Intervention de Catherine Procaccia

Réunion du 26 septembre 2007 à 15h00
Code du travail — Discussion d'un projet de loi

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le projet de loi de ratification que nous examinons cet après-midi vient parachever un processus engagé depuis maintenant près de trois ans.

En effet, c'est à la fin de l'année 2004 que le Gouvernement a été habilité une première fois à procéder à la réécriture à droit constant du code du travail. Le délai initialement prévu s'étant révélé insuffisant, l'habilitation a été renouvelée à la fin de 2006. C'est dire que les délais ont été longs et ont permis une réflexion importante.

Ce projet de recodification a été motivé par le sentiment, largement partagé, qu'au fil des ans le code du travail était devenu de plus en plus difficilement lisible. Le ministre a rappelé tout à l'heure que, dans sa version actuelle, il datait de plus de trente-cinq ans.

La commission a été sensible au caractère très ouvert du travail de recodification : la mission chargée de la codification proprement dite, rattachée à la direction générale du travail, a associé à ses travaux un comité d'experts ainsi qu'une commission des partenaires sociaux, rassemblant les représentants des organisations syndicales et patronales, qui s'est réunie une quinzaine de fois. Elle a oeuvré sous le contrôle de la Commission supérieure de codification, qui est chargée depuis 1989 de coordonner et de superviser tous les projets de codification dans notre pays, et qui n'est pas contestée.

Je ne présenterai pas l'intégralité des changements introduits : le ministre les a déjà évoqués, et nous y reviendrons au fur et à mesure de l'examen des articles. Je souhaite cependant insister sur les principales améliorations qu'a permises la recodification et qui justifient l'appréciation positive portée par la commission des affaires sociales sur ce projet de loi.

Le nouveau code nous paraît plus lisible que l'ancien et d'un maniement plus facile. Car tous les utilisateurs du code du travail ne sont pas des juristes : ce sont aussi, au quotidien, des salariés, des chefs de petites entreprises, des élus du personnel ou des syndicalistes.

Si le nouveau code est plus lisible, c'est d'abord parce que l'on a procédé à de nombreuses scissions d'articles afin que les articles soient plus courts et qu'à chacun corresponde une idée.

C'est ensuite parce que la terminologie a été harmonisée. Jusqu'à présent, le ministre l'a rappelé, il était fréquent que des termes différents soient utilisés dans le code du travail pour désigner une même réalité juridique. Ainsi, on parlait indifféremment de « l'employeur » ou du « chef d'entreprise », du « préavis » ou du « délai-congé », du « congédiement » ou du « licenciement »... La rédaction du nouveau code a donc été uniformisée et retient chaque fois l'expression qui a été estimée la plus compréhensible pour tous.

C'est aussi parce que, toujours dans un souci de pédagogie, de nouveaux articles ont été introduits pour définir certaines notions juridiques, telle celle de « travail temporaire », ou pour cadrer le champ d'application de telle ou telle partie du code.

C'est encore parce que le plan du code a été remanié : le nombre des subdivisions a été fortement augmenté, ce qui donne un plan plus fin, et les articles ont été réordonnés afin de former des ensembles plus cohérents. Ainsi, l'apprentissage - dossier que le Sénat, plus particulièrement la commission des affaires sociales, suit de près - a été regroupé avec les autres dispositions relatives à la formation professionnelle, et les dispositions pénales ont été rapprochées des règles qu'elles sanctionnent.

C'est enfin parce que le nouveau code est plus complet, puisqu'il intègre des textes - comme la loi de 1978 sur la mensualisation, que le ministre a mentionnée - qui jusqu'ici n'avaient pas été codifiés, et parce qu'il est allégé grâce à la suppression de dispositions devenues inapplicables, que ce soit parce qu'elles étaient tombées en désuétude - ainsi de la précision selon laquelle le contrat de travail est exempt de timbre et d'enregistrement -, parce qu'elles étaient contraires à des règles de droit communautaire ou de droit international - c'est le cas de la règle d'interdiction du travail de nuit des femmes, et je me suis exprimée sur ce sujet devant la commission -, ou encore parce qu'elles ont été transférées vers d'autres codes.

Il a en effet été décidé, et la commission estime que c'est une bonne chose, de ne maintenir dans le code du travail que les dispositions de portée générale et, chaque fois que cela était possible, de transférer les dispositions propres à une profession ou à un secteur d'activité dans les codes spécialisés : les règles relatives aux assistants maternels et familiaux dans le code de l'action sociale et des familles, celles qui concernent les salariés agricoles dans le code rural, et ainsi de suite.

Je voudrais maintenant aborder un choix rédactionnel qui, vous le savez, a été critiqué par les syndicats, et ce, je crois, à tort, bien que je comprenne parfaitement le souci qu'ils expriment.

Alors que le code actuel utilise diverses formulations pour signifier le caractère impératif des normes qu'il édicte - « l'employeur doit », « l'employeur doit obligatoirement », « l'employeur est tenu de » -, le nouveau code généralise l'emploi de l'indicatif présent. Or les organisations syndicales estiment que, pour un lecteur non averti, l'indicatif serait plus ambigu que les anciennes formules impératives, car il paraîtrait moins contraignant.

Ce n'est pas exact : en droit, l'indicatif présent exprime une obligation, ainsi qu'en témoignent d'autres codes. Plus encore, le code du travail présente dans sa forme actuelle l'inconvénient, plus grave à mes yeux, de contenir plusieurs formulations laissant à penser qu'il existerait différents « niveaux » d'obligation, ce qui ne correspond absolument pas à la réalité ; et nous, parlementaires, utilisions effectivement ces différents niveaux...

En tout état de cause, je souhaite que le travail d'explication et d'information qui accompagnera l'entrée en vigueur du nouveau code permette de lever les incertitudes que pourrait susciter celui-ci. Sans doute le Gouvernement nous précisera-t-il au cours du débat ses projets en la matière.

Dans ses travaux préparatoires, la commission s'est attachée à contrôler le respect de l'habilitation votée par le Parlement. L'obligation de procéder à une recodification à droit constant a, selon nous, été suivie : il s'agit bien d'une remise en forme du texte sans modification au fond des règles de droit.

Certes, une partie de la doctrine et certains syndicats craignent que la recodification ne provoque des évolutions jurisprudentielles inattendues, dans la mesure où l'ordonnancement des articles, leur rédaction, les intitulés des parties dans lesquelles ils s'insèrent, ont été modifiés. Ce risque me paraît en réalité fort limité, car je suis à peu près certaine que le principe de recodification à droit constant guidera l'interprétation du nouveau code par les tribunaux et les dissuadera de réviser leur jurisprudence à l'occasion de son entrée en vigueur.

Les critiques se sont également focalisées sur les quelque cinq cents opérations de déclassement qui ont été effectuées pour transférer des dispositions législatives vers la partie réglementaire du nouveau code. Les dispositions déclassées pourront désormais être modifiées par simple décret, ce qui a pu susciter des inquiétudes. Je rappelle cependant que les déclassements sont fréquents à l'occasion des travaux de recodification et qu'ils ont pour finalité de faire mieux respecter le partage entre les domaines respectifs de la loi et du règlement définis aux articles 34 et 37 de la Constitution.

La loi, en théorie, détermine les seuls « principes fondamentaux » du droit du travail, les dispositions plus détaillées relevant du pouvoir réglementaire. En pratique, cependant, il n'est pas rare que nous-mêmes, parlementaires, adoptions des mesures de portée réglementaire.

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