L’interdiction du portable dans les écoles est une mesure de bon sens, qui nous conduit à nous interroger sur un sujet plus vaste et plus profond, celui de la place du numérique à l’école.
L’école doit être préservée. Elle doit être un sanctuaire à l’abri de l’air du temps et de la société, qui peut, dans ses diverses évolutions, menacer l’école en tant que lieu de transmission de la connaissance. La violence, la pornographie, la pression du groupe, le mimétisme grégaire sont des illustrations de cette menace.
Internet est une formidable invention, mais nous savons tous qu’il fragilise le rapport forcément vertical, donc inégal, et légitimement hiérarchique entre le professeur et l’élève. Le téléphone portable est son cheval de Troie. Il est donc urgent de préserver et de sacraliser cette indispensable verticalité de l’école, tellement mise à mal en quelques années.
Ne nous racontons pas d’histoire : l’école, et toute la société, ont été prises de vitesse par la technologie. Croire que l’on pourra s’en rendre maître est un leurre, une illusion.
Cela a été rappelé, l’usage du téléphone portable en classe est déjà réglementé, au moins durant toute la durée des enseignements, mais tout le monde fait le constat des dégâts qu’il provoque : problèmes relationnels, troubles de la concentration et de la mémorisation, troubles des apprentissages. Tout cela rend la classe et le milieu scolaire invivables. Nous pouvons tous observer le spectacle affligeant de ce que sont devenues les cours de création du fait de l’omniprésence du portable.
La classe doit être un lieu de silence, préservé de toutes les dérives de la société, sauf à accepter une dénaturation profonde de l’école. L’utilisation du téléphone portable à l’école est donc une véritable calamité. C’est un sujet de société : il suffit de voir combien de parents sont désarmés devant l’ampleur du phénomène. Il n’est plus aucun milieu social où la transmission du goût de la lecture ne soit devenue très difficile, car enfants et adolescents passent des heures de loisir devant des écrans avec leurs copains. Or ce n’est que dans la solitude que peut s’épanouir le goût de la lecture. C’est précisément cette solitude qu’internet fait disparaître.
C’est surtout une grave menace pour l’école, pour l’enseignement. L’école doit être par excellence le lieu de la déconnexion. C’est à l’écart et à l’abri d’internet que peuvent se former les élèves. Ils ont besoin d’être soustraits au monde environnant, à son agitation, à son brouhaha. Plus généralement, l’omniprésence du téléphone portable, c’est le règne de l’image au détriment de l’écrit, le flux de l’information immédiatement disponible, sans prise de distance possible, au détriment de la réflexion. Le professeur, ainsi concurrencé, devient malgré lui animateur pour sauvegarder sa classe.