Intervention de Benoist Apparu

Réunion du 3 mai 2011 à 14h30
Gestion effective du risque de submersion marine — Discussion de deux propositions de loi dans le texte de la commission

Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi pour commencer de saluer le travail remarquable, et remarqué, de la mission d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia et de remercier plus particulièrement son président, Bruno Retailleau, ainsi que son rapporteur, Alain Anziani, auteurs de la double proposition de loi tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine aujourd’hui discutée devant votre Haute Assemblée.

La mission d’information aura grandement contribué à nous permettre d’atteindre notre objectif, qui était de tirer tous les enseignements possibles de la tempête Xynthia et de le faire en restant mobilisés, sans céder à la facilité de l’oubli et sans non plus que la mémoire du risque s’estompe.

Xynthia a causé cinquante-trois décès en France. En Charente-Maritime seulement, plus de 700 personnes ont dû quitter leur maison et 2 500 personnes ont été hébergées en urgence lors de cette terrible nuit.

Notre première priorité aura été de remettre à niveau les digues de protection endommagées par la tempête ; nous avons ensuite rapidement travaillé sur les zones de solidarité.

Compte tenu de la très grande émotion provoquée par Xynthia, nous avons souhaité qu’une solution d’urgence soit trouvée.

Nous avons ainsi défini, en avril 2010, les zones dans lesquelles l’État proposerait de racheter les maisons, notamment parce que certaines personnes avaient été traumatisées et voulaient déménager. Cela concernait 1 574 habitations et, à ce jour, 1 129 biens ont fait l’objet d’un accord pour une acquisition amiable.

Dans la phase suivante, après un examen évidemment approfondi de chaque situation, un périmètre des zones exposées à un risque grave contre lequel aucune protection n’est possible, et donc au sein desquels les propriétaires sont voués à l’expropriation, a été proposé.

En Vendée, l’expertise s’est achevée en octobre.

En Charente-Maritime, l’expertise a été rendue en février pour huit des douze zones concernées ; avec le programme de travaux de protection du conseil général, elle pourra être achevée avant l’été pour les quatre zones restantes.

Grâce aux dispositions exceptionnelles qui ont été adoptées en lois de finances par le Parlement, la trésorerie du fonds Barnier s’est révélée suffisante. À ce jour, 284 millions d’euros ont été mobilisés par l’État sur ce fonds de prévention des risques naturels majeurs pour financer les acquisitions à l’amiable.

J’ajoute que les ressources annuelles du fonds Barnier, qui s’élèvent à 165 millions d’euros, paraissent, à ce jour également, suffisantes pour faire face à nos différents programmes de travail, qu’il s’agisse du plan « Submersions rapides », soit 80 millions d’euros par an, du plan « Séisme Antilles », soit 25 millions à 30 millions d’euros par an, des opérations de délocalisation, soit 35 millions d’euros, ou encore de la mise en œuvre des PPR, soit 15 millions d’euros.

De manière peut-être plus générale, je voudrais également évoquer la politique de prévention des inondations.

En la matière, Xynthia a livré des leçons, à commencer par des leçons sur les PPR, qui sont contestés ou au contraire parfois accusés de trop contraindre le développement des territoires. L’actualisation de ces documents est un défi qu’il va nous falloir relever.

Toujours en matière de prévention des inondations, Xynthia a fait apparaître que nous étions confrontés à un autre véritable défi : l’entretien et la gestion des digues

Vous le savez mieux que quiconque, monsieur le rapporteur, et la mission d’information l’a clairement démontré, nombre de digues n’ont pas de responsable actif et parfois même pas de responsable identifié, ce qui a bien évidemment des conséquences sur leur entretien. En outre, les responsables, publics ou privés, ne sont pas forcément, il faut l’admettre, à la hauteur des enjeux techniques ou des contraintes financières que cet entretien exige.

Nous avons d’ores et déjà commencé à agir à travers le plan « Submersions rapides », qui a pu utilement tirer profit des recommandations de la mission.

Rappelons que l’État y consacrera 500 millions d’euros, principalement via le fonds Barnier, sur la période 2011-2016, ce qui permettra de conforter 1 200 kilomètres de digues.

Ce plan, qui couvre l’ensemble des axes de la prévention du risque, s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la directive relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, dite « directive inondation », et de la stratégie nationale de gestion du trait de côte.

Son premier objectif est la réduction de la vulnérabilité.

