Monsieur le ministre, vous avez indiqué à l’Assemblée nationale, le 2 juin dernier, que la vente de 40 000 logements sociaux par an permettra la construction de 100 000 à 120 000 logements sociaux. Ce ratio – un logement vendu pour trois construits –, qui sonne, au passage, comme une belle campagne de publicité, a été repris de nombreuses fois pour justifier la vente de notre parc de logements sociaux. J’ai donc recherché les sources de cet argument.
Selon l’étude d’impact du présent projet de loi, 2, 4 millions de logements pourraient être créés grâce à la vente de 800 000 logements. En guise de source est cité le rapport d’information de 2013 des députés Christophe Caresche et Michel Piron, qui lui-même cite l’audition du 22 mai 2013 sur les aides à la construction de logements sociaux. Le même argument y est soutenu par le fait que la vente de 1 % du parc social, soit 40 000 logements, dégagerait quelque 2 milliards d’euros, permettant la construction de trois fois plus de logements neufs.
Or il se trouve que c’est exactement la phrase qu’a prononcée Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme sous la présidence de M. Sarkozy, qui cherchait ainsi à justifier les accords de 2007 qui fixaient un objectif identique à celui d’aujourd’hui, de 40 000 ventes par an. En plus de reprendre cet objectif, fondé à l’époque sur le nombre d’HLM restant à vendre au 31 décembre 2007, le Gouvernement reprend donc le même argument !
Or, lorsqu’on se penche sur cet argument vieux de onze ans et utilisé aujourd’hui pour justifier cet article 29, on s’aperçoit qu’il n’est issu ni d’une étude scientifique ni de statistiques sérieuses, mais d’une prévision très hypothétique.
Celle-ci reposait sur trois prérequis : que lesdites ventes génèrent 2 milliards d’euros – cela représente tout de même 50 000 euros de plus-value nette par logement –, que ces 2 milliards d’euros permettent l’octroi de 8 milliards d’euros de prêts à la construction par les banques, et surtout que la totalité de la plus-value effectuée par les sociétés de vente d’HLM soit réinvestie dans la construction.
Si l’on peut fortement douter que de tels prérequis soient satisfaits dans le futur – ils ne l’ont d’ailleurs pas été à l’époque –, ils sont surtout issus d’une autre décennie et totalement obsolètes : ni le marché du logement social ni les conditions d’octroi de prêts par les banques ne sont identiques à ceux de 2007.
Face à cette incertitude statistique, optons pour un principe de précaution, et préservons notre parc locatif social !