Nous débutons cette réunion par l'examen de la proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information, adoptée par l'Assemblée nationale le 3 juillet dernier. Notre commission a désigné sa présidente, Catherine Morin-Desailly, rapporteure de ce texte. Avant de lui passer la parole, je salue la présence de notre collègue Christophe-André Frassa, rapporteur des titres Ier et IV au nom de la commission des lois, ainsi que de la proposition de loi organique qui étend les dispositions de la proposition de loi à l'élection présidentielle.
La proposition de loi relative à la lutte contre les fausses informations a été déposée le 21 mars 2018 par les membres du groupe La République en Marche de l'Assemblée nationale. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée le 26 mars. Composée initialement de dix articles, la proposition traduit les engagements pris par le Président de la République lors des voeux à la presse du 3 janvier.
Notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a délégué au fond l'examen du titre Ier et du titre IV à la commission des lois, qui a également été saisie de la proposition de loi organique relative à la lutte contre les fausses informations, qui complète le dispositif avec la prise en compte de l'élection présidentielle.
Je suis très heureuse d'accueillir Christophe-André Frassa avec lequel j'ai d'emblée tenu à travailler. Nous avons mené ensemble un certain nombre d'auditions afin d'accorder nos points de vue, main dans la main - vous avez pu l'observer lors des tables rondes que j'ai souhaitées très ouvertes afin de vous sensibiliser tout autant que les rapporteurs.
La proposition de loi que nous examinons ce matin suscite de très sérieuses réserves de l'ensemble des acteurs concernés et de la quasi-totalité des groupes politiques, comme en témoignent les quatre motions que nous allons examiner ce matin.
Pour ouvrir le débat, je voudrais insister sur quelques points.
Il existe déjà un arsenal législatif : code pénal, code électoral, loi de 1881, loi de confiance dans l'économie numérique (LCEN). C'est de là qu'il faut partir.
Les fausses informations ne datent pas d'aujourd'hui - je vous renvoie à mon rapport, assez exhaustif. Il est vrai que nous avons été marqués par la violence des dernières campagnes électorales, des deux côtés de l'Atlantique, et par les soupçons de manipulation qui leur ont été associées. Mais les fausses nouvelles, fausses informations, ou fake news, ont toujours existé dans le débat public. Elles ne sont pas propres au champ politique, comme a pu en témoigner, par exemple, la controverse sur les dangers de la vaccination. On pourrait citer Philippe Le Bel, du côté des instigateurs, ou Roger Salengro, du côté des victimes. Mais c'est à la faveur des campagnes électorales récentes qu'elles ont acquis une dimension nouvelle en raison du développement et du mode de fonctionnement des réseaux sociaux, voire de leur modèle économique. Le terme même de fake news est utilisé par le président américain pour dénoncer les fake news medias, soit en réalité les opinions qui mettent les siennes en doute. On pourrait résumer cela ainsi : les fake news, c'est ce que disent ceux qui ne pensent pas comme moi. Plus sérieusement, l'ensemble des pays européens réfléchissent à ce phénomène. L'Allemagne a voté une loi très restrictive. Récemment, le ministre belge Alexander De Croo a organisé une réunion de travail et conclu qu'il ne fallait pas légiférer mais plutôt susciter l'autorégulation. Tout cela va dans le sens des conclusions de la Commission européenne qui, d'ici le mois de décembre 2018, établira un bilan.
Les fausses informations recouvrent un très vaste panel, d'où la difficulté à en définir les contours - le Conseil d'État l'a souligné dans son avis du 19 avril. Elles vont d'informations fantaisistes et malveillantes, tels que les cadavres dans le jardin d'Hillary Clinton ou « Ali Juppé », à des faits imaginaires mais plus difficilement vérifiables, comme l'existence d'un compte à l'étranger. Les fausses informations peuvent être malveillantes ou résulter d'erreurs. Elles peuvent être diffusées sciemment pour nuire ou s'amuser. En un mot, elles sont multiples. C'est pourquoi nos collègues de l'Assemblée nationale ont peiné à les définir. Ils ont conclu que leur définition n'était pas satisfaisante et la ministre de la culture a renvoyé au Sénat le soin de l'établir. On m'a explicitement dit que le Gouvernement ne souhaitait pas de définition précise, ce qui pose un problème pour toute poursuite judiciaire.
Si aucune étude n'a pu démontrer l'influence des fausses informations sur le résultat des élections, elles contribuent cependant a minima à détériorer la qualité du débat démocratique. Il est très difficile de faire la part des choses sur leur réelle influence. On manque de recul. Il est toutefois permis de penser que l'alliance de fausses informations particulièrement malveillantes et des possibilités de ciblage, après la fuite des données de Facebook, par la très connue société Cambridge Analytica a pu influencer le résultat de l'élection américaine, compte tenu du mode de scrutin particulier. Ce qui est certain, c'est que l'exposition massive aux fausses informations contribue à polluer un débat qui doit rester digne et à distraire les électeurs des vrais enjeux. Les fausses informations, répandues sciemment ou non, constituent un danger pour nos démocraties. Vous noterez que le problème ne se pose dans aucun régime autoritaire.
Les fausses informations posent la question de la régulation et du statut des plateformes en ligne.
Le cadre européen issu de la directive « e-commerce » de juin 2000, transposée en droit français par la loi de confiance dans l'économie numérique de 2004, définit un régime de responsabilité extrêmement limité pour les plateformes. Si un tel modèle avait du sens à l'époque, près de vingt ans plus tard, le Web 2.0 et maintenant 3.0 est très éloigné de la vision angélique d'un espace de démocratie en ligne ouvert à tous. Le fonctionnement même des plateformes et le modèle économique de l'Internet contreviennent au principe de neutralité. Notre accès aux informations est en grande partie déterminé par des algorithmes sophistiqués et opaques dont le but est de capter l'attention de l'internaute, monnayée sous forme de publicité sous une illusion de gratuité, et qui posent un problème quant à la juste exposition des nouvelles des journaux professionnels. Ce modèle-là accentue le phénomène des fausses informations et la manipulation.
Nous pourrions obtenir des avancées en rouvrant le débat sur la directive de 2000 et le statut des plateformes. Je réfléchis à une proposition de résolution européenne sur ce sujet. Les remous provoqués par le rejet de la directive sur les droits d'auteur la semaine dernière renvoient toujours à la même question et nous incitent à la plus grande des vigilances.
La commission des lois a examiné hier la proposition de loi organique relative à la lutte contre la manipulation de l'information et donné son avis sur la proposition de loi ordinaire, pour laquelle elle avait reçu une délégation au fond de votre commission concernant le titre Ier, relatif aux dispositions modifiant le code électoral, et le titre IV, relatif à l'application outre-mer.
La principale mesure du titre Ier de la proposition de loi ordinaire consiste en la création d'un référé ad hoc, inspiré du référé créé par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, afin de faire cesser, en période électorale, la diffusion « des fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir » lorsque celles-ci sont diffusées sur Internet « de manière délibérée, de manière artificielle ou automatisée et massive ».
Le nouvel article L. 163-1 A donnerait de la fausse information la définition suivante : « toute allégation ou imputation d'un fait inexacte ou trompeuse ».
