Séance en hémicycle du 20 janvier 2009 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • avocat
  • d’accueil
  • grève
  • l’exécution

La séance

Source

La séance est ouverte à seize heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, je souhaite faire une mise au point concernant le scrutin n°88 sur l’ensemble du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

À la suite d’une erreur matérielle, mon collègue Gilbert Barbier a été déclaré comme n’ayant pas pris part au vote alors qu’il souhaitait voter pour le projet de loi ordinaire, conformément à son vote sur le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Les deux scrutins n° 88 et 89 se sont succédé et il apparaît assez normal que, sur ces deux textes, son vote soit identique. Cette règle est d’ailleurs valable pour notre collègue Gilbert Barbier comme d’ailleurs pour tous les membres de mon groupe, qu’ils se soient abstenus, aient voté pour ou contre.

Je demande donc, madame la présidente, que cette rectification soit prise en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Madame la présidente, lors du vote par scrutin public n°88 sur l’ensemble du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, M. Jean-Paul Virapoullé a été déclaré comme ne prenant pas part au vote, alors qu’il avait souhaité voter pour. Je vous remercie de bien vouloir prendre en compte cette mise au point.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, acte vous est donné de ces mises au point au sujet de votes. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.

Mes chers collègues, je vous rappelle que toutes les discussions inscrites à la séance d’aujourd'hui interviennent dans le cadre de l’ordre du jour réservé.

(Ordre du jour réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi abrogeant la loi n° 2008-790 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, présentée par Mme Brigitte Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG (nos 147, 166).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires, votée en urgence l’été dernier, se révèle génératrice de difficultés non négligeables.

Depuis sa promulgation, l’application de cette loi a suscité de nombreuses interrogations, auxquelles le ministère n’a pas apporté de réponse. Elle a également donné lieu à un grand nombre de recours juridiques, des préfets ayant assigné en justice des maires qui n’avait pas appliqué ce service minimum.

En effet, de nombreuses communes n’ont pas organisé ce service ou ont rencontré des difficultés pour le faire, et ce pour de multiples raisons. Certaines communes considèrent qu’il n’est pas de leur compétence de fournir un tel service ou d’assumer les conséquences des différends entre l’État et ses fonctionnaires. De nombreuses autres estiment que les moyens pratiques ne sont pas réunis pour assurer de bonnes conditions de sécurité et un encadrement de qualité.

Ces difficultés étaient prévisibles. Nous les avions largement soulevées lors du débat devant notre assemblée. L’usage vient, en quelque sorte, confirmer nos craintes.

Le 27 novembre dernier, lors du congrès des maires de France, le Président de la République a d’ailleurs évoqué un aménagement de cette loi.

Le rapport que M. Richert va nous présenter dans quelques instants conclut à une absence de « vice législatif ». Je ne partage pas cet avis, …

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

… car, à mon sens, les difficultés rencontrées découlent bien des dispositions de la loi.

De fait, les maires sont confrontés à plusieurs écueils.

Tout d’abord, la loi précise que « le maire établit une liste des personnes susceptibles d’assurer le service d’accueil prévu à l’article L. 133-4 du code de l’éducation en veillant à ce qu’elles possèdent les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer des enfants ». Traduire concrètement cette notion vague de « qualités nécessaires », qui n’est nullement explicitée dans la loi, constitue un véritable casse-tête. Avec qui et comment constituer une telle liste en l’absence de toute recommandation ? Comment en assurer la permanence, la viabilité et la réactivité, y compris dans le temps ?

L’émoi des maires est d’autant plus grand qu’il s’agit d’assurer un service en toute sécurité, pour des enfants très jeunes, âgés de deux à dix ans, alors même que, par ailleurs, l’éducation nationale soumet les personnels travaillant auprès des enfants à des obligations de qualifications très strictes. Je pense aux enseignants et aux personnels des établissements scolaires, qui doivent notamment recevoir un enseignement des règles générales de sécurité, une formation les sensibilisant à la prévention des risques et aux missions des services de secours ; aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, qui doivent notamment être titulaires du CAP petite enfance ; aux animateurs des centres aérés, qui doivent être détenteurs du BAFA ; aux assistantes maternelles, qui doivent obtenir un agrément de la DDASS et suivre ensuite une formation abordant notamment les règles d’hygiène et de sécurité.

On sait que, lorsqu’une école organise le déplacement d’un groupe d’enfants, des contraintes considérables sont imposées en matière de taux d’encadrement et de qualification professionnelle des encadrants.

Comment demander à un maire d’oublier le respect de ces réglementations qu’on exige par ailleurs de lui ?

C’est si vrai que le Président de la République lui-même, toujours lors de son discours au dernier congrès des maires de France, a implicitement reconnu que le BAFA était le minimum requis, alors que la loi n’y fait absolument pas mention.

L’appréciation des « qualités nécessaires » relève donc du seul jugement du maire, ce que n’a d’ailleurs pas démenti la circulaire du 26 août 2008 publiée par le ministère de l’éducation nationale.

Or, si le maire a recours à une personne se révélant au final incompétente, causant par exemple un accident, seule la responsabilité pénale du maire sera recherchée. Certes, l’article L. 133-9 du code de l’éducation prévoit que l’État lui accorde sa protection, mais celle-ci correspond uniquement à la prise en charge des frais judiciaires et ne couvre pas le risque de poursuites pénales.

L’inquiétude des maires porte également sur le taux d’encadrement.

Votre argument, monsieur le rapporteur, selon lequel, pour le mode d’accueil de mineurs n’excédant pas quatorze jours par an, il n’y a aucune obligation en termes de qualification des personnels ou de taux d’encadrement, n’est pour les maires ni satisfaisant ni rassurant.

J’observe que, si nous nous sommes heurtés à un refus de fixer dans la loi un taux d’encadrement garant de la sécurité des enfants, il n’en a pas été de même pour le calcul de la contribution financière, puisqu’un décret fixe, à titre indicatif, le taux d’encadrement régissant cette contribution à un adulte pour quinze enfants.

La prétendue latitude laissée au maire est un prétexte bien commode. Il permet de laisser croire aux parents que le Gouvernement a créé à leur intention un nouveau droit, alors que simultanément il poursuit la réduction des moyens accordés à l’école.

Quant à la procédure permettant de constituer le vivier des personnels susceptibles d’assurer ce service d’accueil, la loi prévoit que l’identification de ces personnes relève de la seule compétence du maire. Le maire peut bien sûr faire appel à son personnel communal ; encore faut-il que celui-ci soit en nombre suffisant !

Pour les communes de petites tailles, notamment rurales, il suffit, on le sait, qu’un enseignant soit en grève pour que le seuil des 25 % déclenchant ce service soit atteint. Pour les maires de ces communes, répondre à l’obligation d’offrir un service d’accueil est donc impossible, faute de personnels.

Mais la problématique s’avère finalement être la même pour des grandes villes. Dans les communes à très forte densité, où le nombre d’écoles, et donc d’élèves, est élevé, le nombre de personnels communaux potentiellement mobilisables sera également insuffisant.

À Lyon par exemple, le tribunal administratif, qui avait été saisi par le préfet, a donné raison à la commune, estimant que, si elle n’était pas parvenue à organiser le service d’accueil, elle avait fait « le nécessaire pour s’acquitter de ses obligations légales ».

Dans le cas de Paris, si le tribunal administratif saisi en référé par le préfet a sommé le maire d’appliquer le service minimum, le jugement au fond pourrait bien être différent. Selon Le Parisien, lors de l’audience au fond de vendredi dernier, la commissaire du gouvernement a listé les failles de cette loi – choix des personnes pour garder les enfants, absence de taux d’encadrement, … – estimant, et je cite l’article en question, qu’« il est impensable que les maires puissent faire appel à des gens non qualifiés ». La magistrate a enfin conclu que la loi était « inapplicable dans de bonnes conditions dans les grandes et les petites communes. »

La réaction des maires est donc légitime. Sans compter qu’affecter des agents communaux au service minimum d’accueil risque d’entraîner un autre désordre, celui de conduire à privilégier la continuité d’un service public au détriment d’un autre, ce dernier étant ainsi vidé de son personnel. À cet égard, je rappelle que le maire ne peut réquisitionner ces personnels et que ceux-ci disposent aussi du droit de grève.

À défaut, les maires sont donc contraints de se tourner vers des personnels non communaux. Sont concernés au premier chef les maires ruraux, dont le rapport souligne les difficultés et l’absence de moyens.

Que devront faire les maires pour recruter ces personnes ? Faudra-t-il arriver à la situation absurde, dénoncée par le maire de Champs-sur-Marne, consistant à afficher sur les portes de toutes les écoles un courrier destiné aux parents d’élèves les invitant à participer à la constitution dudit vivier ?

M. le rapporteur invoque, quant à lui, la nécessité de renforcer « l’accompagnement de l’État », réclamant notamment l’implication des services de l’éducation nationale dans la constitution des « listes-viviers ». C’est sans doute ce à quoi fait écho le courrier de l’inspecteur d’académie de Loire-Atlantique adressé en début d’année aux professeurs du premier degré partis à la retraite ces trois dernières années, les invitant à participer à l’organisation du service d’accueil de leur commune ou d’une autre commune.

Quel paradoxe quand on sait que ce service d’accueil a été instauré par le Gouvernement dans la probabilité de conflits qui l’opposeraient à ses fonctionnaires, conflits qui découlent pour une grande part de la dégradation des conditions du bon exercice du service public de l’éducation !

J’en viens à une autre difficulté.

Au-delà même de la constitution du vivier en amont, le délai dont dispose le maire pour organiser ledit service d’accueil et prévenir les parents des modalités de sa mise en œuvre lorsqu’un conflit social surgit, soit quarante-huit heures, est très bref. De fait, ce temps imparti de quarante-huit heures ne permet pas au maire de faire toutes les vérifications indispensables : disponibilité des personnes sur la liste au moment requis, évolution de leur situation personnelle et professionnelle...

Par ailleurs, aucune disposition de la loi ne prévoit à quelle date cette liste doit être établie, si elle doit être révisée et, dans l’affirmative, sous quel délai cette révision doit avoir lieu. On peut déduire de ce mutisme qu’une fois établie cette liste deviendra définitive.

J’ai bien noté la recommandation de M. le rapporteur et sa préconisation faite aux communes de préparer leur liste « bien avant le déclenchement des conflits sociaux ». Mais rien ne prouve qu’à la date de la grève les personnes inscrites sur la liste-vivier seront toujours d’accord pour assurer le service d’accueil, qu’elles seront disponibles ce jour-là, qu’elles ne seront pas elles-mêmes en grève et qu’elles présenteront toujours les « qualités nécessaires » pour accueillir et encadrer les enfants.

Nous sommes donc en présence d’une loi aux contours manifestement imprécis. Ces imprécisions, à elles seules, en justifieraient l’abrogation.

Plus grave encore, cette loi a été instituée au motif de créer un nouveau droit pour les parents en instaurant ce service d’accueil. C’est ce qu’a souligné en ces termes le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2008 : « Considérant qu’en instituant un droit d’accueil des enfants scolarisés dans les écoles maternelles ou élémentaires publiques ou privées sous contrat, le législateur a entendu créer un service public ; que, si ce dernier est distinct du service public de l’enseignement, il lui est directement associé et contribue à sa continuité (...) ».

C’est précisément au regard de cette ambition que la loi révèle des lacunes quant aux obligations inhérentes à un véritable service public, à savoir l’égal accès de tous les élèves sur l’ensemble du territoire et leur égalité de traitement.

Ainsi, on peut considérer que cette loi porte en elle un caractère discriminatoire.

S’agissant des enfants handicapés, cette loi ne prévoit aucune condition minimale de qualification des personnels. Elle exclut ainsi de fait les enfants handicapés du dispositif, dispositif qui, je le rappelle, est non seulement prévu en temps de grève, mais aussi en cas d’absence imprévisible et d’indisponibilité des enseignants.

La remarque vaut tout autant pour les enfants scolarisés en milieu prioritaire. Une nouvelle fois, ni la loi ni la circulaire du 26 août 2008 n’apportent de réponse à cette question pourtant essentielle de l’accueil d’enfants nécessitant un encadrement renforcé et spécifique.

Un véritable service public ne peut pas reposer sur la singularité de moyens locaux plus ou moins importants. Il doit se fonder sur la mise en commun de moyens permettant une péréquation, qui est seule de nature à garantir un accès à tous et sur l’ensemble du territoire. Nous en sommes loin !

J’ajoute que le fait de ne pas exiger le recrutement de personnels qualifiés, explicitement liés au service public de l’éducation, fait sortir ce service d’accueil du champ de l’éducation nationale et de la sécurité minimale due aux enfants et à leurs familles.

L’ensemble des dispositions contenues dans cette loi et sa philosophie posent encore plus de problèmes si l’on se réfère à la Convention internationale des droits de l’enfant, qui a été adoptée par l’assemblée générale des Nations unies en novembre 1989 et qui est entrée en vigueur en France en septembre 1990.

En effet, selon son article 3, « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »

Cet article dispose également : « Les États parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l’existence d’un contrôle approprié ».

Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de voter en faveur de l’abrogation de cette loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ordre du jour nous réserve parfois bien des surprises : nous voici invités à abroger la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire six mois après son adoption !

Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Et ceux qui étaient pour hier sont toujours pour aujourd’hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Si je me réfère à ce qui s’est passé en commission, ceux qui ont voté en faveur du projet de loi rejettent la proposition de loi visant à abroger ce texte. Il y a donc une certaine constance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Si toutes les lois qui ont été adoptées par la majorité contre l’avis de l’opposition devaient être systématiquement remises en cause six mois après, cela engorgerait encore un peu plus l’ordre du jour du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cette loi est inapplicable, monsieur le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Pas du tout !

Nous sommes donc invités à abroger cette loi du 20 août 2008 au motif que les grèves de l’automne dernier auraient démontré qu’elle était impossible à mettre en œuvre et qu’il valait mieux, en conséquence, renoncer enfin à l’appliquer.

Au travers de la présente proposition de loi, trois questions nous sont donc posées.

Les communes sont-elles confrontées à de grandes difficultés lorsqu’elles doivent mettre en œuvre le service d’accueil ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Ces difficultés sont-elles si aiguës qu’elles ne pourront pas être surmontées ?

Ces difficultés sont-elles d’abord imputables à la loi ?

Oui ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je ne fais que poser les questions, mes chers collègues. Laissez-moi le temps de développer le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

C’est sur ces trois questions que la commission s’est penchée. Elle l’a fait sans s’interroger à nouveau sur la légitimité du droit consacré l’été dernier car, s’il est une chose que les grèves de l’automne 2008 ont largement démontrée, c’est qu’il se trouvait dans chaque commune des familles pour utiliser et apprécier ce nouveau service.

L’expérience a également montré que ces familles étaient loin d’être les plus favorisées. M. le ministre nous l’avait déjà fait remarquer lors de l’examen du projet de loi. Sans ce service, comment auraient-elles pu s’organiser pour garder leurs enfants lors des mouvements sociaux à répétition que nous avons connus tout au long du dernier trimestre de 2008 ?

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Sur le principe, l’intérêt du service d’accueil est donc indiscutable. Le Conseil constitutionnel n’a pas dit autre chose lorsque, le 7 août dernier, il a explicitement affirmé que le législateur avait souhaité créer un nouveau service permettant de garantir la continuité du service public de l’enseignement.

Ce dont nous allons débattre aujourd’hui, ce n’est donc pas de la légitimité du service d’accueil, mais de la capacité des communes à le mettre en place.

Avant d’en venir aux enseignements qui peuvent être tirés des grèves du 7 octobre et du 20 novembre, il me faut vous rappeler, mes chers collègues, que le service d’accueil n’est pas toujours de la compétence des communes. En effet, il revient par principe à l’État de l’organiser chaque fois que, pour une raison ou pour une autre, un professeur est absent dans une école publique et ne peut être remplacé.

Pour répondre aux propos de Mme Gonthier-Maurin, je tiens à le répéter : lorsqu’il s’agit d’absences liées notamment à des questions de santé, c’est à l’État d’organiser le remplacement du professeur !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Il est nécessaire de le réaffirmer, car certains laissent parfois entendre le contraire.

S’agissant des écoles privées sous contrat, l’organisation du service d’accueil relève des organismes de gestion de ces écoles.

La commune n’est donc compétente que dans un cas bien précis : lorsque plus de 25 % des professeurs d’une école publique ont déclaré leur intention de faire grève. La raison de ce transfert de compétence est simple : lorsqu’un mouvement social atteint une telle ampleur, l’État ne peut plus assurer lui-même le service d’accueil des élèves, qui doit bien entendu ne pas être confondu avec le service public de l’enseignement.

Le choix de confier aux communes une partie de la compétence en matière de service d’accueil est donc avant tout un choix pragmatique : soit nous renoncions au service d’accueil en cas de grève importante, soit nous confiions la compétence à la commune, c’est-à-dire au seul échelon territorial capable de mettre en place le service au niveau de chaque école.

Malgré toutes les difficultés que cela pourrait poser, nous étions en effet certains que les maires seraient capables, dans la très large majorité des cas, d’offrir ce service. Les faits ne nous ont pas démentis : le 20 novembre dernier, alors que près d’un professeur sur deux était en grève dans le primaire, l’immense majorité des communes est parvenue à proposer le service d’accueil.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Dans certaines académies, comme celles de Rouen, de Poitiers, de Nice ou de Versailles, plus de 95 % des communes l’ont en effet organisé. Dans les académies d’Aix-Marseille et de Strasbourg, ce sont près de 90 % des communes qui l’ont proposé. Au total, il semble que, dans la très grande majorité des académies, la proportion de communes offrant ce service ait toujours été supérieure à 80 %.

On note cependant ici et là quelques exceptions, comme dans l’académie de Montpellier ou dans les départements de l’Ariège, de la Haute-Saône et de la Seine–Saint-Denis. Mais, dans l’ensemble, plus de huit communes sur dix ont organisé le service d’accueil.

Cela prouve, mes chers collègues, que si la tâche est difficile pour les communes – il ne s’agit pas de dire le contraire –, elle n’est pas insurmontable. De fait, dans leur immense majorité, les communes sont bien parvenues à organiser le service.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Pour la commission, ce simple fait suffirait à justifier le rejet de la présente proposition de loi. L’idée d’un texte inapplicable et inappliqué dans la réalité est démentie par les faits ! Aussi la commission ne peut-elle expliquer le dépôt de cette proposition de loi que par le retentissement médiatique qui a accompagné la décision prise par certaines communes de ne pas appliquer la loi.

La commission a toutefois souhaité aller plus loin et approfondir l’analyse afin de comprendre les difficultés qui ont pu être rencontrées par les communes.

La minorité de communes concernées peut en effet être confrontée à des difficultés particulières, qui ne justifieraient pas l’abrogation de la loi, mais son adaptation à des cas particuliers. Il convient donc de se pencher plus avant sur les difficultés que ces communes ont effectivement rencontrées.

Ce qui saute aux yeux de celui qui se penche sur les dernières grèves, c’est que, parmi cette minorité de communes, il y a deux catégories bien distinctes : une partie d’entre elles n’est pas parvenue à organiser le service d’accueil malgré des efforts réels ; les autres ont décidé, bien avant les premières grèves, de ne pas appliquer la loi en invoquant d’abord son illégitimité – on a reçu entre-temps la réponse du Conseil constitutionnel – et, à titre subsidiaire, l’impossibilité de la mettre en œuvre.

Ces deux catégories ne peuvent être confondues, pour une raison simple : les communes confrontées à de véritables difficultés n’ont jamais pris de délibération de principe refusant d’appliquer la loi et elles ont toujours cherché à l’organiser. De fait, il est donc facile de les distinguer des communes qui, en amont des grèves, ont affiché leur volonté de ne pas appliquer la loi ou se sont bien gardées de faire quoi que ce soit pour l’appliquer.

Un critère simple permet donc de distinguer les unes des autres : les communes qui n’ont pas réussi à organiser le service ont ouvertement cherché à le mettre en place.

En un sens, il y a eu commencement d’exécution, et cela se constate. Les communes en question ont lancé plusieurs appels à candidatures pour constituer le vivier, ou encore elles ont cherché à évaluer le nombre d’élèves à accueillir. En un mot, elles ont fait leur possible pour appliquer la loi.

Les autres, au contraire, sont toujours restées en retrait et n’ont pas cherché, de quelque manière que ce soit, à appliquer la loi. Par principe, celle-ci était décrétée illégitime et inapplicable.

De ce que la loi n’a pas été partout appliquée, on ne peut donc pas déduire qu’elle est partout inapplicable.

Par ailleurs, parmi les 20 % de communes n’ayant pas mis en œuvre le service, celles dont les élus ont cherché de bonne foi à proposer ce dernier constituent une minorité. Là encore, mes chers collègues, les faits démentent l’impression que nous pouvions avoir. C’est pourquoi nous nous devons de garder à l’esprit qu’une commune qui n’applique pas la loi n’est pas nécessairement une commune qui ne peut pas l’appliquer.

Je prendrai un seul exemple, celui de la ville de Paris, qui est parfaitement parvenue, au début du mois d’octobre, à mettre en œuvre le service, et qui regrettait même d’avoir mobilisé trop de personnel.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin proteste

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Quelques jours plus tard, elle se déclarait incapable de refaire ce qu’elle avait pourtant déjà fait une fois : avoir recours aux nombreux animateurs dont elle dispose.

Chacun de nous devine ce que signifie une attitude aussi fluctuante : c’est que, au-delà des moyens nécessaires pour appliquer la loi, il faut aussi avoir la volonté de le faire. Or, me semble-t-il, ce ne fut pas le cas partout.

Force est néanmoins de constater que certaines communes ne sont pas parvenues à organiser le service. La question légitime qui se pose dès lors est la suivante : pourquoi certaines communes – et seulement certaines – ont-elles été confrontées à des difficultés telles qu’elles n’ont pas pu les surmonter ?

À mes yeux, l’explication est simple : ces communes n’ont pas obtenu toute l’information, n’ont pas bénéficié de tout le suivi et de toute l’aide nécessaires pour organiser le service.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Car l’État n’a pas su accompagner les communes dans l’exercice de cette nouvelle compétence. J’ai d’ailleurs pu le remarquer, à titre personnel, dans mon propre département.

