être pérennisé, ce qui passe par son inscription dans le code du travail.
Ainsi que nous l’avons souligné tout au long de l’examen de ce texte, plusieurs expérimentations ont été proposées. La commission s’est, par principe, montrée favorable à tous les dispositifs permettant de sécuriser les parcours professionnels, notamment à celui dont il est ici question.
Comme vous l’avez remarqué, mon cher collègue, cette expérimentation a été créée par une loi de 2015, qui prévoyait que le Gouvernement remette un rapport au Parlement. La commission vient de le recevoir, et certains d’entre vous n’ont pas encore pu en prendre connaissance. J’invite ceux qui le souhaitent à le faire.
Nous avons étudié ce document : il montre que cette expérimentation est plutôt positive. C’est la raison pour laquelle la commission est favorable à cet amendement.
Le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement, dont l’objet s’inscrit pleinement dans la logique du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Son adoption complétera notre approche d’une flexisécurité à la française, qui vise à sécuriser les parcours et à lutter contre la précarité excessive, tout en permettant aux entreprises d’être agiles.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 67.
L’amendement n° 598 rectifié, présenté par M. Daudigny, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lienemann, Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 67
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un décret institue un comité de suivi chargé d’évaluer l’application de la présente loi. Ce comité, composé à parité d’hommes et de femmes, comprend notamment quatre députés et quatre sénateurs, désignés par les commissions compétentes en matière d’affaires sociales de leurs assemblées respectives. Ses membres ne sont pas rémunérés et aucun frais lié au fonctionnement de ce comité ne peut être pris en charge par une personne publique.
Il transmet chaque année au Parlement un rapport sur ses travaux.
La parole est à M. Yves Daudigny.
Au fil des discussions à l’Assemblée nationale et au Sénat, de nombreux amendements ont été examinés visant à demander des rapports sur les différents volets de ce projet de loi, marquant ainsi la volonté des parlementaires d’en suivre l’application. Ce texte suscite en effet de nombreuses interrogations, démultipliées par un recours très important – exagéré même, à nos yeux – aux décrets et aux ordonnances.
C’est pourquoi, au lieu de demander un rapport, proposition sur laquelle la commission des affaires sociales émet presque toujours un avis défavorable, nous suggérons de créer un comité de suivi chargé de l’application de la présente loi, qui garantira aux parlementaires un droit de regard et d’évaluation continu.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Pour finir en beauté, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Sourires.
Comme vous l’avez souligné, mon cher collègue, sur ce texte comme sur d’autres, la commission a rejeté un certain nombre de demandes de rapport. En revanche, la création d’un comité de suivi nous semble intéressante.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je suis un peu étonnée, car il faudra un rapport…
Sourires.
Plus sérieusement, le secrétariat général du Gouvernement s’assure désormais qu’un bilan de l’application des lois est établi tous les six mois, ministère par ministère. Celui-ci est adressé au Parlement et mis en ligne sur internet. Il existe donc de multiples moyens de suivre l’application d’une loi.
En outre, à tout moment, l’Assemblée nationale et le Sénat disposent de possibilités de contrôler la bonne application des lois : le Parlement peut notamment procéder à des auditions dans les commissions permanentes prévues à cette fin.
Cette demande me paraît donc superfétatoire, mais je serai ravie de revenir en parler avec vous.
Nouveaux sourires.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 67.
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
J’interviens en lieu et place de mes collègues Laurence Cohen et Cathy Apourceau-Poly, qui ne peuvent malheureusement être présentes ce matin pour la fin de l’examen de ce texte.
La commission des affaires sociales du Sénat a dépassé les ambitions du Gouvernement : non seulement la majeure partie des dispositions contenues dans le projet de loi ont été adoptées, mais, en plus, de nouvelles mesures régressives ont été proposées et adoptées par notre assemblée.
Selon vous, madame la ministre, le volet « formation professionnelle » était censé rendre concrets et effectifs les droits des salariés. Pourtant, le compte personnel de formation en euros a été maintenu, bien qu’il ait été démontré qu’il entraînait pour les salariés une perte flagrante de droits à formation. De plus, la gestion de la formation professionnelle a été régionalisée, afin d’adapter le plus possible la formation aux exigences des entreprises, dans un but d’employabilité et au détriment de l’acquisition de diplômes et de qualifications.
