Mais la forme n'est pas, loin s'en faut, la seule critique à formuler sur votre texte, même si la forme en dit beaucoup sur le fond.
Ainsi, l'une des principales caractéristiques de ce projet de loi est de procéder - vous l'avez dit vous-même - à la « reclassification » d'un certain nombre de dispositions : en effet, près de cinq cents d'entre elles vont passer du domaine législatif au domaine réglementaire. La conséquence est double. D'une part, la modification de ces dispositions devenues réglementaires sera plus aisée et pourra se faire dans le plus grand silence. D'autre part, vous niez de nouveau l'existence de la nature inégalitaire de la relation employeur-employé.
Si le législateur a pris soin par le passé de faire figurer dans la partie législative un certain nombre de dispositions relatives aux autorités compétentes en matière de conflit, c'est bien parce que, connaissant ce rapport inégalitaire, il a souhaité protéger autant que possible le salarié.
En outre, vous dessaisissez parfois le juge prud'homal au bénéfice du tribunal de grande instance, ce qui n'est pas sans conséquence pour les salariés puisque, là où avant ces derniers pouvaient se défendre seuls devant une juridiction paritaire, il leur faudra demain avoir recours au ministère d'un avocat.
Ce phénomène de « reclassification » s'accompagne d'une nouvelle réorganisation du code du travail. Vous avez choisi volontairement de scinder différents articles, afin, dites vous, « qu'à chaque article corresponde une idée ». Agir ainsi, c'est méconnaître la spécificité du droit du travail qui, par son caractère jurisprudentiel, appelle à l'affirmation de la règle générale, suivie de l'exception. Recodifier en affirmant dans un article la règle et dans un autre l'exception, c'est nier le lien juridique entre les deux, l'exception devenant aussi importante que la règle. Cela me fait craindre le pire.
En dissociant artificiellement les articles, ne préparez-vous pas une réforme de plus grande ampleur encore, que vous appelez « modernisation du marché du travail » et qui résonne dans les têtes des partenaires sociaux comme « libéralisation du marché du travail » ?
S'écroule aussi votre argument tendant à faire croire que cette entreprise vise à simplifier le code du travail.