Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 20 janvier 2009 à 16h00
Exécution des décisions de justice — Discussion des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Je vous avoue, monsieur le rapporteur, que je ne le vois pas clairement ! Vous vous êtes livré à un exercice intellectuel très intéressant, mais qui, vous le comprendrez, ne nous a pas vraiment convaincu.

Les dispositions, qui, selon nous, posent problème, suivent en général un fil conducteur : elles découlent d’une politique de « déjudiciarisation » qui vise, comme certains de nos collègues l’ont souligné, à désengorger les tribunaux en situation d’asphyxie en éloignant le citoyen du magistrat.

Par exemple, l’huissier ne devra plus recourir au parquet pour enquêter sur la situation des débiteurs, parce que les procureurs n’ont pas de temps à consacrer à cette procédure.

Le greffe d’instance se voit éliminé du consentement à adoption, au profit des notaires, qui ont déjà pourtant du mal à assumer leur tâche dans toute leur ampleur et qui ne revendiquent pas sérieusement ce monopole. C’est donc bien d’une volonté de « déjudiciarisation » qu’il s’agit.

Quant à la convention de procédure participative, qui est présentée comme une innovation d’une importance cardinale, qu’apporte-t-elle par rapport au droit actuel ? Les articles 2044 et suivants du code civil, qui vont être complétés, visent déjà la transaction. De même, aux termes de l’article 1441-4 du code de procédure civile, le juge auquel on présente une transaction peut déjà donner à celle-ci un titre exécutoire.

La transaction existe donc dans notre droit. Le problème, c’est qu’elle n’est pas suffisamment utilisée. Quant à la conciliation, elle figure déjà dans le code de procédure civile, qui enjoint au juge de concilier les parties chaque fois qu’il le peut.

Je rappellerai également que la procédure de requête conjointe, elle aussi, existe déjà dans notre droit, même si elle n’est sans doute pas assez employée : aux termes des articles 57 et 793 du code de procédure civile, deux parties peuvent présenter une telle requête devant le président du tribunal de grande instance.

On nous a affirmé au cours des auditions devant la commission qu’il s’agirait de résoudre les petits litiges, alors même que le juge de la conciliation sans frais est le tribunal d’instance. Mais dans ce cas, pourquoi avoir créé le juge de proximité ? S’agit-il d’une mesure de compensation pour les petits barreaux à la suite de la réforme de la carte judiciaire et de la création de pôles d’instruction qui sont parfois éloignés de plus de cent cinquante kilomètres du siège du tribunal de grande instance ?

Madame la ministre, mes chers collègues, préserver les droits de ceux qui sont les plus fragiles, maintenir la place de la justice dans la prévention et le règlement des litiges, donner les moyens nécessaires à une justice de qualité : telles sont nos préoccupations.

Selon certains, cette réforme viserait à inciter les avocats à résoudre les problèmes sans recourir à la procédure civile. Toutefois, pour avoir exercé cette honorable profession pendant presque quarante ans, je suis convaincu que la majorité de ces auxiliaires de justice s’efforcent déjà de trouver des solutions amiables et transactionnelles aux litiges, et qu’ils continueront de le faire !

En conclusion, au lieu de sortir le traitement des contentieux du palais de justice, ne serait-il pas plus sage de donner aux magistrats et aux greffes les moyens nécessaires ? Une justice plus efficace, c’est une justice qui a les moyens de ses ambitions !

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