En matière d’assurance chômage, le Gouvernement a instauré sa mainmise sans tenir ses promesses. En effet, le passage d’un financement par les cotisations à un financement par l’impôt ainsi que le cadrage de la négociation de la convention UNEDIC permettent au Gouvernement de prendre le contrôle de l’assurance chômage. Parallèlement, l’ouverture de l’allocation chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants est encadrée dans des conditions tellement strictes que l’on estime qu’elle ne bénéficiera qu’à 50 000 personnes au maximum, bien loin de la promesse d’universalité du Gouvernement.
Enfin, le volet du projet de loi portant des dispositions diverses relatives à l’emploi s’est révélé décevant. Certes, de nombreuses mesures relatives aux travailleurs handicapés et en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ont été adoptées, mais aucune des propositions visant à mieux protéger les travailleurs des plateformes n’a été retenue.
Pendant les débats, notre groupe a défendu un projet alternatif, comme nous avons l’habitude de le faire pour chaque texte examiné. Celui-ci reposait, d’une part, sur un service public national de l’enseignement, ayant pour objectif l’acquisition de qualifications et non l’employabilité, et, d’autre part, sur la sécurisation des parcours professionnels des actifs, grâce à l’instauration d’une allocation autonomie jeunesse et à la création d’une sécurité sociale réellement universelle.
Ce texte étant l’exact opposé du projet que nous avons défendu, nous voterons contre.
En ce grand moment de bonheur collectif et après une campagne de Russie réussie, j’aurais aimé, madame la ministre, vous accompagner dans l’élaboration de ce projet de loi, car je pense fortement que le triptyque « éducation-formation-culture » doit servir de fondation à la construction d’une nouvelle cohésion sociale. Malheureusement, ce ne sera possible ni pour mon groupe ni pour moi-même, dans la mesure où ce texte marque une rupture, comme le montrent les régressions en matière de droits des salariés ou de droits sociaux qu’il contient.
Cette rupture s’exprime d’abord sur la forme et dans la méthode.
Les lois votées depuis 1971 ont toujours été consécutives à la signature d’accords nationaux interprofessionnels, porteurs d’avancées sociales favorables aux salariés ou aux demandeurs d’emploi. Ce n’est plus le cas en 2018 : le big bang conduit le Gouvernement à proposer un texte en opposition avec plusieurs choix affirmés par les partenaires sociaux.
Stupéfaction, quand le Gouvernement, à la suite du discours du Président de la République devant le Congrès à Versailles, dépose en cours de discussion un amendement n° 750 visant à appeler les partenaires sociaux à bouleverser la philosophie et le financement de l’assurance chômage. La sanction ne se fera pas attendre : 303 voix contre et 21 voix pour.
Cette rupture se manifeste ensuite sur le fond.
La première rupture concerne l’apprentissage : toutes les demandes des organisations patronales sont reprises. Il est donc juste de parler d’une forte imprégnation libérale. Même si la compétence régionale ne revient pas à l’État, vous l’avez martelé, madame la ministre – vous le voyez, je vous ai écoutée –, c’est bien la première fois qu’une compétence confiée aux régions depuis 1981-1983 est remise en cause au bénéfice des branches professionnelles et de l’initiative privée, au risque de creuser les inégalités entre les territoires et les secteurs d’activité.
La seconde rupture a trait à la nouvelle gouvernance par une institution publique quadripartite : France compétences, qui n’a fait l’objet d’aucune négociation et qui affaiblit considérablement l’un des trois piliers du paritarisme. Il semble bien que le Président de la République n’aime pas les corps intermédiaires, ce qui n’est pas un bon signe au moment d’engager la réflexion sur une nouvelle sécurité sociale.
