Intervention de Annie David

Réunion du 26 septembre 2007 à 15h00
Code du travail — Article 3, amendements 65 66 68 3

Photo de Annie DavidAnnie David :

La commission ayant décidé de rejeter les amendements n° 65 et 66 tendant à prolonger le congé de maternité, il ne me reste plus qu'à défendre l'amendement n° 68. Il vise à supprimer la disposition de l'article 3 du projet de loi autorisant à reporter à la période postnatale trois semaines de congé prénatal.

Je vous entends déjà me répondre que cette mesure offre plus de souplesse aux salariées - vous venez d'ailleurs de le dire, madame le rapporteur -, qu'elle leur permet de gérer au mieux leur grossesse et leur congé en fonction de leur situation particulière.

Je crains malheureusement que vous ne méconnaissiez une réalité inhérente au contrat de travail, à savoir le lien de subordination existant entre le salarié et l'employeur ou, autrement dit, l'existence d'un rapport inégalitaire entre employés et employeurs, toujours au bénéfice de ces derniers.

Le présent projet de loi a pour postulat un mythe : celui selon lequel le salarié pourrait discuter à égalité avec son employeur.

Je crains également que vous ne méconnaissiez les conditions de travail des femmes dans l'entreprise : souvent moins bien rémunérées que leurs collègues masculins, elles bénéficient d'un avancement limité et font l'objet de discrimination à l'embauche, notamment parce que l'employeur craint que la salariée ne fasse un jour le choix de devenir mère.

Dans les faits, que va-t-il se passer ? Pour comprendre les implications de ce projet de loi, il faut en effet se projeter dans la vie de l'entreprise. L'employeur pourra demander à une salariée de reporter son congé de trois semaines. Bien sûr, légalement, celle-ci pourra refuser, mais, dans le contexte de pression sociale et de concurrence que connaît le monde du travail, il y a fort à craindre qu'elle n'accepte, en contradiction avec ses aspirations personnelles ou des exigences médicales.

J'ai déjà évoqué l'importance du congé pathologique, qui est prescrit dans 77 % des grossesses. J'ajoute qu'il est également important compte tenu du nombre trop élevé de naissances prématurés.

S'il était adopté en l'état, votre projet de loi reviendrait à supprimer le droit au congé pathologique en cas de report demandé par la salariée. En effet, ces deux congés ne peuvent être additionnés, votre texte prévoyant expressément que le congé postnatal sera diminué du temps correspondant à la durée du congé pathologique.

Il est urgent de supprimer cette disposition, pour les salariées, qu'il convient de protéger contre d'éventuelles pressions de l'employeur, et pour la santé publique.

Mais il est vrai qu'en matière de protection de la maternité, la France a rarement été en avance ou porteuse de nouveaux droits pour les futures mamans. Ainsi, alors que la première convention internationale sur la maternité, proposée et adoptée par l'Organisation internationale du travail, date de 1919, elle n'a été ratifiée par la France qu'en 1950 !

Cette convention, qui portait à l'origine le n° 3, porte aujourd'hui le n° 183, après deux révisions. La première a eu lieu en 1952 : elle visait principalement à prendre en compte l'évolution favorable des législations et des pratiques nationales, notamment la création des systèmes de sécurité sociale. La seconde révision a été opérée en 2000 : les employeurs et les gouvernements des pays parmi les plus riches du monde ont alors tout tenté pour réduire la protection des femmes enceintes au travail, relayés à l'échelon européen par la Grande-Bretagne ! Les employeurs se sont battus pour que la protection de la maternité soit adaptée aux besoins et à la situation des entreprises, appelant de leurs voeux, notamment, la flexibilité !

Je vous demande donc aujourd'hui d'être porteurs d'une autre conception de la protection de la maternité et d'adopter l'amendement n° 68.

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