À l’appui de ce constat, j’évoquerai trois idées reçues largement répandues et qui n’ont pas été assez démenties.

Premièrement, il n’est pas vrai que les communes doivent organiser le service pour l’ensemble de leurs écoles. L’obligation s’applique seulement dans celles où le taux de grévistes déclarés dépasse 25 %. Il ne suffit donc pas qu’une seule école soit en grève pour que le service doive être organisé dans toutes les autres écoles de la commune. Voilà qui limite d’emblée le nombre d’enfants à accueillir.

Deuxièmement, contrairement à ce que l’on pourrait croire, tous les enfants qui sont en droit de bénéficier du service n’en profitent pas effectivement, car nous savons bien qu’il y a des parents qui peuvent prendre en charge eux-mêmes leurs enfants et qu’ils ne les envoient pas nécessairement à l’école pour utiliser le service minimum.

Ce point est important, car il conduit les communes à raisonner sur des ordres de grandeur erronés. Par exemple, dans une grande ville où sont scolarisés 18 000 enfants, cela ne signifie pas qu’il faudra accueillir 18 000 enfants le jour de la grève.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Là encore, la charge pesant sur les communes s’en trouve considérablement allégée : il suffit de demander à l’avance aux familles si elles souhaitent ou non que leur enfant soit accueilli.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Certaines d’entre elles changeront peut-être d’avis, mais l’ordre de grandeur pourrait être connu plusieurs jours à l’avance.

Je vous rappelle en effet, mes chers collègues, que, si la commune ne connaît que quarante-huit heures avant le nombre de grévistes déclarés, elle peut être prévenue plus de dix jours à l’avance de la grève qui se prépare.

La loi que nous avons votée en juillet dernier comprenait en effet un volet consacré à la prévention des conflits. Avant tout dépôt d’un préavis de grève, une négociation préalable doit se dérouler, ce qui laisse le temps d’informer les communes. Jusqu’ici, cette partie du texte était restée inappliquée, faute de décret. Celui-ci étant désormais paru, les communes auront à l’avenir plus de temps pour s’organiser et donc pour évaluer le nombre d’enfants qu’elles devront accueillir.

Troisièmement, les communes ne sont en rien obligées d’avoir recours à leurs fonctionnaires ou à leurs agents, bien au contraire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Lorsque ceux-ci sont capables d’accueillir des élèves, cela leur simplifie bien entendu la tâche. Je constate au demeurant que, dans toutes les petites communes disposant d’agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, ou ATSEM, ces derniers participent à l’organisation du service et cela suffit généralement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Mais pour toutes les communes qui n’ont pas en propre les personnels nécessaires, la loi a explicitement prévu que les maires peuvent avoir recours à toute personne capable à leurs yeux d’accueillir et d’encadrer des enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Des enseignants à la retraite, par exemple ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Encore faut-il les trouver, bien entendu. C’est pourquoi j’avais proposé, lors de l’examen du projet de loi que les communes établissent régulièrement une liste des personnes qui pourraient organiser le service. Je m’étais alors heurté à des objections : quand établir cette liste et selon quelle périodicité la renouveler ? Évidemment, on ne va pas préciser le mois, ni même l’année où un tel recensement doit être fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Ce n’est pas une obligation légale, que je sache !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

C’est laissé bien entendu à l’initiative des maires.

Ce que nous devons faire, c’est accompagner les maires et tous les élus concernés, pour les aider à mettre en place ce vivier dont le but est qu’ils disposent d’une liste de personnes disponibles régulièrement tenue à jour.

Pour pouvoir accueillir effectivement les enfants les jours de grève, il faut en effet disposer d’un vivier d’intervenants rapidement mobilisables. L’expérience a montré d’ailleurs que, lorsque les communes sont parvenues à constituer ce vivier par avance, l’essentiel des problèmes a été résolu.

Les difficultés des communes ne sont donc pas imputables à la loi elle-même, mais à l’insuffisance des efforts d’information et d’accompagnement engagés par l’État après l’adoption du texte.

Chacun des points que je viens d’aborder aurait dû être expliqué clairement aux communes, éventuellement par petits groupes, de la même manière que l’État aurait dû les accompagner dans la constitution de leur vivier.

Nombreux sont en effet les personnels et les associations qui interviennent dans le cadre scolaire sans être pour autant agents de l’État. Les associations familiales, les organisations de parents d’élèves, les professeurs contractuels, les assistants d’éducation sont autant d’intervenants qui pourraient constituer, s’ils en étaient d’accord, la base du vivier des communes.

C’est pour cela que j’avais évoqué, lors de l’examen du projet de loi, la possibilité de confier conjointement aux communes et aux services de l’éducation nationale la responsabilité de constituer ce vivier. Cette proposition avait éveillé des inquiétudes. Je constate pourtant aujourd’hui son bien-fondé !

Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vos services – au niveau déconcentré, bien sûr, c'est-à-dire au plus près possible du terrain –, ainsi que ceux du ministère de l’intérieur s’impliquent pleinement dans l’organisation du service d’accueil.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

C’est en effet à eux qu’il revenait d’informer et d’accompagner les communes. Ils ne l’ont pas assez fait, avec les conséquences que l’on sait : dans certaines communes, les maires, bien que de bonne foi, ne sont pas parvenus à appliquer la loi.

À mes yeux, cet accompagnement doit prendre la forme de rencontres régulières entre les maires et les représentants de l’État. De telles rencontres, de toute façon, ne pourraient être que bénéfiques !

Je pense aux sous-préfets, qui pourraient ainsi participer aux réunions des associations locales des maires, pour mieux comprendre les difficultés et les interrogations des communes, et y répondre.

Murmures sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je remercie également ceux de mes collègues qui ponctuent mon exposé de leurs commentaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. Jean-Claude Carle. Ça prouve qu’ils sont intéressés !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je prendrai un seul exemple : celui du statut et du mode de rémunération des personnels qui organisent le service d’accueil. De nombreuses communes ignorent toujours sous quel statut recruter ces intervenants et comment les rémunérer. Dans mon département, certains maires sont encore aujourd’hui en attente de précisions sur ces principes !

Rien ne serait plus simple que de leur répondre, en leur exposant en quoi consiste le statut de contractuel et en leur expliquant les démarches et les formalités à accomplir. Il en va de même pour la rémunération, puisque l’État verse une compensation de 110 euros par groupe de quinze élèves accueillis, et ce chiffre permet de déterminer le montant de la rémunération pouvant être versée aux intervenants.

J’y insiste, ces soucis pratiques n’ont rien de négligeable. Pour de nombreuses communes, et notamment les plus petites, ils sont à l’origine de bien des inquiétudes. L’État se doit donc d’accompagner les communes dans toutes ces formalités. Je suis persuadé que cela aurait pour conséquence de favoriser et faciliter la mise en œuvre du service minimum d’accueil.

Je me réjouis donc, monsieur le ministre, qu’un certain nombre d’initiatives aient été prises à la suite du discours du Président de la République lors du Congrès des maires de France.

Ainsi, il est bon que les recours engagés contre les municipalités ayant tenté de bonne foi d’organiser le service soient abandonnés. La célérité avec laquelle l’État formait des recours contrastait singulièrement avec l’inertie qui était parfois la sienne lorsqu’il s’agissait de répondre aux maires qui les interrogeaient !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Il est toutefois logique et même souhaitable que les recours soient maintenus à l’endroit des communes qui ont décidé, en toute connaissance de cause, de ne pas appliquer la loi.

Il est en effet difficilement compréhensible que des maires puissent s’émanciper par principe d’obligations mises à leur charge par la loi lorsque, pour une raison ou pour une autre, celles-ci ne leur conviennent pas.

À cet égard, je tiens à saluer le fait que les auteurs de la présente proposition de loi n’aient jamais remis en cause le principe même de la loi que nous avons votée en juillet dernier. Malgré leurs réserves sur ce sujet, ils reconnaissent en effet, par esprit républicain, que la loi votée par le Parlement et déclarée conforme à la Constitution par le juge constitutionnel a vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire de notre République.

Je me réjouis également, monsieur le ministre, des propositions récentes que vous avez faites aux associations représentant les maires, et notamment à l’AMF.

D’abord, le 2 décembre dernier, il a été acté que les services de l’État allaient s’efforcer de simplifier la mise en œuvre concrète du droit d’accueil en communiquant aux communes, en temps réel, le taux de grévistes déclarés. Cela permettra aux maires, deux ou trois jours avant le conflit, d’avoir une première idée des effectifs d’élèves à accueillir.

Ensuite, il a été décidé, de la même manière, que les services de l’éducation nationale allaient demander aux familles d’indiquer, quelques jours à l’avance, si elles souhaitaient bénéficier du service, ce qui permettra là encore aux maires d’avoir une vue approximative du nombre d’élèves à accueillir.

Enfin, le ministère proposera aux communes qui le souhaitent, pour constituer leur vivier, d’avoir recours aux services d’intervenants habituels de l’école – contractuels, intervenants associatifs, associations familiales ou parents d’élèves –, sous réserve, bien entendu, que ceux-ci acceptent.

Tous ces points figurent d’ores et déjà dans la note que vous avez adressée aux inspecteurs d’académie le 15 janvier dernier.

M. le ministre de l’éducation nationale opine

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

C’est une très bonne chose, mais il reste, monsieur le ministre, à vous assurer que vos services auront perçu toute l’urgence et la nécessité d’une véritable implication de l’État dans l’organisation du service d’accueil.

Je crois également nécessaire que le comité de suivi et d’évaluation de la loi, dont la création a été annoncée il y a quelques jours, soit mis en place au plus vite. Toutes les difficultés pratiques rencontrées par les communes doivent être recensées, et une réponse rapide et concrète doit leur être apportée. Il serait en effet incompréhensible que la carence de l’État sur ce sujet dure plus longtemps.

Aux trois questions que je posais au début de mon intervention, mes chers collègues, il semble à votre commission qu’il faille répondre de la manière suivante.

D’abord, il est vrai que les communes ont bien rencontré des difficultés dans la mise en œuvre du service, faute d’une aide et d’une information suffisantes apportées par l’État. Mais ces communes ne doivent pas être confondues avec celles qui ont sciemment décidé de ne pas appliquer la loi et qui invoquent aujourd’hui ces difficultés pour justifier leur choix.

Ensuite, il est faux de dire que ces difficultés sont insurmontables, puisque, dès la première fois où le problème s’est posé, près de 80 % des communes, dont de nombreuses communes rurales, ont réussi à proposer le service.

Rien n’empêcherait donc que toutes les communes puissent y parvenir. Il suffirait, pour les unes, qu’elles en aient la volonté et, pour les autres, qu’elles reçoivent l’aide nécessaire.

Enfin, ces difficultés ne sont pas principalement imputables à la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Celle-ci fournit à toutes les communes les instruments nécessaires pour organiser le service d’accueil. Bien sûr, cette tâche est plus ou moins complexe selon la taille et les particularités de la commune. Mais l’expérience a montré que toutes les communes pouvaient y parvenir et qu’aucune catégorie de communes n’était confrontée à des difficultés par nature insurmontables.

Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté la présente proposition de loi, tout en souhaitant aujourd’hui appeler solennellement les ministères concernés à accompagner les communes dans l’organisation du nouveau service d’accueil.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur quelques travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la mise en place d’un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques représente indéniablement, pour les familles qui ont déjà pu en bénéficier, une avancée considérable, et c’est bien ainsi qu’elles le considèrent, d’après les études d’opinion qui ont été effectuées.

Il s’agit donc d’un progrès social. Or nous discutons aujourd’hui des conclusions de votre commission des affaires culturelles sur une proposition de loi visant à abroger cette avancée.

Le rapporteur, M. Philippe Richert, vient à l’instant d’exposer excellemment les raisons qui l’ont amené à présenter, au nom de la commission, des conclusions négatives. Je souscris évidemment à ces conclusions.

Au demeurant, je ne conteste pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que la mise en œuvre du droit à l’accueil les jours de grève ait constitué, pour les communes qui en ont la charge, un défi nouveau, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

C’est plus qu’un défi, c’est une difficulté !

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

… avec son lot de contraintes parfois difficiles à surmonter.

J’observe cependant que beaucoup de communes sont parvenues à l’organiser, même s’il est vrai que cela n’a pas été le cas pour d’autres, y compris des communes de bonne foi. Je sais que certains d’entre vous souhaiteraient même distinguer par exemple le cas des communes rurales de celui des zones urbaines.

Mais, en créant une telle inégalité, nous nous heurterions à un principe constitutionnel. Comment prétendre en effet qu’un enfant des champs ait moins besoin de ce service qu’un enfant des villes !

Il est cependant certain que les petites communes ont des contraintes différentes de celles des grandes villes.

Il faut sans doute du temps pour parvenir à concilier le droit de grève des enseignants et le droit des familles de travailler librement lorsque ces grèves se sont déclarées. C’est le temps qui, comme toujours, dans l’histoire, finit par surmonter les réticences, par faire émerger des solutions aux problèmes que l’on croyait les plus insolubles. Et pourtant, c’est ce temps, si nécessaire au progrès de tous, dont on veut nous priver aujourd'hui en proposant l’abrogation d’un dispositif qui n’a eu que deux occasions de se mettre en place, après six mois à peine d’existence.

Pourtant, de nombreuses avancées ont été menées au cours des derniers mois ; Philippe Richert y a fait allusion.

Tout d’abord, le décret instaurant une négociation préalable, paru le 2 décembre 2008, sera pour la première fois mis en application à l’occasion de la prochaine grève. Aujourd’hui même, nous nous sommes réunis à ce sujet avec les partenaires syndicaux. Cette négociation préalable permettra une meilleure anticipation de la conflictualité, grâce au dispositif d’alerte. Les inspecteurs d’académie pourront ainsi évaluer avec davantage de précision la portée du conflit, et parfois l’apaiser, voire y mettre fin.

Ce décret représente une avancée majeure : nous allons passer de la culture du conflit à celle de la négociation.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Ce dispositif d’alarme sociale constitue un élément nouveau pour prévenir et limiter les conflits sociaux dans le premier degré en améliorant le dialogue social et en réduisant la gêne occasionnée aux familles les jours de grève. Les personnels seront informés des résultats de la négociation et pourront décider en connaissance de cause de faire ou de ne pas faire la grève.

Par ailleurs, conscient des difficultés que certaines communes, notamment les plus petites d’entre elles, ont pu rencontrer dans l’organisation de ce service, je me suis entretenu avec le président de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard, et nous avons identifié les évolutions nécessaires à la bonne réalisation de ce droit pour les familles.

C’est à la suite des discussions que nous avons eues que j’ai envoyé une instruction aux inspecteurs d’académie leur demandant : premièrement, de procéder à un comptage fin du nombre des grévistes et de transmettre au fur et à mesure ces données aux communes ; deuxièmement, d’aider les communes qui auraient des difficultés à constituer un vivier de personnes susceptibles de participer à l’accueil des élèves – je tiens à rappeler que cette question tient particulièrement à cœur à votre rapporteur, Philippe Richert, qui est à l’origine de cette idée ; troisièmement, de transmettre, dans la mesure du possible, des données prévisionnelles sur le nombre d’enfants qui pourraient être accueillis.

Voilà qui permettra des relations plus étroites, plus suivies, plus fructueuses entre l’inspecteur d’académie et les élus.

Comme le souligne Philippe Richert dans son rapport, nombre de communes n’ont pas mis en place le service d’accueil faute d’explications ou d’informations. Pour remédier à ce manque, j’ai encouragé les inspecteurs d’académie à rencontrer les maires et à ouvrir un dialogue permanent avec eux.

Dans le même temps et dans un esprit d’apaisement, comme l’a souhaité le Président de la République, Michèle Alliot-Marie et moi-même avons envoyé une instruction aux préfets leur demandant de se désister des actions contentieuses dirigées contre les municipalités qui n’avaient pas fait connaître d’opposition de principe à l’application de la loi mais qui n’avaient pas, pour autant, réussi à la mettre en place. Celles-ci représentent environ un tiers des cas.

En revanche, les poursuites seront maintenues à l’encontre des municipalités qui auraient délibérément refusé de mettre en œuvre ce service pour des raisons politiques, idéologiques, bafouant ainsi la volonté du législateur. À cet égard, madame Gonthier-Maurin, il n’est pas exact que Paris échappe à cette règle puisque le commissaire du Gouvernement a conclu à l’annulation de la décision de principe de la Ville de Paris de ne pas appliquer la loi.

Les aménagements que je viens d’évoquer devraient améliorer la mise en œuvre du service d’accueil sans position partisane ni recherche de stigmatisation. Je crois en l’esprit républicain de l’ensemble de nos élus et je veux leur donner toutes les clés pour qu’ils puissent mettre en œuvre la loi.

Nous sommes à leur écoute. J’ai rencontré récemment une délégation de l’Association des maires de grandes villes de France, ainsi que l’Association nationale des élus de montagne. Je rencontrerai demain la Fédération des maires des villes moyennes et, la semaine prochaine, l’Association des maires ruraux de France. Bref, nous essayons de trouver à l’amiable les meilleures solutions pour que le service minimum d’accueil fonctionne.

Bien entendu, comme l’a souhaité Philippe Richert, nous mettrons en place un comité de suivi de la loi afin que chacun ait un lieu d’expression, de confrontation des idées et des pratiques, et puisse dire ses difficultés et esquisser des solutions.

Mesdames et messieurs les sénateurs, la loi est nouvelle, son application récente. Nous devons faire confiance au temps pour que les choses se mettent en place progressivement sur le terrain entre les communes, les parents et les professeurs. Près de 12 000 communes qui devaient mettre en place ce service l’ont effectivement appliquée lors des dernières grèves, dont des communes de moins de 2000 habitants, ce qui montre, si besoin était, que cette loi est parfaitement applicable et qu’elle donne satisfaction aux familles.

Mme Annie David proteste.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de voter les conclusions négatives présentées par votre commission et de laisser en l’état cette loi – qui doit beaucoup à votre rapporteur, Philippe Richert, et à votre assemblée –, loi dont les vertus, approuvées par les Français, ne cesseront de s’affiner au fil du temps.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur quelques travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés que, au nom de mon groupe, je soutienne la proposition de loi que vient de défendre ma collègue et amie Brigitte Gonthier-Maurin.

Ce débat, après quelques mois d’application de la loi instituant, de façon mal nommée, un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, doit nous permettre de mener l’une de nos missions, à savoir contrôler l’application des lois. Or, force est de constater que son application pose problème, comme vous venez vous-même de le reconnaître, monsieur le ministre.

Outre la grande difficulté de mettre en œuvre cette loi pour l’ensemble des maires de notre pays, nous ne saurions analyser les conditions de son application en dehors des raisons idéologiques qui ont conduit votre majorité à l’adopter et du contexte politique et social dans lequel elle s’applique.

Ainsi, je ne saurais oublier le sourire ironique du Président de la République, Nicolas Sarkozy, peu de temps après le dépôt de cette loi, lorsqu’il déclara devant les cadres de son parti, avec une joie non dissimulée, que dorénavant plus personne ne se rendrait compte des grèves.

Mme Christiane Hummel proteste. – Eh oui ! sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

C’est cette situation, qu’il espérait voir devenir une réalité, qui le rendait aussi heureux ce jour-là. Or, force est de constater que, dans l’éducation comme dans les transports ou ailleurs, il n’a pas atteint son but, loin s’en faut. Les mobilisations sociales sont là, malgré toutes vos tentatives de les réduire.

Sous couvert de répondre à une hypothétique demande des familles d’assurer une permanence d’accueil les jours de grèves, votre objectif, monsieur le ministre, était tout autre.

Vous avez l’ambition de mettre en cause le droit de grève des enseignants, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

…tout particulièrement dans les écoles maternelles et élémentaires, de réduire les mobilisations sociales et de diviser la communauté éducative en tentant d’opposer les enseignants aux parents, pour mieux faire passer les remises en cause de notre système éducatif, qui fondent votre action politique.

Aussi, c’est avec une certaine fierté que les élus communistes et d’autres partis de gauche ont dénoncé ce mauvais coup contre le droit de grève et participent actuellement aux mobilisations qui se développent contre votre politique de régression éducative et de suppressions de postes.

Mais votre objectif principal, qui est de briser le droit de grève, s’appuyait en outre sur une tentative tout aussi grave de mettre au même niveau l’obligation et la gratuité scolaires avec un prétendu droit d’accueil, mettant sur le même plan la continuité de l’enseignement et une garderie.

D’ailleurs, cette loi dont nous demandons la suppression vous permet, monsieur le ministre, de remplacer des enseignants absents par des personnels de garderie sans formation en dehors des grèves ; c’est inacceptable !

De surcroît, pour mettre en œuvre ces choix, vous avez décidé d’obliger les maires à mettre en place ces garderies en cas de grève, alors qu’il est de votre responsabilité d’assumer vos choix et vos méthodes de concertation, qui mettent régulièrement le personnel enseignant dans l’obligation de se mobiliser contre vos projets.

Par-delà les transferts financier et managérial d’une telle décision, c’est évidemment un autre objectif que vous visez. Il s’agit de mettre au pas les maires récalcitrants, qui gèrent leur ville sur de tout autres bases.

Avec cette loi, vous tentez de les mettre au premier rang de la gestion des conflits scolaires, ce qui n’est pas leur place. Ce faisant, vous transformez la mission première d’un maire, qui est de favoriser le « vivre ensemble », les bonnes relations entre tous les habitants et tous les intervenants publics et privés sur un même territoire. C’est presque par définition qu’un maire est un conciliateur.

Vous espérez ainsi leur faire porter la responsabilité de la gêne occasionnée par les mouvements de grève, dont vous êtes seul responsable, pour déstabiliser leur relation avec leur population et avec les enseignants de leur territoire. Et, s’ils n’acceptent pas de tomber dans ce piège, vous les traînerez devant les tribunaux. Si une condamnation pouvait en fragiliser quelques-uns, ce serait sans doute pour vous la cerise sur le gâteau.

En fait, nous le voyons bien, cette loi participe d’une vaste opération politique, généralisée, qui vise à remodeler notre République dans le cadre d’obligations toujours plus contraignantes et qui resserre, recentralise tous les pouvoirs autour du Président de la République et de quelques conseillers.