D’autres points de désaccord sont apparus : monétisation, désintermédiation, disparition du congé individuel de formation, ouverture des droits aux indépendants, qui pourrait faire demain de la démission un outil ordinaire des transitions professionnelles. Il y a aussi toutes les mesures relatives à l’assurance chômage qui suscitent nos inquiétudes les plus vives, mais je n’ai pas le temps de développer le sujet.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce projet de loi n’est pas pour nous un texte de progrès. C’est un rendez-vous manqué en matière de formation professionnelle.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
La commission a accompli un travail remarquable. Elle vous a mise en garde, madame la ministre, contre un certain nombre de dispositions pour vous aider à prendre le chemin de la réalité des territoires. Elle a ainsi établi un meilleur équilibre entre la région et les branches professionnelles et rééquilibré les relations entre les partenaires sociaux et l’État en matière d’assurance chômage en appelant à ne pas voter l’amendement du Gouvernement.
En matière d’apprentissage, en entérinant le travail de la commission, nous vous avons proposé de ne pas mettre tous vos œufs dans le même panier en assurant un meilleur équilibre entre la région et les branches professionnelles. N’oublions pas que les chômeurs et les personnes en insertion ne dépendent d’aucune branche professionnelle. Le Gouvernement sera donc bien content de trouver les collectivités à ses côtés. Les départements – le public de l’insertion les concerne directement – et les régions, qui ont acquis une expérience, même si leurs résultats peuvent être améliorés, doivent trouver leur place dans le nouveau dispositif.
Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier permettra d’avancer pas à pas. Nous verrons bien quels seront les résultats, car, nous le savons, c’est un véritable pari sur l’avenir.
En matière d’assurance chômage, les objectifs sont complètement différents. Un amendement tombé comme un cheveu sur la soupe au milieu de la discussion visait à remettre en cause des accords qui ont été négociés voilà à peine quelques mois. Il vous faudra tenir compte du vote significatif du Sénat. Le nombre important de voix qui se sont exprimées contre votre amendement montre bien qu’on ne peut pas prendre des décisions aussi importantes pour l’avenir de notre pays sans le Parlement.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Le groupe Union Centriste prendra toutes ses responsabilités sur ce projet de loi, dont chacun mesure l’importance.
Je commencerai par saluer le travail des rapporteurs de la commission des affaires sociales : il a permis d’améliorer de manière substantielle le texte qui a été débattu dans cet hémicycle.
Le projet de loi est un texte ambitieux qui touche à des secteurs clés du monde du travail : la formation professionnelle, la formation continue, l’apprentissage, l’assurance chômage. Je ne vous cache pas que, dans ces secteurs, les résultats n’étaient jusqu’à présent pas satisfaisants. C’est pourquoi la volonté de réforme du Gouvernement va dans le bon sens ; on ne pouvait se satisfaire du statu quo en la matière.
Le texte, dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale, nécessitait ajustements et améliorations, notamment dans le domaine de l’apprentissage. Je ne reprendrai pas les remarques que vient de formuler à l’instant René-Paul Savary : sur ce sujet, il avait besoin d’être rééquilibré en faveur des régions, même s’il nous semble important de donner davantage de place aux branches professionnelles dans ce secteur – j’espère d’ailleurs que ces dernières sauront saisir l’opportunité qui leur est donnée. Il fallait faire en sorte que le travail accompli depuis des années par les régions ne soit pas réduit à néant de manière brutale ; c’est chose faite grâce aux amendements défendus par le Sénat.
À l’issue de ce débat au Sénat, nous parvenons à un texte plus équilibré. Évidemment, nous nourrissons quelques regrets sur l’engagement de la procédure accélérée, sur les conditions de travail qui nous ont été imposées sur un texte d’une telle importance et d’une grande densité. Au moment où l’examen de ce texte arrive à son terme, je tiens à faire remarquer que les conditions de travail auraient pu être meilleures et que chacun aurait apprécié de travailler de façon plus sereine sur des sujets qui l’exigeaient.
Il nous reste maintenant à espérer que la commission mixte paritaire saura faire preuve d’autant de sagesse que le Sénat et que ses travaux aboutiront à un consensus.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Lors de la discussion générale, nous avions relevé que des risques de déséquilibre se faisaient jour, et nous étions inquiets. Nous voulions toutefois croire que le débat nous permettrait d’avancer dans le bon sens.