Saisi à la demande du ministère public, du candidat, de tout parti ou groupement politique ou de toute personne ayant intérêt à agir, le juge des référés devrait se prononcer dans un délai de 48 heures à compter de la saisine. Toutes mesures utiles, « proportionnées et nécessaires » pour faire cesser la diffusion pourraient être ordonnées. Il pourrait ainsi s'agir d'ordonner aux hébergeurs de contenus et aux fournisseurs d'accès à Internet une mesure de déréférencement, de retrait, voire de blocage du contenu.
L'article 1er crée également, sous peine de sanctions pénales, plusieurs nouvelles obligations de transparence pour les opérateurs de plateforme en ligne concernant la promotion de « contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général ».
La répression des rumeurs ou des fausses nouvelles n'est pas une question nouvelle en droit. La France dispose déjà d'un cadre législatif ancien en la matière. La publication de fausses nouvelles ayant eu pour effet de fausser un scrutin électoral est d'ores et déjà réprimée par l'article L. 97 du code électoral. En outre, les dispositions actuelles de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse, pivot de la lutte contre les abus de la liberté d'expression depuis plus de 130 ans, permettent déjà réprimer des propos sciemment erronés, diffamatoires, injurieux ou provocants. Ainsi, l'article 27 de la loi de 1881 réprime « la publication, la diffusion ou la reproduction » de « nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler ».
L'action en diffamation peut également être particulièrement efficace pour lutter contre les fausses informations portant atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne. Il convient de souligner qu'en matière de diffamation, il existe une présomption de mauvaise foi. C'est au prévenu de prouver soit sa bonne foi, soit la véracité des allégations. Le champ d'application de ce délit est particulièrement vaste : ainsi, l'allégation selon laquelle une personnalité politique détiendrait un compte illégal offshore est susceptible d'être qualifiée de diffamatoire.
Si l'action en diffamation est la plus efficace, l'action en référé sur le fondement de l'article 9 du code civil est toujours possible en cas de fausses informations, d'informations falsifiées ou même biaisées portant sur la vie privée d'une personne physique.
Enfin, plusieurs dispositions pénales répriment les fausses informations qui causent un trouble particulièrement grave à un particulier ou à la société. Par exemple, la publication d'un photomontage ou d'un montage sonore réalisé sans le consentement de l'intéressé et ne précisant pas qu'il s'agit d'un montage, est réprimée par l'article 226-8 du code pénal d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
Au regard de l'abondance des dispositions existantes, pourquoi légiférer ? Les dispositions actuelles ne permettent-elles pas déjà de lutter contre les fausses informations ? Je rappelle que lorsque des faits d'injure ou de diffamation envers un candidat à une fonction élective sont commis en période électorale, la juridiction peut être appelée à statuer dans un délai de 24 heures. La loi de 1881 offre déjà des possibilités d'action rapide pour lutter contre les allégations diffamatoires.
De même, l'article 6 de la loi de 2004 dispose que l'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête aux fournisseurs d'accès et aux hébergeurs de services de communication au public en ligne « toutes mesures propres à prévenir un dommage imminent ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne ».
Il est vrai qu'il existe des difficultés dans l'application de la loi de 1881 aux contenus diffusés sur Internet : les formalités particulièrement lourdes imposées à peine de nullité sont inadaptées aux propos diffusés sur Internet. Sans doute convient-il de les revoir. Néanmoins, l'Assemblée nationale et le Gouvernement n'ont pas fait ce choix. Ils se sont inscrits dans le mouvement dénoncé par le rapport de nos collègues François Pillet et Thani Mohamed Soilihi consistant à intégrer des dispositions relatives à l'encadrement des abus de la liberté d'expression dans d'autres textes que la loi de 1881, au risque de remettre en cause l'équilibre actuel.
Parce que la commission des lois a considéré le dispositif inabouti, inefficace et dangereux, elle a choisi de présenter une motion visant à opposer la question préalable au texte organique. Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas procédé au préalable à l'évaluation des dispositifs existants de lutte contre les abus de la liberté d'expression.
Le seul vide juridique qui se dessine au regard des multiples dispositions législatives actuelles concerne une action en référé contre les fausses informations qui ne troublent pas ou ne sont pas susceptibles de troubler la paix publique, qui ne sont attentatoires ni à l'honneur, ni à la considération, ni à la vie privée des personnes et dont l'effet sur un scrutin n'est qu'incertain. Faut-il, dans une société démocratique, autoriser de telles mesures ?
Surtout, la définition retenue de la fausse information apparaît encore perfectible. Dans quelle mesure la proposition de loi protège-t-elle la satire ou la parodie, qui peuvent être par nature trompeuses sans pour autant démontrer une quelconque intention de nuire ? Les seules modalités de diffusion, « artificielle ou automatisée et massive » ne peuvent suffire à établir une intention malveillante alors même que, par exemple, des contenus humoristiques et viraux peuvent, chaque jour, être reproduits, partagés et diffusés de manière « artificielle » et « massive » via les réseaux sociaux. Cette définition hasardeuse pose incontestablement la question de la légitimité du juge des référés à définir, en 48 heures, la nature authentique, inexacte ou trompeuse d'une information. Traditionnellement, j'insiste, le juge des référés est le juge de l'évidence, de l'illégalité manifeste.
Les propositions de loi rompent sans aucune raison juridique impérieuse avec la tradition juridique française de liberté d'expression accrue pendant les périodes électorales.
Au-delà des incertitudes de certains termes qui révèlent la précipitation dans laquelle ces textes ont été élaborés, ils ne pourront s'appliquer que très difficilement aux phénomènes qu'ils entendent contrer. Même une procédure de référé n'aura qu'une efficacité incertaine face à des contenus dont la vitesse de propagation est fulgurante. Surtout, contrairement à un procès en diffamation, il n'y aura pas de renversement de la charge de la preuve. Ainsi, la personne agissant en référé et invoquant l'existence d'une fausse information devra apporter la preuve du caractère faux de l'information en question. Or il est très difficile d'apporter la preuve contraire de certaines affirmations ou allégations, même infamantes : comment établir des faits négatifs ? Comment prouver, par exemple, que l'on n'a pas commis de fraude fiscale ou que l'on ne dispose pas d'un compte offshore ? J'émets donc de sérieux doutes quant à l'utilité réelle d'un tel dispositif.
Paradoxalement, alors que les dispositions de l'article 1er de la proposition de loi ne seront que très difficilement applicables, elles pourraient présenter, en pratique, de nombreux risques d'atteintes disproportionnées à la liberté d'expression. Le risque d'instrumentalisation à des fins dilatoires ne doit pas être sous-estimé. Ces propositions de loi pourraient permettre à n'importe quel parti d'empêcher, à tort ou à raison, la publication d'informations dérangeantes en période électorale alors même qu'il est légitime pour le citoyen d'être informé, même et surtout en période électorale. La rapidité avec laquelle le juge des référés devra statuer risque d'engendrer des décisions contestables, au risque de jurisprudences contraires entre le juge judiciaire et le juge de l'élection.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois a considéré que ces propositions posaient un problème de principe. Elle a jugé nécessaire de s'abstenir de légiférer plutôt que de risquer de nuire à la diffusion de contenus légitimes.