Pour tenter de parvenir à juguler les conséquences sociales et politiques de vos choix, vous avez adopté cette loi dont nous demandons l’abrogation, dans l’urgence, sans aucune concertation, en prévision des mouvements que vos réformes à venir avaient toutes les chances de faire grandir.

Comment ne pas être inquiet quand vous supprimez en deux ans 25 000 postes d’enseignants et que vous prenez toute une série de mesures touchant tous les secteurs de notre service public d’éducation, y compris le monde associatif y concourant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Vous vous en prenez aux pratiques pédagogiques qui ont fait leur preuve, par exemple en supprimant les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, qui manquent toujours des financements leur permettant d’atteindre leur but.

Vous êtes, en quelque sorte, un « pyromane » qui crie au feu

Protestations sur les travées de l ’ UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

M. Jean-François Voguet. Aussi, pour toutes ces raisons et pour toutes celles qui ont été présentées d’excellente manière par notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi tendant à l’abrogation de la loi n° 2008-790.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui a pour objet d’abroger la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire.

Avant même de commenter cette initiative sur le fond, je m’étonne que nous examinions un texte abrogeant une loi que nous avons votée le 23 juillet dernier, voilà six mois à peine.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Mais c’est sans doute ainsi que nos collègues du groupe CRC-SPG conçoivent l’opposition constructive.

Cela étant dit, je conçois aisément que nos collègues du groupe CRC-SPG aient, dès l’origine, rejeté le principe même de cette loi. Ils ne pouvaient approuver que soit épargnée aux parents la double peine qui leur était jusqu’alors infligée.

Exclamations et rires sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous nous préoccupons plus que vous des salaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Nous avons estimé à l’époque que la grève était parfaitement légitime, mais pas au point d’empêcher celles et ceux qui le souhaitent de travailler.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Le droit de travailler est aussi important que le droit de grève, surtout dans le contexte actuel.

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Ça, c’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

C’est donc pour mettre un terme à l’injustice liée à une telle double peine que nous avions adopté la loi du 20 août 2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire.

Ce texte, voulu par le Président de la République, a permis de concilier deux libertés d’égale importance : la liberté de faire grève, qui est évidemment respectée, et la liberté de travailler.

Nous avons ainsi garanti l’égalité de traitement entre tous les parents, ceux qui ont les moyens de faire garder leurs enfants en cas de grève et ceux dont les revenus ou les conditions de vie les en empêchaient. En votant une telle loi, nous avons assuré l’égal accès de tous au service public, mettant ainsi en œuvre un des devoirs fondamentaux de l’État.

Nous avons adopté ce texte d’autant plus volontiers qu’il avait été considérablement amélioré par plusieurs amendements.

Je pense d’abord aux amendements déposés par la commission. L’un d’eux, qui portait sur la responsabilité, a permis de dissiper les craintes des élus locaux. Un autre visait à préciser les règles en matière de confidentialité applicables aux personnels enseignants. Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est offerte pour saluer le travail effectué par celui qui était alors déjà notre rapporteur, M. Philippe Richert.

Je pense également à l’amendement que j’avais déposé en compagnie de plusieurs collègues et qui visait à garantir un forfait minimum revalorisant la compensation accordée aux communes. Monsieur le ministre, vous avez su prendre en compte les préoccupations des élus ruraux, en particulier celles dont les représentants de l’ANEM se sont fait l’écho auprès de vous, vous y avez fait allusion tout à l’heure. Le progrès est réel : le forfait minimum de 200 euros couplé à une compensation de 110 euros, au lieu de 90 euros, est une formule plus équitable.

Nos collègues du groupe CRC-SPG justifient leur proposition de loi en affirmant qu’il n’est pas nécessaire de légiférer pour quatre jours de grève par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. Jean-Claude Carle. Nous pensons au contraire qu’il fallait passer par la loi et l’autorité afférente pour permettre l’application effective du droit d’accueil sur l’ensemble du territoire. Il n’aurait pas été supportable que l’accès des familles au service public dépende des positionnements idéologiques des élus ou réponde à des calculs politiciens.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Nos collègues du groupe CRC-SPG prétendent en outre qu’il est impossible pour les communes de s’organiser. Une telle généralisation est bien hâtive. En effet, il faut établir une distinction entre les maires des petites communes qui, de bonne foi, ne peuvent pas appliquer la loi faute de personnel suffisant et ceux qui refusent de la mettre en œuvre par pure idéologie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ce n’est pas de l’idéologie ! C’est simplement que la loi est inapplicable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

… alors qu’ils en auraient les moyens.

Monsieur le ministre, vous venez de le rappeler, c’est en distinguant bien ces deux situations que vous avez rencontré le président de l’AMF le mois dernier. Il s’agissait de mieux concilier, d’une part, le besoin pour les familles de bénéficier de ce droit d’accueil les jours de grève et, d’autre part, les contraintes auxquelles les maires des petites communes doivent faire face. Votre volonté d’aider ces derniers est manifeste, et nous nous en félicitons.

Nous saluons l’aide de l’État en faveur des plus petites communes afin qu’elles puissent constituer des listes de personnes susceptibles d’être mobilisées pour assurer ce service d’accueil, ainsi que l’appui fourni à ces mêmes communes pour leur permettre d’évaluer correctement les besoins, grâce à une meilleure prévision du nombre des enseignants présents ou absents et du nombre d’enfants à accueillir les jours de grève.

Nous nous réjouissons tout particulièrement de l’initiative par laquelle l’État a mis fin aux actions contentieuses engagées contre les petites communes qui, compte tenu de leur manque de moyens, n’avaient pas pu mettre en œuvre le service d’accueil le 20 novembre dernier. Cette mesure de bon sens, annoncée par le Président de la République devant le dernier congrès des maires, illustre l’esprit de dialogue qui anime le Gouvernement. Elle était très attendue par les maires qui avaient fait tout leur possible pour appliquer la loi. Il aurait été inconcevable de traiter ces communes de la même manière que celles dont les représentants ont publiquement manifesté leur intention de bafouer la loi de la République.

Nous vous remercions, monsieur le ministre, d’avoir réparé cette injustice.

Comme je l’avais souligné lors de son examen par le Sénat, cette loi correspond à l’intérêt de tous : les parents, qui ont la garantie de voir leurs enfants accueillis ; les enfants, qui prennent conscience que l’obligation scolaire doit être respectée tous les jours, y compris les jours de grève, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

À vous entendre, on dirait que les enseignants font grève tous les jours !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

… et j’insiste une nouvelle fois sur la nécessaire exemplarité des institutions publiques dans la formation de ces jeunes consciences ; les enseignants, car leurs mouvements de grève seront d’autant mieux compris et acceptés qu’ils n’auront pas de conséquences pénibles pour la vie quotidienne des familles.

En d’autres termes, si la proposition d’abrogation déposée par nos collègues du groupe CRC-SPG était adoptée, se trouveraient compromis le droit au travail des parents, …

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Ce sont surtout les licenciements qui le compromettent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. Jean-Claude Carle. … la formation civique des enfants et les intérêts bien compris des enseignants.

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. Jean-Claude Carle. Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe UMP suivra les conclusions de notre collègue Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l’avons tous constaté sur le terrain – beaucoup d’entre nous l’avaient d’ailleurs prédit lors de l’examen de ce texte législatif, l’été dernier –, la loi du 20 août 2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire s’est révélée, à l’usage, très difficile à appliquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

C’est en particulier le cas dans les petites communes, qui sont les plus nombreuses en France.

Cela tient à plusieurs raisons, que je voudrais rappeler brièvement.

C’est, premièrement, l’impossibilité pour un maire d’organiser l’accueil lorsqu’il ne dispose que de quarante-huit heures pour le préparer.

C’est, deuxièmement, l’impossibilité de disposer d’un vivier suffisant de personnes capables de participer au service d’accueil, comme l’ont d’ailleurs fort justement souligné les auteurs de la proposition de loi dont nous débattons. Rappelons en effet qu’il faut un adulte pour garder pour vingt enfants. Où ira-t-on chercher ces personnes ? Selon quels critères les choisira-t-on ? Qui les formera ? Et comment seront-ils formés ?

C’est, troisièmement, l’impossibilité de recenser les compétences professionnelles des bénévoles requis par les maires.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Pourtant, en matière d’éducation, les critères sont particulièrement stricts. Dès lors, d’une manière ou d’une autre, une telle disposition entre de facto en contradiction avec la réglementation existant en la matière.

Dans nos villages, combien de personnes non enseignantes possèdent les diplômes ou les agréments requis pour être en conformité avec la loi, qui prévoit l’embauche de « personnes possédant les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer les enfants » et, serais-je tentée d’ajouter, pour éviter de ne faire de cet accueil qu’une mauvaise garderie ?

C’est, quatrièmement, l’impossibilité d’assurer le service de restauration des enfants.

Je cesse ici cette énumération, qui pourrait continuer, mais qui explique déjà pourquoi ce texte a suscité l’opposition des syndicats, des fédérations de parents d’élèves et, dès sa promulgation, la réticence des élus locaux.

Certes, je peux le concevoir, à l’origine, l’instauration d’un droit d’accueil dans les écoles les jours de grève était une idée à creuser, puisqu’il s’agissait d’aider les familles. Mais, selon moi, sa mise en place a constitué une sorte de « supercherie » : on a promis aux familles une aide qu’il était très difficile, voire impossible de mettre en œuvre. Cela n’est convenable ni sur le fond ni sur la forme, car l’État ne saurait avoir plusieurs paroles et offrir plusieurs visages.

« Gouverner, c’est prévoir », a-t-on coutume de dire. Mais c’est également proposer des solutions réalistes aux problèmes qui se posent à nos compatriotes, et non considérer qu’ils sont définitivement réglés dès lors qu’un texte est voté, ni se désintéresser des conditions dans lesquelles le nouveau dispositif se met en place sur le terrain.

C’est la première conclusion qui s’impose à moi en l’occurrence.

Avant d’évoquer la deuxième, je voudrais m’étonner que l’on ait pu ici mettre en doute la capacité des fonctionnaires à informer et à conseiller les élus dans leurs missions. Je connais trop les préfets et les sous-préfets, …

Debut de section - Permalien
Xavier Darcos, ministre

Et les préfètes !

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

… les inspecteurs d’académie – beaucoup sont de mes amis – pour douter de la volonté qui a été la leur de faciliter la tâche des élus.

J’en viens maintenant à ma deuxième conclusion. À trop charger la barque des communes, on finira par la faire couler. Il faut arrêter de demander tout et n’importe quoi aux collectivités territoriales, dès lors que l’État, refusant d’honorer ses engagements, se défausse plus ou moins systématiquement sur elles sans se demander comment elles pourront appliquer des mesures qu’elles n’ont, le plus souvent, pas réclamées.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Du reste, et nous nous en sommes bien rendu compte en considérant le nombre important de communes qui n’ont pas appliqué le service minimum d’accueil lors des dernières grèves – je pense autant à certaines petites communes qu’à des villes moyennes ou à d’importantes métropoles, comme Toulouse, Saint-Étienne ou même Paris –, la difficulté d’application de cette loi est générale, même si j’ai volontairement limité mon intervention aux petites communes, qui sont largement majoritaires dans le département rural dont je suis l’élue.

Au demeurant, la justice a, dans de nombreux cas, donné raison aux maires réfractaires. Je pense notamment à l’arrêt du tribunal administratif de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, qui fera sans doute jurisprudence à l’avenir et selon lequel « aucune mesure ne peut plus être utilement ordonnée aujourd’hui pour contraindre le maire à assurer l’accueil des enfants scolarisés ». Il s’agit d’un argument imparable, qu’on peut transcrire ainsi : « Nul ne saurait être contraint de faire ce qu’il ne peut objectivement pas mettre en œuvre. » §D’ailleurs, c’est conforme à la jurisprudence du Conseil d'État sur la recevabilité des recours en référé.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

C’est la preuve – et cela doit servir de leçon tant pour le Gouvernement que pour le Parlement – qu’une loi insuffisamment pensée n’a pas d’avenir et qu’il n’est pas d’avancée possible, dans ce domaine peut-être plus que dans tout autre, sans rigueur préalable.

C’est pourquoi, dans la logique qui a inspiré mon propos, la majorité des membres du groupe du RDSE a déposé un amendement visant à autoriser les petites communes à ne pas assumer une telle charge, c'est-à-dire à être dispensée de l’obligation d’assurer l’accueil des élèves de maternelle et de cours élémentaire en cas de grève des enseignants. Cela permettrait d’éteindre l’incendie qui a été malencontreusement allumé à la fois dans le milieu scolaire et dans les communes de France, notamment celles qui ont le moins de moyens.

C’est la voix de la sagesse. D’ailleurs, si j’en juge par certaines déclarations récentes, je crois que, au moins pour partie, ce sentiment est partagé en haut lieu.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Yves Détraigne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le droit d’accueil – je devrais plutôt dire « l’obligation d’accueil » – fait partie des multiples annonces sur l’éducation nationale en même temps que des innombrables contraintes imposées aux communes sans aucune concertation.

J’irai plus loin. Avec la loi du 20 août 2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, il semble que l’État cherche parfois à déstabiliser les communes et les liens que les élus locaux ont tissés avec leurs concitoyens.

Or, et le dernier rapport de la Cour des comptes sur le sujet vient de le rappeler, les écoles maternelles et élémentaires relèvent largement de la responsabilité des communes, qui assurent 40 % de leur financement. Il n’est donc pas possible, dans une démocratie digne de ce nom, de prendre des décisions d’une manière aussi unilatérale.

Les élus nous alertent quotidiennement sur les difficultés rencontrées sur le terrain. Encore récemment, j’ai reçu un vœu adopté par le conseil municipal de Moëlan-sur-Mer, dans le Finistère, sur les difficultés d’application d’une telle loi.

Le service minimum d’accueil laisse pantois quant à la connaissance qu’a le Gouvernement de la vie quotidienne dans nos communes, en particulier dans les communes rurales. Mais les petites communes ne sont pas les seules concernées et il est inadmissible que le Président de la République oppose les communes entre elles, sciemment ou non.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Bernard Poignant, le maire de Quimper, m’a également fait part de ses difficultés dans un courrier du 1er décembre dernier où il écrivait ceci : « Dans un esprit républicain, et avec la meilleure volonté du monde, malgré un travail acharné des services de la ville de Quimper, et sans revenir sur l’esprit de cette loi, mais en s’attachant aux seules modalités techniques, il est tout bonnement impossible de la mettre en œuvre. » Et Quimper n’est pourtant pas une commune rurale !

Ces revendications sont relayées par le président de l’Association des maires de France lui-même. Dans un courrier qui vous a été adressé, monsieur le ministre, Jacques Pélissard écrit : « Il ressort globalement des remontées du terrain un sentiment de pagaille que j’ai le devoir de vous rapporter. »

Les huées qui ont accueilli le Gouvernement au dernier congrès des maires montrent le « ras-le-bol », mais aussi la colère des élus locaux.

Le service minimum d’accueil est une remise en cause du droit de grève, pourtant fondamental et garanti depuis 1864. Le droit de grève est reconnu par la Constitution au même titre que le service public. Vous ne pouvez pas les opposer ainsi, en faisant fi de l’un au profit de l’autre. Mais vous en avez décidé autrement, balayant du revers de la main toute contestation comme tout droit. Qu’importent les complications, les communes doivent courber le dos, car telle est la volonté du Gouvernement !

Doit-on faire subir aux collectivités locales les conséquences d’un dialogue social défaillant entre l’État et ses fonctionnaires ? Les communes n’ont pas été interrogées sur la pertinence de ce dispositif et encore moins associées à la réflexion en amont. Alors, de grâce, ne leur demandez pas aujourd’hui d’assumer les réparations de tous ces manquements !

Monsieur le ministre, vous devriez tout mettre en œuvre pour éviter les causes des grèves, dialoguer plutôt que chercher à contrer ces mouvements et cesser de décréter l’état d’urgence permanent quant à la nécessité de légiférer. Le temps est notre maître. Il est utile, incontournable même, pour prendre les bonnes mesures et éviter les conflits que nous connaissons aujourd’hui entre le ministre de l’éducation nationale et les enseignants.

Par ailleurs, cette loi sur le service minimum d’accueil est une fois de plus le signe notable d’une volonté de désengagement de l’État, et ce à double titre.

Il s’agit d’abord d’un désengagement vis-à-vis de la mission de service public de l’éducation, et je veux, à cet égard, insister sur un paradoxe : ce système est mis en œuvre au nom de la continuité du service public, mais il met à mal le service public de l’éducation. D’ailleurs, il n’est plus question d’éducation, mais bien d’accueil ! Or l’école n’est pas une gare et les élèves ne sont pas des usagers. La continuité du service public que nous vend le Gouvernement n’est donc pas celle du service public d’enseignement.

Il est indigne de vouloir faire croire aux parents que les enfants pourront continuer à apprendre lors des grèves, par la seule intervention divine du service minimum d’accueil. Les enseignants seront remplacés par un personnel qui n’a pas la vocation et encore moins la capacité à enseigner. De là à ce qu’on renomme le ministère de l’éducation nationale ministère de la garderie communale, il n’y a qu’un pas ! Pour ma part, je ne le franchirai pas, car j’estime que les professeurs des écoles doivent garder toute leur place dans le système éducatif.

Le désengagement s’inscrit aussi dans votre volonté de ne pas assumer l’intégralité de la charge financière du dispositif. La loi est très floue sur ce point et les premiers financements ne sont pas à la hauteur des dépenses réelles des communes.

L’État apporte des contributions qui sont insuffisantes et ne permettent pas d’offrir l’encadrement nécessaire aux élèves. Je ne reviendrai pas sur les grandes difficultés budgétaires que l’État rencontre actuellement, mais il faut certainement voir un lien de cause à effet entre ces deux phénomènes.

En tout cas, une nouvelle fois, le Gouvernement se défausse très clairement de sa charge sur les communes et ce transfert se fait sans prise en compte des réalités juridiques et sans évaluation du coût réel. Les collectivités locales ne peuvent pas prendre en charge, à elles seules, les conséquences d’une politique budgétaire irresponsable !

Cette loi est démagogique et inapplicable, qu’il s’agisse des communes rurales ou des communes urbaines !

Les réalités et diversités locales sont totalement oubliées. L’Association des maires de France estime d’ailleurs que, sur les 22 500 communes possédant une école publique du premier degré, 20 000 ne sont pas en mesure d’assurer ce service d’accueil. Elles n’ont pas toujours les équipes nécessaires, sachant que la loi ne précise ni les qualifications du personnel ni le taux d’encadrement exigé. C’est d’ailleurs l’un des rares cas de figure dans lesquels la législation est si peu rigoureuse en matière d’encadrement de jeunes enfants par du personnel non enseignant.

Qu’en est-il effectivement de la sécurité des enfants ? Cet accueil engage la responsabilité des encadrants, fussent-ils occasionnels. Peut-on leur imposer d’exercer la plus grande vigilance, nécessaire dans ce cas, de tenir à jour les registres de présence obligatoire et d’assumer leur pleine responsabilité en matière de sécurité ?

Les besoins spécifiques de chaque enfant ne sont pas non plus pris en compte. Or un enfant de quatre ans ne nécessite pas la même attention qu’un enfant de dix ans.

En outre, en cas de grève conjointe du personnel communal et des enseignants, qu’advient-il du dispositif? Le recrutement au petit bonheur la chance parmi les administrés volontaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Les retraités de l’éducation nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

… n’est pas concevable et encore moins responsable. Il devient donc difficile d’anticiper et d’informer les parents dans de bonnes conditions.

Enfin, dans les communes rurales, un regroupement pédagogique est prévu en cas de nécessité. Mais qui paiera le transport des enfants ? Les communes, une fois de plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Monsieur le ministre, on ne peut pas légiférer ainsi au mépris des responsabilités des élus locaux et des réalités du terrain !

Vous connaissez toute cette argumentation, qui démontre très précisément l’aberration du service minimum d’accueil. C’est d’ailleurs pourquoi, incapable de la contourner, vous vous êtes laissé aller à un tonitruant « débrouillez-vous ! » à l’adresse des élus locaux qui vous demandaient simplement comment faire.

Quant aux poursuites pénales qui peuvent peser sur les maires, alors même que la loi est très compliquée à mettre en œuvre, elles sont tout simplement honteuses, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

… même si elles sont finalement conformes à l’esprit de la loi sur le service minimum d’accueil.

La décision prise in extremis de stopper les poursuites contre certaines communes met en évidence une première prise de conscience, tardive, des effets collatéraux négatifs que cette loi engendre au niveau local. Cette décision nous laisse penser, monsieur le ministre, que vous avez parfaitement conscience de l’absurdité de ce texte. Alors, allez jusqu’au bout de votre raisonnement : comportez-vous de manière responsable en reconnaissant votre erreur !

Nous ne voulons pas attendre une quelconque évaluation prochaine de cette loi. Nous en voulons simplement l’abrogation, laquelle constituerait, dans cette période difficile, un geste fort en direction des communes.

Le groupe socialiste soutient donc la proposition de loi présentée par Mme Brigitte Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG, qui vise à abroger la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire. Je la voterai avec détermination.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a environ un mois et demi, alors que nous discutions ici-même des crédits de l’enseignement scolaire, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur la loi du 20 août 2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire.

Je ne reviendrai ni sur les questions de principe ni sur les questions de forme, bien qu’il y ait certainement encore beaucoup à dire sur le sujet. Je rappellerai toutefois que, à cette occasion, j’avais indiqué combien il était nécessaire d’écouter et de consulter les élus locaux en amont des réformes touchant au domaine scolaire, combien aussi il était grand temps pour le Gouvernement de se rendre compte que les maires sont des acteurs à part entière de l’école, et non les simples exécutants qu’ils ont parfois le sentiment d’être aux yeux de certains hauts personnages.

Ainsi, selon l’édition de 2007 de L’état de l’École, les collectivités assurent près de 23 % des dépenses nationales d’éducation, et même 40 % de ces dépenses si l’on se réfère au financement du seul premier degré, auquel le service minimum d’accueil est destiné.

Que serait l’école si les collectivités ne finançaient pas, par exemple, les classes transplantées, les classes à projet artistique et culturel, les projets d’école, les équipements informatiques, voire la formation à leur utilisation, ou encore les transports scolaires ? Et cette liste n’est pas exhaustive.

