Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cela a été dit avec beaucoup de force par nombre d’intervenants : il faut que les choses bougent ! Je ne saurais mieux dire.
Voilà un texte d’une extrême importance, un immense défi à relever et, d’emblée, je voudrais avoir une pensée pour les victimes et leurs familles.
Je tiens aussi, dès cet instant, à rendre un hommage appuyé à la mission commune d’information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia, à ses membres, bien sûr, et, plus particulièrement, à son président, Bruno Retailleau, et à son rapporteur, Alain Anziani.
Je veux d’abord les féliciter pour la qualité de leur rapport intitulé Xynthia : une culture du risque pour éviter de nouveaux drames. Tout est dit en quelques mots. Il est en effet très vrai que, si les catastrophes naturelles ne peuvent être évitées, les drames que celles-ci provoquent pourraient, eux, souvent l’être.
Voilà, en tout cas, une initiative qui aura déclenché une vaste réflexion collective pour comprendre ce qui s’est passé et faire en sorte que de tels drames ne se reproduisent plus.
Je veux ensuite féliciter Bruno Retailleau et Alain Anziani pour leur initiative visant à formaliser, par ces deux propositions de loi, les recommandations de nature législative de la mission. Je pense en effet qu’il était capital de tirer toutes les conséquences de ces catastrophes naturelles, tout en faisant, comme cela a été dit, « un juste partage entre la fatalité, d’une part, et la prévention des risques, d’autre part ».
Globalement, le groupe socialiste est favorable à ces deux propositions de loi et aux principales dispositions qui nous sont soumises, à quelques remarques près, qui justifient d’ailleurs nos amendements. J’espère que, à l’issue de notre discussion, on pourra dire, comme vous l’avez vous-même souligné, monsieur le rapporteur, qu’il y a eu un avant et un après Xynthia.
Notre pays est de plus en plus souvent confronté à des phénomènes météorologiques extrêmes et, donc, à de nombreuses inondations ou submersions marines. Je citerai, à titre d’exemple, la tempête Xynthia en Charente-Maritime et en Vendée, les récentes inondations dans le Var ou encore les terribles inondations dans l’Aude, en 1999. Dans tous les cas, ils ont provoqué des drames et des traumatismes durables. D’ailleurs, l’Aude, sur l’initiative de son conseil général et de son président, Marcel Rainaud, a, depuis lors, lancé un très important plan de prévention des crues : 130 PPRI et autant de plans communaux de sauvegarde.
Cela dit, la multiplication de ces phénomènes météorologiques liés au dérèglement climatique, qui ne vont malheureusement aller qu’en s’aggravant, doit impérativement et urgemment être prise en compte, notamment dans cette spécificité des risques que sont les submersions marines. En effet, jusqu’à présent, les plans de prévention des risques consacrés aux inondations ne traitent que des seuls risques de crues. Il faut le souligner avec d’autant plus de force que nous assistons, depuis ces dernières années, à un nouveau phénomène, je veux parler de la littoralisation, c’est-à-dire l’accroissement de l’occupation humaine des régions côtières. (.)
Dans un tel contexte, gardons-nous aussi d’omettre de prendre en compte cet autre phénomène qui résulte du réchauffement climatique : je veux parler de la hausse du niveau des océans et des mers. Ainsi, les extrapolations générales conduisent les chercheurs à prévoir une hausse évaluée entre quarante centimètres et un mètre à l’horizon de 2100 compte tenu des incertitudes concernant l’évolution des régions polaires. Voilà encore un élément à prendre en compte dans la perspective des mesures d’adaptation possibles et de la mise en œuvre des PPRI.
Ne faut-il pas considérer l’interdiction de constructions nouvelles, dans la « bande de cent mètres », comme un minimum ? À ce propos, nous reprenons volontiers l’amendement de M. de Legge. Examiné en commission mais non retenu, il permettrait notamment d’étendre la « bande de cent mètres » par le PLU pour limiter l’exposition des populations aux risques naturels.
Dois-je préciser que, à ces problèmes d’origine plutôt météorologique, il faudrait ajouter la prise en compte de certains autres phénomènes, d’origine géologique, tels que les séismes sous-marins et autres instabilités gravitaires susceptibles de provoquer ces phénomènes que sont les tsunamis ? Nulle mer, nul océan sur la planète n’est à l’abri de ce risque, et la France ne l’est pas davantage ! Il est à noter que ce type de risque est tout à fait distinct, dans ses causes et dans ses effets, de celui qui est relatif aux submersions marines issues des tempêtes.
Ces particularités plaident donc pour une prévention et une gestion particulières de ce risque avec, notamment, des dispositifs d’alerte totalement distincts des dispositifs d’alerte météorologique.
Croyez-moi, chers collègues, de tels phénomènes ne se manifestent pas que chez les autres ! Je laisse chacun libre de son interprétation, mais je tiens à le dire, sur trente ans, la décennie 2001-2010 est celle qui a connu le plus grand nombre d’événements dans le monde. Pour ce qui est de la France, les inondations par crues ou submersions marines arrivent largement en tête des événements dramatiques. On en a relevé cent trente-six en dix ans, comme Alain Anziani l’a rappelé tout à l’heure. Quant à l’année 2010, elle fut l’une des plus meurtrières depuis vingt ans. Qu’en sera-t-il de l’actuelle décennie ?
Et pourtant, une fois retombée l’émotion, l’oubli s’installe trop fréquemment ! Dès lors, entretenir le souvenir de tels drames serait certainement l’une des garanties qu’ils ne se reproduiront pas ou se reproduiront moins, à la condition aussi et surtout que nous développions une réelle culture du risque, comme savaient le faire avec efficacité nos anciens.