Sur ma proposition et celle du groupe socialiste et républicain, la commission des lois a décidé de présenter une motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi organique et de soutenir la motion de la commission de la culture sur la proposition de loi ordinaire. En conséquence, elle a donné un avis défavorable à tous les amendements portant sur les articles délégués au fond à la commission des lois.
Pour conclure, je citerai Beaumarchais, dans Le mariage de Figaro : « Il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits ».
Merci aux deux rapporteurs pour la pertinence de leurs rapports. Bien entendu, le groupe Les Républicains s'associe totalement aux deux motions. Nous avons nous-mêmes déposé une motion. La question est grave. Cette proposition de loi peut porter atteinte à la liberté fondamentale qu'est la liberté d'expression.
Alors que le Président de la République avait annoncé sa volonté urbi et orbi de voir aboutir un projet de loi, c'est une proposition de loi qui nous est soumise. Cela permet de passer outre l'étude d'impact et l'avis du Conseil d'État. Si la nécessité de légiférer est impérieuse, nous aurions aimé connaître son avis.
L'impréparation est totale - le parcours très heurté de l'examen du texte à l'Assemblée nationale en témoigne. Je rappelle que c'est le premier de la session dont l'examen a fait l'objet d'un report à l'Assemblée. Il est extrêmement difficile de définir sérieusement et précisément une fausse information. Tous ceux qui ont travaillé sur la loi pour la confiance dans l'économie numérique savent de quoi il retourne. Les auteurs de la proposition de loi semblent peu familiers des difficultés de l'écosystème Internet ; sinon, ils auraient vu très vite qu'ils ne pouvaient pas atteindre leur but par la voie qu'ils empruntent.
Cette proposition de loi est inutile. L'article L. 97 du code électoral vise déjà les fausses nouvelles et les manoeuvres. Il aurait bien mieux valu s'inscrire dans le cadre de la grande loi de 1881 qui consacre la liberté d'expression en l'adaptant à l'écosystème des réseaux sociaux.
Très franchement, le juge des référés, qui est le juge de l'évidence, ne peut juger que des éléments manifestement illégaux. En l'espèce, il sera impossible, en 48 heures, d'établir une vérité manifeste. Cette proposition de loi met l'institution judiciaire dans une impasse absolument dangereuse.
En outre, je m'interroge sur le respect du principe de proportionnalité au regard de l'atteinte à une liberté publique fondamentale. Cela pose une question de constitutionnalité.
Cette proposition de loi, éminemment dangereuse, fait courir le risque d'une police de la pensée exercée par l'autorité politique et d'une privatisation de nos libertés publiques. Nombre de plateformes s'enorgueillissent de fermer des comptes. Je n'ai aucune sympathie pour ces derniers. Mais fournir aux GAFA - Google, Apple, Facebook, Amazon - l'autorité d'interdire telle ou telle page participe d'un processus dangereux de privatisation de la censure. La police de la pensée peut s'exercer par la voie de l'autorité publique mais aussi par ces puissances quasi-étatiques - je rappelle que le Danemark a récemment commis une erreur importante en nommant un ambassadeur chargé des relations avec les GAFA.
Nous nous opposons avec une très grande fermeté aux deux propositions de loi, ordinaire et organique. Je suis très heureux, à l'heure des interrogations sur la place du Sénat, qu'il joue pleinement son rôle de gardien des libertés publiques.
La motivation de la proposition de loi répond à un vrai sujet d'actualité très préoccupant pour notre démocratie : la diffusion de fausses informations, la capacité gigantesque de certains acteurs à répandre des rumeurs qui nourrissent le complotisme. Avec l'intelligence artificielle, on pourra fabriquer un discours du Président de la République en utilisant sa voix exacte, ses intonations, sur un contenu inventé. La capacité de diffusion des robots submergera toute tentative de riposte, parce qu'elle sera plus puissante. L'enjeu est devant nous, il est énorme, et on nous répond par une petite loi, inutile et dangereuse car elle désarme nos concitoyens qu'il faut plutôt éduquer au décryptage des images, au recul. Il faut aussi travailler à la déontologie de ceux qui sont chargés de diffuser l'information et prévoir d'inventer à chaque fois des outils pour endiguer le phénomène. La réponse n'est pas toujours législative.
À la veille d'une grande loi sur l'audiovisuel, comment peut-on passer « par la bande » avec cette proposition de loi qui confond tout ? Elle désoriente et n'apporte pas de réponse.
Quand le Président de la République a annoncé cette loi, il a répondu à une demande globale. Mais il faut être sérieux lorsqu'on légifère. Les députés, au cours de l'examen du texte, se sont mis à douter fortement. Ils ont dû définir l'expression fake news, qui fait le buzz mais n'est pas française. Une fausse information, donc, qu'est-ce ? Qui la définit ? Les députés ont saisi le Conseil d'État, qui a émis des doutes et dénoncé des imprécisions. L'Assemblée nationale a changé sa définition, mais cette dernière n'est franchement pas meilleure. Elle porte une grande part de subjectivité alors que le juge doit s'appuyer sur des éléments objectifs.
On évite de modifier la loi de 1881, qui est un talisman. Pourtant, c'est bien de son contenu que l'on parle ici. La loi de 1881 évoque les fausses informations et les punit. Pourquoi donc créer un autre arsenal ?
Le juge des référés aura 48 heures pour vérifier que l'information mise en cause remplit cinq conditions, afin de pouvoir en prononcer le retrait. Dans la pratique, quel juge sérieux le pourra ? Quels moyens aura-t-il ensuite pour vérifier que l'information a bien été retirée ? Qu'adviendra-t-il quand il ne pourra pas prononcer le retrait ? Quand 99 % des fausses informations n'auront pas été soumises au juge et ne seront pas sanctionnées ? Comment seront-elles considérées ? Comme des vraies informations ! On glisse le doigt dans l'engrenage, en estampillant de fausses informations comme des vraies.
Il serait très peu professionnel, ou très peu responsable, de persévérer uniquement pour satisfaire une parole présidentielle trop rapidement prononcée - nous devrons néanmoins répondre à ce problème réel dans les années à venir.
J'ajoute que l'on donne une nouvelle compétence au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Depuis qu'Internet existe, nous débattons de la régulation des contenus audiovisuels par le CSA. Ils le sont à la télévision mais pas sur Internet. YouTube propose pourtant les pires horreurs aux enfants. Le problème, c'est que l'on régule ce que les enfants ne regardent pas - la télévision - et non ce qu'ils regardent. Et là, on donne la compétence au CSA de réguler les contenus écrits sur Internet. La presse écrite va sauter au plafond. C'est n'importe quoi.
Je constate qu'il y a beaucoup de boîtes de Pandore dans ce texte. Ses bons éléments pourront être repris dans la future loi sur l'audiovisuel. N'entrons donc pas dans une logique d'amélioration de cette proposition de loi et votons la motion posant la question préalable que le groupe socialiste a déposé très tôt.
Bien sûr, l'Assemblée nationale a le dernier mot. Mais cette loi touche à la liberté de la presse et à la liberté d'expression ; elle serait adoptée uniquement par les voix du parti majoritaire à l'Assemblée nationale, alors que toutes les autres sensibilités politiques la dénoncent. Il n'est pas possible que le pluralisme politique soit nié sur un sujet aussi fondamental et que la majorité passe en force. J'espère que l'Assemblée nationale ne continuera pas à tout prix sur cette voie et mettra de côté ces textes fâcheux.