Il serait donc tentant de voter l’abrogation d’un texte qui, chez les élus locaux, fait pratiquement l’unanimité... contre lui !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Un texte assez peu réaliste, décidé en haut lieu et non, contrairement à ce qui avait été dit, réclamé à l’origine par les familles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

… inapplicable dans de nombreuses communes. Bref, un texte qui a créé plus de problèmes qu’il n’en a réglé !

Néanmoins, nous n’allons pas reprendre aujourd’hui un débat que nous avons déjà eu il y a six mois. Comme l’a rappelé le président de l’Association des maires de grandes villes de France, nous sommes tous républicains et nous ne souhaitons pas remettre en cause le principe d’une loi dont les parents sont désormais en droit de demander l’application et dont l’abrogation créerait d’autres problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

De plus, monsieur le ministre, vous avez su évoluer sur le sujet depuis l’adoption de la loi du 20 août 2008. Vous avez notamment accepté, après avoir rencontré les associations représentatives des élus locaux, que soient mieux conciliés l’intérêt des familles à bénéficier du droit à l’accueil les jours de grève et les contraintes auxquelles doivent faire face certains maires chargés par la loi de l’organisation de ce service.

Au début du mois de janvier, vous avez également accepté le principe de la création d’un comité de suivi et d’évaluation du texte, et demandé aux inspecteurs d’académie d’aider les communes à faire face aux difficultés d’application de la loi, en se rapprochant notamment des instances représentatives des maires.

Ainsi, en qualité de président de l’association des maires de la Marne, j’ai rencontré hier l’inspectrice d’académie de mon département pour examiner ce dossier. Nous avons recherché, de manière tout à fait coopérative, des solutions permettant de faciliter la mise en œuvre du dispositif par les maires.

D’ailleurs, quelques pistes pourraient être examinées, au-delà de celles qui figurent dans l’instruction adressée par vos soins, le 14 janvier dernier, à vos services départementaux et qui ne me paraissent pas toutes aisées à mettre en œuvre.

Ne pourrait-on pas, par exemple, demander aux enseignants – je n’ose, en l’espèce, utiliser le verbe « exiger », sachant qu’il passerait mal – qui envisagent de faire grève de le signaler dans le carnet de correspondance de leurs élèves, de telle sorte que les parents puissent prendre leurs dispositions ?

Ou encore ne pourrait-on pas mettre en place une procédure simplifiée d’embauche, semblable à celle du chèque emploi service, pour les personnes que les communes mobilisent pour l’accueil des enfants ? En effet, l’Élysée et sans doute vos services, monsieur le ministre, semblent ignorer que la procédure d’embauche et le nombre de déclarations à effectuer sont exactement identiques qu’il s’agisse d’un emploi pour une journée ou d’une vacation de plusieurs mois dans la commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Autrement dit, à la difficulté à évaluer le nombre d’enfants à prendre en charge, qu’on ne connaît en réalité que le matin même, au moment de l’ouverture de l’école, et à trouver les bonnes personnes pour assurer cette prise en charge s’ajoute le casse-tête de la procédure à suivre. Celle-ci est totalement démesurée et définitivement décourageante pour les petites communes.

Par conséquent, monsieur le ministre, les élus locaux demandent avant tout de la souplesse dans l’application de ce texte ! Des avancées restent possibles dans ce sens, mais je crois que vous l’avez compris. Vous pouvez aller encore au-delà de l’instruction adressée, il y a quelques jours, à vos services départementaux…

Aussi le groupe de l’Union centriste votera-t-il les conclusions de la commission des affaires culturelles et le rejet de la proposition de loi qui nous occupe aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

C’est bien dommage, monsieur Détraigne ! Après tout ce que vous avez dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Le début était effectivement mieux que la fin !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

M. Yves Détraigne. Mais, permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, il serait souhaitable qu’on ne vous reprenne plus à imposer de nouvelles contraintes aux collectivités sans véritable concertation préalable avec leurs associations représentatives.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président de la République se plaît à affirmer que le service minimum d’accueil dans les écoles maternelles et élémentaires constitue une rupture, une réforme à mettre à l’actif de son bilan.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Certes, il s’agit bien d’une rupture, mais d’une rupture grave dans l’exercice du droit de grève, d’une rupture grave dans les relations entre l’État et les collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Samedi dernier, 60 000 personnes, dont un bon nombre de parents d’élèves, défilaient pour la sauvegarde de l’école publique. Parmi les manifestants, tous mobilisés par les problèmes de l’école publique, aucun ne soutenait le service minimum d’accueil. Et pour cause ! Ce SMA n’est une avancée pour personne : ni pour les parents, ni pour les enseignants, ni pour les collectivités, ni même pour les élèves ; c’est l’inutile rupture !

Plusieurs erreurs majeures entachent le SMA et, tout d’abord, une stigmatisation du droit de grève.

En faisant obligation aux communes, les jours de grève, d’accueillir les élèves à partir d’un seuil de 25 % de grévistes, la loi du 20 août 2008 porte gravement atteinte à l’exercice du droit de grève des enseignants. À travers cette loi, monsieur le ministre, vous mettez en effet l’accent sur les désagréments liés à l’exercice de ce droit, en évitant de vous interroger sur les causes mêmes d’une telle situation.

La responsabilité vous en incombe pourtant : suppressions massives de postes, menaces pesant sur l’école maternelle, réforme des programmes…

Avec le SMA, vous prétendez vouloir garantir la continuité du service public. C’est votre choix ! Mais alors, assumez-le dans le cadre de l’éducation nationale et ne le faites pas supporter aux communes, qui n’ont rien demandé.

Ensuite, le SMA est une mesure démagogique : c’est avant tout une mesure d’affichage, un message envoyé à l’opinion.

De surcroît, cette loi est inutile et reflète une profonde méconnaissance des réalités de terrain. Les élus locaux n’ont pas besoin d’une loi pour assumer leurs responsabilités !

Hélas ! comme beaucoup de prétendues réformes, cette loi a pour conséquence d’opposer entre elles différentes catégories. Ainsi, en stigmatisant les enseignants grévistes, vous avez tenté de leur opposer les parents d’élèves ; en confiant le SMA aux communes et en rendant les maires responsables de l’accueil, vous avez essayé d’opposer les parents à leurs élus locaux ; en imposant cette nouvelle charge aux communes, vous avez opposé les élus à leur personnel.

Cette façon de gouverner, en décrédibilisant sans cesse le service public, en dressant systématiquement les uns contre les autres, est à l’opposé de ce qui est aujourd'hui nécessaire à notre société en crise.

Par ailleurs, l’expérience a démontré que le SMA est non seulement inutile, mais inapplicable dans de nombreux cas, comme l’ont souligné tous les orateurs.

L’État s’est défaussé sur les communes pour organiser ce non-sens éducatif. On demande aux élus de recourir, dans un délai de quarante-huit heures, à des personnels non formés, voire aux membres d’associations ou à des retraités, afin de les substituer aux enseignants grévistes !

Dans de très nombreuses communes, le seuil de 25 % à partir duquel le SMA devient obligatoire est presque systématiquement atteint dès lors qu’un instituteur se met en grève. C’est notamment le cas en zone rurale, c'est-à-dire précisément là où les élus rencontrent le plus de difficultés pour organiser un accueil satisfaisant en termes de sécurité et de responsabilité.

Je m’associe d’ailleurs pleinement à l’amendement de repli déposé par Pierre-Yves Collombat, qui vise à restreindre l’application du dispositif aux communes de plus de 3 500 habitants.

Mais ne nous leurrons pas, le SMA n’est pas plus applicable dans les villes. Ainsi, de nombreux maires de grandes villes s’avouent dans l’incapacité d’appliquer la loi dans tous leurs établissements. C’est le cas notamment du maire de Bordeaux, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

… un de vos amis, monsieur le ministre, qui n’est pourtant pas, me semble-t-il, un opposant notoire !

Le SMA s’est également révélé être une source d’acharnement juridictionnel.

Le premier devoir d’un maire est d’appliquer les lois de la République – c’est une vérité qui doit être sans cesse rappelée – et s’il ne le fait pas, il encourt une sanction juridictionnelle, ce qui est normal.

Mais comment appliquer la loi lorsqu’elle est précisément inapplicable ?

Pour ma part, je n’ai pu que constater l’impossibilité d’appliquer le SMA dans ma commune. Après une réunion du comité technique paritaire, les personnels ont unanimement refusé de se prêter au jeu de la garderie. Qu’aurais-je dû faire ? Réquisitionner les secrétaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Pour les transformer, le temps d’une journée, en animateurs pour enfants, avec toutes les responsabilités que cela entraîne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

C’est la loi ! La réquisition, cela existe !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Les parents d’élèves sollicités ont décliné, eux aussi, la proposition.

Par ailleurs, avant les appels au calme, tout relatifs, du Président de la République et de vous-même, monsieur le ministre, qui faisaient d’ailleurs suite à la grogne des maires de France réunis lors de leur congrès, la non-application du SMA a donné lieu à une cacophonie juridique des plus ridicules.

En France, la loi est censée être la même pour tous. Dès lors, comment expliquer de telles disparités dans les condamnations ?

Ici, certaines communes, qui avaient émis un simple vœu, ont été condamnées en première instance, alors même que les vœux ne sont pas un acte entrant dans le cadre du contrôle de légalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Là, des communes ont été condamnées à 500 euros d’astreinte par jour de non-application.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

D’autres encore encouraient 10 000 euros par jour, voire par heure, notamment dans le Var !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Et que dire de cet empressement à traduire les maires en justice, alors que l’on a connu moins de célérité par le passé pour faire appliquer certaines lois ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je pense, en effet, à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui n’a jamais été respectée à Neuilly, …

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

… ce pour quoi son célèbre maire n’a jamais été déféré devant un tribunal !

Alors oui, monsieur le ministre, je reste résolument défavorable au service minimum d’accueil, mais farouchement favorable au service maximum d’éducation. Non au SMA, oui au SME !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste soutient pleinement cette proposition de loi abrogeant la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire.

Il est plus que temps d’en finir avec cette mesure qui pèse inutilement sur nos collectivités et, surtout, oppose les uns aux autres, alors que nous devrions, au contraire, nous rassembler autour du service public de l’éducation afin de préparer l’avenir de nos enfants.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je vais mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles rejetant la proposition de loi.

Y a-t-il des explications de vote ?...

Oui ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous vous souvenez qu’il y a ensuite une proposition de loi de la majorité, avec cinquante-deux articles et je ne sais combien d’amendements ! Soyez au moins tolérants !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Nouvelles protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Moi, je ne suis pas pressé ! J’ai fait mille kilomètres pour venir ici : je peux attendre cinq minutes !

Monsieur le ministre, vous le savez, les maires sont naturellement respectueux envers les représentants de l’État et du Gouvernement. Il fallait donc que la coupe fût bien pleine pour que, fait sans précédent, le Premier ministre soit sifflé lors du congrès des maires de France en évoquant le service minimum d’accueil et pour que la salle se vide à l’arrivée de votre représentant.

La coupe débordait, en effet, avec le texte sur le financement des écoles privées, la semaine des quatre jours, la sclérose des réseaux d’aide éducatifs mobiles et, cerise sur le gâteau, le service minimum d’accueil des élèves en cas de grève des enseignants. Avec ce système, c’est non plus à l’État de se substituer aux communes défaillantes, mais à elles de pallier l’incapacité du Gouvernement à régler ses conflits avec ses fonctionnaires.

En décidant de déférer, par le bras préfectoral, avec demande d’astreinte, les communes qui, croyant qu’une loi injuste ne pouvait être une loi républicaine, refusaient de se plier à cette obligation, vous avez pris une lourde responsabilité, monsieur le ministre, d’autant que les décisions de certains tribunaux administratifs, notamment celui de Toulon, n’ont fait qu’alimenter le sentiment des élus que ce qu’ils pouvaient penser vous importait peu.

Ainsi, quatre communes du Var, dont deux rurales, ont été contraintes d’organiser le service sous astreinte de 10 000 euros par heure de retard.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le Président de la République lui-même, devant le congrès des maires de France, s’en est ému, en déclarant : « Je comprends parfaitement le sentiment d’injustice que peut avoir un maire traîné devant le tribunal administratif par son préfet parce qu’il a peu de moyens, qu’il a fait son possible et qu’il n’y est pas arrivé. Je suis tout à fait prêt à revoir cela. ».

Cependant, ce qui est jugé est jugé, et le Président de la République n’a pas – pas encore en tout cas – le pouvoir de réformer la chose jugée !

Rires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

M. Michel Charasse. Ou alors, il faut rappeler Saint-Louis !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Les décisions prises, notamment les astreintes, demeurent applicables.

Comme nous l’avons fait en 2008, pour l’article 89, l’heure est donc venue de « revoir cela », comme nous y invitent le Président de la République ainsi que la présente proposition de loi.

La loi d’août 2008 pose des problèmes de principe qui justifient, à eux seuls, son abrogation, et je m’associe aux propos qui ont été tenus dans ce sens. En tout état de cause, il faut revenir sur le texte, parce qu’il est inapplicable en l’état, quelle que soit la taille de la commune.

Mais, à l’évidence, ce qui vaut pour les villes est encore plus vrai pour les communes rurales, ainsi que le reconnaît le Président de la République. Comme vous avez appris son discours par cœur, mes chers collègues, je ne vous le rappellerai pas.

Nouveaux rires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Ce n’est apparemment pas votre cas, monsieur le ministre, puisque, en refusant l’examen de la présente proposition de loi, vous ne permettez pas à l’amendement visant au moins à sécuriser les communes rurales d’être examiné et de prospérer.

Ne vous faites pas d’illusions, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur : le nombre limité de communes ayant clairement dit qu’elles ne voulaient ou ne pouvaient pas appliquer la loi cache mal la foule des résistants passifs qui se sont arrangés, souvent avec la complicité des parents, pour n’avoir pas à mettre en œuvre le service minimum, faute d’élèves, ou pour n’avoir qu’une poignée d’élèves à accueillir. Vous l’avez d’ailleurs reconnu tout à l’heure, monsieur le rapporteur, sans en tirer les conséquences.

Tant que vous ne vous déciderez pas à modifier la loi, monsieur le ministre, le conflit avec les maires restera ouvert. Sachez-le, vous avez déclenché un conflit de longue durée.

C’est pour nous une raison supplémentaire de passer outre à la fin de non-recevoir que vous venez d’opposer, avec le secours de notre commission sénatoriale, à ceux qui ouvraient une voie pour en sortir.

Nous sommes donc appelés à nous revoir, monsieur le ministre ! Nous rediscuterons de ce texte !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je commencerai par dire combien j’ai trouvé scandaleux l’anathème qui a été jeté sur les premiers magistrats des communes qui, parce qu’ils sont soucieux des conditions de sécurité dans lesquelles va devoir s’exercer ce service minimum d’accueil, ont été traités d’idéologues.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je ne provoque pas ! Je me permets simplement de dire que j’ai été choquée !

Je crois que ces hommes et ces femmes ne sont pas moins que les autres attentifs aux prérogatives des jeunes enfants et de leurs administrés.

Cette réaction m’a d’autant plus irritée que, dans mon département, dix-sept communes, toutes de droite à l’évidence, ne respectent pas la loi SRU !

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Or toutes les communes qui ont refusé de mettre en place le SMA, parce qu’elles étaient soucieuses de respecter les conditions de sécurité, ont été déférées par le préfet devant le tribunal.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Exactement !

Je regrette, par ailleurs, que la décision de la majorité de la commission des affaires culturelles, en demandant au Sénat de se prononcer sur son avis négatif quant à l’abrogation de la loi sur le SMA, aboutisse à nous empêcher d’examiner les amendements visant à trancher la question des communes de moins de 3 500 habitants en introduisant dans la loi une dérogation pour ces communes.

Notre collègue Jean-Louis Masson, auteur d’une proposition de loi tendant à modifier la loi sur le SMA, a fixé, quant à lui, le seuil dérogatoire à 1 500 habitants.

En réalité, tous tentent de préserver les petites communes, notamment les communes rurales, des effets d’une loi qu’il leur est impossible d’appliquer, je ne suis pas seule à le relever. C’est, du reste, la position que défend depuis le début l’Association des maires ruraux de France. Son nouveau président, M. Berberian, dans un communiqué daté du 2 décembre dernier, rappelait à juste titre qu’« il ne suffit pas de décider d’une loi pour qu’elle soit appliquée, encore faut-il qu’elle soit applicable ».

Les différentes actions en référé introduites par les préfets à l’encontre des communes qui n’avaient pas appliqué le service minimum ont d’ailleurs connu des issues diverses, ajoutant encore à la confusion.

Toutes ces tentatives tendant à limiter les « pots cassés » pour les petites communes montrent bien que cette loi, telle qu’elle a été conçue et votée, n’est tout simplement pas applicable de manière égale sur tout le territoire.

Le Gouvernement, faut-il le rappeler, a présenté aux parents ce service d’accueil comme un nouveau droit relevant du service public. C’est en tout cas l’analyse qu’en a faite le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2008. Or les éléments constitutifs de service public sont loin d’être réunis puisqu’il y a inégalité de traitement des enfants sachant que la loi ne leur garantit pas d’être accueillis partout par des personnels disposant des mêmes qualifications.

Par ailleurs, la notion de « qualités nécessaires » est laissée à l’appréciation du maire, comme certains de mes collègues l’ont souligné. En réalité, les maires seront contraints de faire avec les moyens du bord !

On ne peut pas dire que le Gouvernement n’avait pas conscience de ces points de blocage en décidant de faire voter cette loi en urgence, l’été dernier. J’avais, pour ma part, attiré l’attention sur cette situation. De la même façon, le Gouvernement n’avait pas tenu compte de l’échec des deux expérimentations menées avant l’adoption de cette loi.

Les lois de la République doivent s’appliquer sur notre territoire d’égale façon, surtout lorsqu’il s’agit de mettre en place un nouveau service à destination des écoliers. Cette loi ne parvient manifestement pas à le faire.

C’est pourquoi je regrette vivement que la commission des affaires culturelles n’ait pas décidé de retenir le principe de son abrogation.

Quoi qu’il en soit, cela a été dit, nous serons amenés à en reparler !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je veux rendre hommage au sens poussé de la dialectique d’un certain nombre de nos collègues, notamment de M. Richert, qui, à mon sens, a brillamment démontré que nous étions, une fois de plus, devant une application rapide, voire hâtive d’un texte mal pensé, mal ficelé et non abouti !

Je constate que ce texte a engendré beaucoup de mauvaise foi, d’hypocrisie et de mépris à l’égard des fonctions, du rôle, de la mission et des compétences de chacun. Cela ne vient pas des maires, quoi qu’on ait pu en dire !

Avant même que ce texte ne parvienne au Parlement, alors qu’il n’était qu’à l’état de projet, toutes les associations de maires se sont prononcées contre le simple principe d’une intervention des maires dans un conflit qui ne les concernait pas entre des fonctionnaires et leur ministère de tutelle.

Pour continuer dans le mélange complet des compétences, pourquoi l’État ne mettrait-il pas à notre disposition des fonctionnaires de Bercy quand les personnels des collectivités locales sont en grève et ne fournissent plus de passeports biométriques – c’est d’actualité ! – ou de cartes d’identité ?

Ce texte était une première étape sur la voie du mépris absolu vis-à-vis des élus locaux et, une fois de plus, de leur rôle, de leurs fonctions et de leurs compétences.

Ce texte exprime également du mépris à l’égard des familles. On nous dit que les familles sont contentes du service d’accueil. Sont-elles parfaitement informées des conditions dans lesquelles ce service est mis en place ? Savent-elles comment leurs enfants seront gardés, par qui et quel sera le niveau de sécurité ? Connaissent-elles les activités qui seront proposées aux enfants ?

Ce texte exprime également du mépris vis-à-vis des professionnels de la petite enfance, au regard de leurs compétences et de leur formation.

Ce texte exprime enfin, évidemment, du mépris à l’égard des enfants.

Vous brandissez comme un étendard, monsieur le ministre, le nombre des communes qui ont, tant bien que mal, mis en place ce service. Ce n’est pas parce que les maires se sentent investis de la responsabilité de faire respecter la loi que cette dernière est applicable dans des conditions normales de sécurité et d’exercice légitime de leurs compétences.

Vous me dites, monsieur le ministre, que l’État prendra ma défense en cas de problème : peu m’importe ! Si l’irréparable devait arriver, notamment à un enfant, le fait que l’État prenne ou non ma défense n’empêchera pas ma conscience de me hanter tout le reste de ma vie parce que j’aurai voulu appliquer une loi mal faite, qui m’aura contrainte à prendre des responsabilités ne me revenant pas, et dans des conditions de sécurité totalement inadéquates.

Par ailleurs, vous nous dites que l’on ne peut pas défaire une loi qui a été adoptée il y a six mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Pourtant, depuis plusieurs mois, l’actualité et les faits divers gouvernent les textes qui nous sont présentés en urgence. Il suffit d’un chien mordeur pour avoir un nouveau texte de loi !

J’aimerais donc que l’on revienne sur cette loi avant que l’irréparable ne se produise !

Au mois d’août dernier, je n’étais pas encore sénatrice. J’ai donc d’autant moins de scrupules et d’autant plus de conviction à demander l’abrogation de ce texte.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

L’ordre du jour de la séance d’aujourd'hui est « réservé ». C’est une illustration de la démocratie qui est tout à l’honneur du Sénat que de permettre d’examiner, lors de ces séances, des propositions de loi issues des rangs de la majorité comme de l’opposition.

Cependant, je formulerai un regret, voire une protestation : à quoi bon faire une fois par mois un geste généreux envers l’opposition si l’on ne permet jamais à cette dernière d’aller au terme de sa démarche ?

Je constate en effet trop souvent que nous sommes confrontés soit à des conclusions de la commission qui nous obligent, dès lors qu’elles sont adoptées, à cesser toute forme de débat, soit à une motion d’irrecevabilité qui est votée par la majorité et empêche l’opposition de s’exprimer jusqu’au bout selon la voie qu’elle a choisie.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

M. Yannick Bodin. Cela s’appelle tout simplement de l’obstruction !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Depuis quand la majorité n’a-t-elle plus le droit d’être majoritaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

La majorité fait de l’obstruction quand elle empêche les groupes minoritaires de s’exprimer complètement ! Car il y a plusieurs formes d’obstruction.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

Vous vous y connaissez, en la matière !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Personne n’a de leçon à donner à quiconque dans ce domaine ! Pour ma part, je ne donne pas de leçon, je constate simplement une réalité, extrêmement désagréable.

