Intervention de Yvon Collin

Réunion du 20 janvier 2009 à 22h00
Enseignements de la présidence française de l'union européenne — Discussion d'une question orale européenne avec débat

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Malheureusement, cette volonté est jusque-là restée formelle. Même le pacte de stabilité, brandi comme un instrument de la coordination, n’est en fait qu’un simple corps de règles plus ou moins contraignantes ; il fixe des objectifs, sans toutefois fournir les outils pour les atteindre. Ce pacte se révèle d’ailleurs impossible à tenir en cas de grave récession. Nous en avons aujourd’hui la preuve, puisque notre pays prévoit de laisser filer les déficits publics à plus de 4 % du PIB en 2009.

Malgré la crise, l’Europe se caractérise donc toujours par une grande diversité d’options nationales qui s’opposent et la survivance d’intérêts nationaux qui s’affrontent. Cette stratégie est bien évidemment contre-productive.

Pourtant, des modèles macro-économiques ont démontré, par exemple, qu’une relance par la demande dans un pays isolé apparaissait près de moitié moins efficace que lorsqu’elle est conduite à l’unisson et que son efficacité est réduite des trois quarts quand, en plus, les autorités monétaires prennent des mesures pour la contrecarrer.

Compte tenu du degré d’interdépendance des économies européennes, la régulation conjoncturelle de l’activité est une question d’intérêt commun. Or la politique monétaire mise à part, les politiques de régulation de la conjoncture – politiques budgétaires ou salariales – sont des politiques nationales. Cette situation favorise les stratégies individuelles des États membres de la zone.

Par exemple, la France et l’Allemagne mènent souvent des politiques budgétaires divergentes, aboutissant à une compétition entre elles. Et le plus souvent – on peut le regretter ! – cette compétition est favorable à l’Allemagne en termes de marché, grâce à sa politique de désinflation compétitive.

Aujourd’hui, l’affaire est plus grave que celle d’une hyper-compétition interne, puisque c’est l’ensemble de la zone euro qui entre en récession, avec un recul du PIB estimé à 1, 9 %. La grande crise économique actuelle doit être une opportunité à saisir pour approfondir et réellement enclencher le processus de coordination des politiques économiques à l’échelle de l’Union.

Durant la présidence française, il aurait été important de traiter l’origine immédiate de la crise en favorisant davantage la mise en place d’instruments destinés à revoir et à réguler le système financier mondial. Certes, ce fut l’objet de quatre directives européennes dont le Président de la République, et il avait raison, a souhaité l’adoption rapide.

Il était également important de traiter les difficultés sociales à venir en adoptant des plans de relance, même dispersés, destinés à relancer l’activité et à retrouver le chemin de la croissance. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir demain.

Mais, au-delà de ces impératifs, il faudra, je le répète, s’atteler à rendre l’Europe davantage maîtresse de son destin par le renforcement de ses fondations économiques dans le sens d’une véritable coordination. Ses institutions sont, elles aussi, encore fragiles, avec les quelques incertitudes qui pèsent sur la ratification du traité de Lisbonne par certains pays.

La présidence française a marqué les esprits par son volontarisme. C’est indéniable ! Mais que restera-t-il demain de cette période caractérisée par des situations d’urgence et de crises, empêchant finalement un approfondissement concret de la coordination économique ?

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Europe est née dans la crise. Je ne désespère pas qu’elle tire les leçons de celle que nous vivons actuellement.

La zone euro connaîtra des turbulences qui engendreront des solutions de court terme. Mais n’oublions pas l’essentiel : le défaut de coordination des politiques économiques aboutit à une confrontation qui ne fait, au bout du compte, que des perdants et compromet ainsi sérieusement toutes les ambitions affirmées dans le traité de Lisbonne.

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