Cette proposition de loi arrive de façon inopinée, et je félicite les rapporteurs pour leur très important travail d'auditions. Je partage totalement les avis des précédents orateurs. Un arsenal juridique existe déjà. Que va apporter cette loi ?
La saisine du juge des référés est complexe. A-t-elle une chance d'aboutir ?
Les plateformes constituent le véritable problème, qu'il faut traiter différemment et à part. Aucun de mes interlocuteurs de la presse n'est favorable à cette proposition de loi.
Nous sommes tous du même avis. Le groupe de l'Union centriste a déposé une motion allant dans le même sens que celle des deux rapporteurs.
Le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste votera également la motion. Sans vouloir être pédant, je reviendrai sur la définition proposée : « Toute allégation ou imputation d'un fait inexacte ou trompeuse constitue une fausse information ». Nous ne sommes pas loin de la tautologie, cela ne définit pas une fausse information. Étymologiquement, l'allegatio est la preuve devant être apportée devant le juge. Cette définition est donc inadaptée à l'objet.
Je m'amuse de l'article 8 bis qui demande la plus grande transparence sur les algorithmes, alors que le Sénat l'avait réclamée - en vain - à l'unanimité lors de la mise en place de Parcoursup.
Nous sommes confrontés à un problème de fond : la démocratie se fonde sur la séparation des pouvoirs. Pour cela, le pouvoir législatif doit être reconnu en tant que tel et le champ de la loi bien défini. Or ici, le champ de la loi n'est pas défini, et l'Assemblée nationale investit un terrain qui n'est pas le sien. Cela porte une atteinte grave à la Constitution.
Bien qu'ayant rédigé il y a six ans un doctorat de 600 pages sur les canulars médiatiques, je n'ai pas été consulté sur ce texte... Cette excellente proposition de loi mériterait d'excellentes améliorations et approfondissements. Je ne voterai pas la motion.
Vous posez justement plusieurs questions : plutôt que de légiférer, ne faudrait-il pas davantage éduquer aux médias ? J'ai dirigé l'association Graine de citoyen durant trente ans. Dans trente ans, le rapport des jeunes à l'information n'aura pas changé aussi facilement... Le travail journalistique doit être amélioré. Les fausses nouvelles ne sont pas récentes. Elles ont été utilisées en masse durant la Première Guerre mondiale - le président Wilson en a d'ailleurs un peu abusé... C'est pourquoi s'est créé, en 1918, le Syndicat national des journalistes. Même si la loi de 1881 s'appliquait pour attaquer les fausses nouvelles, la situation catastrophique a mené au vote de la loi Brachard en 1935, qui a donné un vrai cadre aux journalistes.
La situation actuelle est dramatique, avec la dégradation des normes et des processus : même les journalistes professionnels ne procèdent plus à la double vérification de l'information. Nous sommes dans une nouvelle dimension : ce n'est plus la régulation dans un État de droit ou d'un État-nation avec leurs règles. Nous sommes désormais dans un espace ouvert où les GAFA, des « quasi États » - expression utilisée par M. Retailleau mais que j'ai prononcée il y a quatre ans devant le Sénat italien - ont leur police, leur territoire, leur système de répression. Cela menace le fonctionnement interne de notre démocratie. En face de ces quasi-États, des rogue states (États voyous) prolongent la cyberguerre pour déstabiliser les autres États. On parle beaucoup des États-Unis ou du Brexit, mais désormais plus aucune élection européenne ne connaît de tentative massive de déstabilisation par des acteurs extérieurs - voyez récemment en République tchèque ou en Slovénie...
La publication d'une information suppose l'existence d'un directeur de la publication. Plus d'une quarantaine de fois, j'ai été convoqué par la 17e chambre correctionnelle, la chambre la plus voltairienne de France, où les décisions ne sont jamais prises à la légère. J'ai vu certaines attaques paraissant diffamatoires n'être pas considérées comme telles - accuser quelqu'un d'homosexualité n'est pas un délit...
Nous devrons trouver un système de régulation des GAFA. L'Union européenne, qui ne souhaite pas légiférer sous prétexte que des négociations tendues sont en cours, est irresponsable. La Commission européenne envisage éventuellement une directive en raison de l'absence d'autorégulation de ces acteurs, qui utilisent la population pour faire pression sur les États. C'est fou, elle prévoit un ambassadeur auprès des GAFA, reconnaissance implicite d'une situation ne relevant pas de l'État de droit. C'est aussi idiot que la régulation actuelle des noms de domaine d'Internet.
La diffusion massive de fausses informations, notamment par la Russie, est un problème. L'Europe doit réguler et doit mettre les réseaux sociaux face à leurs responsabilités, même si c'est long et difficile à appliquer. Une directive serait un minimum au regard de la logique de transformation actuelle.
Ce texte présente quelques rares défauts. L'élargissement aux élections législatives et sénatoriales démultiplierait les possibilités de recours - tandis que l'élection présidentielle se déroule dans une circonscription unique. Les juges des référés ne seront peut-être pas en mesure de répondre aux demandes. Et que dire d'une éventuelle extension aux scrutins locaux, qui serait impossible à appliquer ?
Comment préserver l'esprit d'une démocratie de droit, avec des règles de fonctionnement, une presse de qualité ? Reporters sans frontières a proposé aux journalistes la Journalism Trust Initiative (initiative pour la fiabilité de l'information), référentiel sur le modèle des normes ISO. Les attentats et l'intrusion sur le site de TV5 monde ont montré que les groupes djihadistes entraient au coeur de la machine pour transformer l'information. L'État de droit et la liberté d'information peuvent faire l'objet d'attaques. Nous devons trouver un moyen pour les défendre. Mme Morin-Desailly a déposé une proposition de résolution européenne. Réfléchissons au statut de ces grands groupes et réseaux. Quelles sont leurs limites au regard de la liberté d'expression démocratique ? Comment distinguer les fausses informations dans ce magma de définitions nationales et internationales ? Elles peuvent être sources de conflits... Notre démocratie doit se protéger.
L'opinion publique ne rejoint pas celle de notre commission. Le problème se pose dans des termes plus complexes qu'une simple alternative oui-non, conserver le texte ou bien opposer la question préalable. Les fake news sont-elles un non-sujet, peu important, dont nous ne devons pas nous préoccuper ? Depuis deux ans, elles font la Une des journaux et des réseaux sociaux, et déstabilisent notre démocratie. Le sujet est fondamental, selon la majorité d'entre nous.
Les lois actuelles ne nous ont pas permis de résoudre ce problème. Si c'était le cas, il n'y aurait pas eu de scandale Cambridge Analytica, ni d'interférences dans les élections présidentielles américaine et française. Ce problème ne fait que croître. Que faire, le laisser se développer, et saper chaque jour un peu plus nos démocraties ? Les lois actuelles ne nous permettent pas de le combattre, pour une raison simple : la loi de 1881 a été adoptée alors que la presse était uniquement écrite sur papier, sans audiovisuel, sans réseaux sociaux ni plateformes numériques. Nous ne voulons pas modifier la liberté de la presse mais l'adapter à ces nouvelles réalités, pour éviter d'être totalement impuissants. Selon David Assouline, c'est une mauvaise loi mais il faut tout de même légiférer...