Or les nouvelles populations, aux cultures souvent plus urbaines, et au-delà d’elles, les nouvelles générations n’ont plus cette culture du risque. Pourtant, seules les sociétés qui auront su développer une culture des dangers de la nature et de la mer seront suffisamment préparées pour se protéger.
Oui, il importe par-dessus tout de redonner vie à cette culture et de la maintenir vivante, à l’image de certains pays, comme les Pays-Bas ! L’institution d’une journée nationale de prévention des risques naturels devrait, en partie, nous y aider, de même que les exercices de simulation, les actions de sensibilisation de terrain, dans le cadre de la mise en œuvre de plans communaux de sauvegarde destinés à être régulièrement diffusés auprès des populations concernées.
Pour l’heure, le constat est plutôt amer : en permettant à des populations de s’installer dans des zones à risque, force a été de constater qu’un aléa naturel pouvait alors se transformer en désastre. Que n’a-t-on remarqué plus tôt que le territoire français n’était couvert que partiellement par des PPRI et que les communes littorales l’étaient encore moins ! C’est aussi un impératif : l’urbanisme doit, de manière contraignante, s’adapter aux conclusions des PPRN.
Je suis donc très heureux de constater que les deux propositions de loi identiques de nos collègues Retailleau et Anziani apportent suffisamment de réponses aptes à concilier la gestion du risque et l’aménagement de l’espace littoral. À quelques remarques près, nous approuvons, je le répète, l’ensemble des dispositions de ces textes. Effectivement, comme cela a été récemment souligné, il y a une véritable priorité à réduire la vulnérabilité, à améliorer la chaîne prévision-alerte, à porter l’effort sur les plans communaux de sauvegarde et, surtout, à conforter les ouvrages de protection.
Concernant les ouvrages de protection, je m’associe bien volontiers aux fortes demandes de Bruno Retailleau et d’Alain Anziani visant à porter à 40 % le montant de l’aide fournie par le fonds Barnier dans les zones où les PPR sont prescrits, et non plus seulement approuvés.
Se pose aussi un problème majeur : la clarification du régime de propriété des digues. Selon le rapport du Centre européen de prévention du risque d’inondation, le CEPRI, instance présidée par notre collègue Éric Doligé, 3 000 kilomètres sont en bon état et 5 600 kilomètres sont dans un état très dégradé. J’imagine que la proportion doit être la même pour les quelque 500 kilomètres de digues contre les submersions marines. Combien d’années faudra-t-il pour conforter tout cela ? Quinze ans ? Vingt ans ? Et je ne parle pas du casse-tête consistant à trouver les propriétaires ! Trois mille kilomètres de digues seraient sans propriétaires identifiés. Faudra-t-il modifier l’arsenal législatif concernant la reconstitution de propriété et l’organisation de la gestion ?
J’aborde maintenant un autre point, qui porte toujours sur les ouvrages de protection.
À l’article 1er, nous proposerons d’entériner le principe dit de « transparence des digues », selon lequel, dans la délimitation du zonage des PPR, les surfaces qui seraient atteintes par les eaux, si les digues venaient à être rompues ou submergées, doivent être considérées comme inondables. Il s’agit d’éviter une sorte d’illusion de sécurité créée par les digues, ce qui limiterait d’autant la culture du risque.
Il est un autre sujet de préoccupation que nous souhaitons dissiper par voie d’amendement. Nous considérons que le souci de mise en cohérence des aménagements opérés sur un territoire face au risque d’inondation doit aussi viser les infrastructures de transports susceptibles de constituer, dans une zone inondable, un facteur aggravant par le blocage ou le ralentissement de l’écoulement des eaux et, par conséquent, de mettre en danger les populations. Je pense, hélas ! à un exemple bien précis que j’évoquerai lors de l’examen des articles.
Par ailleurs, je salue l’initiative consistant à intégrer, dans l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme, qui définit les dispositions générales communes aux SCOT, aux PLU et aux cartes communales, un nouvel objectif de protection des vies humaines face aux risques naturels majeurs. Jusqu’à présent, cet objectif n’était mentionné que dans le code de l’environnement.
Je salue également la volonté des auteurs de ces deux propositions de loi identiques de « faire coïncider parfaitement la carte du risque et la carte d’occupation des sols ».
Nous partageons aussi le souhait de la commission et de son rapporteur, d’une part, de rétablir dans le texte le droit actuel aux termes duquel les PPR valent servitude d’utilité publique et, d’autre part, de prévoir que toutes les dispositions contraires au PPR doivent être supprimées des PLU, des cartes communales ainsi que des SCOT, selon le souhait de notre collègue Alain Anziani.
Nous souhaitons par ailleurs que les plans communaux de sauvegarde soient mis en place dans les communes littorales, notamment dans les cas où le risque de tsunami serait visé dans le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques.
Bien sûr, les articles tendant à rendre prioritaires les appels d’urgence en cas de crise ou l’article visant à compenser les pertes de bases d’imposition à la suite d’une catastrophe naturelle recueillent notre entier soutien.
J’en viens maintenant à deux points qui n’emportent pas totalement notre adhésion.
Sur le premier, je n’ai plus rien à ajouter aux propos que j’ai tenus en commission, puisque vous avez eu l’heureuse idée, monsieur le rapporteur, de proposer la suppression de l’article visant à moduler les primes et cotisations additionnelles d’assurance en fonction du risque de catastrophe naturelle.