Malheureusement, sur un certain nombre de points et à l’inverse de certains groupes, nous considérons que nous n’y sommes pas parvenus. Je pense en particulier à l’article 15, dont l’objectif est très clair : mettre au cœur du réacteur les jeunes et les branches professionnelles, donc l’entreprise, pour créer de l’apprentissage et de l’emploi. Instaurer un copilotage, quand bien même serait-il avec les régions, ne peut que ralentir le développement du dispositif ; cela risque même de provoquer des situations de blocage, comme j’ai pu le souligner lors de nos débats.
Mes chers collègues, vous parliez de décentralisation, mais, quand vous parlez des régions, vous avez une logique très centralisatrice ! Avouez que demander que l’ensemble des CFA transmettent aux régions chaque année avant le 30 juin les documents comptables et financiers, même s’ils ne sont pas demandeurs de subventions, témoigne d’une logique terriblement centralisatrice ; cela m’échappe !
Tout aussi gênants sont votre position sur l’assurance chômage et le sort réservé à l’amendement n° 750. Vous vous y êtes opposés surtout pour des questions de forme – en commission, j’ai souligné que nous n’avions pas su accompagner cet amendement déposé en urgence. Or il s’agit de créer de l’emploi et d’avancer vite. Vous avez uniquement privilégié la forme et négligé le fond. Vous reprochez au Gouvernement de la verticalité, mais cet amendement visait à recréer de l’horizontalité. Là encore, une telle démarche m’étonne ! Vous prononcez des mots très forts à l’encontre du Gouvernement et de sa verticalité, mais, lorsqu’il propose de l’horizontalité, vous la rejetez en bloc.
À cela, il faut ajouter la suppression du bonus-malus, décision qui nous échappe aussi complètement.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. Néanmoins, ce vote se veut positif, car nous espérons qu’en commission mixte paritaire des changements notables seront décidés pour nous permettre de faire évoluer notre position.
Mon intervention sera brève, car, tout au long de la discussion, un certain nombre de mes collègues du groupe Les Indépendants sont intervenus.
Encore une fois, le Sénat a fait la démonstration qu’il jouait un rôle important. Dans un certain nombre de domaines, il fallait remettre de l’ordre ! Jusqu’à présent, les régions avaient seules la charge de la formation professionnelle, mais les départements y participaient. Pardonnez-moi de le dire ainsi, mais c’était un bazar sans nom, avec des résultats nuls, un gaspillage financier incroyable, des milliers d’associations s’occupant de formation professionnelle avec des résultats désastreux !
Pour ce qui concerne l’apprentissage, des progrès ont été accomplis. Dans le cadre d’un rapport que j’ai rédigé, j’ai eu l’occasion de rencontrer un certain nombre d’entreprises allemandes : les apprentis y travaillent dans de meilleures conditions, ceux qui gèrent les apprentis aussi. En France, c’est tellement difficile que les artisans ne veulent plus prendre d’apprentis ! Des assouplissements ont donc été décidés.
Même s’il ne convient pas tout à fait aux sénateurs macroniens
Sourires
M. Philippe Mouiller. Je tiens tout d’abord à remercier la commission et les rapporteurs assis au banc – la distinction s’impose, en l’occurrence
Sourires .
De façon plus générale, nous avons essayé de coconstruire ce texte avec le Gouvernement. Cependant, un certain nombre d’inquiétudes demeurent ; je pense aux relations avec les régions ou à la capacité réelle des branches professionnelles à être organisées et opérationnelles pour prendre en compte les nouvelles compétences qui leur seront confiées. Les relations avec l’éducation nationale ont aussi donné lieu à de nombreux débats ; il est vrai que nous aurions pu aller beaucoup plus loin dans l’intégration des lycées professionnels.
Je ne saurais oublier le grand débat du financement des structures de formation. Si les cartes ont été mises sur la table, un certain nombre de mécanismes restent à élaborer.
Si nous avons voulu cette coconstruction, c’est parce que nous avons cherché à promouvoir l’intérêt global en essayant d’améliorer l’apprentissage et la formation professionnelle.