L'arsenal législatif actuel ne nous permet pas de répondre à ces menaces. Nous sommes face à une guerre non conventionnelle. Certes, il y a d'autres moyens que la loi et les services de renseignement auront leur mot à dire. Nous sommes en situation de faiblesse et disposons de deux solutions : amender la proposition de loi ou bien adopter une motion opposant la question préalable, ce que propose votre majorité. Il était possible d'amender la proposition de loi. Notre commission a réalisé un très important travail d'auditions, de colloques, de tables-rondes menées par notre présidente. Vous estimiez initialement qu'avec un travail considérable nous pouvions trouver une solution.
J'avais personnellement des réticences sur cette loi, quant au respect de la liberté de la presse et à ses limites. Je me suis aperçu, après analyse, et avec une certaine surprise, qu'en définitive elle n'était pas si mauvaise.
Vous estimez que des référés en 48 heures sont impossibles, mais il est statué ainsi en cas de diffamation durant la période électorale ! Et si des décisions sont prononcées par un tribunal spécial équivalent à la 17e chambre, quel est le problème ? En outre, tout comme elle a défini la diffamation, la jurisprudence définira demain ce qu'est une fausse information.
Pensez-vous réellement que Russia Today (RT) et Sputnik sont des organes indépendants sur lesquels le CSA n'aurait rien à dire ? Ce ne sont pas des chaînes de radio ou de télévision classiques, mais des organes de désinformation du FSB (service fédéral de sécurité russe) qui s'attaquent à notre démocratie. Je ne vois pas quel serait le problème de rendre le CSA compétent. Cela vaudrait la peine d'être étudié.
La régulation des plateformes est le volet le plus important ; je regrette que M. Frassa ne l'ait pas évoqué. Je suis en désaccord complet avec M. Retailleau, qui estime que nous confions aux GAFA la privatisation de nos libertés. Ils ont retiré des milliers de sites djihadistes de leurs plateformes, comme le fait la presse : lorsqu'une de nos tribunes n'est pas acceptée par un journal, nous ne crions pas à la censure ! Le rédacteur en chef garde la maîtrise de ce qu'il publie. Les GAFA ont fait preuve de coopération et de transparence et doivent mettre sur leur site toutes les informations pour signaler des contenus injurieux ou appelant au djihad. Cette loi prévoit cette coopération avec les plateformes. La responsabilité des plateformes date du scandale Cambridge Analytica il y a quelques mois : la France et l'Union européenne ont voulu légiférer, en conséquence les GAFA se précipitent pour coopérer et proposent des solutions.
Traditionnellement, nous passons notre temps à affirmer les bienfaits du bicamérisme et des amendements du Sénat qui sont souvent conservés dans le texte final. Avec cette motion, la loi sera votée telle quelle à l'Assemblée nationale, sans l'adoption d'amendements qui auraient pu être retenus par une commission mixte paritaire (CMP) consensuelle.
Si nous optons pour la deuxième solution, ne nous contentons pas de dire « circulez, il n'y a rien à voir », proposons autre chose. Nous ne pouvons pas rester dans cette situation, compte tenu des menaces graves qui pèsent sur notre démocratie.
Difficile de ne pas être redondant, tant le débat est riche.... La vérité et son contraire, le mensonge, sont consubstantiels à notre société. La réalité est certes fluctuante, mais certaine. Le Gouvernement est mal placé pour exiger des autres le respect de la vérité qu'il ne s'impose pas à lui-même : dès qu'il y a une interdiction de diffuser, la censure n'est pas loin. Attention à ce qu'il ne subsiste pas que la vérité du régime... La démocratie suppose la confrontation de points de vue contradictoires. La vérité des uns est la fausseté des autres et il n'appartient pas à un juge d'en décider.
Traitons ce sujet important avec hauteur, et plus tard. Autrefois, les mensonges se propageaient à la vitesse d'un cheval ; désormais, c'est à la vitesse de la lumière, et dans des proportions bien supérieures. Nous abordons ce sujet par la petite lucarne. Le Sénat ne voudra pas délibérer, à raison, sur ce sujet. L'Assemblée nationale entérinera cette proposition de loi telle qu'elle est et prendra ses responsabilités devant l'opinion publique. Il en découlera une foule de contentieux...
Merci de ce débat extrêmement intéressant qui traduit une position unanime. Les fausses informations gangrènent la démocratie et il perdure un doute sur les derniers scrutins. Nous avons creusé ce sujet avec rigueur lors de nombreuses auditions.
Le vrai problème n'est pas les fake news, mais le terreau sur lequel elles prospèrent grâce aux réseaux sociaux. Internet est devenu un nouveau terrain d'affrontement politique et social, avec l'affaire Snowden, Cambridge Analytica, Facebook et Palantir. C'en est fini du rêve de l'Internet ouvert, libre, neutre et démocratique ; comme le rappelait la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), il faut le réguler.
En l'état, nous devons répondre au dispositif législatif qui nous est proposé. Le titre Ier nous interroge sur son caractère opérationnel et potentiellement dangereux, malgré quelques avancées notamment sur la formation, qui ont été introduites par l'Assemblée nationale - mais en cours d'examen seulement. Aurait-on pu améliorer ce texte ? Nous avons toujours cherché à le faire. Nous aurions pu tenter de supprimer le titre Ier, mais avec un très faible espoir que cela soit acté lors de la CMP, puisque la plupart d'entre elles échouent...
Or c'est la mesure la plus emblématique du texte. Rien ne serait pire qu'un tel bricolage.
Le titre II et le renforcement des pouvoirs du CSA auraient pu trouver leur place dans le projet de loi de réforme audiovisuelle repoussé à 2019. Il y a des incertitudes. L'article 6 est potentiellement anticonstitutionnel, car contraire à la personnalisation des peines.
Les directeurs de l'information nous rappelaient également l'aspect géopolitique - et la veille, leurs services juridiques étaient encore plus sévères : « Toute mesure contraignante prise à l'encontre d'un média au service d'une puissance étrangère ne manquera pas de provoquer des représailles à l'encontre des médias français présents dans ce pays ». Effectivement, la mise en demeure de Russia Today le 28 juin a validé cette loi d'airain : dès le lendemain, France 24 était menacé par le régulateur russe...
Nous nous félicitons des mesures intégrées in extremis dans le titre III bis sur l'éducation aux médias - je vous ai présenté il y a quelques semaines les conclusions de mon rapport sur la formation à l'heure numérique. La France et l'Union européenne doivent réfléchir à l'accompagnement des médias professionnels dans leur transition vers le numérique pour assurer leur pérennité et permettre l'exposition d'informations vérifiées. Une stratégie cohérente s'impose. Nous ne lutterons pas contre les fausses informations sans déontologie ni éclairage des lecteurs. Tous ces sujets sont intimement liés et renvoient à la liberté de la presse et du numérique.
Je défendrai en votre nom la motion opposant la question préalable, qui enverra un signal très clair au Gouvernement - le Sénat reste le gardien le plus inflexible des grandes libertés publiques - ainsi qu'à l'opinion publique et aux professionnels qui tous, sans exception, nous ont fait part de leur incompréhension, de leurs doutes et de leurs craintes. Nous avons réalisé ce travail de pédagogie que l'Assemblée nationale n'a pas su faire.