Il a été demandé aux préfets littoraux de recenser les territoires qui doivent faire l’objet de plans de prévention des risques littoraux de manière prioritaire. Ont ainsi été identifiées deux cent quarante-deux communes où un PPR doit être élaboré et approuvé dans un délai de trois ans et soixante-huit communes dont le PPR devra être révisé.

Enfin, il ne s’agit évidemment pas pour nous d’aborder la réduction de la vulnérabilité uniquement par le biais de l’élaboration de PPR dans les communes les plus menacées.

J’ai bien entendu vos remarques, monsieur le rapporteur pour avis : il convient également d’élaborer des projets d’aménagement intégrant prévention des risques et objectifs de développement, par exemple via des SCOT expérimentaux sur le littoral ou via l’urbanisme de projet, démarche que j’ai lancée qui permet d’adapter les règles à un projet durable plutôt que l’inverse.

Vous avez, les uns et les autres, évoqué les techniques utilisées en la matière aux Pays-Bas. On peut également prendre l’exemple de l’Allemagne, notamment d’Hambourg, où des techniques particulières permettent de réduire la vulnérabilité au risque, tout en protégeant le développement du territoire.

Il s’agit là d’un équilibre qu’il est impératif de prendre en considération.

L’enjeu est d’autant plus essentiel qu’il est lié à une tendance de la démographie française, déjà forte à la fin des années soixante comme les chiffres que vous avez cités le montrent, à savoir la forte progression démographique dans toutes les zones littorales, que ce soit sur la façade atlantique comme sur la façade méditerranéenne. Les projections de l’INSEE à l’horizon de 2040 font ainsi apparaître une hausse de 20 % dans ces zones alors que la hausse sera de moins de 10 % pour le reste du territoire.

Dans ces zones où les flux démographiques vont ainsi se concentrer, il nous faut donc trouver un équilibre entre l’indispensable réduction de la vulnérabilité au risque et la nécessité d’assurer le développement. À cet égard, nous disposons d’exemples étrangers particulièrement instructifs, notamment en Allemagne et aux Pays-Bas.

Après la réduction de la vulnérabilité, le deuxième objectif du plan est l’amélioration de la chaîne vigilance- prévision-alerte.

Météo France mettra en place, à partir de la fin de cette année, une vigilance vagues-submersion marine à la côte à l’échelon départemental. Grâce au code couleur en vigueur – orange, rouge –, un niveau de vigilance sera défini en fonction des différents critères qui permettent d’apprécier le danger de submersion.

Notre troisième objectif concerne les ouvrages de protection.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur Anziani, un travail considérable de recensement – il porte sur plus de 8 000 kilomètres d’ouvrages – a été entrepris. L’un des objectifs est de trouver aux digues dites « orphelines » un ensemble propriétaire-gestionnaire qui pourra prendre en charge le renforcement et l’entretien de ces ouvrages.

L’enjeu d’une maîtrise d’ouvrage solide est bien évidemment crucial et il me semble que la proposition de loi dont nous débattons ouvre en la matière des pistes très utiles.

À ce stade des réflexions, il est plutôt envisagé de faire émerger des maîtrises d’ouvrage locales solides, sachant que, pour les digues, il est difficile de trouver un schéma unique sur tout le territoire.

Selon les cas, la gestion des digues a été prise en charge par des communautés de communes, par le département, par des syndicats mixtes – je pense notamment au SYMADREM, sur le Rhône – regroupant plusieurs niveaux de collectivités.

Du coup, les possibilités sont nombreuses, et la question reste ouverte : faut-il maintenir cette diversité en créant localement un établissement souple dans les collectivités qui adhérent ou bien créer un schéma unique fondé, par exemple, sur la compétence des EPCI à fiscalité propre, dotés d’un budget annexe ? Il nous appartiendra d’examiner toutes ces pistes.

S’agissant du financement des travaux de confortement des ouvrages de protection, le Gouvernement a entendu la demande que vous exprimiez, monsieur Retailleau.

Vous souhaitez que soit accordé à titre transitoire un taux de 40 % d’aide tant que le PPR prescrit n’est pas approuvé, contre un taux de 25 % actuellement, relèvement du taux qui, bien sûr, ne pourra s’appliquer que pendant une période limitée, à savoir le temps d’approuver le PPR, afin d’encourager son élaboration. Sachez que le Gouvernement présentera un amendement reprenant votre idée afin de ne pas prendre de retard dans la réalisation des travaux de protection sur le littoral.

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