Intervention de Laurent Lafon

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 18 juillet 2018 à 9h35
Proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Laurent LafonLaurent Lafon, co-rapporteur :

C'est en effet notre ancien collègue et membre de notre commission, Ivan Renar, qui a été à l'origine de la création des EPCC. Notre commission avait déjà réalisé deux précédentes évaluations, la première en 2006, qui avait donné lieu à une modification de la loi initiale pour en corriger les imperfections, la seconde en 2012.

Les auditions que nous avons conduites ces derniers mois ont unanimement révélé la pertinence de l'outil. Les EPCC ont été créés, à l'origine, afin de renforcer la décentralisation culturelle : ils visent à garantir une certaine stabilité et pérennité dans la gestion en commun des services publics culturels locaux. Selon le code des collectivités territoriales, leur création doit non seulement présenter un intérêt pour chacun des partenaires qui en sont membres mais aussi contribuer à la réalisation des objectifs nationaux dans le domaine de la culture. C'est pourquoi les EPCC peuvent être créés, soit entre plusieurs collectivités territoriales, soit entre des collectivités territoriales et l'État.

L'autre intérêt des EPCC, c'est qu'ils peuvent couvrir des champs très divers (spectacle vivant, festivals, lieux patrimoniaux, centres de ressources, écoles d'art). Je citerai quelques exemples d'EPCC qui illustrent cette diversité : le Pont-du-Gard, l'Opéra de Rouen-Normandie, le musée de la préhistoire de Tautavel, le Louvre Lens, le centre Pompidou Metz...

Plus de quinze ans après sa création, le sentiment qui prédomine est que cet outil est arrivé à maturité. Il ne suscite plus les mêmes craintes qu'autrefois au point qu'un rapport de l'IGAC rédigé en 2010 estimait qu'il se muait peu à peu en « objet de désir ». Clairement, l'inquiétude autour des coûts de transformation, qui était vive il y a encore quelques années, ne paraît plus réellement justifiée. L'expérience montre qu'ils sont assez rapidement absorbés après quelques années, même s'ils ne sont pas négligeables au début du fonctionnement de l'établissement.

Les principales qualités reconnues au statut d'EPCC sont, d'une part, sa souplesse de fonctionnement et, d'autre part, sa rigueur de gestion, en particulier les garanties de transparence qu'il offre de la gestion des fonds publics. Ces atouts justifient que le nombre de créations d'EPCC soit plutôt en augmentation ces dernières années.

L'autonomie des EPCC, que la loi vise à garantir, est jugée essentielle pour leur permettre de porter un projet culturel coordonné et fédérateur entre les partenaires. Cette notion de projet est tout à fait fondamentale dans les EPCC.

En examinant cet outil de près, nous nous sommes rendus compte de combien il était susceptible de prendre une ampleur nouvelle suite à la réaffirmation de la compétence culturelle partagée par la loi NOTRe en 2015. Ces dispositifs, fondés sur l'équilibre entre les partenaires, sont en effet loués pour la qualité de débat qu'ils procurent. Il serait dommage, dès lors, de ne pas les utiliser pour organiser des coopérations avancées dans le domaine de la culture entre les collectivités territoriales, sur la base des propositions qui pourraient être faites au sein des commissions chargées de la culture des conférences territoriales de l'action publique - les fameuses « CTAP culture ».

Cela conduit d'autant plus à déplorer le manque de données disponibles sur cet outil du fait de l'absence d'observation centralisée au niveau de l'État. Nous nous sommes rendu compte qu'il y avait un vrai déficit de connaissance des expériences existantes, alors même qu'elles pourraient être profitables à l'ensemble du réseau. Aucune évaluation du dispositif n'a été réalisée depuis le rapport de l'IGAC de juin 2010. Aucun ministère n'est capable de nous citer le nombre exact d'EPCC en fonction sur le territoire, la nature des partenaires qui les composent ou encore le champ culturel dans lequel ils interviennent. Au sein du ministère de la culture, il n'existe aucun référent EPCC, alors même qu'il s'agissait de l'une des recommandations formulées par notre commission il y a six ans. Une telle nomination permettrait pourtant de régler nombre des difficultés rencontrées pour la gestion en DRAC, fournirait un point d'appui pour les élus locaux et les EPCC et permettrait enfin de connaître le nombre des établissements sur le territoire, si ce référent pouvait être chargé d'une mission de centralisation des arrêtés préfectoraux de création des EPCC.

L'une des principales conclusions de notre mission est qu'une majorité des difficultés actuelles procède davantage de certaines pratiques déviantes que d'un cadre législatif incomplet. C'est en particulier le cas lorsqu'on observe la question de l'équilibre entre les différents partenaires, évidemment fondamentale pour garantir l'autonomie de ces établissements.

La question de la présence de l'État nous est ainsi apparue très complexe, avec à la fois la crainte de son éventuelle mainmise sur les décisions au sein des EPCC et du poids trop important qui pourrait lui être donné sur la définition des grandes orientations stratégiques et, de l'autre, la crainte d'un retrait de l'État au travers du principe de « celui qui paye décide » et du risque que, dans ces conditions, l'État peine à se faire entendre.

L'État pourrait tout à fait utiliser les EPCC comme un outil au service de l'aménagement culturel du territoire, pour fédérer les collectivités territoriales autour d'un projet culturel dans les zones où des carences seraient identifiées. D'ailleurs, dans l'esprit d'Ivan Renar, à l'origine de la création du statut il y a seize ans, la présence de l'État au sein des EPCC permet de garantir un équilibre entre les différents partenaires locaux et favorise l'articulation entre les politiques nationale et locale.

Il est vrai que l'État n'a pas vocation à être partenaire de l'ensemble des EPCC. Mais son association paraît souhaitable dès lors que le service géré par l'EPCC présente un intérêt autant pour les collectivités que pour l'État, à l'image d'un établissement titulaire d'un label ou situé dans un monument appartenant à l'État ou reconnu par lui. Or, on ressent clairement aujourd'hui une certaine frilosité de sa part à s'engager dans des projets qu'il lui faudrait financer. Faut-il envisager une gouvernance évolutive de l'EPCC, en fonction de la nature principale du projet porté par l'EPCC à un instant t ? La question peut être posée.

Du côté des collectivités territoriales, nous nous sommes rendus compte que les craintes sont aujourd'hui ambivalentes. D'une part, il y a toujours l'idée que certaines collectivités territoriales feraient preuve d'une volonté d'ingérence, en dépit des différents garde-fous que la loi prévoit. D'autre part, nous avons bien senti que la crainte du désengagement des collectivités territoriales est de plus en plus forte. Elle l'est d'ailleurs d'autant plus compte tenu du risque de contagion que le retrait d'une collectivité territoriale pourrait avoir sur les autres partenaires.

Malgré tout, nous avons bien senti qu'un certain nombre d'améliorations sont aujourd'hui souhaitées.

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