Lorsque nous avons abordé le volet relatif à l’assurance chômage, le changement brusque de stratégie du Président de la République et du Gouvernement a considérablement modifié la donne, non seulement sur la forme, puisque nous avons eu le sentiment que les travaux du Parlement étaient oubliés, mais également sur le fond, puisque nous sommes revenus à la case départ. J’espère que cet article ne sera pas une source trop forte de conflit en commission mixte paritaire et que nous parviendrons à un accord permettant de conserver les différentes améliorations que le Sénat a pu apporter. Encore une fois, je tiens à saluer le travail du Sénat et sa capacité à aller de l’avant.
Pour toutes ces raisons, notre groupe politique votera très majoritairement en faveur de ce texte.
En mon nom et au nom des autres rapporteurs saisis au fond et du rapporteur pour avis de la commission de la culture, je tiens à remercier les administrateurs de la commission des affaires sociales de leur travail et la direction de la Séance. Je tiens également à vous remercier personnellement, madame la ministre, ainsi que vos collègues et leurs services, d’avoir répondu à toutes nos sollicitations en faisant preuve d’une grande disponibilité. Tout cela s’est fait avec franchise, cordialité, mais détermination, puisque, en définitive, chacun a campé sur ses positions. En ce sens, nous avons eu des échanges démocratiques. C’est d’ailleurs ce qui importe, car trouver un accord pour un accord, ce n’est pas la démocratie !
Je pense aussi au travail accompli par les sénateurs : être présent lors d’une session extraordinaire, c’est toujours difficile. C’est la raison pour laquelle je tiens à vous remercier, mes chers collègues, d’être là ce matin, malgré vos différentes obligations.
L’intitulé de ce projet de loi est tout un symbole : il y est question de liberté et d’avenir professionnel. Or c’est ce qui assure l’autonomie de l’être humain dans une démocratie. Vivre dans une démocratie ne suffit pas : il faut avoir les moyens d’agir, de se nourrir, de gagner son « pain quotidien », pour reprendre une expression religieuse, de nourrir sa famille, pour le dire plus simplement. Voilà le fondement de la société !
Nous avons accompli un travail important dans des conditions assez difficiles, puisque ce texte est arrivé à un moment où le Gouvernement voulait faire bouger les lignes par une réforme constitutionnelle. Cela a été l’occasion d’envoyer quelques signaux à contre-courant de cette tendance.
Il faudra que le Gouvernement nous donne des gages, notamment sur les pouvoirs du Parlement. Il est évident que le parlementaire que je suis, à l’instar de l’ensemble des sénateurs, n’acceptera pas un recul des pouvoirs du Parlement. C’est le contraire qui doit être promu ! La Ve République, qui confère déjà un pouvoir fort à l’exécutif, ne peut s’accommoder d’un régime qui se présidentialise trop. En ce sens, l’intervention directe du Président de la République dans nos débats nous a quelque peu mis en colère et, vous vous en doutez bien, a suscité notre réflexion.
Pour moi, cet épisode doit être clos maintenant.
Je suis heureux d’arriver à la fin de l’examen de ce texte. Bien entendu, le travail n’est pas terminé.
On sera d’accord ou on ne sera pas d’accord, mais c’est cela, la démocratie. C’est comme une élection : on gagne ou on perd. L’examen de ce projet de loi est pour moi une fête, que nos convictions l’emportent ou non. Si nous ne gagnons pas aujourd’hui, nous remettrons le couvert dans quelque temps.
Reste que, madame la ministre, ce texte demande à être amélioré : nous sommes là pour cela. Le Sénat se veut l’assemblée qui améliore les textes. Cela continuera tant que le bicamérisme perdurera. C’est aussi à cette fin et pour cette conception de la démocratie qu’avec mes collègues sénateurs je me bats.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 219 :
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme la ministre.
Je remercie les sénateurs et les sénatrices pour la qualité de nos débats – il y a eu une grande écoute et beaucoup de discussions au fond –, les rapporteurs et les rapporteuses, …
… ou rapporteures, pour leur travail, ainsi que les administrateurs du Sénat, qui n’ont pas été en reste, et la direction de la Séance. Comme l’a dit M. Forissier, de tels moments sont importants pour la démocratie.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.