Intervention de Michelle Gréaume

Réunion du 23 juillet 2018 à 21h30
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Article 49

Photo de Michelle GréaumeMichelle Gréaume :

Si nous défendons l’encadrement des loyers dans son principe, c’est son application selon l’article 49 que nous condamnons. L’encadrement des loyers prévu par le projet de loi ÉLAN est en effet doublement fictif.

D’une part, étant optionnel et temporaire, il enterre les caractères d’automaticité et de durabilité du dispositif ALUR de 2014. Le caractère « expérimental » de l’encadrement des loyers du projet de loi ÉLAN semble particulièrement superflu, dans la mesure où le dispositif ALUR, qui a été en vigueur pendant près de quatre ans à Paris et à Lille, a déjà montré des effets positifs en termes de stabilisation des prix. L’augmentation des loyers est passée de 10 % avant 2015 à seulement 1 % après la mise en place de l’encadrement. À Paris, dès le lendemain de la décision du tribunal administratif de supprimer le dispositif, certaines annonces des sites de location affichaient des loyers supérieurs de 30 % à ceux qui étaient affichés la veille !

D’autre part, l’ambiguïté juridique autour des critères et conditions – « un écart important entre le niveau de loyer moyen du parc privé et du parc social » ou encore « un niveau de loyer médian élevé » – sont tels que la mise en œuvre du dispositif devient, de fait, une prérogative gouvernementale. Ce dispositif s’inscrit ainsi dans un mouvement plus large de recentralisation des compétences, le Gouvernement accaparant le pouvoir décisionnel et appréciatif concernant les critères, laissant à la collectivité un simple pouvoir de négociation.

À cela s’ajoute la complexité juridique de cette politique, que l’on retrouvait aussi dans la loi ALUR de 2014. La décision du Conseil d’État du 15 mars 2017 d’annuler l’encadrement des loyers, restreint par le gouvernement Valls à Paris et à Lille, a mis en cause non seulement la faiblesse du périmètre d’application, mais aussi la complexité du dispositif ALUR, par lequel la loi s’applique après prise d’un décret d’application puis d’un arrêté par chaque préfet.

Si « simplification » semble être le mot d’ordre du Gouvernement, désireux de casser les acquis collectifs de notre République, il semble lui préférer la complexification juridique lorsqu’il s’agit de réguler le marché. Pourtant, une régulation des loyers obligatoire dans toutes les communes dites « tendues » et mise en place par la loi permettrait le contournement des problèmes que pose l’insécurité juridique et garantirait efficacité et pérennité dans l’encadrement des loyers, cela dans le respect du principe d’égalité territoriale.

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