À l’heure où nous discutons, au sein d’un groupe de travail réuni autour du président Larcher, de la mise en application de la réforme constitutionnelle et de notre nouveau règlement intérieur, j’espère que nous aurons quelques assurances sur les droits de l’opposition et de l’ensemble des groupes politiques. Je souhaite que nous nous entendions de manière collective et consensuelle sur le fait que chacun aura les mêmes droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

M. Yannick Bodin. Par ailleurs, vous nous avez plusieurs fois reproché de vouloir changer une loi qui n’avait que six mois d’existence. Pour ma part, même avant qu’elle n’en ait que vingt-quatre heures, je la trouvais déjà mauvaise !

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

Quel argument !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il n’y a pas si longtemps, on a promulgué une loi qui a tout de suite été abrogée !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Le fait de demander aujourd'hui l’abrogation de cette loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires ne me gêne en rien : il y a des précédents dans l’histoire ! Il arrive même à certains gouvernements que vous connaissez bien de présenter tous les ans, par exemple sur le thème de la sécurité, une loi tendant à remanier celle de l’année précédente !

Notre sentiment, dès le vote de la loi, était que l’application d’une telle mesure serait particulièrement complexe, qu’il faudrait expliquer et réexpliquer aux parents, aux enseignants, au personnel des communes, aux maires, comment cela pouvait fonctionner. Mais depuis que j’ai entendu M. le rapporteur, je suis définitivement convaincu que cette loi est une véritable usine à gaz ! À telle enseigne, d’ailleurs, qu’elle a suscité des contentieux, et que cela continuera.

Dans mon département de Seine-et-Marne, M. le préfet a déposé des recours devant le tribunal administratif. Il a été débouté sur la totalité des cas qui ont été présentés. Selon M. le ministre, il faudrait faire la distinction entre les communes qui n’ont pas « voulu » appliquer la loi et les communes qui n’ont pas « pu » l’appliquer ? Quoi qu’il en soit, le tribunal administratif a jugé, lui, qu’il n’arrivait pas à établir la distinction entre les communes qui ne peuvent pas appliquer la loi et celles qui ne veulent pas appliquer la loi parce qu’elles ne peuvent pas l’appliquer. C’est pour cette raison que le préfet a été débouté.

Eh bien, monsieur le ministre, puisque vous ne voulez pas qu’on traite ici cette question au fond, nous en débattrons devant les tribunaux administratifs. Je vous donne donc rendez-vous, et certainement plus tôt que vous ne le pensez !

Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur Richert, vous vous en doutez, je ne voterai pas en faveur des conclusions de la commission des affaires culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Non seulement la loi sur le service minimum porte atteinte au droit de grève des enseignants et est contraire à l’intérêt et à la sécurité des enfants, mais, de plus, elle est lourde de conséquences pour les collectivités locales.

Les communes sont donc contraintes de pallier les manquements de l’État, seul responsable de la réduction des moyens de l’éducation nationale comme des conflits qui peuvent y surgir.

Ainsi, non seulement cette mesure est largement dommageable, mais encore elle porte gravement atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.

En outre, un tel service est très difficile, voire impossible à organiser dans les communes rurales. Bien souvent, celles-ci sont en effet dans l’incapacité de mobiliser des personnels qualifiés en nombre suffisant dans un délai si court. Sur ce point, je suis d’accord avec ce que mes collègues qui se sont exprimés avant moi ont dit.

Dans le département de l’Isère, lors de la grève du 20 novembre dernier, de nombreuses petites communes ont été confrontées à cette difficulté et ont été dans l’incapacité de mettre en œuvre ce service. Il en fut de même pour les plus grosses communes, qui ont préféré renoncer à mettre en place ce service dans le souci de la sécurité et du bien-être des enfants. Je rejoins sur ce point ce qu’a dit mon collègue Yannick Bodin sur ceux qui ne veulent pas ou ceux qui ne peuvent pas, et ceux qui ne veulent pas parce qu’ils ne peuvent pas mettre en place ce service minimum dans les écoles.

Sept communes ont été assignées devant le tribunal administratif par le préfet de l’Isère. Si le jugement rendu par le tribunal administratif de Grenoble n’a fixé aucune astreinte de retard à l’encontre des localités concernées – et je m’en réjouis quand j’entends notre collègue Pierre-Yves Collombat évoquer les astreintes dans le département du Var ! –, il a toutefois assorti sa décision d’une injonction de procéder, dans un délai de trois semaines, à un nouvel examen des modalités d’application de cette loi. Le problème des communes reste donc entier : quels seront les moyens humains et financiers à leur disposition pour pouvoir appliquer cette injonction ?

Par ailleurs, comment ne pas constater avec une certaine irritation que beaucoup d’autres communes qui ne respectent pas la loi SRU n’aient pas été pareillement enjointes de mettre rapidement ce texte en œuvre. Il est bien regrettable qu’il y ait ainsi deux poids, deux mesures en ce qui concerne l’application de la loi par les communes !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Monsieur Bodin, ce n’est pas parce que l’opposition peut faire inscrire des propositions de loi à l’ordre du jour de la Haute Assemblée que la majorité doit les adopter ! Il faut quand même laisser à la majorité le droit de prendre position comme elle l’entend ! (Applaudissementssur les travées de lUMP.)

Nous ne refusons pas le débat. Il est légitime que chacun puisse s’exprimer, après quoi chacun se prononce en fonction de ce qu’il croit juste. Il est important d’écouter la minorité, mais il est tout aussi important de respecter ce que la majorité décide ! Ce ne sont là que des principes qui guident le bon fonctionnement de la démocratie.

Par ailleurs, je ne mets pas en cause les élus en tant que tels. Simplement, je ne peux accepter que des gens annoncent qu’ils ne vont pas appliquer la loi, comme certains magistrats l’ont parfois fait, monsieur Charasse, en considérant que telle loi votée n’était bonne. Je ne peux admettre que certains maires disent qu’ils n’appliqueront pas la loi au motif qu’elle ne leur convient pas. §Il n’est pas acceptable qu’une personne investie de l’autorité d’un élu ou d’un magistrat affirme tout uniment qu’elle n’appliquera pas la loi !

C’est en tout cas ainsi que je vois les choses. Certains peuvent avoir une autre conception, mais je ne céderai pas aux injonctions des uns et des autres. Je pense que nous devons, par principe, avoir la volonté de voir la loi votée s’appliquer.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Crc-Spg

Et la loi SRU ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

M. Philippe Richert, rapporteur. La loi qui a été votée est-elle d’une application aisée ? Lors de l’examen du projet de loi, j’avais clairement indiqué que ce ne serait pas facile. Cependant, s’il faut d’avance renoncer à tout ce qui est facile, chers amis, nous ne sommes pas sortis de l’auberge !

Souriressur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Lorsque l’application d’une loi se révèle complexe, il convient d’examiner à quels objectifs elle répond précisément. En l’occurrence, ce service d’accueil minimum, qui ne se substitue pas à l’enseignement ni ne le complète, qui ne porte pas une atteinte au droit de grève – le Conseil constitutionnel l’a dit, ce n’est donc pas la peine de faire comme si la question de la constitutionnalité de cette loi n’était pas tranchée ! –, offre aux familles la possibilité d’une prise en charge de leurs enfants. Ainsi évite-t-on que leurs enfants ne se retrouvent des jours entiers sans être gardés ou sans que les parents aient à trouver par eux-mêmes et à leurs frais une solution de garde.

C’est pourquoi la majorité de la commission des affaires culturelles a décidé qu’elle ne souhaitait pas, aujourd’hui, abroger la loi votée il y a six mois, même si son application mérite sans doute d’être améliorée.

On peut reconnaître à la majorité qui s’est ainsi exprimée le droit de ne pas changer d’opinion, tout en étant respectueux des autres avis.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le climat de ce débat est très désagréable, car, sous la pression des passions, nous sommes en train, les uns et les autres, de perdre de vue l’essentiel.

Une loi a été votée, et nous sommes en république, et en démocratie ; elle plaît à certains et ne plaît pas à d’autres. Il n’empêche qu’elle a été votée, qu’elle est la loi de la République, et, à mon avis, quoi qu’on en pense – et quoi que j’en pense personnellement –, nul ne peut soutenir sans manquer à la République la position de ceux qui, sciemment, ont fait savoir leur volonté de ne pas l’appliquer.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l’Ump

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Accepter cela, c’est piétiner la République et la volonté générale, dont la loi est l’expression, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

… c’est appeler à la désobéissance civile, au désordre, à l’anarchie, à la dictature. Je ne suis pas de ce côté-là. Tout ce qui est du domaine de la loi doit être appliqué.

J’entendais tout à l’heure des collègues nous dire : « On ne peut pas réquisitionner dans ce cas ! » Si, chers collègues, on peut et on doit réquisitionner, parce que la continuité du service public et de la vie nationale est un principe de valeur constitutionnelle, affirmé à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel.

Cela dit, mes chers collègues, est-il interdit, en démocratie, de poser la question de savoir si une loi est réaliste et donc applicable en pratique ? C’est une chose que de dire « cette loi est stupide, mal faite et contraire à ce que je pense, je ne l’applique pas » et c’en est une autre que de dire « je ne l’applique pas parce qu’elle est compliquée et impossible à mettre en œuvre ». Cela, ce n’est quand même pas interdit ! Du reste, le Conseil constitutionnel rappelle toujours que, pour que la loi soit conforme à la Constitution, il faut qu’elle soit compréhensible et claire.

Personnellement, dans une vie parlementaire ou politique longue de trente à quarante années, peut-être plus, j’ai quand même vu défiler – et je ne suis pas le seul – un certain nombre de textes qui ont été votés et se sont avérés inapplicables, qu’on a donc abandonnés ou abrogés, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

… quand on n’a pas décidé de ne pas les appliquer le jour même où on les promulguait, comme cela s’est produit, n’est-ce pas, il n’y a pas si longtemps. Tout cela n’ajoute pas vraiment à la dignité du Parlement et du législateur, tout cela n’est pas très glorieux pour la notion de loi et pour la volonté nationale, mais passons !

Par conséquent, cela arrive tous les jours, et il n’est pas rare que, deux ou trois mois après le vote d’un texte, on abroge une de ses dispositions parce qu’elle est mal conçue, qu’elle n’est pas applicable, etc. Je me souviens, entre autres, de la loi sur le minitel rose, qu’on n’a jamais pu appliquer. Je me souviens aussi de ce qu’on avait appelé la « taxe conjoncturelle », surnommée la « serisette », du nom de M. Serisé, conseiller du président Giscard d’Estaing. Et je pourrais citer beaucoup d’autres exemples.

Par conséquent, c’est un outrage à la République et à la loi de dire « je ne l’appliquerai pas », mais non de dire « elle est mal faite et il faut la revoir ». Mes chers collègues, ce n’est quand même pas être contre la République que de constater qu’une loi ne correspond pas à la réalité pratique !

Permettez-moi de vous le dire, je sais ce que le Président de la République a fait au congrès des maires – je n’étais pas le seul sénateur présent – sans que personne ne se lève dans la salle pour lancer : « Mais quelle atteinte au sacré et à l’autorité de la loi ! » Or il a dit clairement que, de son point de vue, il y avait une distinction à faire. On peut juger que ce n’est pas assez, mais il a en tout cas reconnu qu’il fallait distinguer entre la situation des villes, c’est-à-dire des collectivités dans lesquelles on considère malheureusement trop souvent, et à tort, que l’école est avant tout une garderie familiale – ce que suggère la loi dont il est question ici, raison pour laquelle je ne l’ai pas votée –, et les communes rurales, où, lorsqu’il n’y a pas classe pour une raison ou pour une autre, on n’envoie pas les gamins à l’école parce qu’on a une autre manière de voir les choses.

Monsieur le ministre, je pensais naïvement qu’après le congrès des maires le Gouvernement, à partir du constat qu’avait fait le Président de la République, nous proposerait une modulation, qui paraît inévitable, entre villes et campagnes, même si certains peuvent préférer l’abrogation pure et simple du dispositif.

Cher Xavier Darcos, tout à l’heure, à la tribune, vous avez affirmé que « cela introduirait une rupture du principe d’égalité ». Pas du tout ! Depuis les années soixante, et avec une belle constance, le Conseil constitutionnel, que l’on a beaucoup invoqué ici, a une position très simple : on doit traiter d’une façon égalitaire les gens qui sont exactement dans la même situation. Or habiter une ville de deux ou trois millions d’habitants, comme Paris, et habiter un village de trois cents habitants, permettez-moi de vous le dire, cher ami, ce n’est pas tout à fait la même chose ! Par conséquent, il me paraît difficile de considérer que le principe d’égalité serait mis à bas par une distinction entre grandes et petites communes, distinction qui existe déjà dans un certain nombre de textes.

Avec plusieurs collègues qui, comme Pierre-Yves Collombat, étaient avec moi au congrès des maires, je nourrissais quelque espoir, après les déclarations du Président de la République, de voir proposer une solution favorable au moins pour les toutes petites communes.

Dès lors, mes chers collègues, qu’on ne nous propose pas cette modulation que j’attendais, et qu’elle ne figure pas non plus, monsieur le ministre, dans votre circulaire adressée aux inspecteurs d’académie et aux préfets, et dont vous avez, vendredi ou samedi dernier, révélé la teneur aux présidents d’associations départementales des maires, aucune distinction n’est faite entre villes et campagnes, entre villes et petites communes, étant entendu que le Président de la République n’a pas fixé de seuil et qu’on peut donc toujours en discuter indéfiniment.

Bref, aucune des instructions que vous avez adressées ne permet de penser que les petites communes seront dispensées de mettre en œuvre une loi qui, pour des raisons pratiques – ce n’est pas un problème de dogme, de théorie, de clivage gauche-droite, de conception du service public – ne peut pas l’être.

Pour ma part, je ne sais pas, dans une commune de trois cents ou quatre cents habitants, où les services communaux se résument à un secrétaire de mairie, un cantonnier et un garde champêtre, à qui on peut faire appel pour garder les enfants le jour où les enseignants ne sont pas là !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

Alors, mes chers collègues, dans la mesure où il n’y a pas d’ouverture, je n’ai d’autre solution que d’accepter le texte proposé par nos collègues communistes, c’est-à-dire la suppression pure et simple de la loi.

Cher Philippe Richert, je regrette la conclusion expéditive de la commission. Parce que celle-ci aurait très bien pu déclarer qu’elle maintenait son point de vue sur le texte voté l’été dernier – après tout, la majorité a bien le droit de penser ce qu’elle veut ! – mais que, réaliste, ayant les pieds sur terre, n’étant pas composée de piétons de l’espace qui raisonnent en apesanteur, entendant ce que disent les maires des petites communes, elle proposait d’aller dans le sens du Président de la République et de faire une distinction entre les communes selon qu’elles sont petites ou grandes. Je regrette que vous ne l’ayez pas fait.

De ce point de vue, je vous le dis amicalement parce que nous nous connaissons depuis longtemps, je trouve que le Sénat a, en l’occurrence, manqué à son devoir de représentation des collectivités territoriales de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Charasse

C’est la raison pour laquelle je voterai la proposition du groupe communiste.

Bien entendu, madame le président, si les conclusions de la commission sont rejetées, nous pourrons examiner les amendements qui ont été déposés, parce que rien ne l’interdit, et je serai alors de ceux qui soutiendront l’exception pour les petites communes. J’ai déposé un amendement, comme d’autres collègues. J’ai proposé un seuil de 3 500 habitants, mais on peut en trouver un autre. Peu importe : nous n’allons pas nous battre sur un problème de seuil de population !

Il faudra bien, aussi, aborder la question de la disposition qui prévoit, depuis la loi Jules Ferry si je ne m’abuse, que le directeur de l’école doit être présent et accueillir les élèves même s’il est gréviste – c’est la loi ! –, quitte à porter un brassard marqué « gréviste ». Que devient cette disposition ? Si elle est toujours en vigueur, je vous le dis, monsieur le ministre, à l’occasion des prochaines grèves, en tant que président de l’association des maires de mon département, je recommanderai à ceux-ci de ne pas donner suite si les directeurs d’établissement ou leur représentant ne sont pas là, car l’autorité communale ne peut organiser le service scolaire que dans la mesure où ces fonctionnaires sont sur place puisque ce sont eux les seuls « patrons » à l’intérieur de l’école, et non pas nous, les élus locaux !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – Mmes Françoise Henneron et Janine Rozier applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J’ai demandé la parole pour m’exprimer sur la procédure.

C’est un fait : la majorité est majoritaire, pour autant qu’il y ait une majorité dans cet hémicycle, où, chacun le sait, l’UMP n’est pas majoritaire à elle seule. Quoi qu'il en soit, au Parlement, c’est évident, la majorité a toujours raison.

Cela dit, il y a deux poids, deux mesures puisque, par la volonté de la commission, on peut clore très rapidement le débat. Et je fais abstraction des pressions exercées sur l’opposition pour qu’elle présente des propositions de loi courtes et consensuelles, qui ne posent pas de problèmes et qui ne remettent pas en cause ce que la majorité aurait pu décider au préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Indépendamment de toutes ces pressions, nous savons que la majorité peut empêcher le débat sur une proposition de l’opposition, ce que nous déplorons.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Si ! Vous allez clore le débat et nous ne pourrons pas discuter des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mais vous ne savez pas ce que nous aurions fait ni ce qu’auraient fait vos collègues si nous avions pu examiner les amendements ! Peut-être certains d’entre eux auraient-ils voté certains des amendements qui ont été déposés.

Vous voyez donc bien qu’il y a deux poids, deux mesures, et que les droits de l’opposition sont limités.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous déposons les textes que nous voulons ! Nous sommes des parlementaires libres !

Notre collègue Charasse dit que la loi votée s’applique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour ma part, je suis tout à fait partisane de la clause de conscience, mais nous n’en sommes pas encore là.

Vives protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En tout cas, si une loi se révèle inapplicable, le rôle du Parlement peut être de l’abroger, même si elle a trois jours, deux mois ou six mois d’existence !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je vous rappelle quand même que plusieurs lois ont été remises en cause, notamment celle du 13 août 2004, à travers l’article 89 sur le financement des écoles privées, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

…puisqu’il s’est avéré que, là aussi, les élus locaux, toutes tendances confondues, étaient mal à l’aise pour appliquer cet article et nous l’avons réexaminé.

Dois-je rappeler également que sous un gouvernement précédent, qui ne vous était pas étranger, avait été votée puis promulguée la loi comportant le contrat première embauche, le CPE, et que l’article qui instituait ce dispositif a été abrogé avant même que cette loi soit appliquée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pourquoi ? Parce qu’il eût été très difficile de le mettre en application.

Il en est de même de la loi que vise à abroger la présente proposition de loi. Les maires – nous sommes l’assemblée des collectivités territoriales – sont tous très ennuyés d’avoir à mettre en œuvre cette loi, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

…même s’ils sont légalistes et qu’ils veulent l’appliquer. Le droit du Parlement, c’est justement de se pencher sur une loi qui n’est pas applicable. Je regrette que vous preniez les choses par-dessus la jambe et que vous disiez : nous avons voté cette loi, nous la maintenons, basta !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

S’il vous plaît, faites preuve de responsabilité à l’égard de la loi elle-même ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. - Protestations sur plusieurs travées de l ’ UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus la parole ?...

Mes chers collègues, avant que vous ne votiez, je voudrais appeler votre attention sur le fait qu'il s'agit de conclusions tendant à ne pas adopter la proposition de loi.

Autrement dit : ceux qui ne sont pas favorables à la proposition de loi doivent voter « pour » les conclusions de la commission ; ceux qui sont favorables à la proposition de loi et souhaitent passer à la discussion des articles doivent voter « contre » les conclusions de la commission.

Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission sur la proposition de loi n° 147.

Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission et, l'autre, du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 90 :

Nombre de votants338Nombre de suffrages exprimés337Majorité absolue des suffrages exprimés169Pour l’adoption181Contre 156Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Mes chers collègues, par lettre en date du 19 janvier adressée à M. le président du Sénat, M. Gérard Longuet, qui a été porté comme ayant voté pour l’ensemble du projet de loi sur l’audiovisuel, a indiqué qu’il avait souhaité s’abstenir lors de ce vote.

Acte est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

(Ordre du jour réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

L’ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées, présentée par M. Laurent Béteille (nos 31, 161).

La parole est à M. Laurent Béteille, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Béteille

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées, que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, a une histoire ancienne.

En 2007, j’avais présenté une première proposition de loi concernant exclusivement les frais de l’exécution forcée des décisions de justice. Elle répondait d’ailleurs à une précédente question écrite du président de la commission des lois.

Par la suite, après le dépôt du rapport de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard et après avoir rencontré les représentants de différentes professions juridiques et judiciaires concernées, j’ai été conduit à déposer une seconde proposition de loi reprenant et complétant la réforme que j’avais initialement proposée.

Les vingt-six articles de la proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice des professions réglementées ont assurément des objets divers.

Ces articles répondent cependant à trois objectifs clairs, qui me semblent pouvoir être partagés par tous ici. Il s’agit, tout d’abord, d’améliorer l’exécution des décisions de justice. Il s’agit, ensuite, de redéfinir l’organisation des compétences des juridictions pour en simplifier le travail. Il s’agit, enfin, de rénover les conditions d’exercice de certaines professions réglementées.

Comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme, l’exécution des décisions de justice fait partie intégrante du droit à un procès équitable reconnu par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En quoi, mes chers collègues, serait équitable un procès irréprochable quant au respect des droits de chacune des parties, à l’indépendance absolue du juge, si la juste sentence rendue par cette juridiction sans reproche reste lettre morte ?

Le praticien que j’ai été pendant trente ans a pu se rendre compte combien était insupportable la situation d’un justiciable qui a obtenu de légitimes dommages et intérêts et qui ne peut pas accéder à son indemnisation.

Plusieurs dispositions de la proposition de loi sont destinées à améliorer l’exécution des décisions civiles.

La première donne au juge, saisi d’un litige en droit de la consommation, la faculté de mettre à la charge du débiteur qui refuse de s’acquitter spontanément de sa dette, s’il s’agit d’un professionnel, l’intégralité des frais de l’exécution forcée.

