Intervention de Julien Denormandie

Réunion du 23 juillet 2018 à 21h30
Évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Article 51

Julien Denormandie :

Je souhaite rebondir sur un point très particulier des propos de M. Laurent.

Vous avez mille fois raison, monsieur le sénateur, c’est un véritable sujet. Dans certains arrondissements de grandes villes, cela devient même un problème très compliqué.

Vous avez cité des chiffres qu’il est très difficile d’établir de manière précise. Même s’il n’y a pas 20 000 logements concernés, de manière certaine, ce sont des milliers d’appartements qui ont quitté ces dernières années le marché de la location et ne sont loués que via des plateformes touristiques.

Nous avons passé beaucoup de temps à chercher quel était le véritable problème. Classiquement, on dit qu’il s’agit du nombre de nuitées, les fameux 120 jours. Je rappelle que le critère de 240 jours d’occupation par un propriétaire permet de définir le caractère de résidence principale. Intuitivement, dès que l’on évoque les plateformes collaboratives, on se dit qu’il suffit de diminuer la durée de 120 jours à 90 jours ou 60 jours, et que cela réglera le problème.

Pourtant, après avoir beaucoup travaillé sur ce sujet et mené bien des consultations, je suis convaincu que le nombre de nuitées n’est pas le véritable problème. Par ailleurs, je considère que la possibilité pour un particulier de louer sa résidence principale pour mettre du beurre dans les épinards, si j’ose dire, et de proposer à d’autres personnes de venir chez lui est une bonne chose. Les plateformes ont donc une véritable utilité en termes de pouvoir d’achat et de mobilité.

Je pense véritablement que le problème, ce ne sont pas les 120 jours, mais le fait – vous l’avez dit, madame la sénatrice – que des personnes achètent des résidences secondaires en vue de louer uniquement via des plateformes collaboratives. Nous en avons déjà parlé ici vendredi dernier.

Un élément permet d’étayer ce que je dis : les appartements qui, dans certaines villes, disparaissent des enregistrements et ne sont plus des résidences principales. On a vu, au cours des dernières années, qu’il y avait un nombre important – en tout cas, hors normes par rapport à la tendance habituelle – de résidences qui n’étaient plus principales. La principale explication du phénomène, c’est celle-là !

Avec cet article, nous souhaitons empêcher qu’un certain nombre de propriétaires achètent des appartements de 30, 40 ou 50 mètres carrés, les enlèvent du marché de la location et les louent uniquement sous forme de meublés touristiques.

Dans cette perspective, nous avons marché sur deux jambes.

D’une part, nous avons prévu des sanctions plus fortes, s’agissant notamment des numéros d’enregistrement et des annonces qui restent sur les plateformes, alors même qu’elles ne sont pas conformes à la législation. Nous avons significativement augmenté les sanctions parce que les règles doivent être respectées.

D’autre part – cet élément ne figure pas dans la loi parce qu’il relève, si j’ose dire, du domaine contractuel –, les plateformes ont pris, il y a maintenant un mois et demi, quatre engagements devant le Gouvernement.

Premier engagement, les plateformes vont mettre en place des systèmes automatiques permettant de « caper » les réservations. Autrement dit, une personne ne pourra plus mettre en location sur le site dès qu’elle aura dépassé la durée de 120 jours. Cela n’existait que dans deux arrondissements de Paris, et nulle part ailleurs. Demain, les plateformes mettront en place ce système dans toutes les villes concernées par les enregistrements d’usage.

Deuxième engagement, à partir du début de l’année 2019, les plateformes proposeront deux voies d’enregistrement complètement différentes : soit comme résidence principale, soit comme résidence secondaire. Dans le deuxième cas, on vous rappellera de manière évidente la réglementation et les sanctions qui pourraient vous être appliquées en cas de non-respect de celle-ci, sanctions que nous renforçons, y compris pour les particuliers, dans le projet de loi.

Troisième engagement, les plateformes vont « nettoyer » leurs bases de données.

Pour vous donner un exemple très concret – je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé, mais c’est mon cas –, vous êtes invité à dîner chez quelqu’un qui a pris une location touristique et vous vous rendez compte qu’il n’y a dans cet appartement que des tours Eiffel ou des guides de Paris ! Ce n’est manifestement pas une résidence principale, ou alors la personne a un goût en matière de décoration qui me dépasse un peu !

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