Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 16 juillet 2018 à 10h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Vote sur l'ensemble, amendements 750 303 21

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

En ce grand moment de bonheur collectif et après une campagne de Russie réussie, j’aurais aimé, madame la ministre, vous accompagner dans l’élaboration de ce projet de loi, car je pense fortement que le triptyque « éducation-formation-culture » doit servir de fondation à la construction d’une nouvelle cohésion sociale. Malheureusement, ce ne sera possible ni pour mon groupe ni pour moi-même, dans la mesure où ce texte marque une rupture, comme le montrent les régressions en matière de droits des salariés ou de droits sociaux qu’il contient.

Cette rupture s’exprime d’abord sur la forme et dans la méthode.

Les lois votées depuis 1971 ont toujours été consécutives à la signature d’accords nationaux interprofessionnels, porteurs d’avancées sociales favorables aux salariés ou aux demandeurs d’emploi. Ce n’est plus le cas en 2018 : le big bang conduit le Gouvernement à proposer un texte en opposition avec plusieurs choix affirmés par les partenaires sociaux.

Stupéfaction, quand le Gouvernement, à la suite du discours du Président de la République devant le Congrès à Versailles, dépose en cours de discussion un amendement n° 750 visant à appeler les partenaires sociaux à bouleverser la philosophie et le financement de l’assurance chômage. La sanction ne se fera pas attendre : 303 voix contre et 21 voix pour.

Cette rupture se manifeste ensuite sur le fond.

La première rupture concerne l’apprentissage : toutes les demandes des organisations patronales sont reprises. Il est donc juste de parler d’une forte imprégnation libérale. Même si la compétence régionale ne revient pas à l’État, vous l’avez martelé, madame la ministre – vous le voyez, je vous ai écoutée –, c’est bien la première fois qu’une compétence confiée aux régions depuis 1981-1983 est remise en cause au bénéfice des branches professionnelles et de l’initiative privée, au risque de creuser les inégalités entre les territoires et les secteurs d’activité.

La seconde rupture a trait à la nouvelle gouvernance par une institution publique quadripartite : France compétences, qui n’a fait l’objet d’aucune négociation et qui affaiblit considérablement l’un des trois piliers du paritarisme. Il semble bien que le Président de la République n’aime pas les corps intermédiaires, ce qui n’est pas un bon signe au moment d’engager la réflexion sur une nouvelle sécurité sociale.

D’autres points de désaccord sont apparus : monétisation, désintermédiation, disparition du congé individuel de formation, ouverture des droits aux indépendants, qui pourrait faire demain de la démission un outil ordinaire des transitions professionnelles. Il y a aussi toutes les mesures relatives à l’assurance chômage qui suscitent nos inquiétudes les plus vives, mais je n’ai pas le temps de développer le sujet.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce projet de loi n’est pas pour nous un texte de progrès. C’est un rendez-vous manqué en matière de formation professionnelle.

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