Une partie des frais d’huissier est en effet actuellement à la charge du créancier – cela n’a pas toujours été vrai –, ce qui s’avère dissuasif pour celui qui doit recouvrer une créance d’un faible montant. Bien souvent, les professionnels, qui sont parfaitement solvables, profitent de ces dispositions pour refuser de payer en comptant sur le découragement de leur adversaire. Les dispositions proposées devraient les inciter à s’acquitter spontanément de leur dette.

La proposition de loi permet ensuite aux huissiers de justice, pour l’accomplissement de leurs seules missions de signification, d’accéder aux dispositions d’appel et aux boîtes à lettres particulières des immeubles à usage d’habitation. Là aussi, le praticien que je suis pourrait vous donner de multiples exemples qui se sont avérés catastrophiques pour un certain nombre de justiciables.

La signification d’une décision de justice constitue en effet la condition permettant au créancier d’en poursuivre l’exécution forcée, le point de départ du délai d’appel contre la décision et une modalité d’information du débiteur sur les voies de recours dont il dispose. Il paraît donc essentiel que les huissiers de justice puissent s’acquitter effectivement de cette mission.

Je dois vous préciser que le Sénat avait déjà voté des dispositions analogues lors de l’examen du texte qui est devenu la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Mais le Conseil constitutionnel les avait censurées au motif qu’elles étaient dépourvues de tout lien avec cette réforme.

La proposition de loi améliore également l’accès des huissiers de justice aux informations nécessaires à l’exécution des titres exécutoires – décisions de justice et actes notariés, essentiellement – en supprimant le filtre actuel du procureur de la République.

Ces informations portent sur l’adresse du débiteur, celle de son employeur et les organismes auprès desquels un compte est ouvert au nom du débiteur, à l’exclusion de tout autre renseignement.

Le filtre du procureur de la République alourdit la tâche des magistrats du parquet, ralentit l’exécution des titres exécutoires et ne paraît pas indispensable, compte tenu du caractère limité du contrôle opéré par l’autorité judiciaire et de la qualité d’officier public et ministériel de l’huissier de justice. De plus, cette disposition n’est pas appliquée dans tous les cas, puisqu’un certain nombre de mesures dispense de ce filtre dans divers domaines.

La proposition de loi prévoit, en outre, la ratification de l’ordonnance du 21 avril 2006 réformant la saisie immobilière, qui a permis de moderniser une procédure, jusque-là très particulière, dont la lenteur, la complexité et le coût étaient unanimement dénoncés.

Enfin, elle permet au procureur de la République de requérir directement la force publique pour faire exécuter les décisions de justice rendues sur le fondement des instruments internationaux et communautaires relatives au déplacement illicite international d’enfants, en particulier de la convention de La Haye de 1980.

On recense, chaque année, entre 250 et 300 affaires de déplacements illicites internationaux d’enfants, dont une centaine concerne des enlèvements d’enfants de l’étranger vers la France.

Majoritairement requérante dans le traitement de ces affaires, la France ne saurait exiger des autres États l’exécution des décisions de retour d’enfants sur son territoire si elle n’assure pas elle-même l’exécution de ses propres décisions.

Si elle doit constituer un ultime recours, l’intervention de la force publique peut apparaître nécessaire dans certaines circonstances, à condition d’être vigilant quant aux modalités selon lesquelles elle s’exerce. À cet égard, il paraît singulier qu’en matière civile le procureur de la République soit tenu de passer par l’intermédiaire du préfet, alors qu’il peut directement requérir la force publique pour l’exécution d’une décision pénale. Les dispositions proposées comblent cette lacune et unifient notre droit.

La redéfinition de l’organisation et des compétences des juridictions constitue le deuxième axe de réforme de la proposition de loi.

Les dispositions proposées reprennent toutes des recommandations de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard, qui m’ont paru pertinentes et, surtout, consensuelles, notamment auprès des professionnels et des associations de consommateurs.

Elles prévoient de regrouper le contentieux de l’exécution mobilière devant le juge de l’exécution du tribunal d’instance, qui deviendrait également compétent en matière de surendettement et de rétablissement personnel, et le contentieux de l’exécution immobilière ou quasi immobilière devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance, ce dernier devant nécessairement, aux termes du texte que j’avais proposé, être un juge de l’exécution du tribunal d’instance. La commission reviendra sur cette mesure qui me paraissait souhaitable. J’avoue ne pas y voir d’inconvénient majeur.

Il est également prévu de transférer aux huissiers de justice la compétence actuellement dévolue aux greffiers en chef des tribunaux d’instance pour la mise en œuvre, généralement à la demande de ceux qui prétendent avoir une vocation successorale, des mesures conservatoires après un décès, telles que l’apposition des scellés.

Ces dispositions prévoient, en outre, de conférer au notaire une compétence exclusive pour le recueil du consentement des membres d’un couple désirant bénéficier d’une procréation médicalement assistée avec recours aux gamètes d’un tiers, alors que cette compétence est actuellement partagée avec le président du tribunal de grande instance ou son délégué.

Il s’agit, enfin, de décharger les greffiers en chef des tribunaux d’instance de leur tâche de recueil du consentement à l’adoption, qu’ils partagent actuellement avec les notaires, les agents diplomatiques ou consulaires français et les services de l’aide sociale à l’enfance, étant précisé que le tarif actuel des notaires est d’un peu plus de 25 euros.

La commission des lois a repris toutes ces dispositions, à l’exception de celle qui prévoyait la déjudiciarisation du recueil du consentement à une procréation médicalement assistée.

J’en suis quelque peu surpris, car le rôle du juge se borne à informer les membres du couple des conséquences de leur décision, alors qu’en matière d’accueil d’embryon ou de don d’organe, par exemple, il est chargé de délivrer une autorisation.

Il me semblait donc possible de tirer la conséquence de cette différence. Toutefois, je prends acte de la décision de la commission. Pour ma part, c’est un point de divergence – il en fallait bien un ! – avec la commission et son rapporteur.

Enfin, après en avoir discuté avec leurs représentants, il m’a paru nécessaire de rénover les conditions d’exercice de certaines professions réglementées, en prévoyant : de renforcer la valeur probante des constats établis par les huissiers de justice, commis par justice ou à la requête de particuliers ; de soumettre les huissiers de justice et les notaires en exercice à une obligation de formation continue, qui s’impose déjà aux avocats ; de donner aux huissiers de justice et aux greffiers des tribunaux de commerce la possibilité, déjà reconnue aux notaires, d’exercer leur profession en qualité de salariés ; de permettre aux greffiers des tribunaux de commerce de créer des sociétés de participations financières de professions libérales, c’est-à-dire des de sociétés d’exercice libéral ; de consacrer la possibilité, pour les huissiers de justice et les notaires, de constituer des syndicats professionnels et, pour ces derniers, de participer aux négociations collectives avec les organisations représentatives des personnels des études, conformément à une jurisprudence du Conseil d’État qui date de 2005 ; enfin, de réformer le régime disciplinaire applicable aux huissiers de justice sur le modèle des dispositions prévues en 2004 pour les notaires.

Le champ de cette énumération peut paraître assez vaste. Il est vrai qu’à partir de quelques articles, cette proposition de loi a eu tendance à faire en quelque sorte « boule de neige ». Il s’agissait, avant tout, de répondre aux demandes des professions concernées et de s’adapter aux évolutions de la société, comme à la réforme de la carte judiciaire.

Je me réjouis que la commission des lois les ait non seulement reprises mais aussi étendues, notamment aux commissaires-priseurs judiciaires, et j’approuve les aménagements dont elles ont fait l’objet.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le bon fonctionnement du service public de la justice, auquel la commission des lois du Sénat porte une attention constante, implique de faciliter l’accès à la justice et au droit, d’accroître la célérité des juridictions, d’assurer la qualité de leurs décisions et de rendre leur exécution effective.

Les dispositions présentées par notre collègue Laurent Béteille, auquel je tiens, au nom de notre commission, à rendre hommage, apportent une pierre de plus à ce vaste chantier. Aussi la commission des lois y a-t-elle très largement souscrit, sous réserve de plusieurs aménagements et compléments, sur lesquels je concentrerai mon propos.

Sur deux points seulement, les dispositions de la proposition de loi n’ont pas été reprises dans le texte qui vous est soumis.

Tout d’abord, la commission n’a pas retenu celles qui interdisent d’apporter la preuve de l’inexactitude d’un constat d’huissier établi contradictoirement entre les parties.

Elle juge légitime, compte tenu de la qualité d’officier public et ministériel des huissiers de justice, de prévoir qu’en matière civile les constats qu’ils établissent font foi jusqu’à preuve contraire. Telle est d’ailleurs la pratique suivie par les juges.

En revanche, il lui a semblé excessif d’interdire à celui ou à celle qui, impressionné par la présence et le statut de l’huissier de justice, et privé le plus souvent de la présence d’un conseil, n’a pas osé formuler des réserves au moment de l’établissement du constat de rapporter par la suite la preuve contraire par témoin.

Ensuite, la commission n’a pas non plus jugé souhaitable de conférer au notaire une compétence exclusive pour le recueil du consentement des membres d’un couple désirant bénéficier d’une procréation médicalement assistée avec recours aux gamètes d’un tiers.

Sans doute, et Laurent Béteille l’a fait valoir, le rôle du juge se borne-t-il à délivrer une information et non, comme en matière d’accueil d’embryon, une autorisation.

Toutefois, le recours à la procréation médicalement assistée emporte de lourdes conséquences, puisque la filiation de l’enfant à l’égard des deux membres du couple ne pourra pas être remise en cause. Leur consentement doit donc être parfaitement éclairé et entouré d’une certaine solennité.

J’ajoute que le rôle actuel des juges est apprécié tant par les intéressés que par les couples qui se présentent devant eux. Il ne paraît donc pas opportun de le remettre en cause.

Les autres dispositions de la proposition de loi ont toutes été reprises, sous réserve de modifications souvent peu substantielles.

Les principaux aménagements dont elles ont fait l’objet concernent la répartition du contentieux de l’exécution.

Afin d’éviter de désorganiser les juridictions, la commission a ainsi supprimé l’obligation de confier les fonctions de juge de l’exécution du tribunal de grande instance à un juge de l’exécution du tribunal d’instance. Ces fonctions resteraient dévolues au président du tribunal de grande instance, qui pourrait les déléguer aux magistrats du siège de son choix, qu’ils soient ou non juges d’instance.

Pour ne pas pénaliser ou inquiéter inutilement les praticiens du code du travail, la commission a également souhaité maintenir dans ce code la mention de la compétence du juge de l’exécution du tribunal d’instance en matière de saisie des rémunérations.

De même, afin de lever les interrogations qu’avait pu faire naître la rédaction de la proposition de loi, il est apparu souhaitable de rappeler que le contentieux de l’exécution immobilière ou quasi immobilière n’obéit pas aux mêmes règles d’assistance et de représentation que le contentieux de l’exécution mobilière : compte tenu de sa technicité et de ses enjeux financiers, la constitution d’avocat y est, en principe, obligatoire.

Enfin, en concertation avec les professionnels concernés, les dispositions relatives aux conditions d’exercice des professions d’huissier de justice et de notaire ont fait l’objet de précisions ou d’actualisation, et certaines d’entre elles ont été étendues aux greffiers des tribunaux de commerce et aux commissaires-priseurs judiciaires.

J’en viens aux trois principaux compléments ajoutés par la commission des lois au texte présenté par notre collègue Béteille.

Si le premier n’a fait l’objet d’aucune contestation en commission, il me semble avoir compris qu’il a suscité un certain émoi au sein de la profession d’huissier de justice. De quoi s’agit-il ?

Comme vous le savez, un logement destiné à la location doit faire l’objet d’un état des lieux lors de la remise et de la restitution des clés.

En principe, cet état des lieux est établi contradictoirement par les parties. À défaut, il est réalisé par huissier de justice, sur l’initiative de la partie la plus diligente et à frais partagés par moitié.

La commission des lois a souhaité favoriser la réalisation d’états des lieux amiables entre les propriétaires de logements et leurs locataires en prévoyant : d’une part, que l’état des lieux est, en principe, dressé par les parties contradictoirement, amiablement et sans frais pour le locataire ; d’autre part, qu’en cas d’intervention de l’huissier de justice à la demande d’une seule partie sans l’accord de l’autre, le coût de l’état des lieux est intégralement supporté par le demandeur de l’acte. Je ne vois là rien de choquant.

Les deux autres compléments retenus par la commission des lois consistent à instituer une procédure participative de négociation assistée par avocat et à organiser la fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle.

Ces points ont suscité, c’est vrai, davantage de débats, à la fois sur la méthode et sur le fond.

Trois arguments principaux, dont je m’empresse de vous dire qu’aucun ne me paraît convaincant, ont été avancés pour contester l’insertion de ces dispositions dans la proposition de loi, indépendamment de toute considération de fond.

D’abord, elles seraient dépourvues de tout lien avec l’objet de la proposition de loi présentée par Laurent Béteille.

Le seul intitulé de la proposition de loi atteste du contraire. La profession d’avocat constitue une profession réglementée, et non la moindre, qui apporte un concours décisif au bon fonctionnement du service public de la justice.

Ensuite, les décisions prises par la commission seraient précipitées, irréfléchies.

Il n’en est rien.

La fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle est envisagée depuis plusieurs années. Les instances représentatives de ces professions, qui en ont souvent délibéré, ont approuvé ce projet.

Les textes, qui ont fait l’objet de longues discussions, sont prêts depuis plusieurs mois. Ils m’ont été communiqués par les représentants du Conseil national des barreaux et de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, lors de leur audition par la commission des lois.

Personne ne peut donc, de bonne foi, se dire pris au dépourvu !

Je rappelle que la procédure participative de négociation assistée par avocat est déjà pratiquée par certains cabinets, à l’exemple des cabinets anglo-saxons, et que la commission sur la répartition des contentieux, présidée par M. Serge Guinchard, a proposé, avant l’été 2008, de lui donner un cadre légal et sécurisé.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

En outre, l’écrasante majorité des professionnels, avocats et magistrats notamment, y est favorable, comme un certain nombre de mes collègues et moi-même avons eu l’occasion de le vérifier au cours des auditions auxquelles la commission des lois a procédé.

Sans doute le texte adopté par la commission des lois est-il perfectible. Est-ce pour autant une raison pour le rejeter ? N’est-ce pas précisément le rôle de la navette parlementaire, puisque ce texte fera l’objet d’une deuxième lecture, que de contribuer à l’améliorer ?

Enfin, la portée des réformes proposées serait telle qu’elles ne pourraient résulter d’un amendement, voire d’une initiative parlementaire. Cet argument me semble pour le moins contestable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Devrions-nous, parlementaires, tous autant que nous sommes, nous interdire de déposer des amendements, voire des propositions de loi, ayant pour objet une réforme substantielle, au motif que nous serions incapables de la concevoir et nos collègues de la comprendre ?

Il serait pour le moins paradoxal, alors que nous avons révisé la Constitution au mois de juillet dernier pour renforcer les pouvoirs du Parlement, de nous interdire de prendre des initiatives législatives.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Le présent texte est même, pour nous, l’occasion d’expérimenter la future procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Sur le fond, l’institution d’une procédure participative de négociation assistée par avocat est destinée à faciliter le règlement amiable des litiges.

En l’état actuel du droit, les parties qui entendent régler à l’amiable le litige qui les oppose ne disposent, en dehors de la médiation et de la conciliation, d’aucun autre cadre sécurisé pour la négociation de solutions transactionnelles. En cas d’échec de leurs pourparlers, la procédure judiciaire est conduite comme si aucun échange préalable n’avait eu lieu. En d’autres termes, il faut tout recommencer à zéro, avec les délais que vous imaginez !

La procédure que la commission des lois vous propose s’inspire du droit collaboratif qui est en vigueur dans un certain nombre de pays, où elle connaît un réel succès. Cette procédure serait la suivante. La négociation serait facultative. L’état et la capacité des personnes étant indisponibles, la commission des lois a prévu, après une réflexion approfondie, qu’aucune convention de procédure participative ne pourrait être passée en la matière, du moins dans un premier temps. Pour ce qui est du divorce, la commission a souhaité s’en tenir aux règles introduites par la loi du 26 mai 2004, qui a déjà considérablement simplifié les procédures quand existe un accord entre les parties. Pendant le déroulement de la négociation, la saisine de la juridiction serait impossible. Un accord, même partiel, pourrait être soumis à homologation judiciaire, afin de garantir le respect du droit et l’équilibre entre les parties. En cas d’échec de la procédure participative, une saisine simplifiée de la juridiction permettrait un traitement accéléré de l’affaire, ce qui paraît intéressant. Enfin, et ce n’est pas la moindre des choses, pour que tout justiciable puisse bénéficier de la procédure participative, le recours à celle-ci ouvrirait droit à l’aide juridictionnelle.

Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès, dit l’adage.

La procédure participative que la commission des lois propose d’instituer devrait permettre de concilier le respect du droit, l’intervention éventuelle du juge et la rapidité dans la résolution d’un certain nombre de conflits.

Quant à la fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle – point qui a également fait couler beaucoup d’encre et qui a suscité bien des paroles –, elle constitue un instrument essentiel au service du renforcement de la compétitivité des professionnels français face à la concurrence étrangère.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

On recense un peu moins de 700 conseils en propriété industrielle, qui travaillent dans 200 cabinets, pour environ 50 000 avocats.

Ces deux professions libérales réglementées interviennent de manière à la fois concurrente et complémentaire pour l’obtention et la défense des droits de propriété intellectuelle.

Les conseils en propriété industrielle, s’ils peuvent réaliser des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé, ne peuvent pas plaider. Par ailleurs, les avocats ne disposent généralement pas des compétences techniques suffisamment pointues et doivent donc s’adjoindre les services d’ingénieurs.

Or les membres de ces deux professions ne peuvent travailler au sein d’une même structure.

Il en résulte une offre de services désunie, confuse et peu attractive pour les utilisateurs français ou étrangers, de sorte que les professionnels français ne sont guère compétitifs dans un marché fortement concurrentiel.

Les mandataires agréés allemands – l’équivalent des conseils en propriété intellectuelle – traitent ainsi environ 70 % des dépôts de brevets européens pour le compte d’entreprises japonaises et 33 % des dépôts de brevets européens pour des entreprises américaines. Seulement 3 % à 4 % de ces dépôts sont traités par des mandataires français.

Le nombre de litiges relatifs aux brevets en France est de l’ordre de 300 par an, contre 700 en Allemagne. Loin de se féliciter de ce résultat, il faut y voir la preuve qu’il s’agit d’une matière qui n’est pas traitée dans notre pays, mais qui l’est notamment en Allemagne et en Grande-Bretagne.

Or, en Allemagne, les professions de conseil en brevets et d’avocat peuvent travailler ensemble dans des structures interprofessionnelles et les conseils peuvent représenter leurs clients, voire plaider sous certaines conditions.

Un rapprochement des professions de conseil en propriété industrielle et d’avocat paraît donc souhaitable. Ses avantages seraient multiples.

Tout d’abord, il permettrait de proposer aux entreprises, au sein d’une même entité, une offre de services globale, structurée et lisible.

Ensuite, il orienterait la profession d’avocat vers de nouveaux marchés et constituerait une étape vers la création d’une grande profession du droit, aux contours de laquelle la commission présidée par M. Jean-Michel Darrois est actuellement chargée de réfléchir.

Il permettrait également aux professionnels français de faire face à la concurrence des cabinets étrangers.

Enfin, il donnerait sans doute à la France quelques atouts pour attirer la future juridiction européenne des brevets, alors que notre pays est actuellement en position de faiblesse.

Deux formes de rapprochement sont possibles : l’interprofessionnalité ou l’unification. Les représentants des professions concernées ont marqué leur préférence pour la seconde solution.

Les dispositions adoptées par la commission des lois organisent cette fusion, tout en maintenant, je le précise dès à présent, la possibilité pour les entreprises françaises qui le souhaiteraient de faire appel aux services de leurs propres salariés. La réforme proposée sur ce point me semble équilibrée, même s’il est évidemment possible, au cours de la navette parlementaire, de prévoir des garanties supplémentaires.

Tels sont les ajouts de la commission à l’excellente proposition de loi présentée par notre collègue Béteille. Sous le bénéfice de ces explications, la commission vous propose, mes chers collègues, d’adopter le texte de ses conclusions.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de remercier M. Laurent Béteille d’avoir pris l’heureuse initiative de cette proposition de loi, qui participe à l’amélioration de l’efficacité de notre justice.

Mes remerciements vont également au rapporteur, M. François Zocchetto, qui a accompli un travail particulièrement important et, en tous points, excellent.

Je veux aussi saluer le président de la commission des lois, qui a soutenu et encouragé ses collègues. Je le dis publiquement : monsieur le président Hyest, notre justice vous doit beaucoup.

Le texte qui vous est aujourd’hui soumis constitue une avancée significative dans le processus de modernisation de la justice qui a été engagé. Il a trait non seulement à l’exécution des décisions de justice, mais également aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées.

Comme l’a souligné M. le rapporteur, ce texte contribue très largement à restaurer la confiance des Français dans leur justice grâce à quatre avancées essentielles. Il améliore l’exécution des décisions rendues ; il rénove les conditions d’exercice de certaines professions réglementées ; il confirme les officiers publics ou les avocats dans leur rôle d’interlocuteurs privilégiés des personnes et des familles ; enfin, il propose l’unification des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle, créant ainsi une nouvelle dynamique pour l’offre en propriété industrielle.

Premièrement, ce texte améliore l’exécution des décisions de justice.

Ainsi, la disposition présentée à l'article 1er rétablit l’équilibre entre le consommateur et le professionnel pour le paiement des frais d’huissier.

Aujourd’hui, les frais d’exécution sont, pour partie, à la charge des créanciers. Ils sont considérés comme des honoraires et le débiteur est, a priori, réputé être dans une situation économique difficile.

Ce mécanisme est parfois choquant, notamment lorsque le débiteur est un professionnel dont la solvabilité ne fait aucun doute. On peut penser aux opérateurs de téléphonie ou d’internet, aux banques ou aux assurances, et aux professionnels de la vente à distance.