En application de l'article 44, alinéa 3 du Règlement du Sénat, une seule motion peut être déposée sur ce texte. Déposée par la commission, elle pourra être examinée après la discussion générale, ce qui vous permettra - comme les rapporteurs - de vous exprimer.
Choisir une proposition de loi nous prive d'une étude d'impact et d'un travail préalable du Conseil d'État - même si son avis en date du 19 avril dit tout. Il n'est pas sérieux de légiférer de telle manière sur ces questions aussi sensibles. Nous disposons d'un arsenal législatif insuffisamment utilisé. Le rapporteur pour avis pourra également vous exposer toutes ses réserves en séance publique.
Bruno Retailleau a raison : le système actuel peut nous conduire à une censure préventive des plateformes. Selon le Conseil d'État, nous sommes pris en tenaille entre une censure préventive et l'abandon de toute réaction qui aboutira à l'autodestruction. Le duopole Google et Facebook gère les informations par l'intelligence artificielle et un algorithme qui privent nos médias d'une exposition juste et équitable. Cela instaure une forme de censure, l'information se revendiquant alors comme « organisée », selon le président de Google.
Le modèle Internet repose alors sur le principe « je donne mes données - ou l'entreprise les capte, dans un capitalisme de la surveillance - en échange d'une information pseudo-gratuite ». Ce sujet, très sensible, a été théorisé par Tristan Harris, ancien ingénieur de Google. Pourquoi ne pas réviser la directive sur le e-commerce ? Réfléchissons au statut pour responsabiliser ces plateformes, dont l'intermédiation est obligatoire. Il y a des abus de position dominante et de concurrence déloyale. Toute notre économie est menacée par une ubérisation rampante. Nous sommes favorables au progrès mais celui-ci doit servir notre modèle de société.
Ce sujet doit être suivi à l'échelle européenne, au-delà de la seule autorégulation des plateformes. Nous pourrions réfléchir à un statut intermédiaire entre hébergeurs et éditeurs. Je suis favorable à l'adoption d'une proposition de résolution européenne pour faire avancer l'Union européenne, qui est bien naïve. Lors de notre colloque sur l'avenir de l'audiovisuel public, Jean-Paul Philippot, administrateur général de la Radio-télévision belge francophone (RTBF) a mentionné une confidence du président du Parlement européen : Google aurait des contacts avec tous les avocats de Bruxelles... Après l'affaire Snowden, un article du Guardian dévoilait que le plus grand nombre d'opérations de cybersurveillance de la NSA (National Security Agency, agence de sécurité américaine) était réalisé auprès des fonctionnaires de la commission européenne chargés de la concurrence. C'est à ce niveau-là que nous devons réfléchir. Il est dangereux de faire croire qu'une solution peut être trouvée alors que les prochaines élections prouveront le contraire. C'est pour cela que je vous propose le rejet du texte par l'adoption d'une motion opposant la question préalable.
La philosophie même du référé tel qu'il nous est proposé pose problème - et non le délai de 48 heures. Une fois la loi entrée en vigueur, le juge ne pourra pas tout faire. Comment définir des faits influençant un scrutin à venir ? Dans tout contentieux électoral français, le juge électoral se prononce a posteriori pour établir ces faits. Affirmer que Christophe-André Frassa détient un compte à Monaco, est-ce de nature à influencer le vote ? Bien malin le juge qui peut décider ex ante une potentielle influence... Tous les magistrats que nous avons auditionnés peineraient à se « dépatouiller » d'un tel objet juridique.
Ce référé pourrait être demandé par toute personne « ayant qualité à agir ». N'importe quelle association d'hurluberlus se créera ad hoc, créera le buzz et sera génératrice de fake news. On sait qui sont le ministère public, le candidat et le parti politique, mais pas ces personnes-là... C'est la porte ouverte à n'importe quoi ; ce référé est boiteux dès le départ. Ces deux points sont source d'incertitude et de danger.
La loi gère déjà les plateformes. La loi allemande a comme conséquence une autocensure absolue. Dès qu'il y a le moindre soupçon sur une publication qui ne serait pas politiquement correcte, elle disparaît. Veut-on aller jusque-là ? Ce n'est pas la société dans laquelle je veux vivre. Je ne veux pas vivre dans ce « Canada des Bisounours », et préfère dire comme Portalis : « Il ne faut point de lois inutiles ; elles affaibliraient les lois nécessaires ».
EXAMEN DE LA MOTION TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE
Conformément au troisième alinéa de l'article 44 du Règlement du Sénat, la motion COM-2 tendant à opposer la question préalable, qui sera présentée au nom de notre commission, pourra être examinée après la discussion générale, à la différence d'une motion présentée par un groupe politique.
La commission décide de soumettre au Sénat la motion COM-2 tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi. Les autres motions et amendements deviennent sans objet. La proposition de loi n'est pas adoptée.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication s'est toujours intéressée de très près à la question des établissements publics de coopération culturelle (EPCC). Cet outil juridique a en effet été créé en 2002 sur la base d'une loi d'initiative sénatoriale. C'est pour cette raison que notre commission en a toujours assuré le suivi avec autant d'application. Les travaux de nos collègues Laurent Lafon et Sylvie Robert s'inscrivent dans le prolongement de ceux déjà conduits par notre commission par le passé.
C'est en effet notre ancien collègue et membre de notre commission, Ivan Renar, qui a été à l'origine de la création des EPCC. Notre commission avait déjà réalisé deux précédentes évaluations, la première en 2006, qui avait donné lieu à une modification de la loi initiale pour en corriger les imperfections, la seconde en 2012.
Les auditions que nous avons conduites ces derniers mois ont unanimement révélé la pertinence de l'outil. Les EPCC ont été créés, à l'origine, afin de renforcer la décentralisation culturelle : ils visent à garantir une certaine stabilité et pérennité dans la gestion en commun des services publics culturels locaux. Selon le code des collectivités territoriales, leur création doit non seulement présenter un intérêt pour chacun des partenaires qui en sont membres mais aussi contribuer à la réalisation des objectifs nationaux dans le domaine de la culture. C'est pourquoi les EPCC peuvent être créés, soit entre plusieurs collectivités territoriales, soit entre des collectivités territoriales et l'État.
L'autre intérêt des EPCC, c'est qu'ils peuvent couvrir des champs très divers (spectacle vivant, festivals, lieux patrimoniaux, centres de ressources, écoles d'art). Je citerai quelques exemples d'EPCC qui illustrent cette diversité : le Pont-du-Gard, l'Opéra de Rouen-Normandie, le musée de la préhistoire de Tautavel, le Louvre Lens, le centre Pompidou Metz...
Plus de quinze ans après sa création, le sentiment qui prédomine est que cet outil est arrivé à maturité. Il ne suscite plus les mêmes craintes qu'autrefois au point qu'un rapport de l'IGAC rédigé en 2010 estimait qu'il se muait peu à peu en « objet de désir ». Clairement, l'inquiétude autour des coûts de transformation, qui était vive il y a encore quelques années, ne paraît plus réellement justifiée. L'expérience montre qu'ils sont assez rapidement absorbés après quelques années, même s'ils ne sont pas négligeables au début du fonctionnement de l'établissement.
