Intervention de André Dulait

Réunion du 20 janvier 2009 à 22h00
Enseignements de la présidence française de l'union européenne — Discussion d'une question orale européenne avec débat

Photo de André DulaitAndré Dulait, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la présidence française de l’Union européenne a été unanimement saluée comme une grande réussite.

Une réussite pour notre pays, d’abord. Pendant les six mois de sa présidence, la France a su faire avancer les priorités qu’elle s’était fixées. Je pense, en particulier, au lancement de l’Union pour la Méditerranée, à l’adoption du pacte européen sur l’immigration et l’asile, au bilan de santé de la politique agricole commune, ou encore à la relance de l’Europe de la défense.

Une réussite pour l’Europe, ensuite. Grâce aux efforts de la présidence française, l’Union européenne s’est davantage affirmée au cours de ces six derniers mois sur la scène internationale.

Ainsi, lors de la guerre russo-géorgienne d’août dernier, l’Union européenne a été pour la première fois en mesure de mettre un terme à un conflit armé, d’obtenir un cessez-le-feu, d’envoyer une mission d’observation et de négocier un accord en six points, qui a été accepté par les deux parties.

Face à un partenaire aussi difficile que la Russie, l’Union européenne a montré qu’elle pouvait jouer un rôle majeur sur la scène internationale, dès lors qu’elle parlait d’une seule voix et qu’elle avait su trouver en son sein un accord permettant cette unité d’action.

De même, avec l’adoption du paquet « énergie-climat », l’Union européenne a confirmé son rôle moteur dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique au niveau international.

Mais c’est surtout dans sa gestion des crises que la présidence française aura démontré sa capacité à rebondir.

Outre le conflit géorgien, la crise économique et financière internationale aura fortement marqué cette présidence. Face à une crise d’ampleur mondiale, qui touche désormais l’économie réelle, l’Europe, première puissance économique et commerciale, ne pouvait pas rester inactive. Là encore, la présidence française a joué un rôle majeur pour promouvoir une approche coordonnée, obtenir des autorités américaines la réunion du G20 à Washington et poser les bases d’une régulation du système financier international.

Enfin, rappelons que la présidence française avait débuté quelques jours seulement après le « non » irlandais au traité de Lisbonne. Face à la menace d’une nouvelle paralysie institutionnelle, elle a su réagir.

La feuille de route, qui a été adoptée lors du Conseil européen des 11 et 12 décembre dernier, devrait permettre une entrée en vigueur du traité de Lisbonne avant la fin de l’année 2009. L’actuelle présidence tchèque aura, à cet égard, une grande responsabilité, et l’on peut espérer, monsieur le secrétaire d’État, que le courant eurosceptique, représenté en République tchèque au plus haut niveau de l’État, ne mettra pas trop d’obstacles à sa ratification.

À l’aune de ce bilan très positif, quels enseignements peut-on tirer de la présidence française ? Pour ma part, j’en retiens trois.

Premier enseignement, si l’Europe a pu s’affirmer sur la scène internationale, c’est d’abord grâce à l’action déterminante du Président de la République, porté par la conviction qu’il nous faut agir. Car le temps ne joue pas en notre faveur, ainsi qu’il l’exprimait vendredi dernier, lors de ses vœux au corps diplomatique. C’est grâce à son volontarisme que l’Union européenne a réussi à mettre un terme à la phase aiguë du conflit russo-géorgien, qu’elle s’est engagée résolument contre la crise financière ou qu’elle est parvenue à un accord historique sur le paquet « énergie-climat ».

L’Europe a donc besoin avant tout d’un véritable leadership. Le Conseil européen est, par définition, l’organe d’impulsion de l’Union européenne. Mais, comme on le sait, il souffre actuellement du système de la présidence tournante tous les six mois.

Avec le traité de Lisbonne, l’Union européenne disposera d’un président stable du Conseil européen, élu pour deux ans et demi renouvelable une fois. Ce sera un facteur de progrès considérable pour la visibilité et l’efficacité de l’action de l’Union européenne, pour peu que ce président ne se contente pas de jouer le rôle d’un honnête courtier. Plus que d’un « président chairman », l’Europe a besoin d’un président fort, qui soit capable de donner des impulsions politiques et de jouer tout son rôle en matière internationale, aux côtés du Haut représentant et du président de la Commission européenne. C’est de cette manière que l’Europe pourra s’affirmer davantage sur la scène internationale et aussi vis-à-vis des citoyens. Le choix de la personnalité pour occuper cette fonction sera donc déterminant.

Deuxième enseignement, une coopération entre les différentes institutions européennes et entre celles-ci et les États membres est indispensable.

Qu’il s’agisse de l’Union pour la Méditerranée, du paquet « énergie-climat », ou encore du traité de Lisbonne, la présidence française a su écouter, dialoguer et proposer des compromis de nature à lever les réticences de certains de nos partenaires européens.

Si la France a été unanimement saluée en Europe pour sa présidence, c’est parce qu’elle a su jouer collectif et représenter véritablement les intérêts de l’Union européenne dans son ensemble.

Ainsi, il était légitime de prendre en compte les préoccupations des pays d’Europe centrale et orientale à l’égard du paquet « énergie-climat ». Personne ne pourrait reprocher à la Pologne d’être dépendante du charbon. Je me réjouis à cet égard que le renforcement des relations avec ces pays depuis plusieurs mois ait porté ses fruits.

Je me félicite aussi du dialogue permanent entretenu par la présidence avec la Commission européenne et le Parlement européen. Là aussi, il faut reconnaître que notre pays avait, par le passé, quelque peu négligé l’importance de ces deux institutions.