Dès lors, il est opportun de donner au juge la possibilité de mettre à la charge du professionnel condamné, au regard de l’équité ou de la situation économique de celui-ci, l’intégralité du droit de recouvrement.

Vous proposez ensuite de renforcer la force probante des constats.

Aujourd'hui, les constatations matérielles réalisées par les huissiers de justice « n’ont que la valeur de simples renseignements ». Pourtant, dans la pratique, le constat d’huissier est souvent retenu par les juridictions comme un élément de preuve important, voire décisif.

Ce texte renforce la valeur probatoire des constatations matérielles faites par les huissiers de justice. Le constat fera foi jusqu’à preuve du contraire.

Plusieurs autres mesures sont destinées à l’amélioration de la signification des actes et des procédures d’exécution.

Tout d’abord, les huissiers de justice pourront avoir accès aux boîtes à lettres des immeubles collectifs. Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui facilitera la délivrance des actes à la personne même de leur destinataire.

De manière plus générale, l’accès aux informations sera amélioré. Un huissier de justice muni d’un titre exécutoire pourra s’adresser directement aux administrations susceptibles de lui communiquer l’adresse et l’employeur du débiteur. Il n’aura plus besoin de demander l’assistance du parquet.

La réforme du juge de l’exécution s’inscrit également dans la volonté d’améliorer l’efficacité de notre justice.

La commission présidée par le recteur Guinchard a préconisé de rationaliser la répartition des contentieux entre le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance.

Le texte qui vous est aujourd'hui soumis s’inspire de ses réflexions, mesdames, messieurs les sénateurs. Le juge de l’exécution du tribunal de grande instance connaîtra des voies d’exécution les plus complexes – les immeubles, les navires et les avions –, tandis que le juge de l’exécution du tribunal d’instance sera chargé des procédures d’exécution mobilière et de surendettement.

En outre, il s’agit d’autoriser les procureurs de la République à requérir directement la force publique pour faire exécuter des décisions rendues sur le fondement de conventions internationales ou de règlements communautaires en matière de déplacement illicite d’enfants d’un État à un autre. Cette disposition mettra la France en pleine conformité avec ses engagements internationaux.

Deuxièmement, et cela constitue également une avancée importante, ce texte modernise les conditions d’exercice de plusieurs professions judiciaires et juridiques.

Ainsi, il modifie certaines dispositions statutaires. Le pouvoir disciplinaire sera confié aux chambres régionales des huissiers de justice et non plus aux chambres départementales des huissiers de justice, pour plus d’impartialité. En outre, les chambres régionales disposeront d’un pouvoir de contrôle en matière d’organisation et de fonctionnement des études. Cette proposition novatrice permettra de renforcer la déontologie de la profession.

Instance de proximité, la chambre départementale des huissiers de justice conservera un rôle important, puisqu’elle pourra dénoncer les fautes disciplinaires commises par les huissiers de justice. Cela constitue une réelle avancée en termes de proximité.

Depuis son instauration en 2004, l’obligation de formation continue pour les avocats a connu un véritable succès. Cette exigence est particulièrement nécessaire à notre époque, où les changements dans le domaine du droit sont complexes et nombreux. Il est indispensable, comme le prévoit la proposition de loi, que les notaires, les huissiers de justice, les greffiers des tribunaux de commerce et les commissaires-priseurs judiciaires y soient également soumis.

De la même manière, la faculté donnée aux huissiers de justice et aux greffiers des tribunaux de commerce d’exercer en qualité de salariés, comme peuvent déjà le faire les notaires et les avocats, sera de nature à moderniser et ouvrir ces professions.

Avec raison et sur ce même modèle, il est prévu pour les sociétés d’exercice que le nombre de salariés ne pourra pas dépasser celui des associés composant l’office. Grâce à cette précaution, ce nouveau mode d’exercice restera un outil de promotion interne.

Enfin, s’agissant des greffiers des tribunaux de commerce, il convient d’aligner leurs structures sur celles des autres professions judiciaires et juridiques. Il est souhaitable de leur ouvrir la possibilité de créer des sociétés de participation financière de professions libérales. Ainsi sera octroyé à cette profession consacrée au service public de la justice un nouvel instrument de développement.

La proposition de loi est bienvenue et très opportune, car elle permet l’expression d’une plus grande démocratie lors des négociations collectives dans ces professions. En effet, depuis 1945, les instances représentatives des huissiers de justice, des notaires et des commissaires-priseurs judiciaires disposent d’un monopole pour la négociation des conventions gouvernant les relations entre les professionnels et leurs personnels. Ce monopole n’était pas compatible avec la liberté syndicale consacrée par les conventions internationales et par le préambule de la Constitution. Le Bureau international du travail et le Conseil d’État ont eu l’occasion de le rappeler.

Il était nécessaire de traduire ces décisions. Vous le faites, mesdames, messieurs les sénateurs, en prévoyant une compétence concurrente des instances représentatives et des organisations d’employeurs, qui pourront être constituées en syndicats.

Troisièmement, ce texte renforce les missions de certaines professions judiciaires. L’article 23 a pour objet de consolider la compétence des notaires lorsqu’il s’agit de recueillir le consentement en matière d’adoption. Aujourd’hui, ce dernier peut être reçu soit par les greffiers en chef des tribunaux d’instance, soit par les notaires. Il vous est proposé de décharger les greffiers en chef des tribunaux d’instance de cette formalité, au profit des notaires.

Cette mesure est conforme aux préconisations du rapport de la commission Guinchard. Elle va décharger les tribunaux d’interventions qui n’ont pas de caractère juridictionnel, sans sacrifier les impératifs de discrétion et de sécurité juridique qui entourent un acte touchant à l’intimité personnelle et familiale.

Dans ce même esprit est confié aux huissiers de justice le soin de procéder aux mesures conservatoires s’imposant après un décès, mesures qui étaient également accomplies, jusqu’à présent, par les greffiers en chef des tribunaux d’instance. Elles consistent à apposer, si nécessaire, les scellés dans les locaux qui étaient habités par le défunt et à réaliser des états descriptifs du mobilier. Cette modification était, elle aussi, préconisée par la commission Guinchard.

Enfin, je me réjouis de l’initiative de la commission des lois, qui a décidé de mettre en œuvre la préconisation de la commission Guinchard tendant à créer une procédure participative. Cette disposition permettra à des personnes ayant un différend de le régler à l’amiable, avec l’assistance de leur avocat.

Les avocats, par leurs connaissances juridiques et judiciaires, par les conseils qu’ils donnent et par leurs qualités de rédacteurs d’actes juridiques, peuvent éviter bien des actions en justice.

La convention de procédure participative apportera à ces professionnels un cadre adapté et sécurisant pour aider les parties à résoudre un conflit. Le juge n’interviendra qu’en cas de difficultés irréductibles. Dès sa conclusion, la convention suspendra le cours de la prescription pendant toute la durée de la négociation. Ce texte répond ainsi à la préoccupation que vous aviez exprimée, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre de l’élaboration de la loi portant réforme de la prescription en matière civile. Certains ont pu craindre que la procédure participative puisse empiéter sur le domaine de l’acte authentique. Ce n’est nullement le cas.

Les conclusions de la commission Guinchard ont été claires sur ce point. Je confirme que le texte qui vous est soumis ne s’écarte pas de ces conclusions. Il ne saurait y avoir place à l’incertitude ou à l’ambiguïté et les règles régissant la publicité foncière s’appliqueront aux actes résultant de l’accord dans les conditions du droit commun.

Je suis convaincue que ce dispositif est promis à un grand avenir. C’est une nouvelle opportunité offerte à la profession d’avocat et un outil dont le succès permettra d’apaiser les conflits et de recentrer l’activité des juridictions sur ceux qui sont les plus difficiles à résoudre.

Enfin, quatrièmement, je suis favorable à la proposition de fusion entre les avocats et les conseils en propriété industrielle. Aujourd’hui, les deux professions, bien que complémentaires, sont juridiquement incompatibles. Afin de créer une synergie en matière de propriété intellectuelle, leurs représentants appelaient de leurs vœux une unification, que vous allez réaliser.

Une telle réforme est de nature à renforcer l’efficacité du service en propriété industrielle dans un contexte international où ce marché est fortement concurrentiel. J’ai entendu des craintes s’exprimer. Je tiens à vous le dire, elles ne sont pas fondées.

En premier lieu, les dispositions relatives à la formation ont été mûrement réfléchies. Des passerelles ont été créées pour ne pas décourager les jeunes ingénieurs par des études qui seraient excessivement longues, tout en gardant une exigence de formation juridique adaptée.

En deuxième lieu, les dispositions ne font aucunement obstacle à ce que des salariés spécialistes en propriété industrielle continuent de représenter leur entreprise en matière de dépôt de brevets et de marques. Elles ne font pas non plus obstacle aux allers-retours entre un exercice libéral et un exercice salarié.

En troisième lieu, les entreprises ne doivent pas s’inquiéter de la qualité des prestations fournies. La mention de spécialisation jouera tout son rôle pour éclairer les clients sur les compétences de ceux auxquels ils s’adressent.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les propositions que vous allez adopter recueillent la pleine adhésion des professionnels du droit. Ils savent qu’elles sont de nature à renforcer la qualité des services qu’ils offrent.

Pour l’essentiel, ces améliorations bénéficieront directement à nos concitoyens.

Le Gouvernement est très favorable à l’ensemble des dispositions qui sont proposées. Je souhaite à nouveau rendre hommage au travail remarquable effectué par le président Hyest et par MM. Béteille et Zocchetto, guidés par une très haute idée du service public de la justice.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – M. Jean Milhau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Madame la présidente, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le bon fonctionnement du service public de la justice est une exigence démocratique qui répond à une attente forte et unanime de nos concitoyens. Les Français veulent une justice plus efficace.

Une justice plus efficace, c’est une justice plus rapide, plus simple, plus lisible, qui répond mieux à leurs besoins et fait respecter les décisions qu’elle rend.

C’est également une justice qui accompagne les mouvements de la société et qui donne tout son sens à l’intervention du juge. En effet, comme l’indique le rapport de la commission Guinchard, la mission du juge doit être « recentrée sur ce qui constitue le cœur de sa double fonction juridictionnelle : trancher les litiges qui ne peuvent être résolus autrement, mais aussi dire le droit ».

Une justice plus efficace, c’est, enfin, une justice accessible, orientée vers la satisfaction des besoins des justiciables, qui place la personne au cœur de l’institution judiciaire.

En près de cinquante ans, la nature des contentieux et la façon dont le besoin de justice est ressenti ont profondément évolué. La répartition des contentieux entre les juridictions du premier degré et les règles de procédure induites par cette organisation doivent être simplifiées. Il convient donc, comme la commission des lois l’a souligné à diverses reprises, non seulement de renforcer les moyens des juridictions et des auxiliaires de justice, mais également de redéfinir le périmètre et les conditions d’exercice de leurs missions.

Le chantier est vaste mais bien engagé. Aujourd’hui, on assiste, en effet, à un mouvement positif pour ce qui concerne l’exécution des décisions de justice et l’amélioration du fonctionnement de l’ensemble des maillons de la chaîne.

Dès sa constitution, le Gouvernement a engagé une profonde réforme de notre système judiciaire afin de mieux protéger les Français et de conforter la place des victimes dans ce système.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

La volonté légitime d’améliorer l’efficacité de notre justice est également une préoccupation majeure et constante du Parlement, à laquelle la commission des lois du Sénat accorde une attention toute particulière.

La proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille qui nous est aujourd’hui soumise apporte une nouvelle pierre à ce vaste chantier. Elle poursuit trois objectifs majeurs et ambitieux.

Tout d’abord, elle tend à améliorer l’exécution des décisions de justice. Ensuite, elle vise à redéfinir l’organisation et les compétences des juridictions en reprenant plusieurs recommandations formulées par la commission Guinchard. Enfin, elle a pour objet de rénover les conditions d’exercice de certaines professions réglementées, auxiliaires indispensables du service public de la justice.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des mesures que comporte ce texte et qui ont été fort bien présentées par M. Béteille. Ces dispositions nous paraissent particulièrement utiles dans la mesure où elles facilitent les procédures et améliorent le fonctionnement de la justice, dans l’intérêt de toutes les parties.

Je souhaite axer mes propos sur les deux réformes majeures que nous soumet aujourd’hui la commission, sur l’initiative de M. le rapporteur, réformes qui intéressent les avocats.

La première d’entre elles consiste à instaurer une procédure participative de négociation assistée par avocat, proposition qui a été formulée par la commission Guinchard. Il s’agit d’une formidable innovation introduite dans notre système juridique et judiciaire dans lequel les parties à un différend ne sont pas incitées à négocier et préfèrent souvent, par réflexe, aller en justice.

Cette procédure s’inspire directement de la pratique nord-américaine dite du « droit collaboratif » qui a connu un fort développement depuis une quinzaine d’années aux États-Unis, où il est né, et a fait une percée remarquable en Europe. Face à l’ampleur du phénomène, des avocats français ont pris l’initiative, depuis plusieurs années, de recourir à des processus collaboratifs dans le cadre de contentieux familiaux.

Une telle procédure présente la particularité de reposer sur une charte collaborative qui oblige non seulement les parties au litige, mais également leurs avocats, à tout mettre en œuvre pour aboutir à une solution consensuelle.

Les membres du groupe UMP soutiennent cette réforme novatrice qui constitue, en raison de la convention formalisée et de son articulation avec le système judiciaire, un cadre juridique prévisible et sécurisant pour les parties, incitant ces dernières à résoudre leur litige à l’amiable, avec l’assistance de leurs avocats.

Cette procédure permettra, en outre, une évolution profonde de la profession d’avocat dans le souci de l’intérêt des parties. En effet, les avocats impliqués dans une procédure participative auront un rôle d’impulsion dans la recherche d’une solution amiable en vue d’éviter le procès. Dès lors, cette profession pourra occuper la place qui lui revient dans le champ de la négociation des conflits au côté de l’institution judiciaire.

La seconde réforme qui nous est aujourd’hui proposée consiste à organiser la fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle. Il s’agit, là aussi, d’une réforme moderne, ambitieuse. Je tiens à féliciter M. le rapporteur de cette excellente initiative.

Cette réforme a été pensée dans l’intérêt non seulement des citoyens, mais aussi de l’ensemble des professionnels qui interviennent en matière de propriété intellectuelle. Elle constitue un instrument essentiel au service du renforcement de la compétitivité des professionnels français face à la concurrence étrangère.

Je tiens à souligner, comme l’a dit M. le rapporteur, que cette fusion est souhaitée non seulement par le Conseil national des barreaux et par la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, qui y travaillent depuis de longs mois, mais également par une très large majorité des membres de ces deux professions.

Quelle est la situation actuelle ? En matière de propriété intellectuelle, les avocats et les conseils en propriété industrielle interviennent de manière à la fois concurrente et complémentaire pour l’obtention et la défense des droits de propriété intellectuelle. Toutefois, les conseils en propriété industrielle ne peuvent plaider, ce qui pourrait pourtant s’avérer particulièrement utile dans le domaine des brevets où les avocats n’ont pas la formation technique qui s’impose et sont donc obligés de s’adjoindre le soutien d’un conseil en propriété industrielle.

De leur côté, certains avocats, sous l’influence essentiellement des cabinets anglo-saxons, sont de plus en plus actifs dans le domaine de la propriété intellectuelle et concurrencent directement les conseils en propriété industrielle.

Il en résulte une offre de services désunie, confuse et peu attractive pour les utilisateurs français ou étrangers, de telle sorte que les professions ne sont guère compétitives dans un marché fortement concurrentiel.

Certains chiffres rappelés par M. Zocchetto dans son rapport sont, de ce point de vue, particulièrement éloquents : les mandataires agréés allemands traitent environ 70 % des dépôts de brevets européens pour le compte d’entreprises japonaises et 33 % des dépôts de brevets européens pour le compte d’entreprises américaines ; 3 % à 4 % seulement de ces dépôts sont soumis à des mandataires français. Le nombre de litiges relatifs à des brevets est de l’ordre de 300 par an en France, alors qu’il s’élève à 700 en Allemagne.

Face à cette situation, un rapprochement des professions de conseil en propriété industrielle et d’avocat est très souhaitable et comporte de multiples avantages. Cette fusion permettra de fournir aux entreprises, au sein d’une même entité, une offre de services globale et structurée, plus lisible pour les utilisateurs. Elle permettra également aux professionnels français de faire face à la concurrence des cabinets étrangers et favorisera la promotion de la filière française à l’étranger.

Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe UMP sont très favorables à cette fusion, qui contribuera à dynamiser la recherche et le développement, à créer une véritable culture de la propriété intellectuelle au sein des entreprises, tout en donnant à la France des atouts pour attirer la future juridiction européenne des brevets.

Au total, cette proposition de loi nous permet de franchir une nouvelle étape en faisant en sorte que notre justice soit plus efficace, plus moderne et plus proche des justiciables.

D’autres étapes, tout aussi importantes, nous attendent demain afin, notamment, de transcrire dans notre ordre juridique interne les règles pénitentiaires européennes et d’accorder toute sa place aux impératifs d’insertion et de réinsertion à la sortie de prison. À cet égard, nous nous félicitons de la discussion prochaine du projet de loi pénitentiaire que nous appelons de nos vœux.

Soyez assurée, madame le garde des sceaux, de notre ferme détermination à contribuer, à vos côtés, à l’amélioration du fonctionnement de notre justice.

Pour l’ensemble de ces raisons et sous réserve de ces observations, les membres du groupe UMP du Sénat adopteront les conclusions de la commission des lois sur l’excellente proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si nous saluons le travail de l’auteur de la proposition de loi, M. Laurent Béteille, tout comme celui, important, qui a été accompli par M. le rapporteur, nous nous sentons néanmoins autorisés à exprimer quelques divergences sur une partie des dispositions proposées.

Certes, nous sommes favorables à l’initiative parlementaire, dont le développement illustre l’évolution que nous appelons de nos vœux pour le Parlement, mais le rôle d’une proposition de loi n’est pas nécessairement d’éviter d’éventuelles ordonnances gouvernementales !

Une première question se pose : l’esprit de simplification et la recherche d’une codification synthétique sont-ils compatibles avec des textes qui ont l’apparence d’un patchwork, tant leurs articles, très disparates, ne sont peut-être reliés, et encore partiellement, que par une volonté de « déjudiciarisation » ?

Ce texte comporte une série de mesures qui mettent en cohérence ou font évoluer dans le bon sens les professions du droit. Certaines sont tout à fait positives, en ce qui concerne l’exécution des décisions de justice, la signification des actes et des procédures d’exécution, l’harmonisation du contentieux du juge de l’exécution, l’obligation de formation continue ou le salariat des professions réglementées. Nous sommes tout à fait sensibles à ces évolutions.

Toutefois, un texte d’apparence anodine emporte souvent des conséquences importantes pour le citoyen, l’inverse étant vrai aussi, d'ailleurs.

Cette proposition de loi comporte également des mesures nouvelles, apparues soudainement. Nous pouvons d'ailleurs nous interroger sur leur arrivée inopinée dans ce texte, même si celle-ci est acceptable dans le cadre de l’initiative parlementaire. Il s'agit, en particulier, de deux éléments fondamentaux : d'une part, la fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle ; d'autre part, la convention de procédure participative.

Quel rapport y a-t-il entre ces deux dispositions, qui sont apparues lors de l’examen en commission, et l’intitulé de la proposition de loi sur l’exécution des décisions de justice ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Celle-ci porte également sur « les conditions d’exercice de certaines professions réglementées » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je vous avoue, monsieur le rapporteur, que je ne le vois pas clairement ! Vous vous êtes livré à un exercice intellectuel très intéressant, mais qui, vous le comprendrez, ne nous a pas vraiment convaincu.

Les dispositions, qui, selon nous, posent problème, suivent en général un fil conducteur : elles découlent d’une politique de « déjudiciarisation » qui vise, comme certains de nos collègues l’ont souligné, à désengorger les tribunaux en situation d’asphyxie en éloignant le citoyen du magistrat.

Par exemple, l’huissier ne devra plus recourir au parquet pour enquêter sur la situation des débiteurs, parce que les procureurs n’ont pas de temps à consacrer à cette procédure.

Le greffe d’instance se voit éliminé du consentement à adoption, au profit des notaires, qui ont déjà pourtant du mal à assumer leur tâche dans toute leur ampleur et qui ne revendiquent pas sérieusement ce monopole. C’est donc bien d’une volonté de « déjudiciarisation » qu’il s’agit.

Quant à la convention de procédure participative, qui est présentée comme une innovation d’une importance cardinale, qu’apporte-t-elle par rapport au droit actuel ? Les articles 2044 et suivants du code civil, qui vont être complétés, visent déjà la transaction. De même, aux termes de l’article 1441-4 du code de procédure civile, le juge auquel on présente une transaction peut déjà donner à celle-ci un titre exécutoire.

La transaction existe donc dans notre droit. Le problème, c’est qu’elle n’est pas suffisamment utilisée. Quant à la conciliation, elle figure déjà dans le code de procédure civile, qui enjoint au juge de concilier les parties chaque fois qu’il le peut.

Je rappellerai également que la procédure de requête conjointe, elle aussi, existe déjà dans notre droit, même si elle n’est sans doute pas assez employée : aux termes des articles 57 et 793 du code de procédure civile, deux parties peuvent présenter une telle requête devant le président du tribunal de grande instance.

On nous a affirmé au cours des auditions devant la commission qu’il s’agirait de résoudre les petits litiges, alors même que le juge de la conciliation sans frais est le tribunal d’instance. Mais dans ce cas, pourquoi avoir créé le juge de proximité ? S’agit-il d’une mesure de compensation pour les petits barreaux à la suite de la réforme de la carte judiciaire et de la création de pôles d’instruction qui sont parfois éloignés de plus de cent cinquante kilomètres du siège du tribunal de grande instance ?

Madame la ministre, mes chers collègues, préserver les droits de ceux qui sont les plus fragiles, maintenir la place de la justice dans la prévention et le règlement des litiges, donner les moyens nécessaires à une justice de qualité : telles sont nos préoccupations.

Selon certains, cette réforme viserait à inciter les avocats à résoudre les problèmes sans recourir à la procédure civile. Toutefois, pour avoir exercé cette honorable profession pendant presque quarante ans, je suis convaincu que la majorité de ces auxiliaires de justice s’efforcent déjà de trouver des solutions amiables et transactionnelles aux litiges, et qu’ils continueront de le faire !