Les principales qualités reconnues au statut d'EPCC sont, d'une part, sa souplesse de fonctionnement et, d'autre part, sa rigueur de gestion, en particulier les garanties de transparence qu'il offre de la gestion des fonds publics. Ces atouts justifient que le nombre de créations d'EPCC soit plutôt en augmentation ces dernières années.
L'autonomie des EPCC, que la loi vise à garantir, est jugée essentielle pour leur permettre de porter un projet culturel coordonné et fédérateur entre les partenaires. Cette notion de projet est tout à fait fondamentale dans les EPCC.
En examinant cet outil de près, nous nous sommes rendus compte de combien il était susceptible de prendre une ampleur nouvelle suite à la réaffirmation de la compétence culturelle partagée par la loi NOTRe en 2015. Ces dispositifs, fondés sur l'équilibre entre les partenaires, sont en effet loués pour la qualité de débat qu'ils procurent. Il serait dommage, dès lors, de ne pas les utiliser pour organiser des coopérations avancées dans le domaine de la culture entre les collectivités territoriales, sur la base des propositions qui pourraient être faites au sein des commissions chargées de la culture des conférences territoriales de l'action publique - les fameuses « CTAP culture ».
Cela conduit d'autant plus à déplorer le manque de données disponibles sur cet outil du fait de l'absence d'observation centralisée au niveau de l'État. Nous nous sommes rendu compte qu'il y avait un vrai déficit de connaissance des expériences existantes, alors même qu'elles pourraient être profitables à l'ensemble du réseau. Aucune évaluation du dispositif n'a été réalisée depuis le rapport de l'IGAC de juin 2010. Aucun ministère n'est capable de nous citer le nombre exact d'EPCC en fonction sur le territoire, la nature des partenaires qui les composent ou encore le champ culturel dans lequel ils interviennent. Au sein du ministère de la culture, il n'existe aucun référent EPCC, alors même qu'il s'agissait de l'une des recommandations formulées par notre commission il y a six ans. Une telle nomination permettrait pourtant de régler nombre des difficultés rencontrées pour la gestion en DRAC, fournirait un point d'appui pour les élus locaux et les EPCC et permettrait enfin de connaître le nombre des établissements sur le territoire, si ce référent pouvait être chargé d'une mission de centralisation des arrêtés préfectoraux de création des EPCC.
L'une des principales conclusions de notre mission est qu'une majorité des difficultés actuelles procède davantage de certaines pratiques déviantes que d'un cadre législatif incomplet. C'est en particulier le cas lorsqu'on observe la question de l'équilibre entre les différents partenaires, évidemment fondamentale pour garantir l'autonomie de ces établissements.
La question de la présence de l'État nous est ainsi apparue très complexe, avec à la fois la crainte de son éventuelle mainmise sur les décisions au sein des EPCC et du poids trop important qui pourrait lui être donné sur la définition des grandes orientations stratégiques et, de l'autre, la crainte d'un retrait de l'État au travers du principe de « celui qui paye décide » et du risque que, dans ces conditions, l'État peine à se faire entendre.
L'État pourrait tout à fait utiliser les EPCC comme un outil au service de l'aménagement culturel du territoire, pour fédérer les collectivités territoriales autour d'un projet culturel dans les zones où des carences seraient identifiées. D'ailleurs, dans l'esprit d'Ivan Renar, à l'origine de la création du statut il y a seize ans, la présence de l'État au sein des EPCC permet de garantir un équilibre entre les différents partenaires locaux et favorise l'articulation entre les politiques nationale et locale.
Il est vrai que l'État n'a pas vocation à être partenaire de l'ensemble des EPCC. Mais son association paraît souhaitable dès lors que le service géré par l'EPCC présente un intérêt autant pour les collectivités que pour l'État, à l'image d'un établissement titulaire d'un label ou situé dans un monument appartenant à l'État ou reconnu par lui. Or, on ressent clairement aujourd'hui une certaine frilosité de sa part à s'engager dans des projets qu'il lui faudrait financer. Faut-il envisager une gouvernance évolutive de l'EPCC, en fonction de la nature principale du projet porté par l'EPCC à un instant t ? La question peut être posée.
Du côté des collectivités territoriales, nous nous sommes rendus compte que les craintes sont aujourd'hui ambivalentes. D'une part, il y a toujours l'idée que certaines collectivités territoriales feraient preuve d'une volonté d'ingérence, en dépit des différents garde-fous que la loi prévoit. D'autre part, nous avons bien senti que la crainte du désengagement des collectivités territoriales est de plus en plus forte. Elle l'est d'ailleurs d'autant plus compte tenu du risque de contagion que le retrait d'une collectivité territoriale pourrait avoir sur les autres partenaires.
Malgré tout, nous avons bien senti qu'un certain nombre d'améliorations sont aujourd'hui souhaitées.
Effectivement, même si le bilan des EPCC est très positif, des évolutions sont attendues. La principale attente est évidemment celle de la pérennisation des financements. Aujourd'hui, le financement des EPCC est majoritairement réalisé sur la base de subventions, dont le montant est déterminé chaque année. Il s'agit d'un élément de fragilité pour ces établissements, qui rend plus qu'incertaine toute stratégie pluriannuelle, alors même que la nature du projet qu'ils portent la rend nécessaire. L'inscription dans les statuts de chaque établissement du montant minimal de la contribution annuelle nécessaire à la réalisation du projet de base constituerait une véritable avancée permettant de garantir l'autonomie des EPCC de même que la qualité et la pérennité de leurs missions. Cette solution n'empêcherait évidemment pas l'un des partenaires de sortir du dispositif, mais nécessiterait l'organisation d'un débat préalable entre eux pour modifier les statuts.
Nous avons constaté que cette absence de contributions statutaires n'était pas la seule difficulté budgétaire à laquelle les EPCC étaient confrontés. Il y a aussi le problème lié au gel budgétaire, si celui-ci vient s'imputer sur le montant de la subvention promis par l'État, susceptible de mettre les collectivités territoriales partenaires en difficulté, ainsi que les difficultés d'accès au fonds de compensation de la TVA pour les EPCC dont l'État est partenaire et qui veulent assurer la maîtrise d'ouvrage. En l'absence de dérogations prévues en leur faveur à l'heure actuelle, soit l'EPCC doit renoncer à l'exercice de la maîtrise d'ouvrage pour la laisser à l'une des collectivités partenaires, soit l'État est obligé de sortir de l'EPCC.
Le second sujet sur lequel il nous a semblé que des modifications étaient attendues, c'est celui du statut du directeur. Celui-ci joue un rôle central au sein des EPCC en tant que force d'impulsion, animateur et gestionnaire. La durée de son premier mandat est aujourd'hui problématique lorsqu'il est à la tête d'un établissement nécessitant une programmation en amont, puisque la loi autorise aujourd'hui qu'elle soit comprise entre trois et cinq ans. Il y a alors toutes les chances qu'en retenant une durée de trois ans, un directeur soit, en fait, presque exclusivement évalué sur le bilan de son prédécesseur. Une durée de cinq ans paraîtrait préférable pour un premier mandat.
