Intervention de François Zocchetto

Réunion du 20 janvier 2009 à 16h00
Exécution des décisions de justice — Discussion des conclusions du rapport d'une commission

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le bon fonctionnement du service public de la justice, auquel la commission des lois du Sénat porte une attention constante, implique de faciliter l’accès à la justice et au droit, d’accroître la célérité des juridictions, d’assurer la qualité de leurs décisions et de rendre leur exécution effective.

Les dispositions présentées par notre collègue Laurent Béteille, auquel je tiens, au nom de notre commission, à rendre hommage, apportent une pierre de plus à ce vaste chantier. Aussi la commission des lois y a-t-elle très largement souscrit, sous réserve de plusieurs aménagements et compléments, sur lesquels je concentrerai mon propos.

Sur deux points seulement, les dispositions de la proposition de loi n’ont pas été reprises dans le texte qui vous est soumis.

Tout d’abord, la commission n’a pas retenu celles qui interdisent d’apporter la preuve de l’inexactitude d’un constat d’huissier établi contradictoirement entre les parties.

Elle juge légitime, compte tenu de la qualité d’officier public et ministériel des huissiers de justice, de prévoir qu’en matière civile les constats qu’ils établissent font foi jusqu’à preuve contraire. Telle est d’ailleurs la pratique suivie par les juges.

En revanche, il lui a semblé excessif d’interdire à celui ou à celle qui, impressionné par la présence et le statut de l’huissier de justice, et privé le plus souvent de la présence d’un conseil, n’a pas osé formuler des réserves au moment de l’établissement du constat de rapporter par la suite la preuve contraire par témoin.

Ensuite, la commission n’a pas non plus jugé souhaitable de conférer au notaire une compétence exclusive pour le recueil du consentement des membres d’un couple désirant bénéficier d’une procréation médicalement assistée avec recours aux gamètes d’un tiers.

Sans doute, et Laurent Béteille l’a fait valoir, le rôle du juge se borne-t-il à délivrer une information et non, comme en matière d’accueil d’embryon, une autorisation.

Toutefois, le recours à la procréation médicalement assistée emporte de lourdes conséquences, puisque la filiation de l’enfant à l’égard des deux membres du couple ne pourra pas être remise en cause. Leur consentement doit donc être parfaitement éclairé et entouré d’une certaine solennité.

J’ajoute que le rôle actuel des juges est apprécié tant par les intéressés que par les couples qui se présentent devant eux. Il ne paraît donc pas opportun de le remettre en cause.

Les autres dispositions de la proposition de loi ont toutes été reprises, sous réserve de modifications souvent peu substantielles.

Les principaux aménagements dont elles ont fait l’objet concernent la répartition du contentieux de l’exécution.

Afin d’éviter de désorganiser les juridictions, la commission a ainsi supprimé l’obligation de confier les fonctions de juge de l’exécution du tribunal de grande instance à un juge de l’exécution du tribunal d’instance. Ces fonctions resteraient dévolues au président du tribunal de grande instance, qui pourrait les déléguer aux magistrats du siège de son choix, qu’ils soient ou non juges d’instance.

Pour ne pas pénaliser ou inquiéter inutilement les praticiens du code du travail, la commission a également souhaité maintenir dans ce code la mention de la compétence du juge de l’exécution du tribunal d’instance en matière de saisie des rémunérations.

De même, afin de lever les interrogations qu’avait pu faire naître la rédaction de la proposition de loi, il est apparu souhaitable de rappeler que le contentieux de l’exécution immobilière ou quasi immobilière n’obéit pas aux mêmes règles d’assistance et de représentation que le contentieux de l’exécution mobilière : compte tenu de sa technicité et de ses enjeux financiers, la constitution d’avocat y est, en principe, obligatoire.

Enfin, en concertation avec les professionnels concernés, les dispositions relatives aux conditions d’exercice des professions d’huissier de justice et de notaire ont fait l’objet de précisions ou d’actualisation, et certaines d’entre elles ont été étendues aux greffiers des tribunaux de commerce et aux commissaires-priseurs judiciaires.

J’en viens aux trois principaux compléments ajoutés par la commission des lois au texte présenté par notre collègue Béteille.

Si le premier n’a fait l’objet d’aucune contestation en commission, il me semble avoir compris qu’il a suscité un certain émoi au sein de la profession d’huissier de justice. De quoi s’agit-il ?

Comme vous le savez, un logement destiné à la location doit faire l’objet d’un état des lieux lors de la remise et de la restitution des clés.

En principe, cet état des lieux est établi contradictoirement par les parties. À défaut, il est réalisé par huissier de justice, sur l’initiative de la partie la plus diligente et à frais partagés par moitié.

La commission des lois a souhaité favoriser la réalisation d’états des lieux amiables entre les propriétaires de logements et leurs locataires en prévoyant : d’une part, que l’état des lieux est, en principe, dressé par les parties contradictoirement, amiablement et sans frais pour le locataire ; d’autre part, qu’en cas d’intervention de l’huissier de justice à la demande d’une seule partie sans l’accord de l’autre, le coût de l’état des lieux est intégralement supporté par le demandeur de l’acte. Je ne vois là rien de choquant.

Les deux autres compléments retenus par la commission des lois consistent à instituer une procédure participative de négociation assistée par avocat et à organiser la fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle.

Ces points ont suscité, c’est vrai, davantage de débats, à la fois sur la méthode et sur le fond.

Trois arguments principaux, dont je m’empresse de vous dire qu’aucun ne me paraît convaincant, ont été avancés pour contester l’insertion de ces dispositions dans la proposition de loi, indépendamment de toute considération de fond.

D’abord, elles seraient dépourvues de tout lien avec l’objet de la proposition de loi présentée par Laurent Béteille.

Le seul intitulé de la proposition de loi atteste du contraire. La profession d’avocat constitue une profession réglementée, et non la moindre, qui apporte un concours décisif au bon fonctionnement du service public de la justice.

Ensuite, les décisions prises par la commission seraient précipitées, irréfléchies.

Il n’en est rien.

La fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle est envisagée depuis plusieurs années. Les instances représentatives de ces professions, qui en ont souvent délibéré, ont approuvé ce projet.

Les textes, qui ont fait l’objet de longues discussions, sont prêts depuis plusieurs mois. Ils m’ont été communiqués par les représentants du Conseil national des barreaux et de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, lors de leur audition par la commission des lois.

Personne ne peut donc, de bonne foi, se dire pris au dépourvu !

Je rappelle que la procédure participative de négociation assistée par avocat est déjà pratiquée par certains cabinets, à l’exemple des cabinets anglo-saxons, et que la commission sur la répartition des contentieux, présidée par M. Serge Guinchard, a proposé, avant l’été 2008, de lui donner un cadre légal et sécurisé.

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