En conclusion, au lieu de sortir le traitement des contentieux du palais de justice, ne serait-il pas plus sage de donner aux magistrats et aux greffes les moyens nécessaires ? Une justice plus efficace, c’est une justice qui a les moyens de ses ambitions !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureux d’intervenir aujourd’hui devant notre assemblée, au nom du groupe socialiste, au sujet de la proposition de loi, déposée par M. Laurent Béteille, relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées.

En effet, le sénateur que je suis souhaiterait que le Parlement puisse davantage proposer et voter les textes de loi.

La proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui est a priori relativement consensuelle, même si quelques aménagements doivent y être apportés, dont je vous exposerai les motivations et le contenu dans la suite de mon intervention.

Cependant, j’ai tout de même une interrogation à formuler : de quel texte, de quelle proposition de loi débattons-nous aujourd’hui ?

Est-ce la proposition de loi déposée par notre collègue Laurent Béteille le 15 octobre dernier, ou bien ce texte tel qu’il a été adopté par la commission des lois le 14 janvier dernier ?

Si j’émets cette interrogation aujourd’hui, c’est tout simplement parce que le rapporteur de ce texte, M. François Zocchetto, a introduit deux ajouts, faisant passer à plus de cinquante articles un texte qui en comptait vingt-six au départ.

Ces additions ne sont pas anodines : elles introduisent des réformes aussi substantielles que l’instauration d’une procédure participative de négociation assistée par avocat, à l’article 31, ou que l’organisation de la fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle, aux articles 32 à 50.

Ce sont là deux véritables nouvelles propositions de loi, et les délais pour l’examen de telles réformes sont bien évidemment trop courts.

En outre, monsieur le rapporteur, comme l’a souligné lors des travaux de la commission notre collègue Richard Yung, il convenait d’attendre les conclusions de la commission présidée par M. Jean-Michel Darrois avant de se prononcer sur la fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle, d’autant que cette proposition est extrêmement controversée et que les auditions à ce sujet n’ont pas été menées à leur terme, les usagers de la propriété industrielle, les représentants des entreprises ou encore les avocats spécialistes n’ayant pas été entendus.

C’est pourquoi, mes chers collègues, sans même entrer dans le détail des dispositions ajoutées par la commission des lois, sur proposition de M. le rapporteur, je vous indique que le groupe socialiste s’opposera à l’adoption des articles 31 à 50, pour lesquels il présentera des amendements de suppression.

Si j’ai commencé mon propos en me félicitant d’une discussion relative à une proposition de loi qui comporte – il faut le souligner, et je vais le démontrer – de nombreuses mesures utiles et relativement consensuelles, force est de constater que mon relatif engouement s’est rapidement estompé pour laisser place à une certaine déception.

C’est le cas, notamment, quand la niche parlementaire est dévoyée pour faire passer des réformes qui, à elles seules, mériteraient un texte de loi, ce qui décrédibilise l’initiative parlementaire !

À cet égard, nous pouvons nous interroger sur les motivations qui ont conduit notre rapporteur à faire d’une proposition de loi consensuelle un texte complètement différent, par l’ajout de ce qui aurait donné matière à deux nouvelles propositions de loi.

Mon groupe et moi-même sommes très attachés à l’initiative parlementaire. Je me contenterai donc aujourd’hui de débattre de la proposition de loi initiale de notre collègue Laurent Béteille.

Ce texte a pour objet de compléter les différentes réformes entreprises par le Gouvernement et le Parlement depuis 2007 et tendant à améliorer l’exécution des décisions de justice, à redéfinir l’organisation et les compétences des juridictions et à rénover les conditions d’exercice de certaines professions réglementées, comme les notaires, les huissiers de justice ou les greffiers des tribunaux de commerce.

Les dispositions de la présente proposition de loi sont tout à fait positives, tant le bon fonctionnement du service public de la justice constitue le maillon indispensable du bon fonctionnement de notre démocratie.

Certes, la question des moyens se pose naturellement et revient chaque année en discussion lors de l’examen de la loi de finances. Toutefois, au-delà de ces aspects matériels, il est des mesures simples qui peuvent contribuer à améliorer le fonctionnement de ce service public.

Les professionnels du secteur et les citoyens attendent des réformes effectives pour faciliter l’accès à la justice et au droit. Ils veulent que des réponses soient apportées et mises en œuvre rapidement.

La justice fait partie intégrante de notre vie quotidienne. Nous devons tous œuvrer à la rapprocher de nos concitoyens.

Le chantier est vaste et permanent. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui répond en partie à l’attente des professionnels concernés par ces dispositions, en même temps qu’elle prend en compte les recommandations formulées par la commission sur la répartition des contentieux, présidée par le recteur Guinchard, dans son rapport remis à Mme le garde des sceaux en juin 2008.

En ce qui concerne l’amélioration de l’exécution des décisions de justice, la proposition de loi, dans son article 1er, modifie les règles des frais d’exécution forcée en droit de la consommation, en renvoyant au juge la décision de mettre à la charge de l’entreprise, soit d’office, soit à la demande du consommateur, l’intégralité des éventuels frais d’huissier.

Grâce à ce dispositif, les professionnels seraient plus enclins à se libérer spontanément de leurs dettes. En outre, concernant les petites créances, les prêteurs sont souvent dissuadés de récupérer les sommes qu’ils ont avancées, car les frais d’huissier sont alors à leur charge.

Je souscris pleinement à ce dispositif. Toutefois, comme nos collègues du RDSE, j’aurais souhaité que le champ d’application de ces mesures soit étendu à l’ensemble des contentieux civils, et non pas limité au seul droit de la consommation. Nous voterons d'ailleurs l’amendement présenté dans cette perspective par le RDSE.

Toujours en ce qui concerne l’exécution des décisions de justice, la proposition de loi, en son article 4, tend à permettre à l’huissier porteur d’un titre exécutoire de s’adresser directement aux tiers susceptibles de lui communiquer l’adresse et l’employeur du débiteur, sans avoir à requérir l’assistance du procureur de la République, comme la loi l’y oblige actuellement.

Je comprends parfaitement que l’on veuille faciliter le travail de l’huissier de justice et accroître son efficacité, ce qui est tout à fait louable. Toutefois, notre groupe proposera la suppression de cet article, car il souhaite que le filtre du procureur de la République soit maintenu, afin d’éviter certaines dérives et la multiplication de demandes directes à destination, notamment, des collectivités territoriales.

Par ailleurs, la proposition de loi tend à redéfinir l’organisation et les compétences des juridictions et à mettre en œuvre certaines recommandations formulées par la commission Guinchard dans la seconde partie de son rapport.

Ainsi, les articles 8 et 9 visent à regrouper le contentieux de l’exécution mobilière – la saisie des rémunérations et le paiement des pensions alimentaires, notamment – devant le juge de l’exécution du tribunal d’instance.

Le contentieux de l’exécution immobilière ou quasi immobilière, comme la saisie des navires et autres bâtiments de mer, sera porté devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance.

Enfin, la proposition de loi tend à rénover les conditions d’exercice de certaines professions réglementées : les professions concernées ici sont celles d’huissier de justice, de notaire et de greffier des tribunaux de commerce.

Ainsi, l’article 2 de la proposition de loi vise à modifier l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1845 relative au statut des huissiers de justice, en renforçant la valeur probante des constats d’huissier : il est prévu que, sauf en matière pénale, où elles n’ont valeur que de simples renseignements, les constatations d’huissier font foi jusqu’à preuve contraire.

Or, comme le soulignent à juste titre les membres du RDSE, que je cite à nouveau, il convient d’être prudents, de protéger l’équilibre entre les parties et de ne pas remettre en cause les constatations contradictoires.

Les huissiers voient également le régime disciplinaire qui leur est applicable réformé aux termes de la proposition de loi. Les dispositions applicables en l’occurrence sont directement inspirées de la réforme de la discipline des notaires issue de la loi du 11 février 2004.

Ces mesures propres à la profession d’huissier marquent un progrès certain dans le statut de ces professionnels.

Les huissiers de justice, mais également les greffiers des tribunaux de commerce, auront la possibilité, déjà reconnue aux notaires, d’exercer leur profession en qualité de salariés : cette disposition permettra à l’huissier de justice d’exercer sa profession en qualité de salarié d’une étude.

Toujours pour les huissiers de justice, mais aussi pour les notaires, la proposition de loi vise à donner la possibilité aux membres de ces professions réglementées de former des associations et des syndicats professionnels.

Il y est également prévu, aux articles 13 et 17, de soumettre ces deux professions à une obligation de formation continue, étant précisé qu’une telle formation existe déjà pour les avocats.

Enfin, les greffiers des tribunaux de commerce auront la possibilité de créer des sociétés de participations financières de professions libérales.

Tels sont, mes chers collègues, les aspects positifs du texte initial proposé à la discussion aujourd’hui. Si toutes ces mesures peuvent paraître anodines, elles contribuent néanmoins à améliorer l’efficacité du service public de la justice et font entrer les professions réglementées dans une ère plus moderne et plus rationnelle.

Nous regrettons vivement que la modification substantielle de la proposition de loi initiale ne nous permette pas de nous prononcer favorablement sur le nouveau texte issu de la commission.

Une bonne et sérieuse organisation du travail parlementaire – en commission, ce matin, le mot « bâclé » a même été prononcé par certains de nos collègues – devrait nous conduire à renvoyer pour un examen plus approfondi les deux nouvelles propositions de loi que constituent l’article 31, relatif à la procédure participative de négociation assistée par avocat, et les articles 32 à 50, concernant la fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle. C’est l’objet d’amendements du groupe socialiste.

L’article 4 nous paraîtrait aussi devoir être supprimé et nous soutenons la prise en compte des amendements aux articles 1er, 2, 23 et 26 présentés par le groupe du RDSE.

Si ces observations ne sont pas prises en compte, le groupe socialiste votera contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Madame la présidente, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui appelle de nombreuses critiques, aussi bien sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, tout d’abord, je dois avouer ma surprise de constater que cette proposition de loi, qui comportait à l’origine vingt-six articles, en compte, après son passage en commission des lois, mercredi dernier, le double, à savoir cinquante-deux.

Cette méthode est critiquable, pour plusieurs raisons.

Elle prouve à quel point le travail parlementaire peine à se faire respecter : nous n’avons que quelques jours pour travailler sur une proposition de loi aux dispositions disparates et au champ d’application très vaste, ce qui n’est pas acceptable. Je connais toutefois la réponse qui me sera objectée : il a été procédé à de nombreuses auditions, et nous avons travaillé depuis très longtemps sur ces questions.

Cependant, il est également inacceptable que les propositions de loi se transforment, au fil des années, en antichambres des projets gouvernementaux : personne ne se méprend sur l’origine gouvernementale de certaines dispositions de cette proposition de loi.

Or, cela constitue un moyen habile et discret pour le Gouvernement de distiller des propositions au compte-gouttes au travers de propositions de loi déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat, tout en évitant le contrôle du Conseil d’État, qui aurait pourtant été nécessaire s’agissant de la répartition au sein des tribunaux d’instance et de grande instance – ce sur fond de réforme de la carte judiciaire – du contentieux en matière immobilière et mobilière, ou encore de la création de la procédure participative négociée par avocat.

À l’heure actuelle, des discussions ont lieu sur la réforme du règlement, à l’Assemblée nationale comme ici, au Sénat, dans le cadre du groupe de travail sur la révision constitutionnelle et la réforme du règlement. Aussi, ne prenons pas les choses à l’envers en nous réjouissant que les textes d’initiative parlementaire puissent être plus nombreux à être adoptés ! En réalité, le détournement qui est fait par le Gouvernement de l’initiative parlementaire est flagrant : fort de l’empressement de la majorité à le satisfaire, il fait adopter par le Parlement certaines de ses propositions.

J’en viens aux remarques sur le fond.

Je déplore, une fois de plus, la méthode retenue pour nous présenter les dispositions de cette proposition de loi. Le fond et la forme se rejoignent.

En effet, cette proposition de loi regroupe diverses dispositions applicables à certaines professions réglementées, elle procède à une nouvelle répartition du contentieux des juridictions civiles en matière mobilière et immobilière, mais, surtout, elle reprend quelques recommandations de la commission Guinchard sur la répartition des contentieux, dont le rapport vous a été remis, madame le garde des sceaux, le 30 juin dernier.

À cette occasion, vous annonciez « qu’un projet de loi [serait] élaboré à partir des propositions et du rapport pour être présenté à la rentrée ».

Or, depuis la rentrée, nous retrouvons plusieurs recommandations de la commission Guinchard éparpillées dans différents textes : dans la proposition de loi de notre collègue député M. Jean-Luc Warsmann, de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures, sont reprises trois d’entre elles ; dans la présente proposition de loi figurent également certaines.

Ces recommandations ont été formulées dans un projet cohérent de répartition des contentieux, et font partie d’un ensemble qu’il aurait fallu examiner, pour des raisons de pertinence, dans son intégralité.

Le rapport Guinchard ne constitue pas un catalogue dans lequel on pourrait venir piocher quelques dispositions et délaisser les autres.

Or, c’est exactement ce qui se passe, puisque, dans la proposition de loi originelle, sont reprises quatre recommandations, et que la commission des lois, après en avoir supprimé une, en a également repris une autre.

Cette méthode de travail est pour le moins contestable.

Certaines dispositions le sont également, à l’instar de la suppression du filtre du procureur de la République pour l’accès des huissiers aux informations nominatives dans le cadre de l’exécution d’un titre exécutoire.

Jusqu’à présent, un accès direct des huissiers à ces informations n’est possible que dans le cas du recouvrement des pensions alimentaires. Cette possibilité constitue une exception au principe de la protection de données à caractère personnel, puisque c’est par le seul biais du procureur de la République que l’huissier peut avoir accès à ces informations.

Dans la proposition de loi, il est prévu d’étendre cette exception à tous les cas de recouvrement de créances, autrement dit de supprimer le filtre du procureur de la République. Cela constitue une atteinte au principe de protection de la vie privée, et c’est d’ailleurs pourquoi nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 4.

Dans la proposition de loi issue des travaux de la commission, il est également prévu de déjudiciariser le recueil du consentement à l’adoption. Dans la version d’origine, il était prévu de déjudiciariser le recueil du consentement en cas de procréation médicalement assistée, ce que, heureusement, la commission des lois, dans son ensemble, a rejeté.

S’agissant de l’adoption, la déjudiciarisation serait motivée par le fait que le rôle des greffiers en chef des tribunaux d’instance se limite à vérifier le consentement éclairé des personnes qui se présentent devant eux.

Une compétence exclusive est ainsi donnée au notaire pour recueillir le consentement à l’adoption.

On nous avance l’argument selon lequel le tarif de cette procédure devant le notaire ne serait « que » de 25, 55 euros.

Cependant, ce tarif restera-t-il fixe ?

Par ailleurs, sur le principe, c’est au service public de la justice d’assurer ce service, dont l’accès est gratuit, alors qu’il deviendrait ainsi une procédure exclusivement payante, ce qui favoriserait une privatisation rampante de la justice.

Nous avons donc également déposé un amendement de suppression de cette disposition.

Enfin, deux dispositions ont été ajoutées à la dernière minute par M. le rapporteur de la commission des lois, alors qu’elles constituent pourtant des réformes importantes, et que leur présentation devant les parlementaires aurait dû prendre la forme d’un projet de loi.

La première instaure la procédure participative de négociation assistée par avocat, qui n’est autre que la recommandation n° 47 de la commission Guinchard.

Sur la forme, je l’ai dit, il n’est pas acceptable d’introduire dans une proposition de loi, moins d’une semaine avant son examen en séance publique, un article tendant à créer une procédure qui vient modifier en profondeur la procédure de règlement des litiges.

Le temps de la réflexion était d’autant plus nécessaire que cette réforme, telle qu’elle est présentée, n’est pas sans poser quelques problèmes.

Je n’en soulèverai pour l’heure que quelques-uns, me réservant d’entrer davantage dans les détails lors de la présentation de l’amendement que nous avons déposé à cet article 31.

L’un des dangers de cette procédure concerne le droit du travail, puisque seuls les avocats pourront assister les parties : les défenseurs syndicaux se retrouvent de fait dans l’impossibilité de protéger des salariés, ce qui ne nous étonne absolument pas, puisque le Gouvernement souhaite que le règlement des conflits du travail se fasse entre personnes privées.

Par ailleurs, cette procédure sera coûteuse, car le temps de conseil assuré par l’avocat sera plus important : elle ne sera, en fait, réservée qu’à ceux qui en auront les moyens.

Il aurait donc fallu présenter cette réforme à un stade de réflexion plus abouti et laisser le temps aux parlementaires de faire des propositions constructives en sa faveur.

Ma dernière remarque concerne la fusion entre les professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle, introduite par M. le rapporteur en commission des lois.

Ce n’est pas la première fois que la majorité tente d’imposer cette fusion en catimini : lors de l’examen du projet de loi visant à adapter le droit des sociétés au droit communautaire, le Gouvernement avait déposé un amendement l’autorisant à procéder à cette fusion par ordonnances, amendement retiré in extremis avant la séance.

Il convient également de souligner que cette fusion fait partie des thèmes de réflexion de la commission Darrois, mise en place par le Président de la République le 30 juin dernier, et chargée de créer une « grande profession du droit ».

Cette commission n’a pas encore rendu son rapport. M. François Zocchetto, notre rapporteur, qui en est membre, n’a pas pu attendre plus longtemps et a donc introduit un projet de fusion des deux professions dans cette proposition de loi. La méthode est plus que douteuse, et c’est pourquoi nous avons également déposé un amendement de suppression de l’article 32.

En conclusion, je tiens à le dire, ces différentes modifications éparses et disparates traduisent une logique rampante de transfert d’une partie du contentieux, qui, sans doute, s’inscrit dans la droite ligne de la diminution du nombre de tribunaux et, donc, des moyens de la justice, en négociation entre les parties.

Comme cela a été dit, les négociations, les médiations et les conciliations sont tout à fait possibles aujourd'hui dans notre droit, mais sous contrôle des tribunaux.

Ce que vous voulez, ce sont des arbitrages totalement privés, ce qui entraînera des inégalités entre les parties, selon les moyens financiers dont elles disposeront pour assurer leur défense.

Peut-être est-ce une contrepartie donnée aux avocats, mécontents de la suppression de nombre de tribunaux d’instance ? Cependant, je le précise il ne s’agit pas des mêmes avocats ? Ceux que vous voulez satisfaire, ce sont non pas les « avocats à la française », mais ceux des grands cabinets d’avocats, pour qu’ils puissent concurrencer les cabinets étrangers qui s’installent sur notre territoire et qui drainent déjà une partie des affaires lucratives.

Votre conception de la justice n’est pas la nôtre. Elle est très dangereuse et, en tout cas, contraire à l’égalité des citoyens devant la justice. Nous tenons au service public. C’est pourquoi nous nous battons pour que le service public de la justice dispose des moyens lui permettant de continuer à fonctionner. Nous n’entendons pas le brader aux grands cabinets privés.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Simon Sutour applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’ai entendu, cet après-midi, un certain nombre de remarques pour le moins curieuses sur les initiatives parlementaires.

À ceux de mes collègues qui sous-entendent que le Parlement ne serait pas capable de faire des propositions sur des sujets divers et importants, je rappellerai tout de même que les prescriptions en matière civile ont été réformées sur la base d’une proposition de loi du Sénat. Que je sache, il s’agissait d’une tâche bien plus ardue que celle qui consiste à aménager l’exercice de certaines professions réglementées !

La présente proposition de loi a été déposée le 15 octobre dernier, le rapporteur désigné avant Noël et le texte inscrit à l’ordre du jour du mois de janvier. M. le rapporteur a ouvert toutes ses auditions aux membres de la commission qui souhaitaient dialoguer avec les professions concernées et qui étaient intéressés par le sujet.

Du reste, les amendements proposés sont non pas ceux du rapporteur, mais ceux de la commission, qui les a votés après un débat. On peut ne pas être d’accord avec ces propositions, mais on ne peut nous contester le droit d’amender une proposition de loi, sauf à dose homéopathique. Nous avons tout de même le droit de réformer !

Certes, la fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle avait déjà été examinée par la commission des lois, laquelle en avait même voté le principe voilà quelques mois, avant de retirer sa proposition devant l’incompréhension de certains barreaux et de l’ensemble de la profession d’avocats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Absolument, mon cher collègue !

De toute façon, on ne fait pas la loi pour un cabinet d’avocats, fût-il spécialisé ! §On fait la loi pour servir l’intérêt général, et M. le rapporteur a bien expliqué en quoi cette réforme répondait à cet objectif. Certes, on peut toujours discuter, mais je vous signale que nos collègues de l’Assemblée nationale partagent notre position et que la commission Darrois n’est pas vraiment hostile, elle non plus, à cette fusion des deux professions.

Madame la présidente, aujourd'hui, il s’agit de la journée mensuelle réservée aux groupes parlementaires. Le groupe CRC-SPG a demandé l’inscription d’une proposition de loi, et nous l’avons examinée jusqu’au bout. Le groupe UMP a demandé l’inscription d’une proposition de loi : elle doit être examinée jusqu’au bout !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La discussion d’un texte, qui plus est adopté par la commission, ne peut être ainsi interrompue. Si certaines propositions de la commission sont contestées, la grande majorité d’entre elles sont attendues par les professionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La journée d’initiative parlementaire a-t-elle encore un sens si le débat peut être interrompu et reporté à un ou deux mois ?

Madame la présidente, je tenais tout de même à soulever ce problème, surtout compte tenu du travail énorme fourni par la commission des lois sur ce sujet.

Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Monsieur le président de la commission, vous savez très bien que, ce soir, à vingt-deux heures, le Sénat doit discuter, sous la présidence de M. Gérard Larcher, d’une question orale sur les enseignements de la présidence française de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cette question orale a été inscrite à l’ordre du jour après notre proposition de loi ! Quand allons-nous achever l’examen de ce dernier texte ? Après le débat européen ?

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Monsieur Hyest, la conférence des présidents qui se tiendra demain soir évoquera sans doute ce sujet et examinera, en fonction des disponibilités de Mme le garde des sceaux, les dates envisageables pour reprendre ce débat.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.