La procédure de renouvellement du mandat soulève également des interrogations. Elle gagnerait sans doute à être mieux formalisée dans les règlements intérieurs des établissements, notamment en ce qui concerne la procédure d'évaluation du directeur sortant et le respect des délais de préavis applicables aux contrats de droit public, sans pour autant remettre en cause la faculté pour les collectivités territoriales de renouveler le titulaire du poste si elles le jugent nécessaire.
Enfin, l'articulation des procédures relatives à la nomination et au renouvellement des directeurs d'EPCC avec celles relatives à l'agrément des directeurs des structures labellisées est également nécessaire après la consécration législative des labels par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP).
La dernière piste d'évolution a trait à la gouvernance. Les retours d'expérience montrent que les établissements qui ont fait le choix de se doter d'un règlement intérieur ont gagné en fluidité de fonctionnement. C'est pourquoi nous recommandons que les établissements se dotent de tels instruments, qui donnent l'occasion aux partenaires de se mettre d'accord sur les règles de fonctionnement.
La question de la composition et du rôle du conseil d'administration (CA) est également posée. La large composition des conseils d'administration est, de manière générale, saluée en ce qu'elle autorise l'expression de tous les partenaires. La présence de personnalités qualifiées au sein des CA est jugée indispensable pour l'éclairage professionnel et stratégique qu'elles apportent aux débats. Toutefois, les CA se résument bien souvent à de simples chambres d'enregistrement des décisions et leur ordre du jour est souvent trop encombré pour permettre de véritables discussions autour des orientations politiques et culturelles de l'établissement. La création de conseils stratégiques ou de commissions au sein des EPCC pourraient apparaître comme une solution pour remédier à ces difficultés.
Difficile évidemment d'évoquer les EPCC sans mentionner les écoles d'art territoriales. La quasi-totalité de ces écoles s'est vue imposer le statut d'EPCC par l'État au tournant des années 2010. Bientôt dix ans plus tard, il semble enfin apprivoisé par ces écoles même si l'opportunité de sa meilleure adaptation aux spécificités des établissements continue de se poser. L'autonomie des établissements est en effet indispensable pour garantir leur bonne insertion dans le processus de Bologne, dont découle le système Licence/Master/Doctorat (LMD). À ce titre plusieurs demandes sont régulièrement formulées, parmi lesquelles la présence de l'État au sein des CA en tant que contrôle pédagogique, la meilleure représentation des enseignants et des élèves au sein des CA ou la mise en place d'un conseil artistique et scientifique et d'un conseil pédagogique de la vie étudiante.
Surtout, la question de l'alignement du statut des enseignants des écoles d'art territoriales sur celui des écoles nationales reste toujours en suspens. Or, ces différences de statut fragilisent aujourd'hui nos écoles territoriales. C'est pourquoi nous espérons que le Gouvernement apportera enfin une réponse à la hauteur de cet enjeu le plus rapidement possible. Nous aurons l'occasion d'en reparler à l'automne au moment de la discussion budgétaire.
Les EPCC sont un outil juridique fantastique compte tenu de la diversité des possibilités qu'ils offrent. Je voudrais rendre hommage au rôle joué par Ivan Renar dans leur création et à la manière dont il a continué à porter l'outil ensuite, y compris en acceptant qu'il évolue pour être plus pertinent encore. Lors de la dernière évaluation, les difficultés de financement des EPCC et le problème du statut du directeur avaient déjà été soulevés. À mon sens, les départements ont un rôle important à jouer dans le financement des EPCC. C'est le cas dans le Finistère avec l'EPCC « Les chemins du patrimoine » qui a permis de fédérer les petites communes et de les aider à protéger et valoriser leur petit patrimoine. Enfin, permettez-moi d'apporter mon soutien à vos propos sur les écoles d'art : il est important de faire évoluer le statut des enseignants des écoles territoriales pour garantir le maintien de la cohérence du réseau.
Ivan Renar a su créer un outil pragmatique et capable de s'adapter aux changements du temps, à l'image de mon groupe politique. Je voudrais mettre en avant l'EPCC de Bibracte qui, au-delà de ses missions archéologiques et muséales, assure également la gestion d'un grand domaine et a l'ambition, en coopération avec le Parc du Morvan, d'influer sur le devenir des paysages agraires et forestiers autour du Mont Beuvray. Je ne crois pas qu'Ivan Renar se serait attendu à ce qu'un EPCC puisse se transformer en outil de reconquête des terres agricoles. Il ne serait pas inintéressant, à mon sens, que notre commission effectue un déplacement pour découvrir cet EPCC et les projets qu'il porte, dont celui-ci, mêlant culture et agriculture.
Il me paraît primordial que notre commission continue d'assurer un suivi régulier de cet outil et je me réjouis du bilan positif dressé par les co-rapporteurs.
Avez-vous constaté des cas dans lesquels l'État s'est retiré d'un EPCC ? L'État me paraît avoir eu une position très changeante à l'égard des EPCC depuis quinze ans. Il avait refusé de s'engager lorsque j'avais souhaité créer un EPCC pour la Cité internationale de la tapisserie d'Aubusson il y a quelques années.
Aucun cas dans lequel l'État se serait retiré en premier d'un EPCC ne nous a été signalé. Ont été mentionnés des cas dans lesquels des collectivités territoriales se sont retirées. En revanche, il est vrai que l'État refuse parfois de s'engager dans certains EPCC, plus encore si sa présence suppose une contribution financière au fonctionnement de l'établissement. Pour autant, nous n'avons pas ressenti un désintérêt de l'État pour les projets portés par les EPCC, que ce soit au niveau de l'administration centrale ou des DRAC. Mais, là encore, le manque de données précises rend difficile une réponse fiable à cette question.
Nous avons été véritablement frappés de ce manque d'état des lieux. Comment l'État peut-il espérer fonder une réflexion sur ce statut public sans disposer d'informations objectives et fiables le concernant ?
Vous avez évoqué le rôle des conseils d'administration et l'importance de la présence de personnalités qualifiées en leur sein. Il faut veiller que ces personnalités ne soient pas choisies parmi les représentants qui financent l'EPCC. Sinon c'est une manière déguisée de gonfler le nombre de représentants politiques et cela peut nuire à la vie artistique et culturelle de l'établissement.
S'agissant des contributions statutaires, je comprends l'intérêt qu'elles peuvent présenter pour garantir le fonctionnement pérenne des établissements, mais prenons garde à ne pas remettre en cause le principe de libre administration des collectivités territoriales. Je ne suis pas forcément favorable à ce que l'on demande aux collectivités de s'engager sur un montant précis, surtout dans le contexte budgétaire très contraint qui est le leur.
L'idée était que les partenaires prennent conscience que le projet de l'EPCC ne pouvait pas être réalisé en deçà d'un certain seuil de financement et qu'ils soient responsabilisés. Mais je partage votre remarque sur le nécessaire respect du principe de libre administration des collectivités territoriales, surtout dans le contexte de l'encadrement de leurs dépenses.
Nous avons constaté une difficulté relative au caractère pluriannuel des projets compte tenu du principe de l'annualité budgétaire. Il est important de garantir une stabilité sur cinq ans pour éviter de fragiliser les projets. Il n'est pas possible de mettre ce principe dans la loi, mais nous recommandons que sur la base du volontariat il soit inscrit dans les statuts des établissements concernés.
La réunion est close à 11 h 45.