Intervention de Thomas Lenk

Commission des affaires européennes — Réunion du 18 juillet 2018 à 17h35
Politiques commerciales — Audition commune sur l'union européenne et l'extraterritorialité des sanctions américaines de mmes claire cheremetinski direction générale du trésor christine lepage medef karine demonet banque publique d'investissement et de M. Thomas Lenk ambassade d'allemagne

Thomas Lenk, ministre conseiller et directeur des affaires économiques et financières de l'ambassade d'Allemagne :

Je vous remercie de m'avoir invité, car ces problèmes nous concernent tous. Comme l'a dit il y a trois semaines notre ministre des affaires étrangères, nous devons réajuster notre relation transatlantique en raison des changements d'environnement et de la politique menée à Washington. Cela signifie qu'il faut faire, dans certains domaines, contrepoids aux mesures qui franchissent nos lignes rouges. Cela présuppose une alliance aussi étroite que possible entre la France et l'Allemagne.

Sur le fond, on partage votre analyse, monsieur le rapporteur, ainsi que les propos de Mmes Cheremetinski et Lepage. Le problème de l'extraterritorialité n'est pas nouveau : on pensait que tout irait mieux, même après l'accord avec l'Iran en 2015, mais les problèmes rencontrés par les entreprises ont persisté. L'une des raisons est le décalage décrit entre les sanctions et la logique politique des sanctions américaines et européennes. Quel est l'objectif exact des sanctions ? Le renoncement au JCPoA et les nouvelles sanctions envers la Russie ont accru les problèmes au cours des derniers mois. Les entreprises allemandes sont aussi concernées par cette situation. Je n'ai pas moi non plus de solution à vous proposer. Les options sont très limitées. J'en suis d'accord, il n'y a pas de solution juridique, il faut chercher des solutions politiques et des mesures économiques. La solution idéale serait que les États-Unis renoncent à l'application extraterritoriale.

Les entreprises se demandent comment elles peuvent réduire leur exposition au dollar. Mais, concernant les entreprises les plus importantes, 90 % ou 95 % des projets sont financés avec la participation de banques américaines. Le choix est donc très clair, elles ne vont pas risquer d'encourir des sanctions américaines.

The Blocking Regulation a été parfois critiqué, au motif que cette directive était purement symbolique. Pour notre part, nous soutenons sa mise en application à partir du 6 août : nous y envoyons là un signal politique, celui que nous ne sommes d'accord ni sur le fond ni sur la méthode. Il est important de ne pas donner d'accord tacite aux autorités américaines. La transparence de ce règlement sur la législation et la pratique des pays tiers est essentielle. Il importe que les entreprises de taille moyenne soient éclairées sur les sanctions. Nos entreprises et nos banques renoncent à agir parce qu'elles ne savent pas si elles tombent sous le coup des sanctions. Se pose le problème de la surconformité. Le secteur bancaire allemand est beaucoup moins consolidé que ne l'est le secteur bancaire français. Beaucoup de PME du Mittelstand qui exportent ont des liens avec des banques assez petites, mais le problème reste le même. Pensons au-delà ; la France nous a donné certaines idées pour compléter le règlement actuel afin de mieux protéger les entreprises.

Les entreprises allemandes sont confrontées à des obligations légales contradictoires, européennes et nationales. La législation allemande interdit de participer au boycott d'un autre État. Elles sont entre le marteau et l'enclume.

Ce droit à la protection reste encore un peu flou et serait plutôt une politique économique. Compte tenu des niveaux de pertes en jeu, étendre le droit à l'indemnisation à toutes les sanctions unilatérales serait irréaliste.

Il est très important qu'une Europe unie maintienne un dialogue approfondi avec les Américains. Renforçons les moyens de l'Union européenne par un OFAC européen ou par le renforcement du SEAE.

- Présidence de M. Jean Bizet, président - 

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