Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette double proposition de loi – je préfère l’appeler ainsi plutôt que de parler de deux propositions de loi – tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine a d’abord un grand mérite, loin d’être anodin : lutter contre l’oubli ou contre une forme d’oubli, qui s’appelle la banalisation.
Nous sommes toujours menacés par l’oubli. Ce qui nous semblait essentiel à la fin du mois de février 2010, nous avons déjà tendance à en relativiser l’importance au début du mois de mai 2011. Nous prenons en effet en compte le coût des mesures à prendre, la rareté de l’argent public, les sacrifices à consentir, y compris pour ceux qui doivent abandonner leur habitation. Voyant toutes ces contraintes s’accumuler, nous nous concentrons sur les difficultés du moment pour oublier finalement le risque de tempêtes futures en nous disant « nous avons le temps ».
Pourtant, le temps presse !
La tempête Xynthia nous a rappelé avec cruauté, comme Bruno Retailleau l’a souligné, que nos sociétés, même si elles possèdent une technologie hautement développée, restent d’une très grande fragilité face aux catastrophes naturelles.
Selon les chiffres qui viennent de nous être communiqués par le cabinet Ubyrisk, de 2001 à 2010, six cent soixante-dix catastrophes naturelles ont frappé notre pays, soit soixante-sept par an. Parmi elles, nous trouvons non seulement la canicule, notamment celle de 2003, responsable d’un nombre considérable de morts, mais aussi les avalanches, les tempêtes, les inondations, en particulier cette forme spécifique que constituent les submersions marines. Au total, ces événements ont causé la mort de plus de 15 000 personnes pendant cette période.
Ces catastrophes ont également un coût économique considérable : 30 milliards d’euros depuis 2001. J’appelle l’attention de chacun sur le fait que ce coût est nettement supérieur à celui de l’ensemble des mesures de prévention que nous devons envisager de prendre.
Cependant, même s’ils sont déjà considérables, tous ces chiffres sont marginaux si nous les comparons à ceux de l’ensemble des dommages causés dans le monde par des catastrophes naturelles. Pour la seule année 2010, 304 000 morts ont été recensés, et ce sans compter le séisme au Japon. Le coût économique s’est élevé, selon l’assureur Swiss Re, à 218 milliards de dollars pour la même période.
En outre, cela vient d’être dit, ces catastrophes majeures ont tendance à s’accélérer. L’une des causes est bien identifiée : le dérèglement climatique. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, a noté que le niveau moyen de la mer devrait augmenter de neuf à quatre-vingt-huit centimètres entre 1990 et 2100. La fourchette est un peu large, mais la tendance, on le voit bien, est probablement supérieure à un demi-mètre. Les scientifiques néerlandais ont calculé qu’une telle augmentation multipliera les phénomènes météorologiques extrêmes. Selon le chiffre qui nous a été communiqué aux Pays-Bas, une simple élévation de cinquante centimètres du niveau de la mer pourra entraîner dix fois plus d’événements de ce type, le risque centennal devenant un risque décennal.
Nous savons donc que le risque de voir se former une nouvelle tempête Xynthia s’accroîtra dans les années à venir. Un tel phénomène provoquera des dommages de plus en plus importants. La raison, que nous avons soulignée dans le rapport, est simple : le nombre de personnes vivant le long du littoral augmente. Aujourd'hui, près de 40 % de la population mondiale vit à moins de cinquante kilomètres des côtes. En France, le littoral a absorbé un quart de la croissance de la population française, soit deux millions d’habitants, entre 1936 et 1968. Cette tendance va s’accélérer.
Le risque d’inondation est d’ores et déjà le premier risque de catastrophe naturelle en France. Il concerne une commune sur trois, dont mille communes du littoral.
Mes chers collègues, Xynthia, ses dizaines de morts, ses milliers de sinistrés, sa désolation ont provoqué une émotion intense dans notre pays. À mon tour, je tiens à saluer les familles des victimes et à m’associer aux paroles qui ont été prononcées tout à l'heure à l’intention de tous ceux qui ont porté secours à cette population en détresse.
À la demande de M. le président Larcher et du Sénat unanime, notre commission a créé une mission d’information. Je tiens à saluer une nouvelle fois l’esprit dans lequel cette mission a été conduite, à remercier en particulier son président, Bruno Retailleau, qui a déployé une énergie fantastique pour mener à bien des tâches particulièrement difficiles.