L’hommage appuyé rendu par le Parlement européen au Président de la République lors de son discours de clôture a montré qu’à l’occasion de sa présidence la France était parvenue à nouer des relations de confiance avec ces deux institutions.

Il faut espérer que, lors du prochain renouvellement du Parlement européen et de la Commission européenne, l’influence de notre pays en sortira encore renforcée.

Troisième enseignement, enfin, une démarche pragmatique est souvent plus efficace que des belles déclarations. J’en veux pour preuve les progrès enregistrés en matière de politique européenne de sécurité et de défense, dont la France avait fait l’une de ses priorités.

Je rappelle tout d’abord que, du point de vue de l’implication de l’Union européenne dans la gestion des conflits, les mois écoulés ont été particulièrement actifs. L’EUFOR s’est pleinement déployée au Tchad et l’installation de la mission EULEX au Kosovo a démarré avec succès. Une mission civile d’observation a été envoyée en Géorgie. Enfin, la première opération maritime de l’Union européenne a été décidée, pour lutter contre la piraterie au large de la Somalie.

Dans le même temps, la présidence française s’est attachée, avec succès, à réunir nos partenaires sur un certain nombre d’orientations à court et à moyen termes de nature à renforcer la politique européenne de sécurité et de défense.

L’ambition européenne constitue, le Livre blanc l’a fortement souligné, une dimension essentielle de notre politique de défense. Mais, sauf à demeurer dans un registre purement incantatoire, elle doit s’appuyer sur une analyse objective et réaliste des conceptions et du niveau d’ambition de nos partenaires européens.

C’est, à mon sens, à juste titre qu’a été privilégiée une approche concrète et pragmatique, qui n’a certes pas donné lieu à des annonces spectaculaires, mais qui consolidera et développera les acquis de la politique européenne de sécurité et de défense, la PESD.

La méthode des « petits pas », chère à Jean Monnet, reste bien au cœur de la construction européenne.

Au-delà de la nécessaire mise à jour de la stratégie européenne de sécurité, il me paraît très utile que l’Union européenne définisse de manière beaucoup plus précise la nature et l’ampleur des opérations civiles et militaires qu’elle entend pouvoir mener dans les années à venir.

À cet égard, les objectifs qui ont été approuvés dans le cadre de la déclaration sur les capacités constituent pour la PESD un véritable contrat opérationnel. Ils sont de nature à mobiliser les pays européens autour d’efforts bien identifiés pouvant améliorer concrètement nos capacités d’action.

Ce nouveau niveau d’ambition est en effet une déclinaison vivante et intelligente des objectifs fixés lors du Conseil européen d’Helsinki, il y a dix ans, d’après lesquels l’Union européenne devrait être en mesure de déployer au moins 60 000 hommes en 60 jours sur un théâtre d’opération. Chacun avait alors à l’esprit le schéma d’une opération lourde du type Kosovo. Aujourd’hui, comme le montrent les opérations menées actuellement, il s’agit davantage pour l’Union européenne d’être en mesure de déployer rapidement des dispositifs militaires ou civils sur plusieurs théâtres d’opérations, en s’adaptant à chaque type de situation.

On peut également se féliciter de l’accord intervenu en novembre dernier entre les ministres de la défense autour de projets concrets sur les hélicoptères, le transport aérien, les capacités aéronavales, ou encore le lancement en commun d’une nouvelle génération de satellites d’observation.

En revanche, il faut regretter que le blocage persiste sur le développement de capacités autonomes de planification et de conduite d’opérations. Un centre d’opération de taille raisonnable, sensiblement plus étoffé qu’aujourd’hui, représenterait un vrai progrès pour nos opérations européennes. L’administration américaine elle-même en a reconnu l’intérêt, faisant d’ailleurs tomber l’argument peu convaincant du risque de concurrence avec le SHAPE.

Je me félicite néanmoins qu’un accord soit intervenu sur la création d’une structure unique de planification stratégique civilo-militaire pour les opérations et missions de la PESD, ce qui permettra d’améliorer les synergies et de gagner en efficacité. On le souligne souvent, la possibilité de réunir dans une même main les moyens militaires et civils de gestion de crise constitue l’une des originalités de l’Union européenne. Il s’agit là d’une dimension que nous avons tout intérêt à développer et à perfectionner, car la complexité des crises actuelles exige la mise en œuvre d’une large gamme d’instruments.

J’espère donc, monsieur le secrétaire d’État, que nous continuerons à faire avancer ce dossier, comme d’ailleurs celui des relations Union européenne-OTAN, tant avec la nouvelle administration américaine qu’avec nos partenaires britanniques.

Pour conclure, je voudrais dire un mot des relations franco-allemandes.

Si la présidence française a été une réussite, c’est aussi la preuve que le moteur franco-allemand continue de fonctionner. Mais comme le soulignait récemment le Président Valéry Giscard d’Estaing, il semble que, même si les relations franco-allemandes ont toujours connu certaines tensions, les deux pays se soient quelque peu éloignés ces dernières années.

Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous connaissez très bien ce pays. Je sais aussi que, dès votre prise de fonction, vous vous êtes rendu en Allemagne afin d’avoir des entretiens avec les plus hautes personnalités. Peut-être pourrez-vous nous dire les principaux enseignements que vous retirez de ce déplacement concernant l’état des relations entre nos deux pays.

Comme nous le savons tous ici, la relation franco-allemande, même si elle ne doit pas être exclusive, reste le principal moteur de la construction européenne. Il est donc indispensable de dissiper les malentendus et de renforcer nos relations, car c’est la seule manière de faire progresser l’Europe politique.

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