Intervention de Claude Malhuret

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 18 juillet 2018 à 9h35
Proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

L'arsenal législatif actuel ne nous permet pas de répondre à ces menaces. Nous sommes face à une guerre non conventionnelle. Certes, il y a d'autres moyens que la loi et les services de renseignement auront leur mot à dire. Nous sommes en situation de faiblesse et disposons de deux solutions : amender la proposition de loi ou bien adopter une motion opposant la question préalable, ce que propose votre majorité. Il était possible d'amender la proposition de loi. Notre commission a réalisé un très important travail d'auditions, de colloques, de tables-rondes menées par notre présidente. Vous estimiez initialement qu'avec un travail considérable nous pouvions trouver une solution.

J'avais personnellement des réticences sur cette loi, quant au respect de la liberté de la presse et à ses limites. Je me suis aperçu, après analyse, et avec une certaine surprise, qu'en définitive elle n'était pas si mauvaise.

Vous estimez que des référés en 48 heures sont impossibles, mais il est statué ainsi en cas de diffamation durant la période électorale ! Et si des décisions sont prononcées par un tribunal spécial équivalent à la 17e chambre, quel est le problème ? En outre, tout comme elle a défini la diffamation, la jurisprudence définira demain ce qu'est une fausse information.

Pensez-vous réellement que Russia Today (RT) et Sputnik sont des organes indépendants sur lesquels le CSA n'aurait rien à dire ? Ce ne sont pas des chaînes de radio ou de télévision classiques, mais des organes de désinformation du FSB (service fédéral de sécurité russe) qui s'attaquent à notre démocratie. Je ne vois pas quel serait le problème de rendre le CSA compétent. Cela vaudrait la peine d'être étudié.

La régulation des plateformes est le volet le plus important ; je regrette que M. Frassa ne l'ait pas évoqué. Je suis en désaccord complet avec M. Retailleau, qui estime que nous confions aux GAFA la privatisation de nos libertés. Ils ont retiré des milliers de sites djihadistes de leurs plateformes, comme le fait la presse : lorsqu'une de nos tribunes n'est pas acceptée par un journal, nous ne crions pas à la censure ! Le rédacteur en chef garde la maîtrise de ce qu'il publie. Les GAFA ont fait preuve de coopération et de transparence et doivent mettre sur leur site toutes les informations pour signaler des contenus injurieux ou appelant au djihad. Cette loi prévoit cette coopération avec les plateformes. La responsabilité des plateformes date du scandale Cambridge Analytica il y a quelques mois : la France et l'Union européenne ont voulu légiférer, en conséquence les GAFA se précipitent pour coopérer et proposent des solutions.

Traditionnellement, nous passons notre temps à affirmer les bienfaits du bicamérisme et des amendements du Sénat qui sont souvent conservés dans le texte final. Avec cette motion, la loi sera votée telle quelle à l'Assemblée nationale, sans l'adoption d'amendements qui auraient pu être retenus par une commission mixte paritaire (CMP) consensuelle.

Si nous optons pour la deuxième solution, ne nous contentons pas de dire « circulez, il n'y a rien à voir », proposons autre chose. Nous ne pouvons pas rester dans cette situation, compte tenu des menaces graves qui pèsent sur notre démocratie.

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