Intervention de François Zocchetto

Réunion du 20 janvier 2009 à 16h00
Exécution des décisions de justice — Discussion des conclusions du rapport d'une commission

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto, rapporteur :

Sur le fond, l’institution d’une procédure participative de négociation assistée par avocat est destinée à faciliter le règlement amiable des litiges.

En l’état actuel du droit, les parties qui entendent régler à l’amiable le litige qui les oppose ne disposent, en dehors de la médiation et de la conciliation, d’aucun autre cadre sécurisé pour la négociation de solutions transactionnelles. En cas d’échec de leurs pourparlers, la procédure judiciaire est conduite comme si aucun échange préalable n’avait eu lieu. En d’autres termes, il faut tout recommencer à zéro, avec les délais que vous imaginez !

La procédure que la commission des lois vous propose s’inspire du droit collaboratif qui est en vigueur dans un certain nombre de pays, où elle connaît un réel succès. Cette procédure serait la suivante. La négociation serait facultative. L’état et la capacité des personnes étant indisponibles, la commission des lois a prévu, après une réflexion approfondie, qu’aucune convention de procédure participative ne pourrait être passée en la matière, du moins dans un premier temps. Pour ce qui est du divorce, la commission a souhaité s’en tenir aux règles introduites par la loi du 26 mai 2004, qui a déjà considérablement simplifié les procédures quand existe un accord entre les parties. Pendant le déroulement de la négociation, la saisine de la juridiction serait impossible. Un accord, même partiel, pourrait être soumis à homologation judiciaire, afin de garantir le respect du droit et l’équilibre entre les parties. En cas d’échec de la procédure participative, une saisine simplifiée de la juridiction permettrait un traitement accéléré de l’affaire, ce qui paraît intéressant. Enfin, et ce n’est pas la moindre des choses, pour que tout justiciable puisse bénéficier de la procédure participative, le recours à celle-ci ouvrirait droit à l’aide juridictionnelle.

Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès, dit l’adage.

La procédure participative que la commission des lois propose d’instituer devrait permettre de concilier le respect du droit, l’intervention éventuelle du juge et la rapidité dans la résolution d’un certain nombre de conflits.

Quant à la fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle – point qui a également fait couler beaucoup d’encre et qui a suscité bien des paroles –, elle constitue un instrument essentiel au service du renforcement de la compétitivité des professionnels français face à la concurrence étrangère.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

On recense un peu moins de 700 conseils en propriété industrielle, qui travaillent dans 200 cabinets, pour environ 50 000 avocats.

Ces deux professions libérales réglementées interviennent de manière à la fois concurrente et complémentaire pour l’obtention et la défense des droits de propriété intellectuelle.

Les conseils en propriété industrielle, s’ils peuvent réaliser des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé, ne peuvent pas plaider. Par ailleurs, les avocats ne disposent généralement pas des compétences techniques suffisamment pointues et doivent donc s’adjoindre les services d’ingénieurs.

Or les membres de ces deux professions ne peuvent travailler au sein d’une même structure.

Il en résulte une offre de services désunie, confuse et peu attractive pour les utilisateurs français ou étrangers, de sorte que les professionnels français ne sont guère compétitifs dans un marché fortement concurrentiel.

Les mandataires agréés allemands – l’équivalent des conseils en propriété intellectuelle – traitent ainsi environ 70 % des dépôts de brevets européens pour le compte d’entreprises japonaises et 33 % des dépôts de brevets européens pour des entreprises américaines. Seulement 3 % à 4 % de ces dépôts sont traités par des mandataires français.

Le nombre de litiges relatifs aux brevets en France est de l’ordre de 300 par an, contre 700 en Allemagne. Loin de se féliciter de ce résultat, il faut y voir la preuve qu’il s’agit d’une matière qui n’est pas traitée dans notre pays, mais qui l’est notamment en Allemagne et en Grande-Bretagne.

Or, en Allemagne, les professions de conseil en brevets et d’avocat peuvent travailler ensemble dans des structures interprofessionnelles et les conseils peuvent représenter leurs clients, voire plaider sous certaines conditions.

Un rapprochement des professions de conseil en propriété industrielle et d’avocat paraît donc souhaitable. Ses avantages seraient multiples.

Tout d’abord, il permettrait de proposer aux entreprises, au sein d’une même entité, une offre de services globale, structurée et lisible.

Ensuite, il orienterait la profession d’avocat vers de nouveaux marchés et constituerait une étape vers la création d’une grande profession du droit, aux contours de laquelle la commission présidée par M. Jean-Michel Darrois est actuellement chargée de réfléchir.

Il permettrait également aux professionnels français de faire face à la concurrence des cabinets étrangers.

Enfin, il donnerait sans doute à la France quelques atouts pour attirer la future juridiction européenne des brevets, alors que notre pays est actuellement en position de faiblesse.

Deux formes de rapprochement sont possibles : l’interprofessionnalité ou l’unification. Les représentants des professions concernées ont marqué leur préférence pour la seconde solution.

Les dispositions adoptées par la commission des lois organisent cette fusion, tout en maintenant, je le précise dès à présent, la possibilité pour les entreprises françaises qui le souhaiteraient de faire appel aux services de leurs propres salariés. La réforme proposée sur ce point me semble équilibrée, même s’il est évidemment possible, au cours de la navette parlementaire, de prévoir des garanties supplémentaires.

Tels sont les ajouts de la commission à l’excellente proposition de loi présentée par notre collègue Béteille. Sous le bénéfice de ces explications, la commission vous propose, mes chers collègues, d’adopter le texte de ses conclusions.

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